Page images
PDF
EPUB

privations, les déboires, les souffrances physiques et morales, ainsi que les dangers de toute sorte qui doivent surgir au début. C'est un devoir pour notre pays d'utiliser ces dévouements.

Je ne puis mieux terminer qu'en citant ces paroles de Paul Soleillet, qui a consacré sa vie aux explorations africaines : « Nous devons rem«plir l'Afrique, où il ne peut plus y avoir de vraie gloire militaire pour << une puissance européenne, non du bruit de nos armes, mais des << œuvres vivantes de notre génie civilisateur. »

Elmina, le 7 juin 1883.

J. PROST.

BIBLIOGRAPHIE1

NOTES SUR MADAGASCAR, par Laurent Crémazy, conseiller à la cour d'appel de la Réunion. Paris (Berger-Levrault et Cie), 1883, in-8°, 25 pages. Cette étude, qui a déjà paru dans la Revue maritime et coloniale, est surtout destinée aux marins; écrite dès lors d'un style sobre et substantiel, elle n'est pas d'une lecture facile. L'auteur parcourt la côte de la grande île, de Bombétok (Bembatouka) au N.-O., à Mahanaro (Manourou) à l'est, en passant par le sud, et s'arrête devant chaque mouillage, dont il indique les avantages et les inconvénients. Il constate que le rivage occidental de Madagascar ne présente qu'un petit nombre de ports accessibles aux gros navires, et qu'il est, en revanche, précédé le plus souvent de récifs qui le rendent inabordable. Cette partie de l'île est habitée par les Sakalaves, dont les chefs ou rois sont vassaux des Hovas qui occupent, dans la contrée, un certain nombre de postes fortifiés. Durement opprimés autrefois par leurs maîtres, les Sakalaves, qui sont d'ailleurs d'excellents guerriers, relèvent aujourd'hui la tête, se sentant soutenus par la France. En ce qui concerne cette puissance, il paraîtrait, d'après une note de l'auteur, que toute la partie nord-occidentale de Madagascar, de Boina au cap d'Ambre, lui aurait été régulièrement cédée par la reine des Sakalaves, en vertu d'un traité du 17 juillet 1840. C'est sur cette question, bien controversée, on le sait, que porte, en partie du moins, le différend entre la France et le gouvernement malgache.

On peut se procurer à la librairie Jules Sandoz, 13, rue du Rhône, à Genève, tous les ouvrages dont il est rendu compte dans. l'Afrique explorée et civilisée.

.

BUKU YA TSIKWEMBO TSINWE NA TISIMO TA HLENGELETANO. Lausanne, (G. Bridel), 1883, in-12, 150 p. - LEÇONS DE SIGWAMBA par le missionnaire P. Berthoud (autographie d'un cahier d'étudiant). Lausanne, (impr.-lith. J. Chappuis), 1883, in-4°, 46 p. A mesure que l'Afrique est plus complètement explorée, le nombre des tribus connues augmente, et aussi celui des langues à mettre par écrit. Les explorateurs peuvent fournir des notices grammaticales, comme l'ont fait Nachtigal pour la langue du Baghirmi, Barth pour celles de plusieurs tribus des bords du lac Tchad, Schweinfurth pour celles des Dinkas et des Chillouks du Haut-Nil, etc. Quant aux grammaires proprement dites, elles ne peuvent guère être rédigées que par des missionnaires, qui, résidant pendant de longues années au milieu des indigènes d'une même tribu, sont mieux placés pour se rendre compte de toutes les particularités de sa langue et nous en faire comprendre soit le mécanisme, soit les rapports avec les autres idiomes de la même famille, ainsi que l'ont fait M. Casalis, pour le séchouana, MM. Krapf et Steere, pour le souahéli, etc. Le sigwamba, dont les deux ouvrages susmentionnés sont les premiers documents imprimés, appartient à la famille des langues bantoues; il est parlé surtout par les Magwambas, au milieu desquels nos compatriotes, MM. P. Berthoud et Creux, ont fixé leur résidence dans les Spelonken, au nord du Transvaal. De ces deux ouvrages, le premier renferme plusieurs morceaux de la Bible, traduits, et 53 cantiques composés sur différents rythmes par les missionnaires. Quant au second, c'est la reproduction des leçons données par M. P. Berthoud aux élèves qui se préparent à Lausanne à aller renforcer les stations des Spelonken, et en créer de nouvelles au milieu de tribus parlant la même langue, car, d'après le témoignage de M. Laws, de la station de Bandaoué sur le lac Nyassa, le sigwamba a été porté au delà du Zambèze, sur le plateau qui s'étend entre les lacs Nyassa et Bangouéolo, et il est compris et parlé par beaucoup d'indigènes de cette région. M. Cust, auquel nous devons déjà la classification des langues de l'Afrique, nous dira mieux que personne ce qui caractérise celle-ci entre toutes celles de la même famille. Ce qui nous a frappé, c'est la richesse des formes verbales et des combinaisons propres à exprimer toutes les idées d'un peuple enfant. Sans doute les mots abstraits lui font défaut, mais nous ne doutons pas qu'elle ne s'enrichisse sous l'influence des leçons des missionnaires, et qu'elle ne crée, selon le génie qui lui est propre, tous les termes et toutes les formes dont elle aura besoin, à mesure que les Magwambas feront des progrès dans la culture intellectuelle et morale. Nous savons que

