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1.5. c. 14.

nature. 'Comme il fe trouvoit encore quelques Pytho niffes, il envoïa en 577 confulter une de ces prétendues devinereffes, pour fçavoir le fort de Merouće fils de Chilperic, & le fien propre. Cette charlatane lui fit dire que Chilperic mourroit la même année que Meroüée, qui lui fuccederoit, poffederoit feul la Monarchie Françoife. Que lui Bofon feroit cinq ans fon Lieutenant Général. Qu'enfin au bout de ce terme il feroit fait Evêque. L'évenement convainquit de faux le prétendu oracle de la Pythoniffe, & auroit dû ouvrir les yeux aux François, qui en furent témoins, fur la vanité de ces damnables divinations, fi la religion n'étoit pas capable de leur en faire fentir l'énormité, & de leur en infpirer de Bal. capitul. t. 1. l'horreur. On ne laiffa pas pour cela de continuer comme on faifoit dans le Paganisme, de ne rien entre. prendre d'important, fans confulter ou les devins, ou les entrailles des bêtes, ou le vol des oifeaux, ' & de mettre fa confiance aux enchantements, aux fortileges & aux philacteres.

P.150.

Gend. mæ. des.
Fr. p. 53.

XX. Que penfer encore de tant d'autres pratiques finon auffi criminelles, au moins auffi vaines & auffi ridicules, que nos François avoient fait paffer à leur ufage, & auxquelles ils ofoient bien donner le nom refpectable de fugements de Dieu ? Nous ne les indiquons ici que parce que c'étoit autant de fuperftitions, toutes filles de Gr.Thift.1.7.c.14 l'ignorance. 'Tels étoient ces combats finguliers, étanot.161.10. c.11 blis pour terminer les difputes, les differends, les proFred. chr. n. 51| Gend.16.p.44. cès, & dont on trouve divers exemples dans nos Historiens. Ordinairement on choififfoit deux champions pour foûtenir le pour & le contre. C'est ainsi qu'on nommoit ces braves de profeffion, qui au moïen d'une groffe fomme d'argent, entroient en lice avec un autre, pour défenGend.ib.p.37.38. dre la caufe de ceux qui les emploïoient. 'Telle étoit encore cette maniere de fe juftifier par ferment. Ce ferment se faifoit avec cérémonie dans une Eglfe., fur un Autel, sur une Croix, fur le Livre des Evangiles, fur le Canon de la Mefle,fur un Reliquaire,ou le Tombeau d'un Saint. Moïennant cette ceremonie, qui faifoit fouvent des parjures, on étoit déchargé de l'accufation. 'Telles étoient enfin ces autres manieres de juftifier fon innocence, tantôt par un fer rouge, tantôt par l'eau bouillante, d'autres

P.46-49.

le

fois par l'eau froide. Toutes ces preuves fe faifoient dans l'Eglife avec des cérémonies auffi ridicules que l'action même. Et ce qu'il y avoit de plus ridicule, c'eft que peuple s'imaginoit que Dieu eût plûtôt fait un miracle, que de permettre que l'innocence fuccombât en cette forte d'occasions.

XXI. Au milieu de tous ces triftes effets de l'igno rance, ce fiecle ne laiffa pas néanmoins d'avoir fes avan tages dans les Gaules, comme ailleurs. On y conferva encore l'ufage de la langue latine, quoiqu'elle commen çât dès-lors à ceffer infenfiblement d'être vulgaire. Ce qui contribua le plus à l'y maintenir, c'eft qu'on la retint toûjours dans les prieres & les offices de l'Eglife. Car on n'en ufa pas à l'égard des François qui embrafferent la foi, comme l'on faifoit ordinairement envers les autres Nations nouvellement converties, à qui l'on donnoit les divines Ecritures en leur propre langue, en laquelle on célébroit même quelquefois les divins Offices. 'La raifon en fut que les François, les Gots & les Fleu. ib. n. z4i Bourguignons habitués dans nos Provinces, fe trouvoient en fi petit nombre en comparaifon des anciens habitants, qu'il ne parut pas néceffaire de changer pour eux le langage de l'Eglife. Ils fe trouverent obligés par-là d'apprendre le latin, finon pour le parler, au moins pour en avoir l'intelligence. 'Or qu'ils l'entendiffent, quoiqu'ils Du Cang.ib. 30? ne le parlaflent pas, c'eft ce qui eft hors de conteftation, & dont les ouvrages latins, fur-tout les fermons & les homélies des Evêques de ce fiecle qui nous restent font des preuves convaincantes. Perfonne ne penfera en effet que ces Evêques, qui ne prêchoient & n'écrivoient que pour l'inftruction des peuples, leur euffent parlé une langue qu'ils n'auroient pas entendue. De forte qu'il en étoit alors du latin à l'égard du commun des François comme il en eft aujourd'hui de nôtre langue françoise à l'égard de plufieurs peuples de diverfes Provinces, qui l'entendent fort bien, quoiqu'ils ne la parlent pas.

