Page images
PDF
EPUB

s'affocia quelques Eccléfiaftiques pour vivre en communauté & former le Seminaire, qui depuis eft devenu fi fameux. Louis XIV approuva cet établiffement par Lettres-Patentes en 1645. Le Fondateur mourut en 1658 âgé de quarante-huit ans. Ses Lettres ont été imprimées à Paris chez Langlois en 1672. On y trouve une fpiritualité fort finguliere & beaucoup de vifions. Elles donnent une étrange idée de ce Directeur qui a fait tant de bruit en fon temps. Nous n'en rapporterous qu'un trait qui fuffira pour le faire

connoître.

M. Ollier raconte qu'une Religieufe de Langeac, dont Pébrac n'eft pas éloigné, pafla pour lui trois ans en prieres & en pénitence. » Un jour, dit-il, étant dans la retraite où je me difpofois pour entreprendre le premier voïage de la miffion d'Auvergne, je vis cette fainte ame venir à moì. Quoique je fuffe effectivement affis, néanmoins j'étois à genoux en efprit. Elle portoit en une main un Crucifix, & un Chapetet de l'autre. Son Ange parfaitement beau, portoit la queue de fon manteau d'une main, & un mouchoir de l'autre, pour recevoir les larmes dont elle étoit baignée ; & avec un vifage pénitent & afflige elle m'a dit : Je pleure pour toi ; ce qui me donna beaucoup au cœur, & me remplit d'une douce tristerfe. J'ai même fon Crucifix, & j'ai reçu fon mouchoir plein de faintes larmes. Son boa Ange que l'on croit être un Seraphim..... m'a été donné l'avant - veille du jour que j'appris la mort.... Etant à la campagne, voilà un Ange qui fond fur moi, comme un Aigle feroit fur fa proic; & comme il

m'embrafloit, j'entendis ces paroles de mon
bon Ange: Honore bien l'Ange qui eft auprès
de toi ; c'eft un des plus grands qui fe foit donné
à créature fur la terre. J'avois bien reffenti
quelques careffes du bon Ange de la Paroif-
fe..... A celui-ci je me fouviens que paf-
fant par les rues de Paris peu de temps
après, (c'étoit fur le pont Notre-Dame, ou
ifvit les Anges de tous les Marchands) il
me fembla que je voïois les hommages &
les grands refpects que tous les autres An-
ges
lui rendoient. Or le jour que j'appris la
nouvelle de cette mort, auffi-tôt touché, je
m'en allai devant le Saint Sacrement....
j'entendis une voix dans mon cœur, qui
parloit du Tabernacle, qui me dit: Je t'ai
laiffe mon Ange: paroles qui me fortifie-
rent tellement, qu'elles m'empêcherent de
pleurer & de m'affliger davantage. » ( Voïez
la quarante-deuxième des nouvelles Lettres
de M. Nicole).

VII.

IX.

Cette même année 1646 on acheva les bâtimens & les autres ouvrages de l'Ile de Aggrandiffement de S. Louis, qui avoient été commencés quelParis. Suite que temps auparavant. Le Roi donna dans de la guerre le même temps des Lettres-Patentes, pour entre les permettre au Prevôt des Marchands & aux Princes Echevins de dreffer des rues, & de conftrui- Chrétiens. re des édifices à la place des anciennes forti- Traité de fications de la Ville, qui devenoient fort Munster & inutiles. Le Pont-au-Change qui avoit été d'Ofnabrûlé en 1621, & qui n'étoit que de bois, fut rebâti de pierres de taille avec tant de folidité, qu'on éleva deffus deux rangs de maifons, comme on le voit encore aujourd'hui.

bruc.

1646.

1647.

8648.

