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bonheur par leur conversion. Sur quoi il Jui applique ces paroles du psaume IV: Lorsque j'étais dans l'affliction, vous avez, 6 mon Dieu, dilaté mon cœur. Il fait remarquer à ses auditeurs que les hérésies ne dominent ordinairement que sur une nation et qu'elles n'occupeut que quelques coins du monde; au lieu que l'Eglise catholique, composée de toutes les nations, remplit tout l'univers. Les hérésies cherchent les cavernes pour y cacher leurs doctrines et leurs adhérents; l'Eglise catholique se montre à tout le monde, parce que les membres qui lacomposent surpassent toutes les sectes des hérétiques. S'il reste encore, ajoutet-il, quelque nation barbare qui n'ait point été éclairée de la lumière de la foi, il est hors de doute qu'elle le sera un jour. La promesse de Jésus-Christ à cet égard ne peut manquer d'avoir son effet; l'ordre naturel demandant d'ailleurs que ceux qui tirent leur origine d'un même homme, s'aiment mutuellement et se réunissent dans la profession d'une même vérité. Roderic de Tolède fait mention de ce discours au chapitre 15 de son Histoire. Saint Léandre souscrivit le troisième aux décrets de ce concile, en sa qualité de métropolitain de la province Bétique. On a mis à la fin de sa Règle une épitaphe qui lui est commune avec son frère saint Isidore et sa sœur sainte Florentine; ils partageaient tous les trois le même tombeau, et saint Isidore reposait au milieu d'eux; la mort pour cette fois avait respecté l'ordre de la naissance dans la distribution des rangs.

Les pompeux éloges que saint Isidore donne à l'éloquence de son frère ne semblent pas justifiés par le style de ses écrits. Il est sententieux, d'une concision affectée; et ce qui le dépare encore davantage, on y remarque un jeu puérile d'antithèses et de désinences qui transportent dans sa prose la monotonie de la rime. On trouve sa lettre à sa sœur dans le Code des règles de SaintBenoit d'Aniane, publié par Holstenius, Paris, 1663, et dans le tome XII de la Bibliothèque des Pères; et son discours sur la conversion des Goths dans le tome V de la Collection des conciles.

LEDUIN OU LIETDUIN, qui nourut en 1040, après avoir gouverné le monastère de SaintVaast d'Arras pendant plus de vingt ans, est auteur d'un écrit intitulé: De placito generali. C'est un recueil de règlements, tant généraux que particuliers, dans lesquels on peut apprendre divers usages de ce tempslà. Ils sont particulièrement intéressants, en ce qu'ils font connaître les anciens priviléges de l'abbaye de Saint-Vaast.

LEGER (Saint), dout le nom latin est Leodegarius, naquit en 616, de parents nobles et alliés à la famille royale. Dès sa jeunesse il fut placé à la cour, et quelque temps après contié à Didon, évêque de Poitiers, qui l'instruist dans les belles-lettres, et le promut aux ordres, dans l'espérance de s'en faire un successeur. Dans ce but, il se l'attacha en qualité d'archidiacre,

et partagea avec lui le gouvernement de son diocèse. Toutefois, il ne put le refuser aux moines de Saint-Maixent qui le demandèrent pour abbé. Mais après les avoir gouvernés pendant six ans, Clotaire et la reine Batbilde dont il avait su gagner l'estime et la bienveillance, le firent placer sur le siége épiscopal d'Autun, dans l'espoir qu'il réunirait le clergé de cette Eglise, alors extrêmement divisé. Son élection, en effel, fut suivie de la réunion des esprits. Nommé ministre d'Etat, pendant la minorité de Ciotaire II, et, suivant quelques-uns, maire du palais sous Childeric II, Léger ne s'oc cnpa qu'à faire régner ces princes avec justice et humanité, Les courtisans l'avant rendu suspect à Childéric, il se retira à Luxeuil; mais sa retraite ne le mit pas à l'abri de la persécution. Ebroin, maire du palais, lui fit crever les yeux, puis enfin il fut décapité en 680, dans la forêt de Luchen, en Picardie. L'Eglise l'honore parmi les martyrs, et sa fête est fixée au 2 octobre.

On a de lui des statuts synodaux qu'il fit rédiger dans un concile qu'il tint à Autun en 670, et un testament par leque! il donne quelques terres à son Eglise ; mais le monument le plus intéressant qui nous reste de sa plume est la lettre qu'il adressa, quelque temps avant sa mort, à Sigrade, sa mère, qui sétait rendue religieuse à l'abbaye de Notre-Dame de Soissous. C'était pour la consoler du supplice de Garin, son autre tils, qu Ebroïn avait fait attacher à un poteau et mourir à coups de pierres. Il la félicite de s'être retirée du monde, et lu représente que la mort de Garin ne doit point être pour elle un sujet de larmes, puisqu'elle causait de la joie aux anges. Après la prière que Jésus-Christ a faite sur la croix pour ceux qui le mettait à mort, nous ne pouvons plus nous dispenser d'aimer nos ennemis et nos persécuteurs. On trouve celte lettre dans le tome 1" de la Bibliothèque des manuscrits du P. Labbe. dans le fi des Actes de l'ordre de Saint-Benoit, et dans le IV de la Gaule chrétienne. Ses Statuts sont insérés dans la Collection des conciles, et son Testament dans les Annales de dom Mabillon.

