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née fuivante. Le Cardinal Madruce Chef de la Congregation du faint Office y préfida d'abord. Il étoit Evêque de Trente; & nous avons fouvent parlé de lui dans l'hiftoire de ce faint Concile. Il mourut au mois d'Avril 1600. Il y eut dans les premieres Congregations dix Confulteurs, trois Evêques, & des Théologiens de différens Ordres. Parmi ces Théologiens, étoit Louis de Creil Docteur de Sorbonne, auquel on joignit bientôt Jacques le Boffu auffi Docteur de Sorbonne, & Religieux de l'Abbaïe de S. Denis. On y examina fi la Grace eft efficace par elle-même ou non; c'est-à-dire, fi lorfque l'homme confent au bien, c'eft Dieu qui opére & produit le confentement dans l'homme; ou fi Dieu se borne à donner des fecours qui foient tels, que l'homme en ufant bien ou mal, accorde ou refuse son confentement, fans que Dieu le détermine par fa grace à l'un plutôt qu'à l'autre. On examina en mêmetemps fi la Prédeftination eft gratuite ou non; c'est-à-dire, fi Dieu a fixé le nombre de ceux qui font fauvés, avant d'avoir égard à leurs mérites ; s'il a préparé à chacun d'eux le Ciel & les fecours qui les y feront infailliblement arriver en leur faifant faire le bien jufqu'à la fin ; ou bien fi Dieu a eû égard au bon ufage qu'ils feroient de ces fecours, avant que de rien ftatuer fur leur fort. Outre ces deux grandes queftions, on en examina beaucoup d'autres, qui y ont un rapport effentiel, & dont quelques-unes font capitales.Telle eft celle du péché originel, qui fut agitée par occafion en 1602 dans la Congregation du deuxième de Septembre, où Molina & fes Partifans furent convaincus de détrui

re réellement le péché originel, & de n'en conferver que le nom. On reconnut dès les premieres affemblées, que Molina n'admettoit point de Grace efficace par elle-même. Les Jéfuites s'expliquoient fur cet article fans équivoque. Mais ils n'étoient point auffi finceres fur la Prédestination. Ils déclaroient quelquefois qu'ils croïoient qu'elle étoit gratuite,& ils avoient recours, pour en imposer, aux artifices de la science moïenne & du congruifme. Mais on reconnut à diverses fois dans les examens, comme nous le verrons, que Molina & fes défenfeurs détruifoient la prédeftination gratuite, & qu'ils renouvelloient les erreurs des Pélagiens & des SemiPélagiens,

V.

Molina.

Le premier examen du livre de Molina occupa onze Congregations. On y réduifit tou- Premier te fa doctrine à quatre principes, qui furent examen du rejettés avec indignation. On condamna Livre de fan fentiment touchant les forces du libre arbitre aidé du concours général de Dieu, le réfultat. Quel en fut fur-tout en ce qu'il rejette la prémotion fpéciale, & enfeigne que l'homme peut faire des actes naturels de Foi, d'Efperance & d'Amour par les feules forces, quoique ces actes ne puiffent être furnaturels fans la grace. On jugea que cette doctrine approchoit fort de celle de Pélage On porta le même jugement fur le pouvoir que Molina attribue à l'homme, de furmonter les tentations fans la grace; & on décida que fur ces points fa doctrine étoit contraire à celle des faints Peres, & des Théologiens fcolaftiques, aux définitions des Conciles & aux décrets des Souverains Pontifes. On traita, dans la huitiéme Congregation, du fecond principe de Molina tou

chant la perfévérance, & on condamna ee qu'il enfeigne, qu'il ne dépend que de l'homme de perfévérer jufqu'à la fin, & qu'il pour roit arriver qu'il ne perfévérât pas aïant tout le fecours avec lequel il perfévére : cette propofition fut déclarée contraire à la Doctrine Catholique. On rejetta auffi comme contraire à une vérité Catholique enfeignée par les Peres,& définie par le Concile d'Orange,cette autre propofition de Molina, qu'il arrive que de deux hommes appellés à la Foi, aïant les mêmes fecours, l'un fe convertit, & l'autre ne fe convertit pas. On examina dans la neuviéme Congregation ce qu'enfeigne Molina fur l'efficacité de la grace, & l'on conclut qu'il avoit grand tort de condamner comme contraire à la liberté de l'homme, la prémotion phyfique par laquelle Dieu détermine & entraîne la volonté. On rejetta la fcience moyenne dans la dixiéme Congregation, & enfin dans la onzième & derniere du premier examen, qui fut tenue le treiziéme de Mars (1598) on déclara que la doctrine de Molina touchant la prédeftination, étoit non-feulement contraire à la doctrine de S. Thomas, de S. Auguftin, & des autres Peres, mais encore à l'Ecriture Sainte & aux décrets des Conciles, & conforme à celle de Caffien & de Faufte. Ainfi l'avis des Confulteurs fut qu'il falloit condamner le livre de laConcorde de Molina & les commentaires du même Jéfuite fur la premiere partie de S. Thomas, au moins jufqu'à ce qu'ils fuffent bien corrigés par des perfonnes éclairées, & purgés des nouveautés contraires à la doctrine des Peres.

