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Côme en 1611. On croit communément que fa premiere profeffion fut celle des armes qu'il porta pour le service du Roi d'Espagne contre la France; & qu'il fut blessé d'un coup de moufquet à l'épaule, ce qui lui fit quitter le fervice pour embraffer l'état Eccléfiaftique. D'autres difent qu'étant allé à Naples pour y prendre quelque emploi militaire, il fut apperçu par un vieux Seigneur gouteux, qui étoit prefque toujours à la fenêtre pour regarder les paffans. On ajoûte qu'Odescalchi l'aïant frappé par fa figure longue & décharnée, il fouhaita de l'entretenir, pour mieux admirer la fingularité du perfonnage. Odescalchi, qui en fut averti, alla le voir, & en fut bien reçu. Le Duc qui lui voïoit un flegme à toute épreuve & un férieux étonnant, lui confeilla d'entrer dans le Clergé, & lui en dit les raifons, qui déterminerent fur le champ le jeune homme à aller à Rome pour se faire Eccléfiaftique. Urbain VIII le fit Protonotaire Apoftolique, enfuite Préfident de la Chambre & Commiffaire de la Province de la Marche, & puis Gouverneur de Macerata. Sa douceur, fa politeffe, fa générosité lui firent des amis ; & à fon retour à Rome it fut fait Clerc de la Chambre par Innocent X, & enfuite Cardinal en 1647. Il avoit fçu gagner les bonnes graces de la fameufe Olympia en fe laiffant gagner au jeu, & en lui faifant de riches préfens. Il avoit eu la Légation de Ferrare & l'Evêché de Navarre, dont il fe démit bientôt en faveur de fon frere, aimant mieux faire fon féjour à Rome, parce que l'air de fon Evêché lui étoit fort contraire.

XXXIV.
Son zéle &

Pendant fon long Cardinalat, il mena toujours une vie fort retirée & fort modefte, les travaux & eut un très-grand foin des pauvres. Il étoit pendant défintéreffé, ennemi du fafte, zélé avec mo- fon Pontidération, & févere à lui feul. Au commence- ficat. ment de fon Pontificat, il s'appliqua avec un foin infatigable à rétablir la difcipline, & les affaires de la Chambre Apoftolique, qui étoient dans un extrême défordre ; à corriger les abus qui s'étoient gliffés dans le Service divin; à faire revivre dans le Clergé Séculier & Régulier la fcience & la vertu. On lui rend cette juftice, qu'il auroit ardemment defiré réuffir dans une fi importante entreprise. Les Proteftans même n'ont pû s'empêcher de lui donner les éloges les plus magnifiques. Il faut avouer, dit Heydegger, qu'il s'eft conduit jufqu'ici avec une telle fageffe, qu'on le peut appeller le meilleur de tous les derniers Papes. Il commanda à fon neveu Livio Odescalchi de ne point recevoir de préfens, & lui dit de ne point efpérer monter plus haut. Il fut toujours inflexible fur cet article, & perfonne ne put l'engager à le faire Général de l'Eglife, ou Cardinal Patron. Au contraire, il abolit cette derniere charge, & fit le Cardinal Cibo Sur-intendant & Secrétaire de l'Etat Eccléfiaftique. Il envoya d'abord fes Nonces, en France, en Efpagne, en Pologne & en Portugal, pour porter ces Couronnes à la paix : il défendit aux Juifs de Rome toute ufure; renvoïa les Evêques qui y demeuroient, dans leurs Dio-1 cèfes; ordonna qu'on n'en facrât aucun qui ne fût digne de ce miniftère, & que l'on éloignât du facerdoce tous les fujets ignorans ou déréglés. Il commit pour réformer les

abus quatre Théologiens, dont le célébre Recanati étoit un. II pourvut libéralement aux befoins des pauvres, & affigna une penfion confidérable à Chriftine Reine de Suéde, qui s'étoit réfugiée à Rome. Il ne put un jour retenir fes larmes, lorfque Recanati l'avertit de punir les crimes plus févérement, & de n'élever aux Charges que des perfonnes d'un âge mûr, & non de jeunes étourdis. Le même Recanati dit publiquement que le Pape avoit de bons deffeins, mais qu'il n'avoit point affez de vigueur pour les faire exécuter. S'étant convaincu que le népotifme avoit tiré depuis Clément VIII jufqu'à lui dix - fept millions d'or de la Chambre Apoftolique, il fit une Bulle, qu'il vouloit publier, pour abolir le népotifme. Mais les Cardinaux, ceux fur-tout qui efpéroient de monter dans la fuite fur le Saint-Siége, s'y oppoferent, quelque inftance que le Pape leur fit pour obtenir leur confentement.

