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séduisant qu'il soit, demandera encore quelque temps avant d'être mis à exécution.

La réunion procéde ensuite à la réélection des deux mêmes censeurs pour l'année courante, et la séance est levée à six heures.

La séance est levée à onze heures moins dix..

Le Rédacteur du compte rendu : CHARLES LETORT.

SOCIÉTÉ DE STATISTIQUE DE PARIS

RÉUNION DU 15 FÉVRIER 1888.

DISCUSSION: Le rétablissement des péages sur les canaux et le déclassement. des routes nationales.

La séance est présidée par M. A. Cochut, président.

M. T. Loua, secrétaire général, analyse rapidement les publications parvenues à la Société depuis la précédente séance.

M. de Foville fait hommage d'une brochure intitulée : les Variations de la livre tournois sous l'ancien régime.

M. Schelle offre à la Société un ouvrage qu'il vient de publier sur la vie et les travaux de Dupont de Nemours.

M. E. Flechey dépose sur le bureau, au nom du ministre de l'agriculculture et de la part de M. E. Tisserand empêché, un exemplaire de la Statistique agricole de la France et de l'Atlas qui l'accompagne.

Cet ouvrage important, qui contient les résultats de l'enquête décennale de 1882, fait suite aux enquêtes du même genre effectuées en 1862 et en 1852. A cet égard M. Flechey fait remarquer que le directeur de l'agriculture, M. E. Tisserand, dont on connaît la haute compétence en ces matières, ne s'est pas borné, dans le remarquable rapport qui précède les tableaux, à décrire l'agriculture française au double point de vue de la production végétale et animale et de l'économie rurale, mais qu'il s'est attaché à contrôler les renseignements fournis par les commissions cantonales avec les documents recueillis et récemment publiés par la direction générale des contributions directes, et à les comparer aux statistiques fournies par les grands États européens et les États-Unis d'Amérique.

La réunion reprend ensuite la discussion sur le rôle des voies navigables.

M. Ch. Limousin donne lecture d'une longue note en réponse aux objections formulées par MM. Cheysson, Boulé et Holtz au sujet de sa communication relative à la gratuité des canaux et rivières et au déclassement des routes nationales. M. Limousin soutient, contrairement à l'opinion de M. Cheysson, que les capitaux provenant d'emprunts qui ont servi à creuser les canaux et à canaliser les rivières ne sont pas amortis. L'amortissement, dit-il, consiste dans la reconstitution des capitaux; or, l'État n'a pas opéré cette reconstitution et il continue à en payer l'intérêt aux prêteurs. C'est donc à tort que l'on prétend qu'il y a eu amortissement, parce que la nation a réalisé des économies et des profits, grâce à l'abaissement des prix de transport permis par les canaux. Les mêmes économies et profits ont été obtenus grâce aux chemins de fer, et cependant les compagnies amortissent en reconstituant les capitaux. Les ingénieurs partisans de la gratuité des canaux existants admettent le rétablissement des péages pour les nouveaux. Ce système révèle un danger, car l'établissement de la gratuité serait inévitable à brève échéance, et l'intérêt des capitaux, après l'achèvement du plan Freycinet, serait non plus de 58 millions, comme aujourd'hui, mais de 126 millions. Il n'est pas prouvé que le Parlement, qui n'est plus celui de 1880, ne reviendrait pas sur sa décision après huit ans d'expérience. La gratuité des canaux crée un privilège favorable à une petite fraction du territoire au détriment de la plus grande partie, qui est desservie par les chemins de fer. Il serait, d'ailleurs, possible de compenser l'augmentation de prix qui résulterait du rétablissement des péages, par une meilleure organisation de l'industrie de la batellerie.

En ce qui concerne la question du déclassement des routes nationales, M. Limousin fait remarquer que M. Cheysson est d'avis comme lui qu'il n'y a plus actuellement de longs transports par les voies de terre, et que les routes nationales ne servent plus qu'à des transports locaux, tout comme les routes départementales. Dès lors, il n'y a pas lieu de maintenir une distinction qui n'a plus de raison d'être, d'autant plus que les routes nationales coûtent, rien qu'en frais de personnel, 105 fr, de plus par kilomètre que les routes départementales (132 fr. contre 27), bien que le prix d'entretien de ces dernières au mètre carré soit supérieur.