Le Pape ne voulant rien précipiter dans une

por

VI. Les Con fulteurs pat

ordre du

Les Jéfuites

un accom

affaire de cette importance, ordonna aux Confulteurs de revoir encore tout ce qu'ils avoient arrêté, d'examiner les Mémoires & les Cenfures qui avoient été envoïés d'Efpa- Pape regne, & de donner leur avis par écrit. Ils con- voient leur tinuerent donc de s'affembler tous les Ven- examen, & dredis jufqu'au 22 de Septembre, revirent & donnent confirmerent les Cenfures qu'ils avoient leurs avis tées, donnerent leur jugement par écrit, par écrit. tant fur la doctrine de Molina, que fur les fentimens des Univerfités & des Théologiens propofent d'Espagne. Cependant les Jéfuites firent pro- modement. pofer au Pape, qui étoit à Ferrare, un moïen Cenfure d'accommodement, qui confiftoit à permet- contre Mctre à chacun des deux partis de foutenir fon lina. fentiment comme probable. Le Pape aïant rejetté cet expédient, digne de ceux qui le propofoient, le Jéfuite Padilla préfenta un écrit contre la prémotion Phyfique, & peu de temps après, Chriftophe Cobos, Ferdinand de Bastida, & Jean Salas, autres Jésuites Espagnols, arriverent à Rome le 29 de Novembre (1598) chargés de quantité d'écrits. Mais huit jours auparavant les Confulteurs étoient convenus de la cenfure, qui fut enfuite dreffée par Coronel Secrétaire de la Congregation, & enfin lue, approuvée & confirmée dans une Congregation tenue le 12 de Mars 1599.

que

VII.

Les Jéfuites tâcherent auffi-tôt d'éluder ce Singulier premier jugement. Comme ils s'apperçurent ftratageme les Prélars & les Théologiens Conful- des Jéfuites teurs avoient fait grand fonds fur les cenfu- pour donres des Evêques & des Théologiens d'Elpa- pui appagne, ils crurent qu'il étoit de leur intérêt de produire à leur tour quelques Univerfités en nouvelle leur faveur. Rien n'eft plus fingulier ni plus doctrine.

ner un ap

rent à leur

curieux que le moïen qu'ils emploïerent en cette occafion. Ils drefferent l'expofé des fentimens des deux écoles fur la nature de la Grace efficace, en paffant fous filence tous les autres points conteftés, & fur lefquels Molina étoit accufé d'héréfie. Ils y représentérent les fentimens des Dominicains avec les couleurs les plus noires: & ils déguiferent leurs propres fentimens par les fubtilités & les adouciffemens les plus étudiés, afin de les rendre plus tolerables. Ils les appuïerent en même-temps des raifons les plus fpécieuses. Dix Jéfuites travaillerent à Rome avec tout l'artifice poffible à cette piéce fi importante. Ils lui donnerent pour titre: Confutatio cujufdam Sententia falfa de efficacitate divina Gratia, & la foufcrivireut les premiers, en déclarant le premier fentiment erroné & le fecond orthodoxe. Ils n'avoient garde d'en juger autrement. Voici les propres termes de cet Acte: Nos infrà fcripti Theologi Societatis Jefu Roma, exiftimamus fententiam initio hujus fcripti pofitam, & in eodem fcripto confutatam, multipliciter repugnare doctrina fana,neque effe in Ecclefia tolerandam. Michaël Vafquès, Petrus Arrubal, Benedictus Perrerius Mutius Vilellefcus, Chriftophorus Cobos, Bernardinus Rofignolius, Bartholomaus Pérès, Joannes Azorius, Gregorius de Valentia, Benedictus Juftinianus. Cet écrit fut envoyé à l'Univerfité de Pont-à-Mouffon en Lorraine, & à fept autres d'Allemagne, fçavoir, celles de Grats, de Dilingen, de Maïence, de Treves, de Wirsbourg, d'Ingolftad & de Vienne. On vouloit avoir leur approbation, pour l'oppofer au jugement des Univerfités & des Théologiens, qui avoient été confultés par

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