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ordre du Pape & du Grand-Inquifiteur d'Ef pagne. Cette approbation fut obtenue fans. dificulté: ces Univerfités foufcrivirent au jugement des dix Jéluites.

Les Partifans de Molina firent beaucoup valoir cette approbation, & la produisirent d'un air triomphant comme une décision fort autentique. Ils en releverent même l'autorité par cette raifon, que les Théologiens d'Allemagne étant fans ceffe aux prifes avec les Luthériens & les Calviniftes, ils devoient être mieux inftruics que les autres fur les matieres de la Grace & du Libre Arbitre. Ils crurent en imposer au public par le feul nom de huit Univerfités, & l'autorité de cinquante Docteurs. Mais la furprife fe changea en indignation contre les Jéfuites, quand on fçut que ces Univerfités dont ils prétendoient fe faire un bouclier contre celles d'Espagne & contre les Confulteurs du Saint Siége, n'étoient que des Colléges de la Société ; que ces cinquante Docteurs, excepté quelquesuns, étoient tous Jéfuites ; & que pour mieux cacher leur jeu, & couvrir cette infigne fupercherie, ils avoient fupprimé dans leur fignature ce qui auroit pu les faire connoître, aucun d'eux n'aïant pris la qualité de Jéfuite. Au refte nous avons déja dit que l'expofé qui étoit fait dans cet écrit, de la doctrine des Thomiftes, étoit fort infidele. C'est ce qu'affure pofitivement le Cardinal. Madruce dans la cenfure qu'il fit de cette belle production des Jéfuites, par ordre de Clement VIII.

VIII.

La nature d'un Ouvrage comme celui-ci ne nous permet pas d'entrer dans un certain Les Jéfuidétail de ce qui fe paffa dans les différens tes obtien

nent fans ceffe de

nouveaux examens

qui leur font tou

jours défa

vantageux.

examens du Livre & de la Doctrine de Molina. Ainfi nous nous bornerons à rapporter la date & la durée de chaque examen, & à faire connoître ce qui s'y paffa de,plus remarquable. Toute l'année 1598 fut emploiée au premier de ces examens, qui fe termina, comme nous l'avons dit,à la cenfure foufcrite le 12 de Mars 1599. Les Jéfuites aïant vû échouer la manœuvre dont nous avons parlé, engagerent l'Impératrice & l'Archiduc d'Autriche, à demander une conference entre les Parties. Le Pape accorda à une fi puiffante follicitation cette conference, qui paffe pour le fecond examen, & qui dura jufqu'au 20 d'Avril 1600. On répandit plufieurs écrits de part & d'autre, & l'on tint huit Congregations, aufquelles le Cardinal Madruce préfida. Les Cardinaux Berneri Dominicain & Bellarmin Jéfuite y affiftérent comme Arbitres. Le troifiéme 'examen dura depuis le 27 d'Avril 1600 jufqu'au 9 de Septembre. On s'affembloit deux fois chaque femaine. Le Pape fit faire le quatriéme examen par des Cenfeurs choifis, qui s'y appliquerent pendant toute l'année 1601. Le cinquième fe fit en préfence de Clément VIII & des Cardinaux du Saint Office. Il y eut foixante-huit Congrégations depuis le 20 de Mars 1602 jufqu'au 22 de Janvier 1605. Le fixième examen occupa dix-fept Congrégations tenues en préfence du Pape l'aul V, & des Cardinaux du Saint-Office, depuis le 14 de Septembre 1605 jufqu'au 1 de Mars 1606. Enfin le feptiéme examen ne fut prefque emplosé qu'a recueillir les fuffrages, & a dreffer la Bulle qui condamne les erreurs de Molina. Ceft à quoi on travailla depuis

les d'Octobre 1606 jusqu'au 20 de Juillet 1607

fition de

Gaillard.

Le Lecteur eft fans doute furpris que l'on IX. ait éxaminé tant de fois la même affaire. Artifices Mais les Jéfuites ne ceffoient de former des des Jéfuidifficultés, & de faire des propofitions plei. tes. Propones d'artifice & de mauvaise foi; & d'ail- leur Pere leurs ils favoient ménager adroitement leur crédit auprès des Princes, pour traverser les bonnes intentions du Pape, & en empêcher l'effet. Voici quelques exemples des refforts que ces Peres firent jouer pour éloigner la condamnation dont ils étoient menacés. Dans le cours du troifiéme éxamen, lorfque les Confulteurs travailloient à une cenfure, les Jéfuites engagerent leur Pere Achilles Gaillard à propofer un accommodement entr'eux & les Dominicains, comme s'il pouvoit y en avoir entre l'erreur & la vérité. Le P. Gaillard eut grand foin d'avertir que c'étoit en fon propre & privé nom qu'il faifoit cette propofition. Il s'offroit à établir la Prédeftination gratuite par le moïen des fubtilités de la science moïenne. Leffius, Molina & d'autres Jéfuites avoient eu les mêmes idées ; mais le nouveau fyftême aiant plus d'une face, Gaillard eut foin dans cette occafion de le montrer par celle qui étoit la plus favorable à la Prédeftination gratuite. C'eft précisément ce même projet que le Général Aquaviva éxécuta treize ans après dans un décret dont nous parlerons. Cette démarche des Jéfuites, qui ne fe fit point au hazard, montre combien ils fe défioient de leur caufe. Cette liberté que le P. Gaillard deman loit qu'on accordât, de foutenir les deux fentimens, prouve que les Jéfuites n'aimoient Tome X.

