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ne commence qu'au chapitre vingt-neuvième, & montre que c'étoit un traité fait à l'imitation & fur le modele du troifiéme livre de l'écrit de S. Cyprien, intitulé Des témoignages. On pourroit lui donner le même titre, & peutêtre le portoit-il en tête.

Nôtre Anonyme, comme S. Cyprien, entreprend de traiter divers points de morale & de difcipline, qu'il range fous différents chapitres, & qu'il prouve par des paffages choifis de l'Ecriture qui y ont rapport. Dans le 29 chapitre il établit, que Dieu ne demeure point dans ceux qui s'écartent de l'obfervance de fes commandements. Dans le 30°, que le Serviteur de Dieu ne doit point fe laiffer abbattre par les médifances des méchants. Dans le 3 1o, qu'il ne faut point médire. Le 32 eft destiné à parler de la correction & de la maniere de la faire & de la recevoir.

L'Auteur emploïe le s 9e à prouver, qu'on eft obligé par précepte de la foi, de païer à l'Eglife les dixmes, & de lui donner les prémices de fes fruits ou de toute autre chose. Il montre dans le 60° que l'on doit avoir une attention particuliere à corriger les enfants. Il établit dans le 61c. qu'il faut s'attacher à l'exemple & à la doctrine des Saints. Dans le 62e il prouve qu'il faut éviter toute ufure. Dans la 63, qu'il eft prefque impoffible qu'un marchand fe défaffe de l'habitude du menfonge. Dans le 64, qu'il faut bien fe donner de garde d'ufer de faux poids. Dans le 678, que c'eft le Seigneur qui a créé les tenebres. Enfin le 68 eft emploïé à traiter de l'homicide commis par hazard. Il y avoit auffi un chapitre sur la résurrection, comme le font juger quelques paffages de l'Ecriture fur ce fujet, mais ce chapitre fe trouve fans titre.

Nous avons cru devoir entrer dans ce détail, afin de mieux faire connoître un ouvrage enfeveli jufqu'ici dans la pouffiere, d'où apparemment il ne fortira jamais pour pafler dans le public; à moins qu'on ne recouvre ce qui

y manque.

Mab. act. B. t. 4.

P 570. n. I.

P. 571.0.4.

p. 57. 572. n. 81 aun. 1. 1. n. 63.

P.572. n. 10.

S. EUGENDE, ou OYAN,

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ABBÉ DE
E CON DAT.

AINT Eugende, fils d'un pere que fon mérite éleva dans la fuite à la dignité du Sacerdoce, nâquit dans l'ancienne Sequanoife, peu de temps avant le milieu du V fiecle. Dès l'âge de fept ans, lorfqu'il avoit déja reçu la premiere teinture des letres, il fut mis fous la difcipline de S. Romain & de S. Lupicin,Fondateurs & fucceffivément Abbés du monaftere de Condat au Mont-Jura plus connu aujourd'hui fous le nom de S. Claude. Eugende donna tous fes foins & toute fon application à s'avancer dans les letres & la pieté. Il fit tant de progrès dans celle-ci, qu'il fçut faire paffer dans fa conduite toutes les vertus de fes deux Maîtres. Il les copia fi parfaitement l'un & l'autre, qu'on avoit peine à difcerner lequel des deux il reprefentoit le plus au naturel. Il ne fut pas moins heureux dans l'étude. Il y puifa une érudition peu commune, & fe rendit familiers les Auteurs Grecs, comme les Latins.

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Après la mort de S. Romain & de S. Lupicin, S. Minaufe qui leur fuccéda, fe fentant trop foible pour porter feul le fardeau de fa dignité, choifit Eugende pour fon Coadjuteur. Et afin de donner plus de poids au ministere dans lequel il fe l'affocioit, il voulut l'engager à entrer dansle Sacerdoce. Ce fut en vain, Eugende le refuía conftamment. 'De Coadjuteur il ne tarda pas à devenir Abbé en titre. Quelque jeune qu'il fût encore, il en remplit toutes les fonctions avec tant de fagefle & de fuffifance, que les Evêques mêmes fe faifoient un mérite d'être en liaison avec lui. Eux & les Grands du monde s'eftimoient heureux de recevoir de fes letres,& les regardoient comme une fourF. 572.573.n. 11- ce de bénediction. 'Sous fon gouvernement, que Dieu releva par le don des miracles, le monaftere de Condat devint plus célebre que jamais. Eugende, comme un au

13.

