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VI.

décret que leur Général avoit fait en 1610 après l'affaffinat d'Henri IV. On leur ordonna enfuite d'écrire à Rome, pour demander le renouvellement & la publication du décret, d'en rapporter acte dans fix mois, de veiller à ce que les particuliers de la Société n'enfeignaffent plus dans leurs Livres des propofitions fi damnables & fi pernicieuses; enfin de prêcher au peuple une doctrine contraire à celle de Suarez, fans quoi le Parle ment traiteroit les contrevenans comme criminels de Lèze-Majefté & perturbateurs du repos public.

La Cour de France avoit bien prévû que Suite de les procédures du Parlement de Paris contre cette gran- le Livre de Suarez feroient grand bruit à de affaire. Rome, parce qu'on difoit que le Livre avoit

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été composé par ordre du Pape. Mais la Reine Marie de Médicis Régente ne voulut pas s'oppofer au zéle de cette Compagnie contre des maximes fi pernicieufes. Elle avoit plus befoin que jamais de la ménager, à caufe de l'affemblée prochaine des EtatsGénéraux du Royaume. Dès que Paul V eur connoiffance de l'Arrêt du Parlement contre le Livre de Suarez, il envoïa faire des plaintes au Marquis de Trenel, Ambaffadeur de France à Rome, de l'atteinte qu'il prétendoit que les Magiftrats François avoient donnée aux droits du Saint-Siége. L'Ambassadeur représenta à Paul V l'impoffibilité de ce qu'il demandoit à la Reine Régente, qui dans les conjonctures où elle le trouvoit, ne devoit pas fe commettre avec le Parlement de Paris. Sa Majefté, dit-il, fera fâchée d'apprendre que votre Sainteté femble vouloir prendre la protection d'un Livre, dont

l'Auteur, bien loin de porter les peuples à l'obéiffance due aux Souverains, comme fa profeffion l'y engageoit, infpire des maximes capables de foulever les Sujets, & de les faire attenter à la vie de leurs Princes. La France pleure encore la mort sanglante d'Henri IV. Ses Parlemens ne manqueront jamais de s'élever contre les Auteurs, dont la pernicieufe doctrine a mis le couteau dans le fein d'un fi bon Roi. Les Magistrats ne cefferont point de veiller à la confervation du Roi, fans s'éloigner du refpect dû à votre Sainteté & au Siége Apoftolique. Auffi le Parlement de Paris a-t-il pris toutes les précautions poffibles, afin que fon Arrêt ne donnât aucune atteinte à l'autorité légitime des fucceffeurs de S. Pierre.

Ces juftes représentations ne firent aucune impreffion fur Paul V. Il menaça d'en venir aux dernieres extrêmités, fi la Régente ne caffoit l'Arrêt du Parlement. L'Ambaffadeur, fans paroître effraïé, pria le Pape de réfléchir fur les raifons qu'avoit eu le Parlement de condamner le Livre de Suarez. J'ai toujours oui dire, ajoûta-t-il, que la Théologie eft la fcience fainte. Elle réprouve donc un fentiment qui permet d'affaffiner les Rois. Le Parlement elt indifpenfablement obligé de conferver la bonne Théologie dans le Royaume, & de maintenir l'autorité du Roi. On lui montre un Livre qui foutient qu'en certains cas, un particulier peut attenter à la vie des Souverains en sûreté de confcience: venton que les Magiftrats fe taifent, après que deux Rois ont été affaffinés par des fanatiques imbus de cette damnable Théologie? Paul V dit, en colere & d'un ton menaçant,

Αν

VII.

mens des

Rome pour faire condamner l'Arrêt du

pas

que tien ne l'empêcheroit de foutenir les droits de fon Siége, fi le Roi ne vouloit caffer l'Arrêt du Parlement. L'Ambafladeur prit alors un ton plus foumis, & pria le Pape de confulter les Cardinaux qui étoient en France fur les moyens d'accommoder cette affaire.

