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plutôt que d'obéir à l'ordonnance de M. de
Touloufe. Près des deux-tiers des Curés ont
refufé de la publier, & de reconnoître le
Grand-Vicaire. Les Jefuites & les Cordeliers
confeffent; mais très-peu de perfonnes vont
à eux. Toutes les menaces & les violences de
l'Intendant & du Gouverneur ( du païs de
Foix) ne font rien. » Ces lettres font écrites
de Pamiers l'an 1680.

On bannit & on emprifonna un nombre
de Curés, & d'autres Eccléfiaftiques, pour
faire reconnoître le phantôme de Grand-
Vicaire établi par l'Archevêque de Toulouse.
Les laïques furent vexés comme les autres,
& dépouillés de leurs biens & de leurs em-
plois. Deux Confeillers au Préfidial eurent
ordre de fe défaire de leurs Charges ; ils en
firent le facrifice avec joie. Un jeune Gentil-
homme eut le courage d'afficher une Ordon-
nance du P. Cerle; & comme il y avoit
dans la ville beaucoup d'Archers, pour em-
pêcher ces fortes de publications, il fut pris
fur le fait. Il fut mis dans un cachot, d'où
il fut tiré par confidération pour fa famille,
l'une des plus confidérables de la Province.
Mais on l'envoia au château de Foix pen-
dant fix mois. La Cour fut encore le punir
dans la fuite de cet acte de générofité. Le
P. Cerle dans fa lettre au pape Innocent XI,
parle en termes fort touchans des mauvais
traitemens que reçut ce jeune Gentilhomme.

XXV. Quelque defir que nous aïons d'abreger Confeffion nous ne pouvons nous empêcher de parler ici de M. du du plus illuftre des amis de M. de Pamiers, Ferrier qui furent immolés à la vengeance des JeThéologal fuites. C'eft M. du Ferrier, Théologal d'Ald'Albi. Ce bi. Son éminente piété le faifoit refpecter

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de tout le Languedoc. Les Evêques l'écou- qui l'avoit
toient comme leur maître, & l'honoroient rendu o-
comme leur pere. Il avoit été l'ami intime dieux aux
de M. de Pamiers pendant plus de foixante Jefuites.
ans, & le confident du faint Evêque de Ca-
hors, Alain de Solminiac. Les Jesuites n'ont
jamais pu lui pardonner d'avoir obéï trop
fidélement au dernier, qui lui avoit expref-
fément recommandé quatre mois avant fa
mort, dans une maladie qui le réduifit à
l'extrémité, d'informer fes Collegues du ju-
gement qu'il portoit de la Société. Voici
comment M. du Ferrier s'étoit acquitté de fa
commiffion, dans une lettre écrite à M. de
Pamiers en 1659. » Au refte, Monfeigneur
de Cahors eft tellement perfuadé que les Pe-
res Jefuites font un fléau & une ruine à l'E-
glife, qu'il croit que vous, Monfeigneur.
& tous les Evêques qui vont folidement à
Dieu, ne leur devez donner aucun emploi,
& m'a chargé de vous le dire & à Meffei-
gneurs qui cherchent le falut & l'avantage
de leurs Diocéfes, ni même entrer jamais
chez eux ; car cela les autorife. « M. de Pa-
miers dans une lettre circulaire, écrite à tous
les Evêques de France en 1668, avoit publié
ce précieux témoignage du faint Evêque de
Cahors. Les Jefuites, qui ne meurent point,
profiterent long-temps après de l'occafion de
la Régale pour fe venger de M. l'Abbé du
Ferrier. Ils firent courir le bruit qu'on avoit
trouvé de fes lettres parmi les papiers du
P. d'Aubarede, par lesquelles il paroifoit
avoir exhorté M. de Pamiers à demeurer fer-
me. En conféquence, fans autre examen, il
fur rélegué à Tonnerre. Comme l'odeur de la
piété de ce faint Prêtre, qui fe répandit

bientôt dans tout le païs, ne faifoit point honneur à fes perfécuteurs, ils emploïerent leur crédit pour le faire enfermer dans la Bastille, après un exil de trois ou quatre années, fans égard pour fon grand âge. Cet illuftre Confefleur y mourut en 1686.