Mab.ann. 1. n. 63.

1. 'Les Anciens le nomment Augen- mé dans la fuite le nom vulgaire d'Oyan. dus, au licu d'Eugendus, dont on a for

tre S. Grégoire Thaumaturge, chaffoit les Demons par un feul billet écrit de fa main.

En y foûtenant la vigueur de la difcipline réguliere, le faint Abbé eut foin d'y faire fleurir auffi les études. On a vû l'eftime qu'il en faifoit, par l'application qu'il don

noit aux Auteurs Grecs & Latins. 'La réputation de Vi- Avit. ep. 17 Mab. ventiole, dont S. Avite de Vienne lote le fçavoir & la ann. 1. i. n. 67. doctrine, & qui enfeignoit alors à Condat, fait juger du mérite de l'école de ce monaftere.

Mab. a. B. p..

576. n. 24.
a Gall. Chr.vet.t.

ib. n. 66.

'S. Eugende ne vêcut guéres au-delà de l'âge de foixante ans. Il mourut, a non en 521, comme le marquent Meffieurs de Sainte-Marthe, puifqu'il n'étoit plus au mon- 4. p. 547. de, lorfque Viventiole, dont on vient de parler, fut fait Evêque de Lyon, ce qui arriva au plus tard en 515; 'mais dès 510. Son nom eft célebre dans les Martyrologes Mab. ib. notann. au premier jour de Janvier. On ne fut pas long-temps après fa mort à le reconnoître pour Saint. Antidiole, fon difciple & fon fucceffeur, bâtit une Eglife fur fon tombeau: ce qui étoit une des manieres de canonifer les Saints en ces temslà. Bien-tôt cette Eglife prit le nom de S. Eugende, qui paffa au monaftere entier, & qu'il conferva jufqu'à ce qu'on lui donnât celui de S. Claude.

Un moine du même endroit, qui avoit vêcu avec le Saint, en écrivit la vie qu'on nous a confervée.. Un au- ann. app. t. 1. p. tre Ecrivain du IX fiecle parle ainfi du S. Abbé dans une petite hiftoire en proferimée, fuivant le goût de fon temps.

Principali cœnobio fundator Abbas Romanus,
Quo quidem Sancto defuncto fucceffittum Lupicinus.
Deinde ifto defuncto tertius fuit Minaufius,
Quo Sancto quidem fublato, quartus fuit Eugendus.
Ifte fuit gloriofus fignorum patratione,

Fuitque valde famofus, pollens utroque fermone,
Fuit & Propheta verus, ab ipfiusque nomine
Locus eft denominatus, ut videmus notoric.

Quelque habile que S. Eugende fût dans les letres, il ne nous reste aucun monument de fon érudition. Cependant le recueil de fes letres, que les perfonnes les plus éminentes en dignités, tant dans l'Eglife que dans l'Etat, recherchoient avec empreffèment, comme on l'a vû, au

677.2.

II.

Boll. 28. Feb. 746. n. 19.

P.

roit bien mérité de paffer à la pofterité. Mais il ne nous A&t. ib. p. 573. n. en eft rien venu, 'que le billet qu'il écrivit pour délivrer une jeune démoniaque. On y voit une efpece d'exorcifme. On ne nous a pas même confervé les reglements de fon monaftere, qui étoient autant fon ouvrage que de tout autre; puifqu'il avoit pris le foin de les recueillir, les retoucher & les mettre en meilleur ordre. Il y a même toute apparence qu'ils ne fe trouvoient plus, ou qu'au moins ils étoient très-rares dès le IX fiecle, lorfque S. Benoît d'Aniane qui ne les rapporte pas, en recueillit tant d'autres. C'est ce qui doit furprendre, 'fachant que l'Auteur de la vie de nôtre Saint les y avoit inferés au moins en partie. On Y lit encore la Préface qui les annonçoit, mais le reste en a été retranché.