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LEGER, d'abord chanoine du Puy, puis archevêque de Vienne, occupait ce siége des l'an 1025, comme on le voit par une ordonnance qu'il rendit en faveur du monastère de Saint-André. Les moines que l'abbéltérius envoyait dans les obédiences s'en appropriaient les revenus. Il s'en plaignit à Tarchevêque, qui ordonna que ces biens seraient employés aux besoins de la communauté, sous peine aux transgresseurs d'être séparés de la communion. Lorsque Pierre ful élevé sur le siége du Puy, Léger souscri vit à l'acte de son élection et de sa conse cration, en prenant dans cette souscription, le titre de primat de Vienne. Il accompa gna le Pape Léon IX à son retour de France à Rome, en 1050. On a encore de lui une charte datée du mois de février 1066. I

avail composé l'Histoire des archevêques de Vienne, ses prédécesseurs, mais elle n'a jamais été imprimée.

LEIDRADE à qui ses qualités personnelles méritèrent l'estime et la confiance de Charlemagne, fut d'abord élevé à plusieurs dignités séculières et placé ensuite sur le siege épiscopal de Lyon, à la mort d'Adon, arrivée en 798. Cette église était alors dans un état également fâcheux et pour le spirituel et pour le temporel. Leidrade en répara les bâtiments, la fournit de bons livres et des ornements nécessaires pour le service divin. Il rétablit aussi le cours canonial des offices, qui était extrêmement négligé, érigea des écoles de chantres, de lecteurs et d'interprètes des divines Écritures. Il étendit ses soins jusque sur l'abbaye de l'île Barbe, dont il releva les ruines et y plaça des moines qu'il pourvut de toutes les clioses nécessaires à l'observation de la règle. En 799, le roi Charles le députa avec plusieurs autres évêques et des abbés vers Félix d'Urgel, pour lui persuader de quitter son erreur et de se soumettre au jugement de l'Eglise. Cette démarche eut un heureux succès. Félix se rendit, la même année, à Aix-la-Chapelle, où il fit sa rétractation. Charlemagne voulut encore que Leidrade souscrivit avec les grands du royaume à la disposition testamentaire qu'il fit de ses trésors et de ses meubles, en 811. Quelques années, après ne pouvant, à cause de ses infirmités habituelles, remplir plus longtemps les fonctions de son minisiere, Leidrade, de l'avis des évêques de France, désigna Agobard pour lui succéder et se retira au monastère de Saint-Médard de Soissons. Louis le Débonnaire l'arracha, un instant, à cette retraite, pour l'envoyer en qualité de député régler quelques affaires de l'Eglise de Mâcon; mais il y revint bienlot après, et l'on croit généralement qu'il y

mourut le 28 décembre 816.

SES ÉCRITS. On a été très-longtemps saus connaître tous les écrits de Leidrade, quoique cependant ils ne soient ni bien nombreux ni bien importants. Le premier est une lettre dans laquelle il rend compte à Tempereur Charlemagne de tout ce qu'il avait fait pour le bien spirituel et temporel de son église, depuis le commencement de son épiscopat jusqu'au temps où il l'écrivait, et que l'on croit pouvoir reculer avant la translation des reliques de saint Cyprien, parce qu'il n'en est fait aucune mention. Du reste, quoique l'auteur y entre dans des détails qui ne peuvent que donner un grand relief à son administration, il n'y parle ceendant de lui-même qu'avec beaucoup de modestie et d'humilité. Cette lettre est assurément importante pour l'histoire de l'Eglise et de la ville de Lyon; mais plusieurs sawants croient qu'il s'y est glissé, en divers endroits, des choses étrangères et qui ne sont pas de l'auteur.

Des cérémonies du baptême. Le second puscule de Leidrade est un Traité des cérénonies du baptême, dans le même goût à peu près que plusieurs autres qui furent comDICTIONN. DE PATROLOGIE. III.