Les Jefuires ont eu affez peu de pudeur pour lui donner un démenti par la plume de feur fameux P. Tellier, fur ce qu'il avoit déclaré de la part du faint Evêque de Cahors tant d'années auparavant. C'eft une preuve qu'ils fentoient combien le témoignage d'un Evêque, tel qu'étoit M. de Cahors, les incommodoit. Mais les efforts qu'ils firent pour le détruire, ne fervirent qu'à le conftater davantage. En effet, le même Docteur [M. Courcier qui avoit approuvé le livre où le P. Tellier avançoit cette impofture, aïant eu ordre d'aller à la Baftille interroger juridiquement le vénérable captif, & l'aïant interrogé fur cet article, le faint Abbé lui foutint la vérité de fon témoignage en des termes qui ne lui laifferent pas le moindre fujet d'en douter. Il est bon d'avertir le lecteur, qu'avant la détention de M. du Ferrier, le Jesuite Medaille avoit fait auprès de lui, par promeffes & par menaces, tout ce qu'il avoit pû, pour extorquer une déclaration, avec laquelle il prétendoit détruire le mauvais effet que l'avis du faint Evêque de Cahors produisoit contre la Société.

XXVI. M. Cazenave, Docteur en Théologie & Souffran- Profeffeur en l'Univerfité de Toulouse, céces de M. lebre dans toute la Province fa science

Cazenave.

par

Témoign- & par la vertu, eut le même fort que M. ge des Do-l'Abbé du Ferrier. Il fut accufé de même d'aminicains voir écrit je ne fçai quelle prétendue lettre. de Pamiers.

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Le Juge-Mage de Pamiers lui en présenta une, qui fut trouvée d'un caractère fi différent de fa véritable écriture, que ce Magiftrat, quoique fort dur, ne put s'empêcher d'avouer qu'on lui faifoit une injuftice. Mais il fut lui-même affez injufte, pour n'en vouloir point faire mention dans fon procèsverbal. Comme M. Cazenave avoit été fort lié avec M. de Pamiers, & que tout le monde connoiffoit fon oppofition pour la Théologie nouvelle, & la Morale corrompue des Jefuites, ces Peres vinrent à bout de le faire exiler à Mortagne dans le Perche, où il ne fubfiftoit que par le fecours de fes amis. Mais parce qu'il y faifoit du bien, on le transfera à Mont-Luçon fur les confins du Bourbonnois ; & pour la même raifon il y eut une lettre de cachet expédiée qui le reléguoit en baffe-Bretagne. Mais l'Exempt qui avoit été envoïé pour l'y conduire, le trouva au lit de la mort. Il mourut deux jours après, univerfellement regretté de tous les gens de bien. C'étoit la même année que mourut M. du Ferrier, en 1686. Tous les Dominicains de Pamiers aïant refufé, comme nous l'avons dit, de reconnoître Fortaflin pour Vicaire - Général, on en relégua le Prieur, & on leur ôta l'école de Philofophie, qu'ils avoient depuis long-temps, pour la donner aux Jefuites, à qui fans aucune cérémonie ce faux Grand-Vicaire avoit permis de confeffer, quoiqu'ils fuffent interdits depuis long-tems dans le Diocéfe.

Nous pourrions rapporter un très-grand XXVII. nombre d'autres exemples, pour montrer la Les Jesui→ violence de cette perfécution, qui s'étendit tes vrais à des perfonnes de tout fexe & de toute con- auteurs de

vantages

cette perfé- dition, qui n'avoient d'autres crimes que cution. A d'être fidéles à leurs légitimes Pasteurs ; mais qu'ils y nous ne pouvons entrer dans un plus long trouvoient. détail. il y a long-temps que l'on s'eft plaint que l'on ne connoît point affez l'histoire de cette perfécution, qui renferme tant d'exemples d'une piété & d'un courage dignes des premiers fiécles de l'Eglife. Le lecteur a fans doute remarqué dans l'idée que nous venons d'en donner, combien les Jefuites ont influé dans l'affaire de la Régale, & dans les vexations inouïes exercées à ce fujet contre le faint Evêque de Pamiers, fes Chanoines & fes amis. Le P. de la Chaife, appuïé de l'Archevêque de Paris, obtenoît à la Cour tous les ordres qu'il vouloit. Les Jefuites de Pamiers, qui étoient fes correfpondans, protégeoient ouvertement les Régaliftes excommuniés, & en étoient le confeil; comme le lui reproche fi fouvent le P. Cerle dans fes Ordonnances & dans fes lettres. Cette malheureuse affaire leur fervoit de prétexte, & de moïen pour accabler tous ceux qui leur étoient odieux, & dont la délicateffe de confcience leur étoit affez connue, pour croire qu'ils facrifieroient tout à un devoir qui leur paroiffoit manifefte. Le P. Cerle dans une lettre au pape Innocent XI dit que le Jefuite Ferrier a fait naître la Régale, que le P. de la Chaise la fomente & la foutient, que le P. Maimbourg la préconife, & que tous les autres Jefuites s'en déclarent les zélés défenfeurs. La Société y a gagné un nombre de bénéfices qui ont été réunis à fes Séminaires & à fes Colleges : & elle s'eft fait des créatures par ceux qu'elle a procurés à d'autres. Ce nouveau motif joint à celui dont nous avons parlé plus haut, ne pouvoit que ren.

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