M. Adolphe Coste s'excuse de n'avoir à présenter que des observations d'ordre économique; mais il faut bien suivre l'orateur sur le terrain où il s'est placé.

Il est certain qu'il y a, en ce qui concerne les droits de péage, une inégalité entre les chemins de fer et les canaux; mais l'inégalité est bien plus forte encore entre les chemins de fer et les routes. On aperçoit

en conséquence, deux solutions rationnelles ou le rétablissement de péages égaux sur les routes et les canaux, comme sur les chemins de fer, ou l'abolition, dès qu'elle sera possible, des péages sur les chemins de fer. Distraction faite des dépenses de traction et de l'entretien du matériel, ils représentent à peu près la moitié des tarifs actuels.

M. Limousin poursuit, d'après M. Coste, un objectif de comptabilité un peu étroit, lorsqu'il veut connaître l'amortissement de chaque construction, de chaque œuvre d'utilité publique et y proportionner le prix du service qu'on lui demande, sans se préoccuper du nivellement qui s'établit entre les prix de tous les services similaires. Il faut envisager la question de plus haut. Voici comment M. Coste voudrait la voir résoudre.

Par qui est payé le péage sur une voie de transport? Par l'industriel ou le négociant qui use du transport. Mais par qui le péage est-il finalement supporté? Par le consommateur, c'est-à-dire par tout le monde. Donc il semblerait désirable de répartir cette portion du prix de transport relative à l'usage de l'instrument public de transport entre tous les contribuables, proportionnellement à leurs ressources. Cette répartition au moyen de l'impôt serait certes plus exacte que la répercussion qui s'établit au hasard du commerce.

L'histoire des progrès économiques nous montre, en effet, que les impôts sur la circulation, si fréquents au moyen âge et alors presque seuls existants, ont été peu à peu remplacés par des impôts généraux de consommation, puis par des impôts directs sur les revenus, quand on est parvenu à atteindre ceux-ci avec précision.

Par ces mêmes motifs et à l'encontre de M.Limousin, M. Coste déplore le système dit du déversoir qu'on a établi sur nos chemins de fer français. Un travail fort intéressant de M. Charles Baum, publié en mai 1885, évaluait à 35 0/0 la majoration des tarifs sur l'ancien réseau en vue de couvrir l'insuffisance des tarifs sur le nouveau réseau. Voilà donc un véritable impôt de circulation, une contribution de 35 0/0 infligée aux producteurs actifs qui transportent leurs produits sur les grandes lignes de chemins de fer, contribution ayant pour effet de subventionner l'industrie et le commerce naissants, qui forment la clientèle des lignes secondaires. M. Coste estime que ce n'est pas aux producteurs à subventionner leurs émules, mais bien à la collec tivité des consommateurs,si elle y trouve son intérêt, c'est-à-dire aux contribuables de l'État ou du département. Le système du déversoir, qui s'oppose à l'abaissement des tarifs sur les grandes lignes, est à la fois injuste et nuisible aux progrès économiques du pays. C'est le caractère de tous les péages sur les voies quelconques de transport.

M. Limousin dit qu'il n'y a là aucune contradiction, puisque le petit réseau sert à alimenter le grand. Tout ce qu'il veut, c'est que chacun fasse ses affaires et que ce ne soit pas aux dépens du contribuable.

Revenant au péage, M. Limousin le maintient pour les canaux, mais il n'en veut pas pour les routes qui servent à tout le monde. Si, en parlant de ces dernières, il a demandé le déclassement des routes nationales c'est simplement pour arriver à diminuer leurs frais d'entretien.

M. Boulé s'étonne qu'on veuille établir un impôt sur les canaux au moment où l'impôt de 5 0/0 sur les transports en petite vitesse par chemin de fer a semblé si intolérable que l'industrie en a obtenu la suppression. Le péage réclamé par M. Limousin sur les voies navigables dépasserait 50 0/0 du prix de fret, en moyenne, et atteindrait 100 0/0 sur les voies perfectionnées. Il ajoute qu'on ne saurait contester l'amortissement des dépenses faites pour la navigation fluviale antérieurement au commencement et même au milieu du siècle. Pour être logique, M. Limousin ne devrait pas reculer devant l'établis sement des barrières à péage sur les routes.

