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pouvait lui devoir M. Fouchard, du moment que M. Fouchard était indemnisé et surabondamment mis en mesure de satisfaire M. Aboilard, celui-ci n'avait absolument rien de plus à prétendre de l'Etat; que, par suite, ce qni lui a été donné en outre se détache de la transaction comme clauses distinctes et indépendantes de ce qui était relatif au procès éteint, la transaction sur le procès pouvant parfaitement se faire sans les concessions d'eau et d'énergie électrique de Port-au-Prince, lest concessions sans la transaction;

Attendu que la majorité de la commission ne saurait admettre un tel. système contraire aux termes comme à l'esprit de l'acte du 26 février 1902;

Qu'il ne s'agit pas, en effet, de savoir ce que les parties auraient pu ou dû faire, mais ce qu'elles ont fait; que, sur ce dernier point, il ne saurait y avoir le moindre doute; que, suivant les expressions mêmes employées par elles, elles ont voulu arriver à une aimable composition et transiger sur les clauses du procès et, dans ce but, arrêter les clauses de la transaction; qu'il ne peut être question d'apprécier aujourd'hui la valeur des droits litigieux pour l'abandon desquels les représentants du gouvernement haïtien consentirent des sacrifices; que les concessions faites au sieur Aboilard sont un élément de la transaction au même titre que le bon de 310.000 dollars souscrit au profit de MM. Fouchard et Aboilard; qu'il n'y a pas à tenir compte de ce que Fouchard avait agi dans l'instance en son nom personnel tandis qu'Aboilard était intervenu pour exercer les droits de Fouchard; qu'au regard du gouvernement haïtien, Fouchard et Aboilard étaient également des adversaires dont il y avait intérêt à obtenir le désistement en leur assurant des avantages qui pouvaient ne pas être identiques pour l'un et pour l'autre ;

Que la commission n'a pas à rechercher quels étaient les rapports entre Aboilard et Fouchard, si, comme le préteud le gouvernement haïtien, Aboilard n'était que le prête-nom de Fouchard; qu'elle se trouve en présence des concessions faites à Aboilard dont il lui importe seulement de déterminer le caractère et les conséquences dans les rapports entre le gouvernement haïtien et Aboilard, le sieur Fouchard ne figurant et ne pouvant figurer dans la présente instance;

Qu'il y a une étroite connexité entre les divers éléments de l'acte du 26 février 1902 comme de toute transaction et non pas, comme le prétend le gouvernement haïtien, une simple juxtaposition qui serait vraiment inexplicable;

Qu'il suit de là que, contrairement à ce que prétend le gouvernement haïtien, les concessions ont bien été consenties en échange d'un droit abandonné par Aboilard; que ce droit avait certainement une valeur appréciable pour le gouvernement haïtien ;

Que la commission estime donc faire application des principes du droit comme de l'équité en décidant que la concession de l'exploitation exclusive du service des eaux de Port-au-Prince et de Pétionville et la concession de l'énergie électrique à Port-au-Prince font partie intégrante de la transaction du 26 février 1902 et correspondant à l'abandon par Aboilard des droits pouvant résulter pour lui du procès en cours;

Attendu que le gouvernement haïtien soutient que l'acte du 26 février 1902 doit être regardé comme nul et de nul effet, parce qu'il comprenait des stipulations qui, en vertu de la constitution et des lois spéciales sur

la matière, n'étaient exécutables qu'avec l'approbation du Corps législatif, laquelle approbation a été formellement refusée;

Que, dans son opinion, les concessions du 26 février 1902 sont nulles et de nul effet, en ce sens que non seulement, ce qui est bien évident, elles ne sauraient pratiquement recevoir leur exécution, mais, de plus, qu'elles ne sauraient entraîner aucune obligation à la charge du gouvernement;

Attendu qu'aux termes du protocole d'arbitrage, la commission n'a pas pour seule mission de rechercher si les contrats sont nuls ou valables, mais également d'apprécier s'ils ont engagé la responsabilité du gouvernement haïtien et dans quelle mesure;

Qu'en effet, d'une part, si les contrats étaient pleinement valables, la conséquence suivrait d'elle-même logiquement, le gouvernement haïtien devant naturellement procurer au concessionnaire tous les avantages qui seraient résultés pour lui de l'exécution complète des concessions; d'autre part, s'ils étaient nuls, il n'y aurait pas autre chose à examiner ;

Que la question de la responsabilité du gouvernement haïtien, dans son principe et dans son étendue, se présente précisément au cas où les contrats ne seraient pas, pour une cause ou pour une autre, susceptibles de produire leur pleín effet;

Attendu que si, au poiut de vue des principes du droit constitutionnel haïtien, les concessions contenues dans l'acte du 26 février 1902 n'ont pas reçu le complément qui leur était indispensable pour produire tout leur effet, puisque l'approbation du pouvoir législatif leur a été refusée, l'acte en question n'en a pas moins, dans l'opinion de la commission, engagé la responsabilité du gouvernement haïtien ;

