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d'hier! dites, n'est-il pas vrai qu'un tel citoyen scroit coupable devant la loi de votre collégué Regnaud? Ah! plutôt, hommes à courte vuel laissez aller la révolution; ne retardez pas sa marche rapide par vos petits décrets réglementaires. La révolution qui vous fait vivre, est due toute entière à la désobéissance à des loix telles que celle que vous nous intimez en ce moment; elle est due aux placards, aux écrits publiés ou colportés, aux discours tenus dans les lieux ou assemblées publiques ; elle est due aux perturbateurs de la paix publique, de cette paix, de cette léthargie de la servitudes elle est due aux séditieux qui ont provoqué le meurtre d'un Fouloa et de ses pareils, le pillage et l'incendie de ces aristocrates nobles, morts de tage de s'être laissés prévenir dans le projet formé par eux depuis la réunion des trois ordres, dẹ s'ensevelir sous les ruines de leur patrie.

Si l'article premier du décret sur les attroupe mens, tel que nous l'avons rapporté, est suscep tible des inconvéniens les plus graves, les plus at tentatoires au règne de la liberté nationale et in dividuelle ; qu'eût-t-il donc été, si le sage et patriote Péthion, au défaut de Roberspierre, dont on avoit saisi l'absence comme la plus belle occasion pour perter atteinte aux droits de l'homme, si Péthion n'eût pas reinporté, comme d'assaut et au moyen de sa profession de foi politique, l'espèce d'amen dement contenu dans le mot formellement ; lé16nitif, au reste, qui est loin de rectifier cette lot digne des Vandales.

«Messieurs, a-t-il dit avec fermeté à l'aréopagefrancais, qui se fourvoyoit sihonteusement; messieurs, je ne puis m'empêcher de vous représenter que la disposition de l'article qui prononce une peino contre ceux qui auront provoqué la désobéissance tux loix, me paroit trop vague et TROP DESTRUČ TIVE de la liberté de la pressen. Amis lecteurs, nơi N°. 106.

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tez bien ce passage, et faites tous ce serment qui en vaut bien un autre :

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et M. Garat, la mouche du coche, qui saisit l'àpropos pour hasarder quelques dispositions sur les écrits licentieux!..

Art. II. « Tout homme qui, dans un attroupe>> ment, aura fait entendre un cri de provocation au » meurtre, sera puni de trois ans de chaîne, etc. ».

Le plus grand vice de cet article est dans le mot attroupement, auquel il faut appliquer ce que nous avons dit précédemment à l'examen du premeer article. Les despotes appeloient attroupement ce que les patriotes nomment insurrection. Pour résister à l'oppression, il faut s'attrouper; il faut qu'un homme fasse entendre un cri de provoca tion au meurtre du tyran inviolable, du législateur privilégié qui abuse de son ascendant ou de son poste pour attenter aux droits des citoyens, dont il n'est que le primus inter pares. Encore une fois, ce n'est pas avant l'achèvement de la constitution, ce n'est pas dans un temps d'orage qu'il faut porter de telles loix. Elles prêtent trop aux contre-révolutionnaires; elles ralentissent l'essor d'un peuple vers la liberté.

Art. 3. « Tout cri contre la garde nationale » ou la force publique en fonetion, tendant à lui » faire baisser les armes, sera regardé comme cri » de sédition »>.

Oh! pour le coup, c'en est trop. Cet article heurte à la fois l'instinct animal, la raison, la justice, l'humanité et l'ordre naturel des choses et des sensations. Comment ? un garde na ional ivre, tel qu'il s'en est trouvé plusieurs, dimanche 17

juillet, au champ de la fédération, me poursuit la baionnette dans les reins, ou me couche en joue, et la loi m'interdit tout cri tendant à lui faire baisser ou quitter les armes ! Ce cri involoataire de la nature qui veille à ma sureté, à mon insu, et malgré moi, la loi le regarde comme un cri séditieux!

Comment ? dans un jardin destiné à la fraternité, aux délassemens honnêtes, je vois entrer un détachement de fusiliers, les armes hautes, et dont la contenance effraie mon épouse, ma sœur ou ma fille, et on m'imputera à crime et l'on me régardera comme un séditieux, si je m'écrie tout haut: A bas les baïonnettes!...

Et c'est à un peuple libre, à peine depuis deux années, qu'on enjoint l'obéissance à de telles loix ! Soumettons-nous, puisque l'ordre social exige qu'on obéisse aux loix, même les plus détestables, jusqu'à ce qu'elles soient remplacées par des décrets plus sages; mais Péthion l'a répété d'après la déclaration des droits: il est permis de manifester son opinion, même sur une loi faite. Ne cessons done pas de réclamer contre ce décret, que Tibère, Louis XI et Charles-Quint so fussent empressés de sanctionner, et que tous les rois actuels de l'Europe se håteront d'adopter pour prévenir la catastrophe dont ils sont menacés. Ce décret, à lui tout seul, suffiroit pour opérer en France la contre-révolution la plus complète.

