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avec Claudine Collard. Il est décédé sans enfans le 18 vent. an 12, après l'avoir instituée sa legataire universelle par son testament authentique du 9 du même mois.

La dame veuve Danican, marquise d'Annebault, reprend les poursuites dirigées par son mari contre l'arrêt du conseil du 19 sept. 1773; et le 17 août 1813, un décret du chef du dernier gouvernement, rendu contradictoirement avec l'administration des domaines, rejette ses conclusions principales (tendantes à être renvoyée en possession de la forêt de Montfort), par le motif que les arrêts du conseil qui avaient prononcé la possession avaient acquis l'autorité de la chose jagée, et les conclusions subsidiaires (ayant pour objet d'être rembousée du montant des quittances de finances), par le motif qu'elles se réduisaient à une demande en liquidation, et qu'aux termes de l'art. 7 da décret du 1 1 juin 1806, les demandes de ce genre ne pouvaient être intro duites par l'intermédiaire de la commission du contentieux;"

Ce décret a irrévocablement jugé que la forêt de Montfort n'était pas entrée dans la famille d'Annebault par un contrat d'échange, comme les réclamáns l'avaient toujours soutenu, mais par suite d'un engagement, contrat perpétuellement révocable par l'état, à la charge de rembour ser aux engagistes dépossédés le prix de l'engagement.

L'art. 116 de la loi des finances, du 28 av. 1816, ayant ordonné la réintégration de tous les engagistes dépossédés, sous la seule condition de se conformer aux dispositions de la loi du 14 vent, an 7, la dame d'Annebault, en sa qualité de légataire universelle de son mari, a fait les soumissions prescrites par cette loi, et elle en a reclamé les effets pour être remise en possession de la forêt de Montfort.

La régie des domaines, tout en reconnaissant la qualité de légataire universelle prise par la dame d'Annebault, lui conteste le droit d'invoquer l'application de la loi du 28 av. 1816.

Une décision du ministre des finances, du 29 juill. 1819, accucille les exceptions de l'administration des domaines.

Mais la dame d'Annebault ayant attaqué cette décision ministérielle devant le conseil d'Etat, il intervient, le 10 mars 1821, une ordonnance qui annule la décision du ministre des finances, et renvoie la dame d'Annebault asuivre l'effet des déclarations et soumissions ordonnées par la loi du 14 vent. an 7, précédemment faite par ladite dame devant le préfet du département de l'Eure, le 18 mai 1816, pour devenir propriétaire incommutable de la forêt de Montfort.

En vertu de cette ordonnance, la dame d'Annebault a été mise en possession de la forêt de Montfort, après avoir fait le paiement du quart prescrit parla loi du 14 vent, an 7.

Le 25 mai 1821, le comte Duparc, petit-fils, par sa mère, de Jean-Baptiste-Julien Danican, et de Charlotte de Tilly de Blaru, fait assigner la dame d'Annebault par. devant le tribunal de première instance de la Seine, pour voir dire qu'il sera et demeurera autorisé à se faire mettre 'en possession de la forêt de Montfort, par qui et ainsi qu'il appartiendra; à cet effet, à remplir toutes les formalités voulues par les lois et ordonnances.

Au soutien de sa demande, le comte Duparc propose plusieurs moyens de droit. Il suffira de faire connaître celui qui a été accueilli par les premiers juges, et le seul sur lequel la Cour royale a prononcé,

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Confondant la foi du 28 avril 1816 avec celle du 5 déc. 1814, qui rend aux émigrés ceux de leurs biens invendus, ́et assimilant les domaines engagés aux biens à rendre aux émigrés, il prétend, en sa qualité de descendant des anciens engagistes et de membre de leur famille, exclure la dame d'Annebault, qui est un simple légataire d'AugusteJulien Danican son mari, décédé antérieurement à la loi du 28 avril 1816.

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Ce système est d'abord adopté par un jugement du tribunal de première instance de la Seine, du 18 juin 1822, dont voici les motifs :

Attendu que, plusieurs arrêts ayant prononcé la révocation de la possession faite de la vicomté de Pont-Audemer

avant la révolution, et les lois des 14 vent. an 7 et 11 pluv. an 12 ayant confirmé dans leurs termes généraux cette révocation, Auguste-Julien Danican, décédé après la promulgation de cette dernière loi, n'a pu transmettre par son testament la forêt de Monfort, seul immeuble restantde ce domaine, puisqu'il n'était plus dans ses biens ;-Attenda dès lors que la restitution prononcée par la loi du 28 avril 1816 doit avoir son effet au profit des membres de la famille d'Aunebault, qui représentent aujourd'hui les anciens possesseurs de cet immeuble, et que Duparc se présente seul ́en cette qualité; - Le tribunal ordonne que Duparc, eu są qualité de seul habile à exercer les droits successifs sur tous les biens provenaus de Jean-Baptiste-Julien Danican d'Annebault et de la dame de Tilly, ses aïeul et aïeule, sera mis en possession de la forêt de Montfort, restituée par l'ordonnance du Roi du 21 mars 1821 à la veuve d'Anuébault, à la charge néanmoins, par ledit Duparc, d'indemniser la dame d'Aubebault de toutes les impenses, frais et faux frais qu'elle justifiera avoir faits pour parvenir à obtenir ladite restitution; Condamne la dame d'Annebault à délaisser ladite forêt au sieur Duparc; autorise ce dernier à s'en faire remettre de suite en possession par qui de droit; fait défense à la dame d'Annebault de s'immiscer en rien dans l'administration de ladite forêt; autorise au contraire Duparc à la gérer et administrer dès à présent comme chose à lui appartenante, sauf au sieur Duparc à se conformer aux lois et ordonnances et à remplir les formalités voulues par icelles, et condamné la dame d'Annebault aux dépens,»