Que d'après les circonstances, la nature de l'acte, plusieurs de ses clauses, le sieur Aboilard avait toute raison de croire que les concessions à lui faites n'étaient pas de simples projets, mais étaient bien définitives; qu'au surplus, ainsi qu'il a été expliqué plus haut, ces concessions ne constituaient pas pour lui un avantage purement gratuit ; qu'elles avaient leur contre-partie;

Qu'il y a eu, tout au moins, faute grave de la part du gouvernement haïtien d'alors, à faire un contrat dans de semblables conditions, à créer des attentes légitimes qui, ayant été trompées par le fait du gouvernement lui-même, ont entraîné un préjudice dont réparation est due;

Qu'il s'agissait pour le gouvernement haïtien d'obtenir un résultat immédiat, l'abandon d'un procès dont il craignait l'issue et que par suite un avantage également immédiat devait être conféré à l'autre partie;

Que l'on comprend que les mêmes règles ne soient pas applicables à une transaction qui peut être une nécessité d'administration et à une concession bénévole où le bénéficiaire est à la discrétion du concédant;

Attendu que, loin que l'acte du 26 février 1902 fasse allusion à son caractère soi-disant précaire, à la nécessité d'une approbation législative, il renferme des clauses qui excluent l'idée même de précarité et de nécessité d'une pareille approbation;

Qu'en effet la durée de trente années assignée aux concessions, part du jour même de la transaction, ce qui est inexplicable, s'il s'agit d'un contrat soumis à une condition dont il dépend d'une partie de réaliser plus ou moins vite l'accomplissement;

Que cette manière de voir est confirmée par le cahier des charges concernant l'éclairage électrique dont l'article 3 fixe la durée du privilège à trente années à partir de la date du contrat et exige, à peine de nullité, que le concessionnaire ait commencé les travaux dans les six mois de la même date et ait achevé l'installation de l'usine centrale dans un nouveau délai de six mois à partir du jour de l'expiration de celui ci-dessus fixé; que de pareilles exigences sont véritablement inintelligibles, s'il n'était pas nettement entendu qu'il s'agissait d'une concession définitive;

Que des clauses dans le même sens se trouvent dans le cahier des charges pour la distribution des eaux; que la durée du droit du concessionnaire et le délai dans lequel il doit s'acquitter de ses obligations partent également de l'acte de concession (combinaison des articles 1, 2 et 4);

Attendu que, s'il ne peut s'agir d'obliger le gouvernement haïtien à exécuter telles quelles les concessions faites à M. Aboilard dans l'acte du 26 février 1902, la commission arbitrale est d'avis, pour répondre à la question à elle posée dans le protocole d'arbitrage, que les contrats intervenus entre M. Louis Aboilard et les autorités haïtiennes ne sauraient être regardés comme nuls et de nul effet, mais qu'ils ont engagé la responsabilité du gouvernement haïtien;

Qu'en conséquence, réparation est due à M. Áboilard à raison de l'inexécution des engagements pris envers lui dans les conditions indiquées plus haut;

Sur le second point:

Attendu que par suite de la réponse à la première question, la commission arbitrale doit déterminer le montant de l'indemnité due à M. Aboilard;

En ce qui touche le bon de 310.000 dollars souscrit au profit de MM. Fouchard et Aboilard:

Attendu que le sieur Aboilard réclame 15.500 dollars, somme qui lui reviendrait sur le bon d'après ses arrangements particuliers avec le sieur Fouchard;

Mais attendu que le bon de 310.000 dollars a été endossé pour le tout par Aboilard au profit de Fouchard, que celui-ci est donc seul titulaire dudit bon et que c'est à lui à s'arranger avec le gouvernement haïtien pour en obtenir le payement;

Que si, sur le montant de ce bon, le sieur Fouchard est redevable d'une certaine somme au sieur Aboilard, cela ne regarde que leurs rapports personnels, que cela est res inter alios acta pour le gouvernement haïtien qui ne connaît que le porteur actuel du bon;

Que les rapports de Fouchard et d'Aboilard ne peuvent pas plus être opposés au gouvernement haïtien que celui-ci n'a le droit de s'en prévaloir pour modifier les effets des concessions par lui faites à Aboilard; qu'il n'appartient à aucun point de vue à la commission de s'en occuper; Attendu, en conséquence, que la réclamation présentée de ce chef par Aboilard doit être rejetée;

En ce qui touche les divers chefs de réclamations présentées par Aboilard, soit à raison du préjudice résultant pour lui de la perte des concessions, soit à raison de dommages d'ordres divers;

Attendu que la commission ne saurait admettre que les concessions puissent produire au profit d'Aboilard les mêmes avantages que si elles avaient reçu leur complément indispensable pour être exécutées;

