Page images
PDF
EPUB
[merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]

COURIER DE PROVENCE,

Pour servir de suite aux Lettres du C DEMIRABEAU à ses Commettans:

IL

No. CXXXVI.

Séances du lundi 26, au 27 avril 1790.

Ly a un fiècle que Louis XIV faisoit bombarder Alger. Louis XVI conclut aujourd'hui un traité de paix avec cette régence; cela est moins éclatant, moins signalé dans l'histoire; mais auffi cela est moins dispendieux, plus sûr, plus utile. Les nation's ont leurs différens âges, comme les individus. On commence par sacrifier à la renommée, à la vaine gloire. Le temps vient ensuite où l'on regarde au réfultat, à la fin des choses. Qu'en arrivera-t-il ? Voilà ce que les per sonnes sénsées & les gouvernemens sages doivent considérer dans leurs résolutions.

Louis XIV fit des préparatifs et des frais immenses pour réduire en cendres quelques maifons algériennes. On fit alors le premier effai des galiotes à borbes. Le Dey ayant appris tout ce que cette expédition de Du quene avoit coûté à Louis XIV, dit que, s'il lui en avoit donné la moitié, il auroit

[ocr errors]

brûlé toute la ville. La guerre ne produit que la guerre. Les Algériens irrités plutôt que vaincus, recommencèrent bientôt leurs pirateries, et le maréchal d'Estrées renouvela le bombardement. Des millions enfévelis dans la Méditerranée, une figure algérienne enchaînée à la place des Victoires, fous les pieds d'un roi de bronze, voilà tout le résultat d'une entreprise dont on se promettoit la sûreté des mers et la gloire de la France.

Il n'y a qu'un concert de toutes les puissances maritimes qui puisse en imposer assez à ces peuples de corsaires qui bordent l'Afrique pour les empêcher de faire métier du pillage et du massacre. Or, nous voyons souvent les puissances de l'Europe se réunir les unes contre les autres pour se battre; mais se concerter pour faire leur bonheur commun, pour faire respecter le droit des gens à des barbares qui ne vivent que pour le violer; c'est ce qui n'est point encore entré dans leur politique. En attendant qu'elles s'avisent de cette généreuse coalition, elles excitent ces gouvernemens de pirates les unes contre les autres; elles leur fournissent les armes, munitions nécessaires pour leurs courses meurtrières, au risque de voir tourner bientôt

les

[ocr errors]

contr'elles mêmes ces objets d'un commerce aussi vil qu'il est dangereux.

On a peu d'idées de la force & des ressources de ces puissances africaines, quand on s'imagine qu'une bonne flotte et du cou rage suffisent pour les faire rentrer dans le devoir. Toutes ces expéditions particulières, même les plus heureuses de nos gouvernemens maritimes, n'ont jamais rien produit de décifif; et que de revers n'ont-elles pas souvent entraîné? Voyez les dernières tentatives des Espagnols, des Vénitiens. Les Algériens devoient être exterminés par ces châtimens périodiques que leurs brigandages avoient mérités; mais ces tentatives ont mal réussi : il a fallu se retirer sous peine d'être exterminé soi-même. Ces barbares réunis 'peuvent couvrir les mers d'une immensité de bâtimens de toute espèce. On sait qu'au siècle dernier ils firent trembler l'Angleterre dont ils ruinèrent la marine marchande.

C'est donc ici le cas de dire qu'un mauvais accommodement vaut mieux qu'un bon procès. Il est préférable de vivre en paix avec d'aussi cruels ennemis, dût-il en coûter quelques sacrifices, plutôt que de leur faire la guerre fans gloire, sans certitude du succès

Sans qu'il y ait même égalité de périls; puisqu'ils font leurs prisonniers esclaves, que les mœurs européennes proscrivent cette barbarie.

L'assemblée nationale à donc eu raison de recevoir avec joie la nouvelle d'un traité de paix avec la régence d'Alger, qui lui a été communiquée de la part du roi, par le miniftre de la marine. Cette paix est renouvelée pour cent ans; ce qui vent dire, fans doute, pour toujours; sauf cependant tout ce qui peut le rompre, au bout dẻ quelques mois, de la part d'un ami aussi inconstant, aussi intéressé, aussi infidèle que le Dev d'Alger. En attendant, voici un effet heureux de ce traité : c'est la délivrance des équipages françois, pris l'année dernière, et jettés dans les fers par les corsaires algé riens. M. de Saineville, qui a conclu le traité avec le Dey, vient de ramener ces équipages à Toulon.

Il eût été digne d'une nation comme la nôtre qui doit ambitionner non-seulement sa liberté, mais la liberté générale et surtout celle de ses alliés, de comprendre dans son traité les Etats-Unis de l'Amérique. Ce nouveau peuple n'a pas plutôt pu donner

« PreviousContinue »