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Roïal eft

nommée

Abbeffe de Maubuiffon, & y fait de grands biens.

de Port- trées, n'avoit pas pris un fort grand foin d'y entretenir la regularité que la Mere Angeli fille ne ceffoit de demander à Dieu qu il reavoit établie ; en forte que cette fainte que y gardât cette Maifon avec des yeux de miséricorde. Sa priere fut exaucée. Cette Abbaïe étant venue encore à vacquer au bout de quatre ans par la mort de Madame de Soiffons,le Roi Louis XIII, fit demander à la Mere Angelique une de fes Religieufes, pour l'en faire Abbeffe. Elle lui en propofa une qu'on ap pelloit fœur Marie des Anges Suireau, à qui le Roi donna auffi-tôt fon Brevet (en 16:7.) La plupart des perfonnes qui connoiffoient cette fille, lui trouvoient à la vérité une grande douceur & une profonde humilité; mais elles doutoient qu'elle eût toute la fermeré néceffaire pour remplir une place de cette importance. Le fuccès fit voir combien fa Mere Angelique avoit de difcernement; tar cette fille fi humble & fi douce, fut réduire en très-peu de temps les efprits qui étoient demeurés les plus rebelles, rangea les anciennes fous le même joug que les jeunes; ne s'étonna point des perfécutions de certains Moines, & même de certains Vifiteurs de l'Ordre, accoutumés au faste & à la dépenfe, & qui ne pouvoient fouffrir le faint afage qu'elle faifoit des revenus de cette Abbaïe.

VIII.

Ce fut de fon temps que deux fameuses Elle pré-Religieufes de Mondidier furent introduites ferve fa à Maubuisson par un de ces Vifiteurs, pour maifon de y enseigner, disoit-il, les fecrets de la plus de la fauffe fublime oraison. La Mere des Anges & la fpirituali Mere Angelique n'étoient point affez intérieures au gré de ces Peres, & ils leur repro

l'illufion &

té.

choient

choient fouvent de ne connoître d'autre pere fection que celle qui s'acquiert par la mortification des fens, & par la pratique des bonnes œuvres. La Mere des Anges, qui avoit appris à Port-Roïal à fe défier de toute nouveauté, fit observer de près ces deux filles ; & il fe trouva que fous un jargon de pur amour, d'anéantiffement & de parfaite nudité, elles cachoient toutes les illufions & toutes les horreurs que l'Eglife a condamnées dans Molinos. Elles étoient en effet de la fecte de ces illuminés de Roie, qu'on nommoit les Guerinets, dont le Cardinal de Richelieu fit faire une fi exacte perquifition. La Mere des Anges aïant donné avis du péril où étoit fon Monaftere, ces deux Religieufes furent renfermées très étroitement par ordre de la Cour, & le Vifiteur qui les protégeoit eut bien de la peine lui-même à fe tirer d'affaire. En un mot la Mere des Anges, malgré toutes les traverses qu'on lui fufcitoit, tétablit entierement dans Maubuisson, le véritable efprit de S. Bernard, qui s'y maintient encore aujourd'hui. Et après avoir gouverné pendant vingt-deux ans ce célebre Monaftere avec une très-grande fageffe, elle en donna fa démiffion au Roi, & vint repren dre à Port-Roïal fon rang de fimple Religieufe. Elle demandoit même à

y recommen

cer fon Noviciat, de peur, difoit-elle, qu'aïant fi long-tems commandé, elle n'eût défappris à obéir. Six ans après fon retour à Port-Roïal, elle fut élue Abbeffe (en 1654) & mourut dans le cours de fon fecond triennal en 1658, dans une grande reputation de fainteté

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IX.

I I I.

Cependant la Communauté de Port-Roïal Tranfia- s'étant accrue jufqu'au nombre de quatretion des Re- vingts Religieufes, elles étoient fort ferrées ligieufes de dans ce Monaftere fitué dans un lieu humide, Port-Roïal & dont les bâtimens étoient extrêmement bas des Champs & enfoncés. Ainfi les maladies y dévinrent à Paris.