Mab. a&t. ib. p. 574. n. 23.

Nor, hift. Pel, 1.2. c. 3. p. 173. 180. 182.

744.745.

'Le Cardinal Noris n'a pas toutefois laiflé de croire, que nous avions encore ces reglements. Mais il ne l'a avancé que fur ce qu'il les a confondus avec la Regle du monaftere de Tarnat, & qu'il a fuppofé d'une part, que ce monaftere étoit le même que celui de S. Maurice en Vallais,& de l'autre, qu'à Condat & à S. Maurice on fuiTill. H. E. t. 16.p. voit la même regle. Or c'eft ce qui ne fe peut foûtenir, comme le montre fort-bien M. de Tillemont, & qu'on le verra clairement, lorfque nous traiterons de la règle de Mab. ib. n. 23.26. Tarnat. 'L'Auteur même de la vie de nôtre Saint détruit une des fuppofitions du Cardinal Noris. Car après avoir marqué qu'il rapporte dans cette même vie les reglements de Condat, il dit à la fin qu'il avoit rédigé par écrit dans un autre ouvrage, ceux d'Agaune, ou S. Maurice. Peut-on les mieux diftinguer les uns des autres ?

12.23.

'S. Eugende dans fes reglements avoit cru devoir s'accommoder à la nature & à la foibleffe des Gaulois. Ainfi ils étoient moins feveres, fur-tout pour les commençants, que ni les Regles de S. Bafile & de S. Pacôme, ni celles de Caffien & de Lerins; quoiqu'apparemment ils fuffent tirés des unes & des autres pour la plus grande partie.

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ARRALI nous a donné dans la chronologie des Lerin. t. 1.p. 187

Brands hommes de Lerins, une efpece de vie de 189.

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S. Venance frere de S. Honorat, Fondateur & premier
Abbé de ce Monaftere. Nous difons une espece de vie
parce que c'est moins l'histoire que l'éloge du Saint. 'Il a p. 189.
été composé par un Moine du même endroit, ainsi que
le montre la fin de la piece, où l'Auteur apoftrophant fes
freres,leur parle comme à des perfonnes qui reconnoiffoient
avec lui S. Honorat
pour leur
pere commun.

'Il avertit qu'il l'a tiré de divers monuments qu'il a- p. 187.
voit entre les mains. On voit par-là que la piece n'eft point
originale. Mais il auroit parle plus conformément à la vé-
rité, s'il n'avoit nommé que la vie feule de S. Honorat
par S. Hilaire d'Arles. C'est-là en effet l'unique fource où
il a puifé en l'accommodant à son ftyle, tout ce qu'il rap-
porte d'hiftorique touchant S. Venance. Du refte, il n'a
fait qu'y ajoûter de fon fond, le commencement & la fin
avec quelques legeres liaisons, pour rendre fa piece con-
venable au deffein qu'il fe proposoit. Il declare lui-même
qu'il l'avoit entreprise, afin d'être luë au jour de la fête
du Saint.

Le ftyle en eft fimple, clair, point embarraffé; & l'on n'y voit point paroître de termes extraordinaires ni de pensées recherchées. Il n'y eft parlé non plus d'aucun miracle. C'eft ce qui nous détermine à placer cet éloge vers les premieres années de ce VI fiecle. Dans les temps pofterieurs on n'auroit pas écrit ni avec tant de précision ni avec tant de clarté.

L'Auteur, quoiqu'éleve de Lerins & peu éloigné du temps de Faufte, qui en avoit été Abbé l'efpace de près de trente ans, n'avoit pas néanmoins époufé fes fentiments fur la grace. 'Il en fait paroître de tout oppofés dès l'en- Ibid. trée de fon ouvrage.

Après Barrali les Continuateurs de Bollandus l'ont pu- Boll. 30. Mai. p. blié à leur tour, il fe trouve dans leur grand recueil au 241.242.

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