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Un créancier est fondé à attaquer comme entaché de fraude et de simulation un acte d'obligation concerté entre son débiteur et un tiers, avec affectation hypothécaire, ainsi que l'adjudication prononcée au profit du prétendu créancier à la suite de poursuites de saisie immobilière exercées par lui, alors qu'il est établi que le créancier prétendu n'était que le prête-nom du débiteur. En admettant que la simulation ne puisse être établie qu'autant qu'il existe un commencement de preuve par écrit, ce commencement de preuve par écrit peut résulter des réponses faites par les parties dans la comparution personnelle devant le juge saisi du litige. C. civ., 1166, 1167, 1341, 1347, 1353; C. proc. civ., 119.

Le 24 novembre 1882, le sieur Estripeau a procédé avec sa mère au partage des biens dépendant de la succession de son père, et il a été attribué à la mère des immeubles d'une valeur de 6,000 fr. Le même jour, la dame Estripeau se reconnaissait débitrice envers le sieur Mire, son parent, d'une somme de 6,000 fr. et hypothéquait à la garantie de cette obligation les immeubles qui lui avaient été attribués par le partage. Mire, dès la première échéance, a poursuivi pour les intérêts non payés; il a saisi les immeubles et s'en est rendu adjudicataire le 10 juillet 1884. La dame veuve Estripeau est décédée quelque temps aprės, laissant Estripeau, son fils, pour unique héritier. Un sieur Larnaudie, créancier de Estripeau fils, a prétendu que l'obligation souscrite par la veuve Estripeau était simulée, que Mire n'avait été, lors de l'adjudication, que le prête-nom d'Estripeau fils, que ces actes avaient été concertés pour soustraire aux poursuites des créanciers d'Estripeau fils les biens que celui-ci devait recueillir dans la succession de sa mère. En conséquence, Larnaudie a procédé à la saisie immobilière de ces immeubles, comme étant la propriété de son débiteur, et il a demandé la nullité tant de l'obligation contractée par la veuve Estripeau que

le créancier prétendu, Mire, complice de la fraude. Si ce point de fait est admis, la conséquence juridique doit être que le principe de droit invoqué par le jugement est inapplicable. Le créancier, qui veut écarter un acte simulé et frauduleux concerté entre les parties contractantes et son débiteur pour préjudicier à ses droits, ne nous paraît pas agir comme simple ayant-cause de son débiteur, mais bien comme un tiers. Il peut invoquer le principe général : que la fraude fait exception à toutes les règles notamment en matière de preuve. La fraude peut, dans tous les cas, se prouver par témoins ou par présomptions, parce que celui qui a été victime de la fraude s'est trouvé dans l'impossibilité de se procurer une preuve écrite. Il est évident en effet que, si une contre-lettre a existé ou pu exister entre le créancier et le débiteur prétendus, cette contre-lettre ne peut se trouver aux mains du créancier contre lequel la simulation a été organisée. C'est précisément ce qui a été jugé par un arrêt de la Cour de cassation du 22 mars 1875.

<< A tout événement, il pourrait être utile de recourir à la procédure d'interrogatoire sur faits et articles, parce que les réponses des parties et particulièrement du sieur Mire pourraient servir de commencement de preuve par écrit. »

Conformément à l'opinion que nous avions émise, le jugement du tribunal de Moissac a été infirmé par un arrêt ainsi motivé :

LA COUR; - Attendu que Larnaudie soutient que son débiteur Estripeau est propriétaire des immeubles saisis sur sa tête, et que Mire n'est que son prête-nom, l'adjudication du 10 juillet 1884, au profit de ce dernier, devant être annulée au besoin pour cause de fraude ou de simulation, ce qui met obstacle à la distraction réclamée par ledit Mire;

Attendu que, pour apprécier le mérite des prétentions respectives des parties, il est indispensable de se préoccuper des nombreux actes intervenus entre Mire et la dame Estripeau mère et Estripeau fils, et d'en rechercher le véritable caractère, en s'éclairant des faits acquis aux débals;

