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XXII.

Son dé

vouement

aux Jéfui

tes.

portion à part, comme l'on fert les pélerins
dans le temps du Jubilé. Véritablement toute
la vaiffelle d'argent qui fut emploiée en pro-
fufion au fervice, fut faite exprès, & d'une
forme qui avoit rapport aux uftenfiles ordi-
naires des pélerins..... Les vafes dans lesquels
on fervit le vin, étoient tout-à-fait fembla-
bles aux callebaffes de S. Jacques.
» Ainfi
parle le Cardinal de Retz.

Alexandre VII donna au commencement
de 1657 une preuve fignalée de fon attache-
ment aux Jéfuites. Ces Peres étoient toujours
bannis de l'Etat de Venife; & les follici-
tations du Roi de France en leur faveur
avoient été inutiles. Alexandre VII chargea
fon Nonce d'intercéder auprès du Sénat pour
les rétablir, & de le faire de concert avec
l'Ambaffadeur de France, qui devoit de-
mander inftamment la même grace au nom
du Roi très-Chrétien. Le Sénat aiant mis
l'affaire en délibération, il s'y trouva de la
difficulté, & les voix furent partagées. Les
uns vouloient qu'on obfervât le décret fo-
lemnel de l'expulfion des Jéfuites; d'autres
dirent que la politique autorifoit l'indul-
gence dans des cas d'une auffi grande impor-
tance que celui-ci, où il s'agiffoit d'obliger
le Pape & le Roi de France. Sans les conjonc-
tures où fe trouvoient alors les Vénitiens, les
Jéfuites n'auroient jamais obtenu leur re-
tour, quelque grand que
fûr leur crédit dans
la plupart des Cours de l'Europe: mais heu-
reufement pour eux, la République avoit
alors à foutenir la guerre de Candie. Elle
avoit befoin du Pape pour en tirer quelques
fecours pécuniaires, & des permiffions d'im-
pofer quelques taxes fur le Clergé. Les Chigis

:

de leur côté, avoient encore plus befoin d'argent, pour bâtir leur Palais & établir leur fortune. Dans ces néceffités réciproques, les Jéfuites firent offrir au Pape une fomme confidérable d'argent, & lui firent dire qu'en la diftribuant, ou à fa famille, ou à la République, il feroit grand plaifir à l'une ou à l'autre que la Compagnie ne lui demandoit que d'emploier fes foins ou fon autorité paternelle, à faire en forte que la République voulût bien lever l'Edit de banniffement qu'elle avoit prononcé contre la Société, & la recevoir de nouveau dans fon sein, afin d'y prier Dieu en filence avec les autres Corps Religieux, pour la profpérité de l'Etat, & l'heureufe fin de la fâcheufe guerre dont elle étoit affligée. Le Pape eut égard à une requête fi adroitement dreflée & fi puiffamment foutenue. Les Vénitiens voïant qu'il demandoit fi inftamment le rappel des Jéfuites, & que tous les fecours qu'ils en pouvoient attendre, dépendoient de cette condition, ils y donnerent enfin les mains, & chacun obtint ce qu'il fouhaitoit: la Répu blique du fecours, la Société fon rappel à Venife, & le Pape des fommes qui paroîtroient incroïables, fi l'on ne favoit les moïens qu'ont ceux qui les donnoient, de le pouvoir faire, même fans s'incommoder beaucoup. Le Pape qui venoit de donner aux Jéfuites une marque fi éclatante de fa protection, en obtenant leur rétabliflement à Ve- " nife, ne les favorifa pas moins en France par le fameux Formulaire, dont les Jéfuites devoient faire dans la fuite un fi grand ufage, foit pour obfcurcir les vérités dont ils étoient ennemis, foit pour éloigner des

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!

XXIII.

places tous ceux qui ne leur étoient

vorables.

X I.

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En 1659, fe fit la paix des Pyrénées entre Son oppo- la France & l'Efpagne. Le Pape qui s'atten fition à la doit à l'honneur de la médiation, fut furFrance.