Innocent XI n'aimoit pas les Jéfuites, & il les mortifia en plufieurs occafions. Il étoit au contraire plein d'estime pour les Théolo giens qui défendoient avec zéle la pureté de la morale de l'Evangile. Il écrivit obligeamment au célébre M. Arnauld, & on croit qu'il l'auroit fait Cardinal, fi cet illuftre Docteur avoit voulu écrire contre les IV Articles de l'Affemblée du Clergé de France de 1682. Le Pape défiroit ardemment la tranquillité de l'Europe. Il envoïa aux Conférences de Nimégue un Nonce qui fe porta pour Médiateur. Les Proteftans ne voulurent point avoir de communication avec lui, & dirent qu'ils fe contentoient de la médiation du Roi d'Angleterre. Mais les Catholiques firent

ufage entr'eux de celle du Pape ; & le Nonce Bevilacqua fut reçu à Nimégue le 1 de Juin 1677 Les Bourguemaîtres de cette ville lui rendirent vifite, & lui offrirent tout ce qui dépendoit d'eux, pour le libre exercice de la Religion Catholique pendant les Conférences. Les Proteftans fe louerent fort de fa fageffe & de fa modération. Le traité de paix ne parut qu'au mois d'Août 1678.

X V I.

XXXV.

Ce fut cette année que la Cour de Rome entama la grande & facheufe querelle concernant les Franchifes. C'eft un droit fondé Sa querelle avec la fur un ancien ufage qui rend les Palais des France au Ambaffadeurs des afyles inviolables: c'eft ce fujet des qui fe pratique dans toutes les Cours. Mais la Franchifes. Franchife des quartiers de Rome étoit d'une autre étendue. Elle ne comprenoit pas feulement la Maison ou l'Hôtel de l'Ambassadeur, mais encore tout le quartier, les places & les rues qui font à l'entour de fon Palais, fans qu'il fût permis aux Officiers de Juftice d'y mettre le pied, ni même d'y paffer. Plufieurs Papes avoient fait d'inutiles efforts pour abolir ces Franchifes, ou du moins pour les modifier. Différentes Bulles les déclarerent abufives; mais il n'avoit pas été poffible de faire exécuter ces Bulles. Le droit des Franchifes avoit été folemnellement rétabli par le traité de Pife fous Alexandre VII. Odelcalchi, qui avoit beaucoup contribué à son accommodement avec la France, étant devenu Pape, prit une ferme réfolution de réformer tous les défordres de Rome, & fur-tout ceux qu'occafionnoient les Franchifes des quartiers. Ce deffein étoit en lui-même très-louable, parce que les Franchifes procuroient

impunité à une multitude de fcélérats.

La guerre de Meffine étoit dans fon plus grand feu; & les Rois de France & d'Espagne, dans le befoin qu'ils avoient de troupes pour foutenir leurs intérêts en Sicile, non feulement faifoient des levées dans ce Roïaume, mais forçoient les paffans à s'enroller. Les Franchifes des quartiers autorifoient ce défordre, & la Juftice ordinaire n'étoit point en état de fatisfaire aux plaintes que le public & les particuliers en faifoient. Innocent XI réfolut d'arrêter le cours de ces violences. Il fit publier une Déclaration par laquelle il aboliffoit les Franchifes des quartiers, & ordonnoit que les Magiftrats chargés de maintenir le bon ordre, puffent partout exercer leurs fonctions. Il choifit le temps ou les Ambaffadeurs d'Efpagne & de Venise devoient être changés, & fit prier ces Cours de n'en point envoyer d'autres qu'ils n'euffent ordre de renoncer aux Franchises, parce qu'autrement il ne pourroit les recevoir. On ne dit rien au Maréchal d'Etrées, qui depuis plufieurs années étoit Ambaffadeur de France. Chriftine Reine de Suede renonça aux Franchifes de fon quartier. L'Ambaffadeur de Venife aiant refufé de faire la même chofe, fut obligé de s'en retourner, fans avoir fait aucune fonction de fa Charge. L'Ambaffadeur d'Efpagne & ceux des autres Puiffances de l'Europe protefterent qu'ils renonceroient à leurs droits, quand la France leur en donneroit l'exemple. Le Duc d'Etrées ne fut point inquietté à ce fujet ; mais après fa mort qui arriva au mois de Janvier 1686, tous les Officiers de la Juftice du Pape s'emparerent du Palais Farnele qu'avoit occupé

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