Qu'il s'agit seulement d'apprécier les conséquences de la faute relevée par elle à la charge du gouvernement haïtien qui a consenti les concessions;

Que, dans l'appréciation de ces conséquences, il y a lieu pour la commission de tenir compte des divers éléments qui résultent des pièces produites;

Qu'Aboilard a éprouvé certains dommages directs dont l'existence n'est pas douteuse, bien que la commission regrette que des justifications précises et détaillées ne fui aient pas été fournies; qu'il a fait procéder à des études préparatoires; que son activité a été entravée pendant un délai assez long;

Que s'il y a lieu de constater qu'il n'y avait encore qu'une société d'études et non pas la société d'exploitation prévue par les concessions, de sérieux bénéfices pouvaient être légitimement espérés par Aboilard; Attendu qu'il est impossible à la commission d'entrer dans le détail et d'affecter une indemnité spéciale à chaque élément du préjudice total; Qu'elle ne peut qu'allouer une indemnité globale pour la fixation de laquelle elle s'est efforcée de tenir équitablement compte des divers éléments en jeu ;

Attendu que moyennant le payement de ladite indemnité tous les rapports nés entre le gouvernement d'Haïti et Aboilard, des concessions contenues dans l'acte du 26 février 1902, doivent être considérés comme définitivement réglés;

Attendu que la commission est chargée de fixer les termes et le mode de payement de l'indemnité,

Par ces motifs,

La commission arbitrale constituée par le protocole du 15 juin 1904, Après en avoir délibéré dans ses séances des 30 mars, 4 mai, 13 juin, 11, 19, 21 et 26 juillet 1905,

Déclare que les contrats intervenus entre M. Louis Aboilard et les autorités haïtiennes ont engagé la responsabilité du gouvernement haïtien ;

Décide que, pour réparation du préjudice causé à M. Louis Aboilard par la rupture de ces contrats, le gouvernement haïtien payera, pour son compte, au gouvernement français la somme de 225.000 francs, ce payement devant être effectué à Paris en monnaie ayant cours en France; que cette somme produira, à partir de ce jour jusqu'à parfait payement, des intérêts à 6 p. 100 l'an; que le gouvernement haïtien pourra effectuer le payement en deux fois, savoir: 125.000 francs dans un an, à partir de la présente sentence, et 100.000 francs six mois après; Décide enfin que, par le payement de cette indemnité, les conséquences des contrats du 26 février 1902 seront définitivement liquidées.

Fait à Paris, le 26 juillet 1905.

(Signe): HENRY VIGNAUD, président.

L. RENAULT.
SOLON MENOS.

AFFAIRES DE MASCATE.

Protocoles, actes et documents concernant le Différend entre la France et la Grande-Bretagne à propos des boutres de Mascate soumis au Tribunal d'Arbitrage constitué en vertu du Compromis arbitral conclu à Londres le 14 octobre 1904.

COMPROMIS ARBITRAL DU 13 OCTOBRE 1904.
(Voir Archives diplomatiques, t. 94, 1905, N° 5, p. 554 et suiv.).

ARRANGEMENT ADDITIONNEL DU 13 JANVIER 1905.
(Archives diplomatiques, t. 94, 1905, No 5, p. 557).

ARRANGEMENT

en vue de laisser au Tribunal Arbitral le soin de fixer lui-même la date de la remise de Conclusions des deux Parties.

La constitution du Tribunal Arbitral institué par le Compromis signé à Londres le 13 Octobre 1904, ayant été retardée de quelques jours par suite de circonstances indépendantes de la volonté des Hautes Parties Contractantes, le Gouvernement de la République Française et le Gouvernement de Sa Majesté Britannique ont jugé utile, d'un commun accord, d'user de la faculté qui leur est accordée par le quatrième paragraphe de Article 2 dudit Compromis de prolonger le délai fixé pour la remise des Conclusions.

Ils conviennent, en conséquence, par les présentes, de laisser au Tribunal Arbitral le soin de fixer la date à laquelle les membres dudit Tribunal et les deux Gouvernements intéressés recevront communication des Conclusions présentées par les Parties.

AGREEMENT

providing that the period fixed for the delivery of the Argument shall be extended to a date to be fixed by the Arbitral Tribunal.

The constitution of the Arbitral Tribunal created by the Agreement signed at London on October 13, 1904, having been delayed for some days owing to circumstances beyond the control of the High Contracting Parties, the Government of His Britannic Majesty and the Government of the French Republic have, by mutual consent, deemed it expedient to avail themselves of the power granted to them by paragraph four of Article 2 of the said Agreement to extend the period fixed for the delivery of the Arguments.

They therefore hereby agree to leave to the Arbitral Tribunal the duty of fixing the date on which the members of the said Tribunal and the two Governments concerned shall receive the Arguments presented by the Parties.

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