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s'exercerent les plus grandes violences au fujet de la Régale, comme nous le verrons bientôt. Dès que l'Ordonnance de M. d'Alet fut publique, on l'envoïa à Paris & en Cour où elle fit grand bruit.

Le Cardinal de Bonzi Archevêque de Narbonne en fut allarmé, & donna ordre à M d'Agen fon Grand-Vicaire, d'aller trouver de la part le faint Evêque, pour lui repréfenter les inconvéniens de fa réfiftance aux ordres du Roi. Le Grand-Vicaire s'étant acquitté de la commiffion, manda au Cardinal de Bonzi, qu'il avoit été touché jusqu'aux larmes de tout ce que lui avoit dit M. d'Alet fur ce fujet, & qu'il ne falloit pas espérer de le faire changer. « Au refte, ajouta M. d'Agen, on ne doit point attribuer cette conduite & cette fermeté aux Eccléfiaftiques de fon Confeil, mais à la feule force de l'Efprit de Dieu qui agit en lui. » Le Cardinal de Bonzi qui vouloit faire fa cour & cependant ménager fon refpectable fuffragant, écrivit une feconde lettre plus forte, mais auffi inutile que la premiere. Il menaça de lever les excommunications, & de réformer l'Ordonnance de M. d'Alet en qualité de Métropolitain. Enfin il confulta M. Dagueffeau Intendant de Languedoc, fur ce qu'il devoit faire. « Je n'en fai rien, répondit l'Intendant; l'Ordonnance de M. d'Aler eft bonne & juridique, & je ne vois pas fur quel fondement on peut prétendre que la Régale foit ouverte dans un Diocèfe, après trente-huit ou quarante ans de poffeffion.

XI.

M. de Bezons qui pendant fa longue Intendance de Languedoc avoit connu particu- Confeil que liérement M. d'Alet, & qui avoit pour lui donne M.le

feil contre

Tellier. Di- une vénération finguliere, lui écrivit, pour verfes let- le conjurer de s'épargner les chagrins que lui tres de M. attireroit fa réfiftance. M. le Tellier étoit ind'Alet. Ar- confolable de ne pouvoir fervir en cette ocrêt du Con- cafion un Evêque dont il refpectoit infinilui. Il eft ment la piété. Pour le tirer de cette malheuperfécuté. reufe affaire, il avoit été d'avis, qu'on en Plufieurs délibérât dans le Confeil, qu'on laifsât mouEvêques le rir en paix le Prélat, & qu'on ne fît rien félicitent. dans fon Diocèfe, en conféquence des Déclarations du Roi. Cet avis étoit felon les regles d'une bonne politique: mais les Jefuites qui étoient le Confeil fecret de l'Archevêque de Paris, & qui ne vouloient pas de bien au faint Evêque, empêcherent qu'il ne fût suivi. M. d'Alet fit une longue & folide réponse à M. de Bezons. Il écrivit auffi au Cardinal de Bonzi fur les confeils qu'il lui avoit fait donner par M. d'Agen. Enfin il écrivit au Roi une lettre fort touchante, ne fachant pas que fon Ordonnance avoit été caffée par un Arrêt du Confeil. Cet Arrêt lui fut fignifié au mois de Juillet de la même année 1676. En même-temps on exila M. Ragot, Archidiacre d'Alet, à S. Brieux, & M. Digeon Promoteur, à Saint Afrique dans le Diocèle de Vabres. M. Duvaucef Théologal fut auffi exilé l'année fuivante. On ne ceffa depuis de lui enlever les meilleurs Eccléfiaftiques, & de lui caufer toute forte de chagrins. Pour comble d'affliction le fléau de la guerre défoloit fon Diocèfe. Il eut la confolation d'apprendre alors que la plupart des Evêques louoient hautement fon zéle, & s'accufoient eux-mêmes de lâcheté. On fent qu'une telle confolation devoit être mêlée de beaucoup d'amertume. Plufieurs autres Prélats de

Languedoc & de Dauphiné lui écrivoient des
lettres de félicitation, & lui avouoient que
c'étoit la crainte qui les réduifoit au filence.
M. d'Alet étoit d'autant plus affligé de cette
timidité, qu'il croïoit que le Roi, naturel-
lement jufte & modéré fe feroit défifté de
fes prétentions, fi les Evêques de Provence,
de Languedoc & de Dauphiné fe fuffent réu-
nis,
, pour lui faire connoître ce que l'Arche-
vêque de Paris & les autres Courtisans lui
cachoient.

ronne,

XII.