E

zéle contre

que

gueres la vérité. Ces deux fentimens font
contradictoires, & ont pour objet une ma-
tiere très importante. L'un renferme une
vérité effentielle & l'autre une opinion
contradictoire très-dangereufe. Auffi les Do-
minicains furent-ils fort éloignés d'accepter
un pareil accommodement. Dans la réponse
qu'ils donnerent par écrit, ils demanderent
que l'on décidât nettement l'efficacité du fe-
cours de Dieu, en forte qu'il fût déclaré
par ce fecours Dieu opére proprement dans
I'homme le confentement au bien. Ils firent
fentir combien ils étoient fcandalifés de la
tolérance propofée. On laiffa donc tomber le
projet du Jéfuite Gaillard, & le troifiéme
éxamen fut continué. Les Confulteurs pré-
fenterent au Pape la Cenfure de vingt propo-
fitions, aufquelles on avoit réduit la doctri-
ne de Molina. On les trouve avec la Censure
de chacune dans la troifiéme table, qui eft à
la tête de l'Hiftoire des Congrégations. Ils
déclaroient que la doctrine contenue dans ces
vingt propofitions, étoit conforme à celle
des Pélagiens & des demi-Pélagiens,

X. Le Pape reçut très-favorablement cette CenClément fure, & parla avec une extrême force contre VIIImontre Molina. Son difcours dura plus de trois heuun grand res.Il reprocha à ce Jéfuite la nouveauté de fa la doctrine doctrine, fon mépris pour les faints Peres, & de Molina. il réfuta cette même doctrine par des paffages Elle eft éxa- clairs & précis de l'Ecriture-Sainte, des Conminée de ciles, de S. Auguftin & de S. Thomas Il vounouveau, & loit enfuite terminer l'affaire par une décifion; de nouveau mais il fut arrêté par les mouvemens que fe condam

née.

donnerent les Jéfuites. Ils remplirent la Cour de Rome de plaintes & de clameurs. Ils préfenterent requêtes fur requêtes. Ils prétendi

rent n'avoir pas été fuffisamment encendus. C'eft ce qui détermina le Pape à ordonner le quatrième éxamen, qui occupa toute l'année fuivante 1601. Les Jéfuites y parlerent autant qu'ils voulurent. Chaque propofition de Molina y fut de nouveau difcutée, & les Confulteurs perfifterent dans leur Cenfure. On continua de juger que la doctrine de Molina étoit au fond conforme à celle des Pélagiens & des Sémi-pélagiens. Cependant on apprit à Rome que Molina étoit mort à Madrid au mois d'Octobre de cette même année 1601, lorfque les Confulteurs venoient de terminer la Censure de sa doctrine.

fuites ont

pour inti

Après la conclufion du quatrième éxamen, XI. les Jéfuites firent jouer tous les refforts de Divers ar leur politique, pour empêcher le Pape d'en tifices aufvenir à une derniere décifion. On peut voir quels les Jédans les derniers chapitres du fecond Livre recours de l'Hiftoire des Congrégations, tous les ftratagêmes aufquels ils eurent recours en mider le cette occafion. Ils répandirent par-tout avec Pape. affectation la nouvelle doctrine de Molina, afin d'intimider le Pape en lui faisant envifager la décifion qu'il vouloit publier, comme capable de produire un fchifme dans l'Eglife. Ils engagerent un Evêque de Senlis nommé Antoine Rofe, digne neveu & fucceffeur de Guillaume Rofe, l'un des plus furieux Ligueurs, & qui fe trouvoit alors à Rome, à faire chez eux une retraite pendant un mois. On lui fit bien méditer pendant cette retraite la doctrine de Molina, & on lui apprit à déclamer en présence du Pape contre la prémotion phyfique, & à certifier que l'Univerfité de Paris la condamnoit comme une héréfie. On lui fit même dire que

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