M. Boulé s'en tient pour le moment, à ces simples observations, s'en référant pour le surplus à ce qui a été dit par ses collègues et par lui au cours de la dernière séance.

M. Limousin répond que dans son projet de taxe, il n'a pas voulu faire entrer en ligne de compte les canaux non productifs. Si, d'ailleurs, le chiffre qu'il a proposé paraît trop élevé, qu'on le change. Il lui suffit que ce soient les usagers qui paient et non les contribuables. Quant à l'amortissement, il ne se dissimule pas qu'il est fait tant bien que mal pour les travaux antérieurs à ce siècle, mais il voudrait qu'à partir de là, cet amortissement fût réel, comme il l'est pour les chemins de fer.

M. Cheysson dit avoir été trop directement visé par M. Limousin pour se borner à lui répondre par le silence. Il se défend absolument d'avoir été l'organe du corps des Ponts et Chaussées, dont il n'a reçu aucun mandat, pas plus que ses collègues MM. Holtz et Boulé. Il n'a parlé qu'en son nom personnel et a seul la responsabilité de ses opinions.

M. Cheysson persévère dans la thèse qu'il a soutenue et il aurait grande envie de réfuter à son tour, séance tenante, la réfutation tentée par son contradicteur; mais il lui semble obéir au sentiment de l'assemblée en renonçant à continuer en séance cette discussion, qui, après avoir jusqu'ici laissé la place d'honneur à la statistique, s'est engagée aujourd'hui sur un terrain où la statistique est reléguée à l'arrière-plan. M. Cheysson propose donc que la Société reprenne l'ordre du jour de 4o SÉRIE, T. XLI. - 15 mars 1888. 29

ses travaux propres et clôture cette discussion, qui a déjà rempli plu

sieurs séances.

La clôture de la discussion est prononcée et la parole est donnée à M. le Dr Jacques Bertillon, pour ses communications sur le nombre des enfants par famille à Paris.

A cet égard, M. Bertillon fait une comparaison fort intéressante entre certaines recherches faites au XVIe siècle par Moheau, et les résultats obtenus à Paris lors du dénombrement de 1886.

COMPTES RENDUS

LÉON FAUCHER. Biographie et correspondance, vie parlementaire. 3e édition. Paris, Aug. Thomas, 1888, 2 vol. in-8°.

L'ouvrage dont on vient de lire le titre est connu la première édition, qui parut il y a une vingtaine d'années fut, dès son apparition, l'objet d'un accueil sympathique et empressé, d'autant que le noble caractère de Léon Faucher ainsi que les services éminents rendus par lui y étaient bien mis en lumière. Plus récemment, en 1875, à l'occasion de la réimpression qui venait d'être faite, M. Levasseur écrivit une magistrale notice que l'on ne saurait recommencer ici. Cependant Léon Faucher a laissé un nom tel qu'il est impossible qu'une mention, succincte tout au moins, ne soit point consacrée à la troisième édition de la publication affectée à faire connaître le politique dont l'inflexible probité fut proclamée par tous, le publiciste éminent que les économistes doivent être fiers de compter dans leurs rangs.

Comme précédemment, le premier volume a été réservé à une biographie étendue, qu'on ne peut lire sans émotion, et à la correspondance composée de 359 lettres, écrites du 6 janvier 1821 (Léon Faucher avait alors 17 ans) jusqu'au 16 novembre 1854, c'est-à-dire peu de temps avaut sa mort, survenue le 14 décembre. Ces lettres offrent un intérê t très réel pour l'histoire de notre temps; les passages relatifs aux détails intimes sont peu nombreux : la plus grande place est prise par le récit des événements qui se produisaient alors ou bien par des appréciations portées sur les hommes ou les choses du moment. Nous ne croyons pas nous avancer beaucoup en disant qu'il serait difficile, à l'heure actuelle, d'écrire une histoire de notre pays sous la monarchie de

1 V. Journal des Economistes, novembre 1875.

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