fort fréquentes, & le Couvent ne fut bientôt plus qu'une infirmerie. Mais la Providence n'abandonna point la Mere Angelique dans ce befoin. Elle lui fit trouver des reffources dans fa propre famille. Madame Arnauld fa mere, qui étoit fille du célebre M Marion Avocat général, étoit demeurée veuve depuis quelques années, & avoir conçu la réfolution non-feulement de fe retirer du monde, mais même, ce qui eft fort rare, de le faire Religieufe fous la conduite de fa fille. Comme elle fut l'extrémité où la Communauté étoit réduite, elle acheta de fon argent au Fau bourg S. Jacques une maifon, & la donna comme pour en faire un hofpice. On ne voudoit y transporter d'abord qu'une partie des Religieufes; mais le Monaftere des Champs devenant plus mal fain de jour en jour, on fut obligé de l'abandonner entiérement, & de transférer à Paris toute la Communauté, après en avoir obtenu le confentement du Koi & de l'Archevêque. C'étoit en 1625. On fe logea comme l'on put dans cette nouvelle maison. On fit un dortoir d'une galerie ; on lambriffa les greniers, pour y pratiquer des cellules, & la falle fut changée en une Chapelle. La Mere Angelique en allant chercher Les filles au Monaftere des Champs, & en re

venant à Paris, entra chez les Carmelites avec qui elle étoit liée. Ces Religieufes s'étoient tout nouvellement établies en France par les foins de M. de Berulle. La Mere Angelique leur dit généreufement ce qu'elle penfoit fur les dépenses exorbitantes qui le faifoient chez eles, pour les tableaux du Réfectoire, du Chapitre, du Choeur & de l'Eglife, pour un tabernacle magnifique & d'autres riches décorations, & fur-tout fur les dots que l'on exigeoit.

X.

L'Abbaïe

La réputation de la Mere Angelique & les merveilles que l'on racontoit de la vie toute fainte de fes Religieufes, lui attirerent bien- de Porttôt l'amitié d'un grand nombre de perfonnes Roïal dede piété. La Reine Marie de Médicis les ho- vient élec nora d'une bienveillance particuliere ; & par fe de la jutive, & pafdes Lettres-patentes enregistrées au Parle- rifdiction ment, elle prit le titre de fondatrice & de de Citeaux bienfaitrice de ce nouveau Monaftere. Elle fous celle ne fut point en état de leur donner des mar- de l'Evêque ques de fa libéralité; mais elle leur de Paris. procura un bien qu'elles n'euffent jamais ofé elpérer fans une protection fi puiffante. Plus la Mere Angelique avoit fujet de louer Dieu des bénédictions qu'il avoit répandues fur la Communauté, plus elle avoit lieu de craindre qu'après la mort & après celle de la Mere Agnès fa Coadjutrice, on n'introduisît en leur place quelqu'Abbeffe qui n'aïant point été élevée dans la maifon, détruiroit peutêtre en fix mois tout le bon ordre qu'elle y avoit établi. La Reine Marie de Medicis entra avec bonté dans fes fentimens. Elle parla au Roi fon fils dans le tems qu'il revenoit triomphant après la prise de la Rochelle; & lui représentant tout ce qu'elle

connoiffoit de la fainteté de ces filles, elle l'engagea à confentir que cette Abbaie fût élective & triennale. La chofe fut confirmée par le Pape Urbain VIII. Auffi-tôt la Mere Angelique & la Mere Agnès fe démirent, l'une de fa qualité d'Abbeffe, & l'autreda celle de Coadjutrice; & la Communauté en 1630 élut pour trois ans une des Religieufes de la Maifon. La Mere Angelique venoit d'obtenir du même Pape une autre grace qui ne lui parut pas moins confidérable. Elle avoit toujours eu au fond de fon cœur un très-grand amour pour la Hiérarchie Eccléfiaftique, & elle fouhaitoit auffi ardemment d'être foumife à l'autorité épifcopale, que les autres Abbeffes defirent d'en être fouftraites. Son fouhait fur cela étoit d'autant plus raisonnable, que l'Abbaïe de Port-Koïal fondée par un Evêque de Paris avoit longtemps dépendu immédiatement de lui & de fes fucceffeurs; mais dans la fuite un de ces Evêques avoit confenti qu'elle reconnût la jurifdiction de l'Abbé de Cîteaux. Elle avoit donc fait repréfenter fes raifons au Pape, qui les aiant approuvées, remit en effet l'an 1627, cette Abbaïe fous la jurifdiction de l'Ordinaire, & l'affranchit entiérement de la dépendance de Câteaux, en y confervant néanmoins tous les priviléges attachés aux Maisons de cet Ordre. M. de Gondi en prit en main le gouvernement, en examina & approuva les Conftitutions, & en fit faire la vifite par M. le Clerc, qui fut le premier Supérieur qu'il donna à ce Monaftere.

IV.

Ce fut vers ce temps-là que Louife de

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