pris & affligé d'apprendre la conclufion du traité. On fit une fimple mention de lui dans le préambule, en difant qu'on ne doutoit pas que les prieres du Pape n'euffent beaucoup contribué à un fi heureux fuccès. L'année fuivante les Vénitiens épuisés par la guerre qu'ils foutenoient contre le Turc, implorerent le fecours de la France, qui leur accorda des troupes, Le Cardinal Mazarin fit plus. If exhorta le Pape à fecourir la Chrétienté contre les Infidélès. Il lui repréfenta que les vic toires qu'on remporteroit furte Turc, fe roient de plus beaux ornemens & de plus glorieux monumens pour lui, que les édifices & les infcriptions dont il avoit rempli toute la ville de Rome. Il l'exhortoit à fe faire le Chef d'une expédition fi célébre, qu'il regardoit comme une Croifade; à y inviter les Princes Chrétiens par fon autorité, & à les y animer par fon exemple. Mais le Pape n'eut aucun égard aux représentations du Cardinal, qu'il n'aimoit pas plus qu'il aimoit la France. Ce fut par un effet de cette haine, qu'il refufa d'écouter ce Cardinal, qui s'intéreffoit pour faire reftituer au Duc de Par me la principauté de Caftro, dont Innocent X s'étoit emparé. Alexandre. VII affembla fubitement fon Confiftoire, & en aïant pris l'avis, il réunit Caftro à la Chambre Apofto lique, le déclarant fujet aux Bulles qui dé

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fendent d'aliéner les Etats réunis à l'Eglife. Dans ces entrefaites, il arriva un accident qui irrita plus que jamais le Pape contre la France. La ratification de la paix étant arrivée d'Espagne à Aix, le Roi Louis XIV ordonna qu'elle fût publiée. Lorfqu'on alloit à laCathédrale pour chanter leTe Deum,le Nonce l'iccolomini y parut avec le rochet.Comme cet ufage n'eft point permis en France, les Maîtres de cérémonie le firent fortir. Le Pape l'aïant appris, en fut indigné. Il s'en prit au Cardinal Miniftre, qui non content, difoitil, d'avoir exclus le Chef des Chrétiens, de la médiation de la paix, faifoit encore fortir fon Miniftre de l'églife, afin qu'il n'eût pas même de part aux actions de graces que tout le monde en rendoit à Dieu.

XXIV. L'Ambatfadeur de

France in

Pendant que la France goutoit les fruits de la paix, & que Louis XI V. fe faifoit aimer de fes fujets, & refpecter de fes Alliés, il reçut à Rome une infulte caractérisée en la fulté à Roperfonne de fon Ambaffadeur. Les Corfes, me. Répaqui faifoient partie de la garde du Pape, & ration éxiqui étoient employés à la fùreté de Rome, gée par outragerent le 20 d'Août 1662 deux ou trois Louis XIV. François de la fuite du Duc de Crequi, Ambaffadeur. Ceux-ci se défendirent, & fe retirerent après avoir reçu quelques bleffures. Les Corfes n'en demeurerent pas là: mais ayant affemblé toutes leurs Compagnies, au nombre de 400 hommes, ils marcherent en armes vers le Palais de l'Ambaffadeur, tambour battant & enfeignes déployées, & conduits par leurs officiers comme à un affaut. Ils fe faifirent de toutes les rues qui y aboutiffoient; & l'Ambassadeur ayant paru au bruit fur un balcon pour appaiser le défordre

on tira plufieurs coups de carabine & de moufquet du côté où il étoit & dans les fenêtres. Enfuite ces furieux ayant vû le caroffe où étoit l'Ambaffadrice, qui fe promenoit par la ville, ils firent feu deffus, & tuerent le page qui avoit la main fur la portiere. On eut de la peine à croire que eette infulte eût été faite fans la participation de Dom Mario frere du Pape, & général de fes troupes, & à l'infçu du Cardinal Imperiali, Gouverneur de Rome; fur-tout quand on vit combien ils parurent peu émus de la nouvelle d'un tel attentat,

Voici quelles en furent les caufes les plus vraisemblables. Le Roi de France aïant été offenfé par plufieurs difcours que le Pape avoit tenus contre fa perfonne & contre fon gouvernement, avoit réfolu d'envoyer à Rome un Miniftre capable de le mortifier lui & tout le népotifme. 11 choifit pour cela le Duc de Crequi, l'un des plus fiers Seigneurs de fa Cour. Ce Duc étant venu à Rome, revêtu du caractere d'Ambaffadeur, & inftruit des intentions de fon Maître, faifoit fon Ambassade avec la hauteur qui lui étoit naturelle, & que demandoit l'ordre fecret qu'il . avoit reçu du Roi offenfé. Sa conduite irrita le Pape & fes parens, & attira l'infulte qui fit tant de bruit dans toute l'Europe. L'Ambaffadeur fe retira promptement fur les frontieres de Tofcane, jufqu'à ce qu'il eût reçu les ordres de Louis XIV. Le Pape écrivit fans fuccès plufieurs Brefs d'excufe & de proteftations d'innocence. Le Roi dans les premiers mouvemens de fa colere, jura qu'il iroit faccager Rome, fi on ne lui donnoit une fatisfaction prompte & éclatante. Il fit

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