La Cour de France feut bon gré au MarMouve- quis de Trenel, d'avoir porté le Pape à pren dre la voie de la négociation': mais elle réJéfuites de folut en même-temps de ne point toucher à l'Arrêt du Parlement de Paris, pour ne point indifpofer ce premier Tribunal du Royaume. D'un autre côté, les Jéfuites de Rome ne Parlement celloient d'animer Paul V contre la France, de Paris & fe donnoient des mouvemens incroïables contre Suapour faire condamner comme hérétique, & rez. brûler par la main du Bourreau dans le champ de Flore, l'Arrêt du Parlement qui avoit ofé fléttir un des membres de la Société. Pour arrêter leur zéle, le Marquis de Trenel fur obligé de les avertir, qu'ils jouoient à fe faire chaffer une feconde fois du Royaume de France, La Cour ordonna auffi aux principaux Jéfuites de Paris d'écrire férieufement, à Rome, & de déclarer à leurs confreres, que fi le Pape prenoir quelque réfolion violente, fa Majefté l'imputeroit aux fuggeftions de la Société, & qu'elle fçauroit bien l'eh punit. Louis XIII devenu majeur au mois de Septembre 1614, fe fit apporter en plein Confeil l'Arrêt du Parlėmet, & fit dreffer un acte 'dans lequel, après avoir marqué le défir qu'il avoit de contenter le Pape, il déclare qu'il veut que F'exécution de l'Arrêt du Parlement ne puiffe apporter aucun préjudice à l'autorité légi

time du Siége Apoftolique. Paul V ne fut pas content de cette déclaration, & demanda avec hauteur que l'Arrêt fût caffé juridiquement. On eut la foibleffe en France d'emploïer les prieres & les follicitations, pour obtenir que le Pape fe contentât que l'éxécution de l'Arrêt du Parlement fût fufpendue.

V.

VIII. Diverfes

de fon Pon

Vers ce même-temps Paul V reçut avec beaucoup de magnificence des Ambassadeurs d'un Roi du Japon, qui demandoit des Mif- actions de fionnaires pour inftruire fes Sujets dans la Paul V. Fin Religion chrétienne. Il donna quelque temps tificat. Son après, à la priere du Roi de France, une caractere. Bulle pour faire célébrer folemnellement la . fête de S. Louis. La difpute fur la Conception de la Sainte Vierge, qui avoit été fi vive long-temps auparavant, fe renouvella en Espagne au commencement du dix-feptiéme fiécle entre les Dominicains & les Cordeliers. Luc Vadding de ce dernier Ordre, qui fut envoïé à Rome pour cette affaire, nous a laiffé l'histoire de cette violente querelle. Paul V, pour arrêter le progrès d'une difpute qui mettoit en feu toute l'Espagne, publia en 1617 un bref, qui renouvelloit la Bulle de Sixte IV, celle de Pie V, & ce qu'avoit déclaré le Concile de Trente; fans vouloir décider la queftion, quoique le Roi d'Efpagne l'en preffat par divers Ambaffadeurs qu'il ne ceffoit de lui envoier à ce fujet. Nous parlerons ailleurs du perfonnage que fit Paul V dans les Congrégations de Auxiliis, & des raisons qui le déterminerent à ne pas publier la Bulle qui condamnoit le Molinifme. Ce que nous dirons de la conduite de

IX.

ce Pape dans une conjoncture fi importante pour l'Eglife, prouvera combien il étoit peu

fenfible aux intérêts de la Vérité. Mais s'il étoit indifférent pour la gloire de Dieu, il ne l'étoit pas pour la fienne propre. Il n'y a gueres eu de Pape qui ait plus travaillé à aggrandir la Famille, & qui ait eu plus de foin d'immortalifer fon nom par les fuperbes Edifices dont il a embelli Rome, & par les Palais magnifiques qui font demeurés à la Maifon des Borghèles tant à Rome qu'à Frefcati. Il y raffembla les plus beaux monumens de l'Antiquité qu'il pût recouvrer, & les plus riches ouvrages de fculpture & de peinture faits par les plus célébres Artiftes. Ce fut lui qui acheva le Palais Quirinal ou de MonteCavallo, qui dès-lors devint la réfidence ordinaire des Papes, parce qu'on croit que l'air y eft meilleur qu'auVatican près de Saint Pierre, où les Papes avoient demeuré jufqu'alors.

V I.

Paul V mourut à Rome le 28 de Janvier Mort de 1621, & eut pour fucceffeur Grégoire XV. H Paul V. Efe nommoit Alexandre Ludovifio, étoit lection de monté aux Charges par dégrés, & les avort Grégoire exercées avec beaucoup de prudence & de XV. Diver- modération. Tout le peuple applaudit à fon

fes actions

de ce Pape.

élection, & toutes les rues de Rome retentirent des louanges que l'on donnoit à fes belles qualités. Sa Famille étoit une des plus illuftres de Bologne, & avoit été aggrégée par Jeanne Reine de Naples au corps de la Nobleffe de fon Roïaume. Paul V l'avoit fait Archevêque de Bologne & Nonce en Efpagne, où il pacifia les démélés de la Majefté

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