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ut ibi facerdotali erudiretur regula. Telle a été la premiere origine des Ecoles monaftiques, qui dans la fuite des temps devinrent fi floriffantes & fi célebres : ce qui dura même après l'établiffement des premiers Colleges publics dans les principales villes. 'D'abord ces Ecoles n'etoient que pour les jeunes gents qu'on élevoit dans les monafteres. Enfuite on y admit la jeuneffe feculiere, en faveur de laquelle on les rendit communes. Mais le nombre de ceux-ci, qui ne trouvoient plus ailleurs de fecours pour les letres, venant à augmenter, on se trouva obligé d'ouvrir deux Ecoles : l'une au dedans du monaftere pour la jeuneffe qui s'y retiroit, l'autre au dehors pour les externes.

XLVIII. Pour juger du mérite de ces Ecoles, & du foin que les Moines ont pris de cultiver les letres dans les temps les plus déplorables; il fuffit de fçavoir qu'en tous les temps, mais fur-tout en ce fiecle-ci & les fix fuivants, ils ont fourni à l'Eglife de France en particulier un nombre prodigieux de fçavants Evêques, & donné à la République des letres une nuée de célebres Ecrivains. Prétendre après cela que l'étude ne convient point aux Moines, ce feroit avancer un paradoxe auffi étrange qu'infoutenable. On n'a pas néanmoins laiffé fur la fin du dernier fiecle de le voir avancer ce paradoxe, par un Auteur de très-grande réputation. Mais le public, qui eft toûjours un juge équitable, a fçû rendre justice aux raifons d'un autre Ecrivain qui l'a combattu avec autant de gloire que de fuccès, quoiqu'avec une modération encore plus digne de louanges. Oui fans doute l'étude convient aux Moines, & dès leur premier établissement ils fe font fait un mérite de la cultiver. Ils s'y font même trouvés obligés par état. En effet la pfalmodie & les lectures dont l'Office divin eft compofé, les engagerent, comme les Clercs des Eglifes cathédrales, à conferver les Saintes Ecritures & les ouvrages des premiers Peres, & à apprendre les langues dans lefquelles on les lifoit publiquement, depuis qu'elles eurent ceffé d'être vulgaires. D'ailleurs, comme les Moines de France au moins dès le VII Gecle, furent élevés à la clerica ture, il falloit qu'ils fuflent letrés. Ils l'étoient quelquefois jufqu'à embrafler toutes fortes d'études, y étant

obligés par l'ignorance des laïcs.

XLIX. Ainfi fe conferverent les letres à la faveur de la religion, dans le temps de leur plus grande décadence; & ce furent les Clercs & les Moines qui les garantirent d'un entier naufrage. Il n'eft donc pas étonnant que tous les monuments de literature qui nous ref tent de ce fiecle, ne foient que des fruits de l'étude des uns & des autres. Ils confiftent ces monuments dans les divers recüeils des écrits de S. Ennode de Pavie, de S. Avite de Vienne, de S. Céfaire d'Arles, de S. Grégoire de Tours, de Fortunat de Poitiers, dans plufieurs opufcules de divers autres Ecrivains, dans un grand nombre de vies de Saints, dans divers actes, reglements, ordonnances de Conciles. Quelque dépériflement que fouffrît ce fiecle dans les letres, il ne laifla pas de produire encore quantité d'autres monuments, dont nous avons le malheur de nous fçavoir privés. Outre quelques ouvrages de S. Grégoire de Tours & de divers autres Auteurs, il nous manque plufieurs vies de Saints, qui existoient du temps du même S. Grégoire. Telles font Gr.T. hift. I. 2.6. entre autres celles de S. Remi de Reims, dont Fortu- 31. nat donna un abregé fort imparfait qui fit auffitôt perdre

46.71.

l'original, ' de S. Amaranthe Evêque d'Albi ; de S. Genès gl. M. c.57.74% Martyr à Tarbes en Bigorre ; de S. Maxime Abbé à gl. conf. c. 22,45 Chinon, qui étoit écrite en vers; de S. Severin Evêque de Bourdeaux, de S. Romain Prêtre & Abbé près de Blaïe du temps de S. Martin de Tours, qui fit fes fune

railles; de S. Metrias Evêque d'Aix en Provence ;' de Boll.13. jan. p. S. Vivence écrite par S. Maixent Abbé en Poitou avant 803. n. 32. 515. Il Y. y en a une infinité d'autres moins connuës, & qui

font perdues comme les précédentes.