M. Berthoud prépare une œuvre plus considérable sur les langues bantoues. Puisse-t-il, au milieu des travaux qu'il va bientôt reprendre aux Spelonken, la continuer et la mener à bonne fin.

AN INTERNATIONAL PROTECTORATE OF THE CONGO RIVER, BY SIR TRAVERS TWISS, D. C. L.., F. R. S. London, (Pewtress et C°), 1883, in-8°, 19 p., Dans le mémoire sur la question du Congo devant l'Institut de droit international, publié dans notre dernier numéro, M. Moynier a exposé (p. 288), l'idée particulière développée par M. Travers Twiss dans la Revue de droit international. Nous nous bornons à y renvoyer nos lecteurs, en ajoutant toutefois que l'auteur, frappé de l'état d'anarchie qui règne sur le Congo, et désireux d'empêcher que l'œuvre civilisatrice européenne n'échoue par le fait de rivalités ou de dissensions entre les blancs, insiste fortement pour que les nations dont les ressortissants ont des factoreries sur ce fleuve s'entendent, et décident à quelle loi seront soumis les commerçants qui y trafiquent, puis devant quelle juridiction ils seront assignés s'ils enfreignent cette loi. Il montre l'absolue nécessité d'un contrôle international exercé, comme pour le Danube, par les grandes puissances civilisées. Si l'Europe a hésité jusqu'ici à appliquer à l'Afrique les principes de liberté proclamés au Congrès de Vienne en 1815, au sujet de la navigation des fleuves, le moment est venu de les étendre à ce nouveau continent, tout en tenant compte des circonstances particulières du Congo. Sans doute l'organisation des indigènes sur les rives du fleuve est encore celle de la tribu; la souveraineté territoriale, dans le sens où elle a remplacé la souveraineté personnelle en Europe, y est encore inconnue. Cependant la souveraineté personnelle est reconnue par les trafiquants européens, puisque chaque factorerie arbore le pavillon de la nation dont elle réclame la protection, quand elle est lésée par un chef indigène ou par un marchand d'une autre nationalité. Il y a là un élément d'ordre dont il faut profiter, avant que le désordre se soit introduit parmi les foules qui, par cette voie, se précipiteront au cœur de l'Afrique. Les puissances qui se concerteront pour établir une convention comme celle du Danube, pourront inviter les autres à y accéder; ensemble elles pourront convenir que chaque État autorisera son commissaire à exercer une juridiction consulaire sur les sujets de l'État qu'il représentera, aussi bien dans les eaux du Haut Congo que dans celles du bas fleuve. Un accord international en ce sens serait digne de la civilisation de notre époque, et pourrait prévenir les difficultés imminentes.

BULLETIN MENSUEL (3 décembre 1883.)'

L'attention du consul général de S. M. britannique à Tripoli a été attirée sur le fait que, chaque année, des caravanes du Soudan, du Bornou, du Ouadaï et de Timbouctou arrivent en janvier et en février à Ghadamès, où elles amènent de l'ivoire, de la soude, du séné, de la poudre d'or, des plumes d'autruche, des peaux, et aussi des esclaves des deux sexes. Le consul est chargé de s'enquérir si ces esclaves ne sont point emmenés par Tripoli vers les ports de la Turquie.

