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pendant la paix comme pendant la guerre.

Les dispositions pacifiques de la Russie servirent à souhait les vues de Bonaparte : la cour de Vienne n'accueillit qu'avec dépit une impéricuse intervention qui dicta de nouvelles lois au Corps germanique, et prépara le système de protectorat connu depuis sous le nom de Confédération du Rhin.

Quels profonds ressentimens ne devaient pas nourrir en Autriche, des changemens qui rompaient d'antiques liens entre les familles souveraines, renversaient les priviléges, choquaient les préjugés et les habitudes? Cette puissance, qui avait fait tant d'efforts et tant de sacrifices pour soutenir la cause commune, ne pouvait protéger ses amis, et voyait les plus solides indemnités écheoir à ses ennemis naturels ou à ses rivaux.

La Prusse ne garda aucune mesure dans les prétentions qu'elle éleva; mais la puissance la plus éminemment favorisée fut la Bavière elle avait sans doute perdu beaucoup dans le Palatinat; mais les indemnités

qu'elle recevait dans l'Empire représentaient une population d'environ un million* d'âmes; prodigieux accroissement pour cet électorat. Le grand-duc de Toscane, frère de l'Empereur, dont les pertes étaient si considérables, et auquel un article spécial du traité assurait de fortes indemnités, ne recevait au contraire aucune nouvelle possession qui fût en proportion avec celles qui lui étaient enlevées. L'Empereur ne put donc voir sans un vif mécontentement et de fortes appréhensions, cet abus de la victoire, et la partialité du premier Consul pour les puissances dont il pouvait attendre quel que appui dans de nouvelles guerres. Ce monarque finit cependant par accéder au plan d'indemnités arreté par les deux cours de Russie et de France; mais il ne se soumit qu'avec dignité, et sa courageuse oppo sition parvint du moins à obtenir des puissances médiatrices un accroissement d'indemnités en faveur de son frère, le grandduc de Toscane, qui, indépendamment des autres dédommagemens, reçut le pays d'Or

tenau, dont l'Empereur fut indemnisé par la sécularisation des évêchés de Trente et de Brixen.

Ce difficile partage avait jeté les états d'Allemagne dans une telle agitation, que la médiation des cours de France et de Russie était devenue nécessaire : elle pouvait seule prévenir l'explosion, d'une guerre intestine au sein de l'Empire germanique. L'électeur de Bavière, déjà sous l'influence de la France, tenta de se rendre maître, par la force, de la ville de Passau, qui lui avait été assignée comme indemnité. L'Empereur jeta quelques bataillons dans cette place, et menaça d'opposer la force à la force. Les cours de France et de Russie blâmèrent cette précipitation; mais l'Empereur répondit que lorsque les négociations seraient terminées, et qu'il aurait été décidé à qui devait écheoir la ville de Passau, il serait temps de l'évacuer ; que jusque-là ses troupes n'en sortiraient point, Lorsque l'on considère que, dans cette occasion, la France, la Rus-. sie, la Prusse et la Bavière étaient liguées

contre les intérêts de la maison d'Autriche, on ne peut qu'applaudir à la résolution de l'empereur François II. Sa constance lui attira l'estime et le respect qui s'attachent à la dignité dans le malheur, et servit du moins les intérêts de son frère; il n'accéda au plan des puissances médiatrices que lorsqu'il eut obtenu une augmentation d'indemnité pour le grand-duc de Toscane. Le territoire de l'archevêché de Salzbourg, avec le titre d'électeur, était sans doute un faible dédommagement; mais c'était, pour la maison d'Autriche, une importante acquisition, à cause de l'amélioration de sa frontière de l'ouest; et si le grand-duc eût épousé, comme on le proposait, la princesse héritière de Saxe, il devenait l'un des plus puissans princes de l'Allemagne.

Le sort du grand-duc de Toscane, dans le partage des indemnités, formait cependant un contraste frappant avec celui des puissances que la France voulait agrandir, et qu'elle favorisait pour se concilier la bienveillance de la Russie. Les maisons de Bade et

de Wurtemberg reçurent des compensations décuples de leurs pertes; les princes de Hesse, la Bavière et la Prusse, qui avaient abandonné l'Empereur et la coalition, s'unirent pour consommer le partage des belles possessions de l'Église, et pour faire passer sous leur domination les villes libres et impériales. Il n'y avait point de si petit prince qui, en implorant la protection du premier Consul, ne s'acquît quelques droits aux dépouilles de l'empire; tandis que le prince d'Orange, l'électeur de Hanovre, et les moindres branches de la maison de Nassau, privées de leurs plus importantes possessions, obtenaient à peine en compensation la dixième partie de leur valeur.

Le premier Consul, en flattant l'ambition des princes qui pouvaient seconder ses vues, les rangeait sous la protection de la France. Le système d'indemnités présenté par les cours de France et de Russie, n'avait d'autre objet que l'abaissement de la maison d'Autriche; la France en mettant dans sa dépendance les pe tits états qui la séparaient de ceux des grandes

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