L. De même on a negligé de nous conferver plu

heurs autres actes de Conciles, qui fe tinrent dans les

Gaules en ce fiecle.'Il ne nous refte que peu de traits hi- Conc. G. t. 1. p. ftoriques de celui, qui fut affemblé fous S. Remi de Reims 193.

à l'occasion d'un Evêque Arien, qui y fut converti, après

que le Saint lui eut ôté & rendu par miracle l'ufage de la

parole. 'Il s'en tint un autre à Toulouse en 507, dont on Canif. B. t. 1. p. ne trouve aujourd'hui aucun veftige que dans deux letres, 360.361-366. l'une de S. Céfaire d'Arles, l'autre de Sedatus de Nîmes

à S. Rurice de Limoges. Nous ne connoiffons celui que Conc. ib. p. 292

P. 319.

P. 357-360

P.367.368:

P. 369:

P. 396:

la

le Roi Thibaud convoqua à Toul vers 550, au fujet des
mauvais traitements qu'avoit reçus S. Nicet de Treves de
part de quelques François, que par une letre de Mapinius
de Reims pour s'excufer de s'y trouver. ' Nous n'avons non
plus qu'une legere notion du Concile tenu à Saintes en 563,
contre l'ordination d'Emerius Evêque de la ville. ' En 577,
Chilperic en affembla un autre à Paris, pour examiner la
caufe de Prétextat Evêque de Rouen. S..Grégoire de Tours
nous a à la verité confervé une affez longue relation de ce qui
s'y pafla; mais on n'en trouve plus les actes.' Il s'en tint deux
autres en 579, l'un à Châlons contre Salone d'Embrun &
Sagittaire de Gap, l'autre à Saintes en faveur de Nantin
Comte d'Agoulême,' & un troifiéme à Brenne fur le Vêle
en 580, touchant les fauffes accufations contre S. Grégoire
de Tours, qui eft le feul qui nous faffe connoître ces trois
Conciles, dont il ne nous apprend que très-peu de chose.
'Il eft encore le feul qui nous ait confervé quelque legere
connoiffance des fuivants tenus fur la fin de ce fiecle : l'un à
Clermont en Auvergne l'an 588; un autre à Sourci ou Saurci
l'année fuivante pour l'affaire de Droctigifile Evêque de
Soiffons; un troifiéme en 590, fur les confins des diocèses
de Clermont, de Gabales aujourd'huy Mandes,& de Rodès,
un 4o à Metz la même année contre Gilles Evêque de Reims,
où Chrodielde & Bafine, Religieufes de Poitiers furent reta-
blies dans la communion. On ne doit pas s'attendre ici à une
exacte énumération de tous les autres Conciles tenus dans
les Gaules, dont il ne nous refte qu'une fimple notion.

LI. On trouve dans les autres ouvrages de ce fiecle qu'on nous a confervés, de quoi juftifier l'idée générale que nous avons d'abord donnée du goût, du génie, de la maniere d'écrire de ce temps-là. On y voit auffi par dégrés le progrès qu'y fit la décadence des letres. Les écrits de S. Avite de Vienne, qui avoit été élevé & inftruit au fiecle précédent, entre autres quelques-unes de fes letres & fon homélie fur les Rogations, confervent encore quelques béautés. Mais on ne laiffe pas d'y appercevoir beaucoup de défauts de fon temps pour le ftyle. Il en eft de même de quelques-uns des écrits de S. Ennode fon contemporain, nommément de la vie de faint Epiphane, de la défense du Pape Symmaque, & du panégyrique du Roi Théodoric. Pour ce qui eft de la préface

à la tête de cette défenfe & de prefque toutes les letres du même Auteur, on y voit regner par.tout cette mauvaise maniere de s'exprimer, que les Ecrivains de ce temps-là prenoient pour l'éloquence, & qui ne confiftoit qu'à fe faire entendre par une grande contention d'efprit. Ce genre bizarre d'éloquence éclate encore davanta ge dans les letres de Fortunat écrites en profe, où cet Auteur à force de vouloir donner de l'ornement & de l'élévation à fes penfées, les fait perdre de vûë. On en trouve auffi plufieurs traits dans prefque toutes les vies de Saints compofées au même fiecle, fi l'on en excepre un petit nombre dont on parlera en détail dans la fuite. Un autre défaut encore plus général & auffi fenfible de la plupart de ces mêmes vies, eft de voir qu'on y ait négligé les faits les plus édifiants & les plus inftructifs, pour ne les remplir que de chofes merveilleufes & extraordinaires, & qu'on y ait oublié cette aimable fimplicité, qui convient particulierement à cette forte d'ouvrages.

