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parce qu'elle résulte de faits susceptibles d'être positivement constatés. Du reste, aucune exception, aucune distinction; et à moins de vouloir être plus sage que la loi, restrein on ne saurait, sur le prétexte de l'intérêt public,

dre la recherche de la maternité au seul cas où c'est l'en- ** fant qui l'exerce.

Ajoutons que l'intérêt public même s'oppose à cette restriction. En effet, il importe à l'ordre social que les prohibitions légales ne soient point éludées. Or l'enfant naturel ne peut, aux termes de l'art. 908 du C. civ., recevoir par donation entre vifs ou par testament rien au delà de ce qui lui est accordé au titre Des successions. Cependant cette prohibition serait souvent éludée si l'incapacité de l'enfant pouvait disparaître à l'aide d'une fraude pratiquée dans son acte de naissance, fraude contre laquelle les tiers intéressés ne seraient point admis à réclamer.

Mais, a' dit la Cour royale, dans l'art. 341 et dans tous ceux qui sont relatifs à la reconnaissance des enfans, le, législateur ne parle de la réclamation d'état que par rapport à l'enfant et à sés héritiers, et il ne s'occupe nullement de la recherche à laquelle pourraient se livrer des personnés étrangères à ce dernier: d'où suit la conséquence que cette faculté ne leur a point été accordée.

Et d'abord, l'art. 541 ne se prête pas, autant qu'on pourrait le croire, à l'interprétation restrictive que lui prête l'arrêt attaqué; cet article commence par établir cette règle générale: La recherche de la maternité est admise. Il est vrai que, quand il détermine les conditions et les effets de cette règle, il se sert d'une locution moins générale et qui paraît s'appliquer plus directement à la recherche faite par l'enfant. Mais pourquoi ? c'est que le législateur était préoccupé du cas qui pouvait le plus fréquemment arriver. Mais on ne doit pas conclure des expressions purement démonstratives de l'art. 341 que sa disposition s'applique exclusivement à la réclamation d'état que l'enfant peut élever. On trouve dans le Code civil d'autres articles qui présentent une redaction semblable, notam

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ment l'art. 34a, qui porte « que l'enfant ne sera jamais admis à la recherche soit de la paternité, soit de la maternité, dans le cas où, suivant l'art. 335, la reconnaissance n'est pas admise. » Ici, comme dans l'art. 341, il n'est parlé que de la recherche faite par l'enfant ; cependant c'est aujourd'hui un point de jurisprudence constant, que la disposition de l'art. 342 s'appliqué aux tiers comme à l'enfant lui-même, et qu'elle prohibe, dans tous les cas et sans distinction, la recherche d'une filiation adultérine ou incestueuse. Il y a donc même raison de décider dansle cas de l'art. 341, et rien ne peut justifier le sens restrictif que l'on voudrait lui supposer, tandis qu'on donne à l'art. 342 une aussi grande latitude.

SII. La Cour d'Amiens, ajoutaient les demandeurs, convaincue de la faiblesse du système qu'elle avait adopté, a cru devoir donner à son arrêt une autre base qui n'est pas plus solide. Elle a dit que, d'après l'art. 341, il faut, pour être admis à la recherche de la maternité, rapporter un écrit, un acte en forme, qui prouve l'accouchement de la femme à laquelle on attribue cette maternité; et que comme les héritiers Bellengreville ne rapportaient aucun acte constatant que la demoiselle de Pelvert leur sœur fût accouchée, leur action était non recevable.

La fausse interprétation de l'art. 341 est ici manifeste. D'abord, on hésite à supposer que le législateur ait voulu réduire l'enfant à l'impossible. En effet, si, pour auto riser le recherche de la maternité, il eût exigé au préalable une preuve écrite et complète de l'accouchement dans quel acte l'enfant pourrait-il trouver la preuve de ce fait, presque toujours couvert d'un voile mystérieux et impénétrable. Est-ce dans son acte de naissance? Mais pour un enfant à qui cet acte révélera le secret de sa filiation, mille autres y chercheront vainement le nom de celle qui leur a donné la vie. Ne sait-on pas que presque toujours l'enfant naturel, triste victime d'un préjugé qui étouffe la voix de la nature, est inscrit aux registres de l'état civil comme né de père et mère inconnus. Ainsi la raison se re

fuse à supposer que la loi, tout en autorisant la recherche de la maternité, ait voulu, par une contradiction choquante, opposer à cette recherche une barrière insurmontable en exigeant au préalable que le fait de l'ac-:conchement fût prouvé par écrit. Au surplus, que porte l'art. 341 ? Il dit « que l'enfant qui réclamera sa mère sera tenu de prouver qu'il est identiquement le même que l'enfant dont elle est accouchée, et qu'il ne sera reçu à faire cette preuve par témoins que lorsqu'il aura déjà un commencement de preuve par écrit. » Eh bien! cet article veut-il, comme le prétend la Cour royale, que le fait de l'accouchement soit au préalable établi par un acte ent forme probante? Nullement; on n'y trouve même pas une senle expression favorable à ce système, qui cependant méritait bien d'être l'objet d'une disposition explicite, si les rédacteurs du Code avaient eu l'idée qu'on leur prête.