Attendu que, si le partage du 24 novembre 1882 est régulier et à l'abri de toute atteinte, on n'en saurait dire autant de l'obligation du même jour de 6,000 fr. consentie par la dame Estripeau mère à Mire; Que toutes les circonstances de la cause démontrent que la fraude et la simulation ont présidé à la confection de cet acte; — Qu'il est dit que le prêt a été amiablement fait avant les présentes et en espèces comptées et délivrées hors la vue des notaires; - Qu'appelé à s'expliquer à l'audience et dans la com

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parution personnelle à laquelle il a été procédé devant la Cour en chambre du conseil, Mire a déclaré que la somme de 6,000 fr. avait été comptée en diverses fois, soit par son père, soit par lui, en remontant à l'année 1878, par des remises de fonds diverses de 1,100 fr., 1,400 fr. et autres, jusqu'à une époque concomitante au contrat, et ce dans une période de six ans, sans que les intérêts aient été perçus; —Que les fonds étaient destinés à Estripeau fils; Mais attendu que ces déclarations ne sont évidemment pas sincères; Que l'on ne peut admettre que Mire ou son père aient consenti à remettre 6,000 fr. à la femme Estripeau, sans retirer d'elle le moindre reçu, et en compromettant la somme considérable de 6,000 fr. en capital et intérêts; que la femme Estripeau étant illettrée, il était facile de recourir au ministère d'un notaire pour constater les emprunts faits; qu'il était encore plus facile d'obtenir des reconnaissances écrites d'Estripeau fils et d'assigner à la mère son véritable rôle qui eût été celui de simple caution; - Que Mire a été à la fois dans l'impossibilité de justifier de la nécessité de cet emprunt, de la part de la femme Estripeau, et de la possibilité de lui faire lui-même un prêt aussi élevé, en admettant même les prétendus à-comptes versés par son père; que la preuve par lui articulée à l'audience pour établir l'importance de ressources suffisantes à la réalisation du prêt ne saurait arrêter la Cour qui se trouve éclairée sur ce point, et n'a pas à l'ordonner;

Attendu que les déclarations de Mire, ayant ce caractère d'invraisemblance, étant inexactes et démenties par les faits constants du procès, constituent au besoin le commencement de preuve par écrit, que Mire allègue être nécessaire à l'effet de prouver la simulation;

Attendu qu'il importe de remarquer encore qu'il a suffi de l'échéance d'une seule annuité d'intérêts, soit 300 fr., pour que Mire, jusqu'alors si bénévole, fit pratiquer des poursuites en saisie immobilière, et exproprier les biens affectés au paiement de cette créance fictive;

Attendu enfin que Mire, devenu adjudicataire le 10 juillet 1884, n'a nullement pris possession des biens, lesquels sont jouis par Estripeau fils, sous la protection d'un bail apparent;

Attendu que Mire est proche parent d'Estripeau, ce qui explique son rôle de complaisance;

Attendu donc que c'est bien Estripeau qui est le propriétaire de ces biens, et que Larnaudie se trouve recevable et fondé à en poursuivre l'expropriation, soit qu'on le considère comme exerçant l'action paulienne ou directe pour fraude écrite dans l'art. 1167 C. civ., soit qu'on le considère comme exerçant l'action oblique formulée par l'art. 1166 du même Code, et agissant au nom et droit de son débiteur, le commencement de preuve par écrit contre

Mire résultant de ses déclarations à l'audience et dans la comparution personnelle;

Par ces motifs, Sans s'arrêter ni avoir égard aux conclusions principales de Mire, et les rejetant, non plus qu'à ses conclusions subsidiaires, la cause étant instruite; faisant, au contraire, droit à l'appel de Larnaudie; déclare que Mire est le prête-nom d'Estripeau, et que les biens faisant l'objet de la saisie immobilière sont la propriété de ce dernier, et au besoin annule pour cause de fraude et de simulation l'adjudication du 40 juillet 1884; En conséquence, rejette la demande en distraction formée par Mire; ordonne la continuation des poursuites; etc.

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A annoter au DICT. NOT. (4o édit. et Suppl.), vis Commencement de preuve par écrit, nos 49, 50; Fraude, nos 4, 8; Preuve, no 104; Simulation, nos 7, 10, 13.

