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II.

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de Molina. Elles font au nombre de feize, & la doctrine de ce Jéfuite y eft condamnée comme fcandaleufe & hérétique. La plupart font de la fin du feiziéme fiécle (1595 & 1596.)

Molina vint alors à Madrid, & voulant Stratagême ufer de récrimination, il déféra aux Inquifides Jéfuites teurs, quelques propofitions de deux Domicontre ceux nicains Bannès & Zumel. C'étoit un stratagêqui attaquent leurs me que les Jéfuites commençoient à emploïer. Ils s'en étoient déja fervi en Flandre contre la tés. Les In- Faculté de Douai à l'occafion de la Cenfure quifiteurs qu'elle avoit publiée contre leur confrere d'Efpagne Leffius. Ils avoient accufé cette Faculté de fe difpofent favorifer la doctrine de Calvin contre le à condam- Libre Arbitre. Le Jéfuite Ripalda avoue fans nerMolina. Les Jéfuites détour, que telle étoit la politique de la Soobtiennent ciété. Bannès, dit-il, & la plupart de fes à Rome un difciples commencerent à appeller PélagienBref qui ne la doctrine de Molina. Les nôtres de leur impofe fi- côté pour éloigner d'eux cette note de Pélalence aux gianifme, appliquoient celle de Calvinifme deux par la doctrine oppolée. L'Inquifiteur Quiroga ne donna point dans le piége. Il déclare que Molina devoit fe juftifier, avant que d'accufer les Dominicains; mais il mourut fans avoir prononcé de jugement. Jérôme Manriquès, Evêque d'Avila, qui fut fon fucceffeur, mourut quatre mois après, comme il fe difpoloit à dreffer une condamnation du livre & de la doctrine de Molina. Porto Carrero qui lui fuccéda, reçut en 1596 un Bref du Pape, qui lui défendoit de prendre connoiffance de cette affaire, & qui la réservoit au Saint-Siége. L'Inquifiteur obéit, & envoïa à Clément VIII les Cenfures des Evêques & des Théologiens, avec les Ecrits que les

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Jefuites avoient faits pour leur défenfe. Il représenta en même-temps au Pape, combien il étoit néceffaire de terminer par une prompte décifion, des difputes qui rouloient fur des points fi importans.

Le même Bref par lequel le Pape fe réservoit la connoiffance de cette grande affaise, impofoit filence aux deux partis fur les matieres contestées, & ce filence étoit prefcrit fous les peines les plus rigoureufes. Un pareil ordre, fi contraire à l'efprit de l'Eglife, eur de très-malheureux effets. Les Jéfuites euxmêmes l'obferverent mal, & en prirent occafion d'accufer leurs adverfaires, & de les fatiguer par de continuelles chicanes. D'ail leurs on s'accoutumoit peu-à-peu à l'erreur, & chaque jour on fentoit moins le prix de la vérité. En effet, pouvoit-on dire, le Pape fermeroit-il la bouche aux deux partis, défendroit-il aux Juges qui font fur les lieux de prononcer, fufpendroit-il la décifion plufieurs années, s'il s'agiffoit de vérités fort importantes Cependant il n'étoit queftion: de rien moins que de fçavoir, qui eft ce qui décide fouverainement & en premier du fort de l'homme; qui détermine la volonté au bien; qui opére en elle le confentement par lequel elle obéit à Dieu; & par conféquent qui eft celui à qui l'homme doit avoir recours, & en qui il doit mettre la confiance, pour obtenir la juftice & le falut. Il s'agiffoit de fçavoir fi la doctrine de Molina renouvelloit le fonds du Pélagianifme, comme let foutenoient les Dominicains & tous ceux qui défendoient avec eux l'ancienne doctrine, & comme l'examen força les Papes d'en convenir.

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Lanuza à

res de la Grace.

I I.

III. La Faculté de Théologie de Douai s'étoit Importante plaint dès, l'an 1591 de l'indifférence que Requête don témoignoit à Rome pour la vérité; Philipp. II, comme on le voit dans la Lettre qu'elle Roi d'Ef- adreffa au Nonce Octave Frangipani, & pagne, fur que le favant Eftius avoit compofée par fon la défenfe ordre. Le célébre Lanuza fit les mêmes plainde parler tes dans une requête qu'il préfenta au Roi des matie d'Efpagne Philippe II en 1997. Ce Théologien étoit de l'Ordre de S. Dominique, & mourut Evêque d'Albarazin en 1625. Quand il préfenta fa requête, il étoit Provincial de la Province d'Arragon. Il déclare d'abord, qu'il fut faifi d'étonnement en voïant les ordres que donnoit le Pape de ne point parler des matieres de la Grace. Il obferve que l'on ajoûtoit chaque jour à la rigueur & à l'étendue de ces ordres, qui étoient plus modérés fous le Provincial fon prédéceffeur; mais qu'on les avoit portés à un excès, qui l'obligeoit de recourir à la piété du Roi. Il appuie fes plaintes fur plufieurs raifons, dont voici les principales:

«. La matiere des fecours de la Grace fe préfente, dit Lanuza, toutes les fois qu'il faut parler de la juftification des pécheurs, des mérites, du Libre Arbitre, de la Contrition, de l'Attrition, de la Pénitence, de la volonté de Dieu, de fa Providence, de la Prédeftination qui eft de toute éternité, de l'accompliffement des Commandemens, de l'obfervation de la Loi, des actes des vertus Théologales, la Foi, l'Efpérance, & la Charité, & des vertus morales. Toutes ces matieres renferment la partie la plus étendue

& la plus importante de la Théologie. La défense que l'on nous fait tend donc visible. ment au renversement de nos Ecoles, au préjudice de ceux qui viennent prendre nos leçons. 2. L'ordre des inftructions demande très-fouvent que l'on parle des vérités de la Grace, pour porter les hommes qui ont des cœurs de pierre, à demander à Dieu la Grace qui peut les amollir,& pour les exciter à faire cette priere où l'Eglife nous fait dire à Dieu de rompre nos volontés rebelles: Et ad te noftras etiam rebelles compelle propitius voluntates. Cette raifon fe fait mieux fentir par des exemples. Qu'un Théologien enfeigne ce que l'Eglife a appris dans l'Ecole de l'Apôtre, que la caufe de notre Prédestination n'eft point en nous, ou bien que ce n'est point le bon ufage de notre Libre Arbitre qui en eft la caufe, puifque ce bon ufage dépend entiérement de la Grace de Dieu, qui eft elle-même l'effet de la Prédeftination; le Théologien, dis-je, qui enfeignera cette doctrine, n'aura-t-il pas lieu de craindre d'être tombé dans le cas de la défenfe; puifque dans la propofition qui vient d'être énoncée, cette autre y eft contenue, que le confentement de la volonté dépend de la Grace? Et n'est-ce pas ce que l'Eglife confeffe univerfellement contre ces nouveaux Maîtres qui viennent de paroître ? »

« On ne pourra jamais, continue la Requête, citer de texte de S. Paul, quoiqu'il y en ait un fi grand nombre, fur l'efficacité des Secours divins, fans parler en même-temps de la foibleffe du Libre Arbitre. Un Prédica teur ne pourra plus exhorter les Fidéles à demander à Dieu des forces, à le prier que

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toutes les fois qu'il leur envoie de faintes infpirations, il y joigne le fecours de la Grace efficace, de peur qu'il ne rejette ces infpirations. » Une autre raison de Lanuza, c'eft que le filence impofé par le Pape, expofoit tout l'Ordre de S. Dominique aux accufations des Jéfuites, qui épioient toutes les paroles des Dominicains, pour voir s'il ne leur en échapperoit point quelqu'une foit dans les Chaires, foir dans le Confeffionnal qui regardât les fecours de la Grace. Il y a plus de trois cens ans, dit ce grand Théologien, que nous enfeignons la doctrine de S. Thomas, fpécialement fur les fecours de la Grace, fans que personne s'en foit plaint. Nous le faifons au contraire avec l'approbation de l'Eglife & l'applaudirfement de toutes les Univerfités. Aujourd'hui s'élevent de nouveaux venus, qui fe vantent d'enfeigner une doctrine nouvelle, & qui ofent entreprendre de nous fermer la bouche. » Après avoir montré par des témoignages fans réplique, combien cette doctrine eft laine & véritable, il continue ainfi : « De quel droit nous défend-on de la prêcher, nous à qui la défense en a été fpécialement confiée ? En effet, quoique ce foit un devoir commun à tous de la défendre, parce que c'eft la doctrine des Saints Peres, notre Ordre a néanmoins une obligation particuliere de le faire jufqu'au dernier foupir. Pourquoi donc nous ordonne-t-on de garder le filence, lorfqu'elle eft attaquée ? Et quel temps choifit-on pour donner de pareils ordres? Le temps où nos adverfaires (les Jéfuites) font le plus attentifs à tirer avantage de ce que l'on nous trouble dans notre poffef

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