Les troupes du Roi commandées en Flandre par le Duc d'Orléans, en Allemagne par le Maréchal de Tuienne, & en Lorraine par le Marquis de la Ferté, prirent treize Villes. Mais fur la fin de l'année la France perdit le Prince de Condé pere du Duc d'Anguien, & ce Duc prit depuis le nom de Prince de Condé à qui fa valeur a fait donner le furnom de Grand. L'année fuivante ne fut pas heureuse pour la France. Les Plénipotentiaires pour la paix continuoient leurs conférences. Les Catholiques s'aflembloient à Munfter, & les Proteftans à Ofnabruc. Les Hollandois s'accommoderent avec l'Efpagne, & faciliterent ainfi plufieurs conquêtes a l'Archiduc Leopold frere de l'Empereur, qui n'avoit plus à craindre leur diverfion. Le Maréchal de Turenne en conféquence du Traité figné avec la Baviere, eut ordre de repaffer le hin. L'Electeur croïant n'avoir plus rien à craindre, fe rejoignit à l'Empereur. La guerre étoit aufli vive en Allemagne que fi la paix n'avoit pas été prête à se faire. Le Maréchal de Turenne alla joindre les Suedois dont il s'étoit féparé l'année précédente par ordre de la Cour, & fe jetta dans la Baviere, pour punir le Duc de l'infraction qu'il avoit faite à la neutralité à laquelle il s'étoit engagé. Mélander & Montecuculli, furent battus près d'Aufbourg. Le Duc de Baviere qui étoit dans un âge fort avancé fut contraint de fe fauver de fes Etats qui furent faccagés Les Suedois pillerent le Château & la Ville de Prague, où ils firent un butin immenfe. Mais les nouvelles de la paix mirent fin à cette guerre. Le Traité fut figné à Munfter le 30 de Janvier entre Efpagne & la Hollande.

Le

Le Roi d'Espagne renonçoit pour lui &. fes fucceffeurs à tout droit fur les Provinces-Unies, qu'il reconnoiffoit pour Etats libres & Souverains. Cette paix qui privoit la France de l'alliance de la Hollande, malgré les affurances qu'avoit données cette République de ne jamais s'en féparer, encouragea l'Efpagne à de nouveaux efforts contre la France, qui s'affoibliffoit par les guerres civiles dont nous allons bientôt parler. Le Prince de Condé qui commandoit nos troupes en Flandre, remporta le 20 d'Août dans la plaine de Lens une victoire complete fur l'Archiduc Leopold. Elle accéléra la paix avec l'Empereur. Le Traité de Munster fut figné le 24 d'Octobre. On y convint qu'il ne fe feroit rien dans l'Empire fans l'avis & le confentement d'une affemblée libre de tous les Etats de l'Empire; que chacun defdits Etats jouiroit à perpétuité du droit de faire entre eux & avec les étrangers des alliances pour leur fureté & pour leur confervation, pourvû qu'elles ne fuffent pas contre l'Empereur & l'Empire: que par rapport à la France, la fuprême Seigneurie fur les Evêchés de Metz, Toul & Verdun & fur Moïenvic lui appartiendroit ; que l'Empereur céderoit au Roi le Landgraviat de la haute & basse Alface, &c. Par le Traité d'Ofnabruc entre la Suede & l'Empire, on céda à perpétuité à la Couronne de Suede toute la Pomeranie citérieure, l'ifle de Rugen, Stetin & d'autres places dans la Pomeranie ultérieure, les embouchures de l'Oder, l'Archevêché de Bremen, l'Evêché de Ferden, &c. Ces Traités font regardés comme le Code politique d'une partie de Tome X..

Q

X.

mis en cette ville.

l'Europe, & ont été depuis le fondement de tous ceux qui ont été faits par les mêmes Puiffances. Le Pape & les Venitiens avoient été les médiateurs de cette paix.

VIII.

Le Cardinal Mazarin avoit fait venir Etabliffe- de Rome à Paris quelques Théatins, parmi ment des lefquels il fe choifit un Confeffeur. Voulant Théatins à leur procurer un établiffement dans cette Paris.Sacri- Ville, il acheta une maifon fituée fur le leges comQuai qui eft vis-à-vis des galleries du Louvre. Henri de Bourbon ou Verneuil Evêque de Metz, comme Abbé de S. Germain-desFrés permit cet établiffement. Les Théatins y entrerent en 1648, & le Roi s'y transporta avec toute la Cour. Le Parlement n'enregistra leurs Lettres-patentes qu'en 1653. C'eft la feule maifon que les Théatins aient en France leur Ordre eft affez étendu en Italie. Nous avons vu ailleurs leur origine. Ils n'eurent d'abord qu'une petite chapelle dans leur maifon de Paris. Mais le Cardinal Mazarin leur légua par fon teftament une fomme pour bâtir une églife. Elle fut commencée d'un deffein hardi & fingulier en 1662, & les travaux aïant difcontinué faute de fonds, ils n'ont été repris qu'en 1714. Il fe commit en moins d'un mois deux facrileges à Paris, l'un à S. Sulpice, l'autre à S. Jean en Grêve. Des voleurs forcerent le Tabernacle, enleverent le faint Ciboire, & répandirent les Hofties. On fit des prieres & des proceffions trèsfolemnelles pour réparer ces profanations dont la Reine parut extrêmement affligée. La guerre civile s'alluma dans le même temps.

« PreviousContinue »