Rien n'étoit plus déplorable que le renverfement caufé dans le Diocèfe d'Alet par les Affaire de troubles de la Régale. On voïoit d'anciens l'Abbé de Titulaires inquiétés dans leur poffeffion par vi en RéFoix pourles Régalistes, & contraints d'aller à Paris gale du fe défendre au Parlement où toutes les caufes Doienné de Régale étoient évoquées. Quelque favo- d'Alet. Le rable que fût cet augufte Tribunal, à la Ré- fain Prélat gale, qui lui paroiffoit un droit de la Cou- écrit au on n'y fuivoit qu'avec beaucoup de Roi. répugnance les Déclarations du Roi, dans certains cas qui paroiffoient odieux, comme de troubler des Titulaires dans la poffeffion ancienne & paifible des bénéfices, dont ils avoient été canoniquement pourvûs. Le procès qui fit alors le plus de bruit, fut celui de l'Abbé de Foix, prêtre Normand, pourvû en Régale du Doïenné de la Cathédrale d'Alet, quoique poffédé depuis plufieurs années par un titulaire. Il arriva à Alet au mois d'Octobre 1676 muni d'un Arrêt du Confeil. L'Evêque lui parla charitablement & fortement fur l'entreprife où il alloit s'engager. « La multitude d'affaires dont le Roi eft accablé, ajouta le faint Prélat, ne lui permet pas d'approfondir celle-ci, dans laquelle on fur

XIII. Suite des troubles que caufe

prend visiblement fa religion. Si j'étois à portée de lui faire là-deffus mes très-humbles remontrances, je fuis perfuadé qu'il feroit ceffer les troubles qu'on excite dans mon Diocèfe. On connoît, dit-il encore, les vrais auteurs de ces troubles. Il y a long-tems que j'éprouve les effets de leur mauvaise volonté pour moi, quoique je ne leur aie jamais donné fujet de me traverfer avec tant d'opiniâtreté. » L'Abbé de Foix comprit parfaitement qu'il vouloit parler des Jefuites, parmi lefquels il avoit deux freres, qui avoient obtenu pour lui le brévet du Doïenné d'Alet par le crédit du P. de la Chaife. Cet Abbé aiant voulu prendre poffeffion malgré les représentations & les menaces du Prélat reçut la premiere monition canonique, qui auroit été fuivie des deux autres & de l'excommunication, s'il n'eût pris le parti de fe retirer dès le lendemain, en faifant fes proteftations. M. d'Alet rendit publique par une Ordonnance cette monition canonique; & Comptant bien que les Jefuites en feroient grand bruit à la Cour, il crut devoit écrire au Roi, pour expofer de nouveau les raifons de fa conduite. M. de Châteauneuf, Secrétaire d'Etat, manda à M. d'Alet pour toute réponse, que le Roi avoit lû fa lettre, & n'en avoit pas été fatisfait.

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L'affaire de l'Abbé de Foix faifoit toujours grand bruit. Un de fes freres, Jefuite, la prit en homme de condition. « Il ne convient pas, difoit ce Jefuite, à un homme de la l'affaire de naiffance de mon frere, de reculer vis-à-vis la Régale de l'Evêque d'Alet. C'eft au Roi à réprimer cèle d'Alet. l'audace de ce Prélat ; & fi Sa Majefté ne le fait pas, l'Abbé de Foix le faura bien faire.

dans le Dio

L'Abbé s'adreffa au Cardinal de Bonzi Métropolitain, & en obtint tout ce qu'il voulut. Mais comme les procédures devoient faire traîner l'affaire, cet Abbé & plufieurs autres Régalistes cbtinrent en 1677 un Arrêt qui leur adjugeoit par provifion les revenus des bénéfices. Peu de temps après, le vrai Doïen d'Alet, malgré les remontrances du faint Evêque, traita de fon Doïenné avec l'Abbé de Foix moïennant une pension & un bénéfice fimple. On apprit en ce tems-là par diverfes lettres de Paris, que le Roi ne vouloit pas pouffer l'affaire de la Régale dans le Diocèfe d'Alet, par des moïens violens, comme quelques flatteurs vouloient l'y enga ger en lui confeillant de le contraindre à révoquer fon Ordonnance, par l'exil, ou par la faifie de fon temporel. M. le Tellier & l'Archevêque de Rheims fon fils détournerent ces mauvais confeils, & perfuaderent au Roi de laiffer mourir en paix un Evêque si vertueux. Il ne fallut pas attendre long-temps; car ce faint Prélat mourut le 8 Décembre de la même année 1677. Nous ferons connoître ailleurs cet Evêque digne des plus beaux fiécles de l'Eglife. Il avoit eu foin d'écrire au Pape Innocent XI, de qui il reçut les brefs les plus confolans. Il avoit aufli écrit à Louis XIV une derniere lettre très-touchante étant au lit de la mort. On a fçu que le Roi en avoit été attendri & fort édifié. M. d'Alet s'étoit oppofé jufqu'au dernier moment aux entreprifes de fon Métropolitain. L'Official de cet Archevêque nommé Dumas, étoit celui qui avoit caffè les Ordonnances du faint Prélat. Le Cardinal de Bonzi ne fe contenta pas de confirmer ce jugement de fon Official;

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