Le capitaine Foot, employé quelque temps au service de la suppression de la traite à la côte orientale d'Afrique, a envoyé à l'Antislavery Society un plan industriel, en faveur des esclaves libérés en Egypte et de ceux qui, devenus libres de droit par la mort de leur propriétaire, demeurent sans asile. D'après un rapport de lord Dufferin, communiqué au Parlement anglais, sur 8092 esclaves libérés, du mois d'août 1877 au mois de novembre 1882, il n'y en a eu que 26 employés à l'agriculture et 23 envoyés à l'école; 1626 hommes et 1994 femmes ont pu suivre leurs goûts particuliers. Le capitaine Foot voudrait que le khédive fit don, en faveur des esclaves libérés, d'une zone de terrain arable dans la BasseÉgypte; il y en a suffisamment le long du canal d'eau douce, ne réclamant que l'irrigation et la culture pour acquérir la fertilité des autres parties de l'Égypte. Si le gouvernement du khédive ne veut pas donner du terrain, une souscription pourra être ouverte pour en acheter. Un asile y serait établi, comme ferme et école industrielle, sous le contrôle direct du gouvernement anglais, mais sous la dépendance de l'autorité égyptienne. Les règlements devraient avoir la sanction du khédive, et être approuvés par le représentant de S. M. britannique en Égypte. Chaque année le gouvernement égyptien voterait un subside pour l'entretien de cette réserve en faveur des esclaves libérés, jusqu'à ce que le représentant anglais jugeât qu'elle peut se suffire à elle-même. Ceux d'entre les esclaves libérés qui auraient des aptitudes pour l'agriculture, seraient établis dans des maisons séparées sur des lots de terre arable; s'ils étaient célibataires, on leur permettrait de se marier. Ils paieraient

1 Les matières comprises dans nos Bulletins mensuels et dans les Nouvelles complémentaires y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de l'Algérie, puis allant à l'Est, longeant ensuite la côte orientale du continent et revenant par la côte occidentale.

[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small]

une légère redevance annuelle, comme le font les esclaves libérés de la mission des Universités, à Zanzibar et à la côte orientale. On enseignerait le commerce à ceux qui voudraient s'y vouer. On établirait des écoles pour les deux sexes jusqu'à l'âge de 13 ou 14 ans. Les garçons seraient astreints à certains exercices, semblables à ceux qui sont en usage dans la plupart des écoles anglaises. En outre un bateau-école, organisé selon des règles analogues à celles des vaisseaux-écoles anglais (English Industrial Trainings Ships), serait attaché à l'institution. Les esclaves libérés pourraient devenir chauffeurs, charpentiers, marins, etc. Une école militaire serait établie sur la réserve pour fournir l'armée, la police, les gardes consulaires. Quant aux filles, on leur enseignerait la cuisine, le blanchissage, les travaux à l'aiguille, et généralement ce qu'ont besoin de savoir de bonnes servantes. Les esclaves libérés pourraient quitter la réserve avec la permission de l'autorité.

Mais, pour que les mesures proposées en vue de former les esclaves libérés à quelque travail utile, et d'une manière générale pour que les moyens adoptés pour l'abolition de l'esclavage aboutissent, il faudrait que tous les représentants des États civilisés auprès du gouvernement du khédive, et tous les membres des colonies européennes en Égypte, fussent unanimes à réprouver la barbarie d'une institution qui permet à l'homme de posséder son semblable à titre de propriété. Or malheureusement, d'après une correspondance particulière du Caire, ce n'est pas le cas; tels consuls et tels colons européens, appartenant à ce qu'on appelle la bonne société, sont favorables au maintien de l'esclavage et se moquent des partisans de l'abolition, fournissant ainsi un appui aux tergiversations du gouvernement égyptien, qui ne peut se résoudre à faire le nécessaire pour préparer l'abolition promise dans les traités avec l'Angleterre.

La cause de la civilisation du Soudan est gravement compromise, par le massacre du détachement égyptien envoyé de Souakim pour ravitailler les garnisons de Singat et de Tokhar, chargées de garder la route par laquelle des renforts peuvent être expédiés à Khartoum. Actuellement cette route se trouve entre les mains des partisans du mahdi qui menacent Souakim, en sorte que l'armée commandée par Hicks-pacha est coupée de sa base d'opérations'. Le gouvernement du khédive a sans doute décidé d'envoyer à Souakim un millier de bachi-bozouks ou de

'Les dernières dépêches annoncent que cette armée elle-même a été massacrée dans le défilé de Kashgate, près d'El-Obeïd.

« PreviousContinue »