Et remarquez combien ce décret absurde, injuste et liberticide dans le fond, est inconséquest et contradictoire dans la forme. Cette loi qui menace d'emprisonnement et de chaîne les réfractaires aux loix, est publiée au nom da Louis XVI, par la grace de Dieu et par la loi constitutionnelle de l'état, roi des Français, c'està-dire, au nom du chef de tous les réfractaires, au nom de celui qui, pour prix de sa défection, de sa désobéissance formelle à le loi, méritoit,

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d'après ce texte précis du décret contre des attroupemens (que lui-même aussi avoit ordonnés à ses frères et à Bouillé) méritoit autre chose sans doute que de voir son nom sanctionner les décrets de l'assemblée nationale. C'est comme si Louis XVI disoit aux citoyens : « Qui que vous soyiez, obéis, » tez aux loix; moi seul, je dois être payé pour » leur désobéir. L'assemblée nationale m'a re» placé sur le trône pour la peine. Semblable à » ce chef de brigands qui ne vouloit avoir que des » honnêtes gens dans a troupe, et faisoit mettre » à la chaîne ceux qui lui ressembloient ».

L'auteur du livre des Crimes des Rois de France au¬ roit-il prévu que bientôt l'assemblée nationale en viendroit au point de vouloir réduire le peuple français à l'obéissance passive? M. la Vicomterie offre en ce moment, dans son nouvel ouvrage (1) des Droits du Peuple sur l' Assemblée Nationale, un correctif à la loi contre les rassemblemens que nos légistes, dans leur nouveau vocabulaire, font le synonyme d'attroupemens et d'émeutes. On le trouvera, ce correctif, sur tout à la page 97 et suivantes, chapitre VII. Il y est question de la loi martiale. Il semble que l'écrivain, chand patriote, ait prophétisé la scène sanglante du champ de la fédération de dimanche 17. On Ja reconnoîtra dans ce passage, qui donnera en même, temps la mesure du talent d'écrite et de voir de l'au

teur.

«Législateurs impitoyables! il vous faut donc l'appareil » infernal de la guerre pour prêcher la vertu, la morale, » la raison toute-puissante chez les hommes, quand on » la leur montre revêtue de toutes ses forces.... Faites » des loix qui ne soient appuyées que sur elles, vous ⚫ verrez s'il est besoin d'un décret, d'une loi de sang,

(1) Les Droits du Peuple sur l'assemblée nationale I volume in 8°. Prix i liv. 16 sous; par Louis la Vicomterie, auteur des Crimes des Rois de France, et du Peuple et des Rois. A Paris, chez Paquet, libraire, rue Jacob, faubourg Saint Germain, no. 49, 1791, in-8°., 180 pages.

» pour commander l'obéissance au peuple; mais quand vous foulez aux pieds ses droits pour servir des tyrans; » quand vos décrets écrasent la liberté, ce peuple, que » vous calomniez, que vous massacrez; ce peuple, dont l'esprit est droit, le cœur est juste, se rassemble pour se communiquer ses idées, ses inquiétudes et ses "plaintes, pour les déposer devant vous; et pour toute réponse, vous l'assassinez! vous ne savez que rougir ses lambeaux de son sang malheureux » !

Le dernier alinéa de tout le livre, et qui termine la conclusion de tout l'ouvrage, n'étoit point connu de nos légistes, quand ils ont porté la loi contre les attroupemens, etc. Le voici :

« On ne peur ordonner la soumission à une loi; il » faur qu'on en voie la bonté, la nécessité, pour y être » soumis; autrement, ce n'est pas la loi qui commande, > c'est son fantôme que font mouvoir des tyrans ».

Nous Tecommandons la lecture de ce livre, écrit dans les grands principes de la morale politique, et dans un style qui prouve que l'auteur est pénétré le premier des vérités éternelles contenues dans la déclaration des droits de l'homme et da citoyen, à laquelle il ne cesse de rappeler ses compatriotes. « La constitution ( dit-il

dans son avertissement) n'est toute entière que dans » la déclaration des droits de l'homme ». Et assurément, pourrons-nous ajouter, on n'y trouve pas la loi martale, ni le décret contre les attroupemens, qui en est un corollaire.

Les assassins qui ont égorgé les malheureux pris sous l'autel de la patrie ont été arrêtés le vendredi 22; leurs déclarations jetteront sans doute un jour terrible sur le complot du champ de Mars.

M. du Verrier est arrivé le 21 juillet à Paris; il résulte du compte qu'il a rendu à l'assemblée nationale de sa mission auprès du sieur Condé, qu'il a été fort mal accueilli des officiers français.

Le juif Ephraïm, contre lequel la calomnie avoit déjà distillé ses poisons, vient d'être mis en liberté.

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