XXII.' Deux autres évenements contribuerent encore beaucoup à perpétuer dans les Gaules l'ufage du latin. D'une part, les Clercs & les Moines engagés par leur état à acquérir la science eccléfiaftique, fe trouverent par conféquent obligés à cultiver plus particulierement cette lan

n. 37

gue. De l'autre, les Rois barbares fe firent une espece de devoir de ne la pas négliger. On voit qu'ils l'emploïoient dans leurs loix, leurs ordonnances, leurs actes tant particuliers que publics. Sans doute ils en ufoient de la forte, foit parce qu'elle étoit entenduë de tous les peuples des Gaules, foit à caufe qu'ils regardoient la leur comme trop dure & trop groffiere pour une nation accoûtumée à un langage plus doux & plus poli. On ne fçauroit au refte dire précilement quelle étoit cette langue primitive des anciens François,& il importe peu de le fçavoir. Il y a néanmoins toute forte d'apparence,que ce n'étoit autre chose qu'une dialecte de l'ancienne langue des peuples du Nord, ou de Germanie, Nos anciens François, pour les raifons que l'on vient de voir, ne nous ont laiffé aucun monument en cette langue, afin d'en pouvoir juger par nous-mêmes. Seulement il en eft paffé quantité de mots & dans la baffe latinité & dans ce qu'on nommoit le roman, mais après avoir reçu diverses inflexions&terminaisons. De-là on les a tranfportés pour la plupart dans nôtre langue françoise d'aujourd'hui, en les accommodant à fon genie.

XXIII. Non-feulement nos premiers Rois François emploïoient la langue latine en ce qui regardoit le gouvernement civil de leurs Etats; mais ils la cultivoient même d'une maniere particuliere. Childebert I la parloit fort bien, Charibert encore mieux, & Chilpéric auffi parfaitement que pouvoit le permettre le genie de fon fiecle. A l'art de bien parler cette langue, ils joignoient plufieurs Fort. l. 6. c. 4. p. autres belles connoiffances. 'Entre les éloges que Fortunat donne à l'éloquence du Roi Charibert,il releve beaucoup la connoiffance qu'il avoit des Loix, & qui le faifoit briller dans les jugements qu'il rendoit en qualité de Souve rain.

143.

Quid repetam maturum animum, qui tempore noftro

Antiqui Fabii de gravitate places?

Si veniant aliquæ variato murmure caufæ,

Nodofæ litis folvere fila potes.

Cum fis progenitus clara de gente Sygamber,
Floret in eloquio lingua latina tuo.
Qualis es in propria docto fermone loquela;
Qui nos Romanos vincis in cloquio.

Clotaire

Clotaire après la mort de Childebert, fe trouvant seul Monarque des François,' fit auffi paroître fon amour pour Conc. t. is p.. da Jurifprudence par une ordonnance générale adreffée

vers 559

à tous fes Agents, pour l'obfervation de la justice. Elle porte entre autres chofes, que l'on jugera felon les loix Romaines les affaires entre les Romains. C'eft ainsi qu'on nommoit les anciens habitants des Gaules, pour les diftinguer des Barbares Francs, Bourguignons & Gots qui les avoient fubjugués.