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Peut-on considérer comme un transport pur et simple, passible du droit proportionnel de 1 p. 100, le transport qui est fait à titre de nantissement ou garantie, lorsque le créancier gagiste est autorisé à toucher seul à l'échéance, hors la présence et sans le concours du débiteur, la somme cédée à titre de garantie? L. 22 frim. an 7, art. 68, § 1er, no 6, et 69, § 3, no 3.

L'affirmative résulte du jugement ci-après, conforme à un précédent jugement du tribunal de la Seine, du 5 juin 1863, mais contraire à l'opinion que nous avons exprimée au Dict. Not. (4° édit.), v° Transport-cession, no 310, et dans les observations que nous avons présentées à la suite de ce jugement, en le rapportant à l'art. 17786 J. N.

La décision du tribunal de Bordeaux est motivée en ces termes.

Le tribunal; Attendu que, pour déterminer la nature véritable d'un acte, il ne faut point s'arrêter à la dénomination que les parties lui ont donnée, mais qu'il faut la déduire des clauses qu'il renferme; qu'il y a donc lieu de rechercher, dans l'espèce, si les stipulations du contrat du 16 mars 1881, au rapport de Mr Blondeau, notaire à Bordeaux, constituent une cession à titre de supplément des garanties données aux créanciers par un précé

dent contrat, un nantissement, en un mot, passible du droit fixe primitivement perçu, ou une véritable cession de créance passible du droit proportionnel de 4 p. 100 réclamé par l'Administration de l'enregistrement;

-

Attendu que les sieurs Jean-Charles Salles et Pierre-Gustave Salies ont emprunté, suivant deux contrats au rapport dudit Ma Blondeau, en date des 5 janvier et 11 mars 1875, savoir: aux époux Mosnier, une somme de 17,000 fr. payable le 5 janvier 1879, el au sieur Bouffarligues, sous le cautionnement des époux Mosnier, une somme de 43,000 fr. payable le 14 mars 1880; Qu'à l'échéance les débiteurs ne se sont pas libérés, et que, le 12 mars 1881, suivant exploit de Cambon, huissier à Bordeaux, une saisiearrêt a été pratiquée à la requête de Bouffartigues sur toutes les sommes dues à ses débiteurs par le trésorier-payeur général de la Gironde et par la mairie de Bordeaux; - Que c'est dans cette situation que, le 16 mars 1881, c'est-à-dire quatre jours après la saisiearrêt, est intervenu le contrat destiné à en arrêter les effets et sur lequel la Régie base sa nouvelle perception;

Attendu que de ce contrat il résulte que les sieurs Salles cèdent, à titre de garantie seulement, disent-ils, à leurs créanciers qui acceptent, savoir à M, Bouffartigues, à concurrence de 30,000 fr., et aux époux Mosnier, à concurrence de 17,000: 1° toutes les sommes qui peuvent leur être dues par la fabrique de l'église Saint-Augustin de Bordeaux pour travaux par eux faits à ladite église; 2° leur cautionnement d'entrepreneur déposé à la recette générale de la Gironde pour garantie des travaux faits à l'église Saint-Louis de Bordeaux; 3° le fonds de retenue conservé par la ville de Bordeaux sur ceux leur revenant pour prix des travaux exécutés à ladite église, cette retenue s'élevant à 15,000 fr.; que les sieurs Salles conservent le droit de réclamer et recevoir de la Ville de Bordeaux toutes les sommes qu'elle peut leur devoir pour toute autre cause que celle susénoncée et même comme conséquence des mêmes travaux; Que, par suite, le sieur Bouffartigues et les époux Mosnier pourront recevoir directement de qui de droit les sommes cédées par les sieurs Salles en supplément de garantie, ces derniers les subrogeant dans tous leurs droits et actions relativement auxdites créances;

Aitendu que ce contrat a été signifié, suivant exploit de Cambon, huissier à Bordeaux, le 18 mars 1881, au trésorier-payeur général et à la mairie de Bordeaux, et, le 21 du même mois, au trésorier de la fabrique de Saint-Augustin;

Attendu que les stipulations ci-dessus analysées ne présentent point les caractères d'un contrat de nantissement, mais bien ceux d'un véritable transport de créance;

Attendu, en effet, qu'il est de la nature du contrat de nantissement

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