LII. Le genre d'écrire en ftyle purement hiftorique fut moins fujet aux vices que l'on vient de marquer, que les vies de Saints; parce que celles-ci étant moins des relations exactes & fideles de leurs actions, que des éloges étudiés de leurs vertus, les Auteurs Y donnoient plus à l'imagination qu'à la recherche de la vérité des faits. L'hiftoire ne laifla pas pour cela d'avoir fes défauts. Ils font affés connus à quiconque a fait ufage de celle qui nous refte de S. Grégoire de Tours, où ils fe trouvent tous réunis. Ne fuivre presque aucun ordre, ne faire aucun choix des matieres, ne marquer aucune chronologie, relever des minuties qui ne valoient pas même la peine qu'on en fît mention, ufer d'un ftyle bas, rampant, groffier: ce furent-là les défauts de l'hiftoire en ce fiecle. La poëfie cut auffi les fiens. On fçait combien elle étoit tombée dès le fiecle précédent. En celui-ci les fautes de quantité s'y multiplierent; la mauvaise latinité & l'obfcurité s'y glifferent comme dans la profe; le fard & l'affectation acheverent d'y prendre la place du naturel. On voit quelques pieces de poëfie de ce temps-là, qu'on prit alors dans les Gaules un goût particulier pour les vers acroftiches, dont l'invention étoit ancienne de plus de deux cents ans. C'eft en cette forte de vers que Januarin Moine d'Ar- Mab.ann.l.s.n-31.

par

Sir. op. t. 2. p. 908.

Fort. 1. 2. p. 52

54 1.5. p. 130.

VI SIECLE.

38

les fit peu après le milieu de ce fiecle, l'épitaphe de S. Florentin fon Abbé, & qu'eft écrite la petite préface à la tête d'une letre de S. Colomban à Hunald. Mais aucun poëte ne pouffa plus loin ce genre de poëfie que Fortunat de Poitiers.' On en trouve de toutes les façons parmi fes œuvres, dans la plupart defquels on apperçoit une forte imagination. Auffi ne font-ils guéres bons qu'à exercer celle des Lecteurs.

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Rui. h.Vand. c.

n. 2.

Vid. vit. 1.2. n.

Л. 14. 17.

8.

3.

N

S. EUGENE,

EVEQUE DE CARTHAGE ET CONFESSEUR,

§ I.

HISTOIRE DE SA VIE.

Os Gaules font en droit de partager l'honneur que S. Eugene a fait à l'Eglife par fes fouffrances, & à la Literature par les écrits. L'Eglife de Carthage eut le bonheur de l'avoir pour Evêque, & celle d'Albi, où il finit fes jours, la gloire de poffeder fa dépouille mortelle. / Il fut ordonné Evêque vers l'an 481, environ 24 ans après S. Deogratias, à qui il fucceda immédiatement.' De forte qu'il y avoit grand nombre de jeunes gents, qui n'avoient jamais vû d'Evêque affis dans la chaire Epifcopale de Carthage. Son ordination caufa une joïe extrême à tous les Catholiques. Il fe conduifit dans l'Epifcopat avec tant de fageffe, & y brilla par tant d'autres vertus, qu'il s'attira la vénération des étrangers, comme celle de fes propres diocèfains.

'il ne fut pas long-temps fans avoir occafion de faire éclater le zéle que Dieu lui avoit infpiré pour la défense de la foi orthodoxe. Les Vandales Ariens de religion exerçoient alors une cruelle perfécution contre l'Eglife d'Afrique.' S. Eugene fut un de fes généreux Prélats qui réfifterent avec le plus de courage en diverfes rencontres, Genn.vir.ill.c.97. aux efforts des Princes ennemis de la vraïe religion.' La

Conc. t.3. p. 643

Bar. an. 484. n.

109.123.

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