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Sur l'appel de ce jugement, interjeté par la dame d'Annebault, il a été infirmé par ARRÊT de la cour royale de Paris, e chambre, du 19 novembre 1822, sur les conclu-, sions de M. Queqaet, avocat-général, plaidant MM. Hen nequin et Mollot. Il est conçu en ces termes :

« LA COUR, -Faisant droit sur l'appel interjeté par la dame d'Annebault de la sentence rendue par le tribunal civil de Paris, le 18 juin 1822; -Considérant qu'AugusteTome 64 et 3o de 1833.

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Julien Danican a nécessairement compris dans son legs a sa veuve le droit au remboursement de la finance d'enga❤ gement dont il s'agit, lequel droit a été converti, par la loi des finances de 18.6, en une faculté de soumissionner et d'acquérir ‹ainsi définitivement le domaine primitivement engagé ; — Qu'en cet état, il n'y a pas de restitution de biens immeubles confisqués, aux termes de la loi du 5 déc. 1814; MET l'appellation et ce dont est appel au néant; émendant, décharge l'appelante des condamnations coutre elles prononcées; Au principal, déboute le comte Duparc de ses demandes, sauf son action en partage, résultant de sa qualité d'héritier, défenses réservées au contraire. »

Observations. L'extrême brièveté des motifs de l'arrêt et l'importance de la question nous engagent à entrer dans quelques détails sur le véritable esprit de d'art. 116 de la loi du 28 avril 1816. Cet article est ainsi conçu :

« La condition mise par la loi du 5 décembre 1814 à la restitution des biens provenans d'émigrés, qui ont été cédés à la caisse d'amortissement, est révoquée: ces biens seront rendus aux propriétaires, lorsqu'ils auront rempli les formalites prescrites par cette loi.

A l'égard des biens à restituer, qui consisteraient en domaines engagés, la loi du 1er fév. 1804 (11 pluv. an 12), et le S2 de l'art. 15 de celle du 4 mars 1799 (14 vent. an 7), sont rapportés. Les possesseurs réintégrés ne seront assujettis qu'à l'exécution des autres dispositions de cette dernière La présente disposition sera commune à tous les enga

loi. gistes. »

La loi du 5 décembre 1814, concernant les biens non „vendus des émigrés, avait excepté de la remise à faire à ces derniers ceux de leurs biens non vendas qui avaient été cédés à la caisse d'amortissement. Ces biens ne devaient être rendus aux anciens propriétaires que lorsqu'il aurait été pourvu à leur remplacement. (Art. 2.).

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La loi des finances de l'année 1816 ordonna la liquidation: de la caisse d'amortissement alors existante, à laquelle des

biens d'émigrés avaient été cédés par le dernier gouvernement, et créa une nouvelle caisse d'amortissement, qu'elle dota d'un revenu annuel sur le trésor public: c'est l'objet du tit. 1o de la loi du 28 ay. 1816,

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Au moyen de cette dotation, et de l'obligation qui fat imposée au trésor par l'art. 98 de la loi, d'acquitter toutes les charges dont l'ancienne caisse d'amortissement était débitrice, les biens provenant des confiscations sur les émigrés devenaient libres. La première partie de l'art. 116 de la loi dispose que la condition mise par la loi du 5 dec 1814 à la restitution des biens provenant d'émigrés, qui ont été cédés à la caisse d'amortissement, est révoquée, et que ces biens seront rendus aux anciens propriétaires, lorsqu'ils auront rempli les formalités prescrites par cette loi.

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Mais parmi les biens des émigrés cédés à la caisse d'amortissement et rendus aux anciens propriétaires, il ́se trouvait des bois d'une contenance de 150 hect., provenant de contrats d'engagemens. La commission centrale de la Chambre des députés proposa, pour lever l'obstacle que la loi du n pluv. an 12 opposerait à la remise de ces bois, de rapporter cette dernière foi. Cet amendement a donné lieu à la seconde partie de l'art. 116.

Enfin, à l'occasion de cette seconde disposition, un des membres de la commission centrale, M. Favard de Langlade, qui avait concouru à la rédaction de la loi du 14 vent. an 7, comme membre du conseil des Cinq-Cents, et qui, dans le tribunat, avait combattu celle du 11 pluv. an 12, proposa, « pour tous les autres engagistes de bois au-dessus. de 150 hectares, de régulariser une législation qui ne saurait s'accorder avec les principes de justice qui caractérisent le gouvernement. >> Eu conséquence, il demanda que la loi du .11 pluv. an 12 fût révoquée à l'égard de tous les engagistes.

«En adoptant, disait-il, une mesure aussi sagé, vous rendrez commune à tous les engagistes la loi du 14 vent.

Vous consoliderez dans la main des engagistes de bois au-dessus de 150 hectares des propriétés incertaines

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