L'art. 341 n'exige de l'enfant qui recherche sa mère rien autre chose que la preuve de son identité; et, pour l'admettre à faire cette preuve par témoins, il veut seulement qu'il ait un commencement de preuve par écrit. Or, comme le commencement de preuve par écrit de l'identité tend aussi d'une manière implicite et nécessaire à prouver l'accouchement, on doit conclure de l'absence de toute disposition particulière sur ce dernier point que le législateur n'a pas entendu se montrer plus exigeant pour la preuve du fait de l'accouchement que pour celle de l'identité. La seule considération qui l'a frappé, c'est le danger de la preuve testimoniale; et pour le prévenir, il a subordonné l'admission de cette preuve à l'existence d'un commencement de preuve par écrit des deux circonstances dont le concours sert à établir la filiation, d'abord l'accouchement, et ensuite l'identité du réclamant avec l'enfant issu de la femme qu'il désigne comme sa mère. Tout se réunit donc pour condamner le système restrictif adopté par la Cour d'Amiens.

Du 12 Juin 1823, ARRÊT de la section des requêtes, M.

Henrion de Pensey président, M. Hua rapporteur, M. Nicol avocat, par lequel:

« LA COUR, Sur les conclusions conformes de M. Cahier, avocat général;-Sur le premier moyen dirigé contre l'arrêt du 26 juillet 1821, qui a rejeté de la cause les lettres confidentiellement écrites à un tiers, et desquelles les demandeurs prétendaient tirer un commencement de preuve pas écrit; Attendu que le secret des lettres est un principe que la justice ne peut méconnaître, parce qu'il dérive de la nature des choses, qui ne permet pas qu'une confi dence privée devienne l'objet d'une exploration publique;

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Qu'une lettre est la propriété de celui à qui elle est adressée; que, s'il en est dessaisi malgrélui, il y a violation de cette propriété; que, si l'on en fait un usage qu'il n'a pas consenti, il y a abus de confiance et violation de dépôt; qu'à aucun de ces titres la justice ne peut en tolérer la production; - Que, dans l'espèce, la dame Dongez, à qui feu demoiselle de Bellengreville de Pelvert avait adressé les lettres dont il était question au procès, a déclaré qu'elles ne les avait pas confiées pour qu'il en fût fait usage en justice, et qu'avertie de l'abus qu'on en voulait faire, contre son intention, elle les a revendiquées par le ministère du procureur-général; qu'ainsi, en déférant à son réquisitoire, et rejetant ces lettres du procès, l'arrêt de la Cour royale d'Amiens n'a pu contrevenir à aucune loi ; :

« En ce qui concerne l'arrêt définitif du 9 août 1821, lequel, par une première disposition, déclare les demandeurs non recevables à s'inscrire en faux incident contre l'acte de naissance d'Adeline Françoise Caron, et, par une seconde disposition, refuse d'admettre la preuve testimoniale contre le titre et la possession d'état de ladite demoiselle Caron;

Attendu, sur le premier moyen, qu'en thèse générale, il n'y a lieu à iuscription de faux que lorsque l'auteur du faux peut être personnellement poursuivi; que l'officier public, rédacteur d'un acte dans lequel il insère les décla.

fuse à supposer que la loi, tout en autorisant la recherche de la maternité, ait voulu, par une contradiction choquante, opposer à cette recherche une barrière insurmontable en exigeant au préalable que le fait de l'ac-conchement fût prouvé par écrit. Au surplus, que porte l'art. 341 ? Il dit « que l'enfant qui réclamera sa mère sera tenu de prouver qu'il est identiquement le même que l'enfant dont elle est accouchée, et qu'il ne sera reçu à faire cette preuve par témoins que lorsqu'il aura déjà un commencement de preuve par écrit. » Eh bien! cet article veut-il, comme le prétend la Cour royale, que le fait de l'accouchement soit au préalable établi par un acte en forme probante? Nullement; on n'y trouve même pas une senle expression favorable à ce système, qui cependant méritait bien d'être l'objet d'une disposition explicite, si les rédacteurs du Code avaient eu l'idée qu'on leur prête.

L'art. 541 n'exige de l'enfant qui recherche sa mère rien autre chose que la preuve de son identité; et, pour l'admettre à faire cette preuve par témoins, il veut seulement qu'il ait un commencement de preuve par écrit. Or, comme le commencement de preuve par écrit de l'identité tend aussi d'une manière implicite et nécessaire à prouver l'accouchement, on doit conclure de l'absence de toute disposition particulière sur ce dernier point que le législateur n'a pas entendu se montrer plus exigeant pour la preuve du fait de l'accouchement que pour celle de l'identité. La seule considération qui l'a frappé, c'est le danger de la preuve testimoniale; et pour le prévenir, il a subordonné l'admission de cette preuve à l'existence d'un commencement de preuve par écrit des deux circonstances dont le concours sert à établir la filiation, d'abord l'accouchement, et ensuite l'identité du réclamant avec l'enfant issu de la femme qu'il désigne comme sa mère. Tout se réunit donc pour condamner le système restrictif adopté par la Cour d'Amiens.

Du 12 Juin 1823, ARRÊT de la section des requêtes, M.

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