XXIV. Cet amour de nos Rois pour la Jurifprudence, tendit à faire regner dans la monarchie une juftice exacte. 'Chacun étoit jugé felon les loix de fon état & par les Gend. ib, p. 273 perfonnes de fa profeffion : le Clergé felon les Canons par des gents d'Eglife; les Gaulois, conformément à l'ordon nance de Clotaire, felon le Droit Romain, qui fubsiste encore dans quelques-unes de nos Provinces ; les François selon la loi Salique, la milice par des gents de guerre; les Nobles par des Gentilshommes. A l'égard du peuple, il étoit jugé dans les bourgs & les villages par des Juges nommés Centeniers, & par les Comtes dans les Villes. On ne fçavoit fous nos premiers Rois,ni plus de trois cents ans après Hugues Capet, ce que c'étoit que gents de robe. Les Juges laïcs étoient tous d'épée. Pour les tenir plus at- p.28. tentifs aux devoirs de leurs charges, ils ne les exerçoient que pour un temps, & ne pouvoient acquerir de bien dans le diftrict dont ils étoient Juges. Lorfqu'on les révoquoit, ce qui arrivoit affés fouvent, il falloit avant que de partir, qu'ils fatisfiffent pleinement aux plaintes qu'il y avoit contre eux. Ils tenoient leurs affifes dans un champ, dans un cimetiere ; aux portes des Villes ou des Eglifes, dans une ruë, fur un rempart, toûjours en un lieu public, où les parties puffent avoir un accès libre & facile. Chacun plaidoit fa caufe. Celles des pauvres & des veuves étoient appellées des premieres. On ne pouvoit rien prononcer contre eux, qu'on n'en eût averti l'Evêque, parce que les pauvres étoient de la famille de l'Eglife, & les veuves fous fa protection.

XXV. Outre ces tribunaux particuliers, où l'on rendoit la juftice fuivant la jurifprudence établie chés nos anciens, il y avoit un tribunal fuprême pour juger les causes les plus importantes. C'étoit ces Dietes annuelles Tome III.

C

Fred. chr. n. 42.

n.131.not Gr. T. his.l.2.p.79.not Gend.ib. p.9-12.

ou affemblées générales fi célebres dans nos Historiens. Là fi quelque Officier avoit manqué à fon devoir, on lui faifoit fon procès fans appel. Les Reines mêmes y étoient jugées. Brunehaut en fut un trifte exemple en 613 ou 614. Čes Dietes fe tenoient tous les ans à cette occafion. Au premier de Mars le Roi affembloit toutes fes troupes en pleine campagne, tant pour en faire la revûë, que pour tenir les peuples en refpect. Le lieu de cette convocation fe nomma d'abord le champ de Mars, puis le champ de Mai, après que Pepin eut remis ces affemblées au premier jour de ce mois. Le Prince y affiftoit en perfonne; & les Officiers de fa maifon, qui ont porté dans la fuite le titre d'Officiers de la Couronne, ne manquoient point de s'y trouver. On y mandoit auffi tous les Evêques & les Abbés les plus puiffants, Gend. ib. p. 17. les Ducs & les Comtes.' C'étoit dans ces Dietes que l'on faifoit de nouvelles loix, qu'on abrogeoit les anciennes qu'on délibéroit de la guerre ou de la paix, & géné. ralement de tout ce qui concernoit l'état de la nation. 'De forte que ces affèmblées étoient effentiellement Parlements. Elles étoient auffi Conciles par occafion, parce qu'on y profitoit de la rencontre de tant d'Evêques enfemble, qui y avoient la meilleure part, comme souvent ou les feuls ou les plus letrés.

Fleu. ib, n. 9.

45 Fort. 1.9. c. I.

XXVI. Revenons à l'honneur que firent plus directement nos Rois aux letres & aux fciences. Il n'en eft point de toute la premiere race, qui s'y fignala avec plus d'éGr.T.hift. 1. 5. c. clat que Chilpéric I.'Tout le monde fçait les mouvements qu'il fe donna pour faire recevoir quatre nouvelles letres dans l'alphabet commun.Non content d'avoir montré parlà combien il étoit zélé pour foûtenir ou même perfectionner la literature dans fes Etats, fon émulation le pouffa encore jufqu'à donner dans les plus hautes fciences. Il voulut joindre au titre de Souverain ceux de Théologien & de Poëte. Mais quoiqu'il fçût affés bien fa religion, & qu'il eût la connoiffance de plufieurs langues, il ne réuflit ni en l'un ni en l'autre. Le goût que ce Prince & nos autres premiers Rois, foit avant ou après lui, avoient pour la poëfie, fervit à perpétuer, ou à faire revivre à leur Cour nos anciens Bardes, ou d'autres poëtes à peu Gend. ib. p. 262. près semblables. ' Il est au moins vrai qu'au commence

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