posés, à cette époque, pour répondre à la circulaire que Charlemagne avait adressée, en 811, à tous les métropolitains de ses états. Il est composé de onze chapitres, sans y comprendre la lettre de l'empereur qui sert de préface. Leidrade trouve des figures du baptême dans plusieurs endroits de l'Ancien Testament, dans la Genèse, par exemple, où il est dit que l'Esprit de Dieu était porté sur les eaux; dans le déluge, qui servit à purifier le monde de ses péchés; dans la mer Rouge, où, suivant l'expression du psalmiste, Dieu brisa les têtes des dragons, c'està-dire des Egyptiens dans les eaux. Il met cette différence entre le catéchumène et le compétent, que le premier sort de la gentilité avec la volonté de croire en Jésus-Christ et d'écouter la parole de Dieu, et que le second, déjà instruit de la doctrine de la foi, se hâte, par sa conduite, de recevoir la grâce de Jésus-Christ. Il dit qu'encore que suivant la tradition le prêtre doive toucher les narines et les oreilles du baptisé, cet usage n'était pas le même partout. En quelques endroits, le ministre touchait avec l'huile sainte les oreilles et les narines des catéchumènes, et en d'autres, il les touchait avec de la salive; il y en avait aussi où il n'employait ni la salive ni l'huile, comme il y en avait d'autres où l'on faisait une onction d'huile sur la bouche. Il expose dans un sens moral toutes les cérémonies qui accompagnaient alors le baptême, et donne en passant une courte explication du Symbole, dans laquelle il remarque à l'article du Saint-Esprit, qu'il procède du Père et du Fils, et sur la rémission des péchés, que le baptême les efface tous, aussi bien l'originel que l'actuel, les péchés de pensées et d'actions, les péchés connus et les péchés inconnus. Après avoir enseigné que l'eau du baptême est sanctifiée par la parole, il ajoute : « Otez la parole, que sera l'eau sinon de l'eau ? la parole se joint à l'élément et le sacrement existe. » Il n'insiste pas sur la nécessité des trois immersions, et avec saint Grégoire le Grand, it semble s'en rapporter là-dessus à l'usage de chaque église. Mais il déclare que le baptême étant de Jésus-Christ et non pas de l'homme, il n'importe que celui qui baptise soit hérétique ou fidèle, pourvu qu'il baptise au nom des trois personnes divines. La suite de son discours fait voir que l'on administrait alors de suite au baptisé la confirmation et l'Eucharistie. Il dit que la confirmation se donne dans l'Eglise par l'onction du chrême et l'imposition des mains; que, comme par le baptême, nous recevons la rémission de nos péchés, de même par l'onction, le SaintEsprit nous est conféré avec le don des vertus. Quoiqu'il soit permis aux prêtres d'oindre la tête du baptisé avec du chrême, pourvu qu'il ait été consacré par l'évêque; ils ne peuvent néanmoins oindre le front, cela étant réservé aux seuls évêques, lorsqu'ils confèrent le Saint-Esprit. Il apporte deux raisons de cette différence: la première, c'est que les prêtres n'ont point l'autorité suprême du sacerdoce; la seconde, c'est que, selon

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les Actes des apôtres, il fallut recourir à
saint Pierre et à saint Jean pour conférer le
Saint-Esprit aux baptisés de Samarie. Tel,
est l'usage de l'Eglise, quant au baptême
des enfants ou de ceux qui ne peuvent point
répondre par eux-mêmes aux demandes qui
leur sont faites. Leidrade enseigne que le
sacrement produit en eux le même effet que
dans les adultes, et qu'ils sont agrégés au
nombre des fidèles par ceux qui les offrent
et les lèvent des fonts du baptême, c'est-à-
dire par les parrains. Il s'explique ensuite
sur la manière dont les ministres de l'Eglise
devaient vivre et enseigner. C'était un des
articles de la lettre circulaire de l'empereur.
Il établit, à cette occasion, l'obligation où
sont les pasteurs d'annoncer la vérité à leur
peuple et de les engager à la pratique des
vertus tantôt par des menaces et tantôt par
des caresses, pour le plus grand bien de

tous.

Charlemagne fut content des réponses de Leidrade, mais il ne trouva pas qu'il se fût assez étendu sur les renonciations qui se font avant le baptême; ce qui obligea cet archevêque de traiter une seconde fois la uême matière. Il envoya ce qu'il avait fait à l'empereur avec une lettre dans laquelle il lui rendait raison de ce second écrit, qui est, à proprement parler, un traité des vices, renfermés dans les renonciations que l'on fait avant de recevoir le baptême. Il ne distingue que sept péchés capitaux, mais il remarque que les saints Pères et en particulier les Pères de l'Egypte en distinguaient huit, parce qu'ils admettaient une différence entre la vaine gloire et l'orgueil. Ces deux traités de Leidrade avec les deux lettres à Charlemagne ont été publiés, en 1682 par dom Mabillon dans le tome III de ses AnaJectes, qui ont été réimprimés à Paris en 1723.

A sa sœur. La lettre à sa sœur a été imprimée à la suite des écrits d'Agobard dans les éditions de Papire Masson et de Baluze. On la trouve encore dans le recueil de Rivinus à Leipsick en 1652 et dans le tome XIV de la Bibliothèque des Pères. Leidrade écrit à sa sœur pour la consoler de la mort de son fils et de son frère. Il lui rappelle avec saint Paul, que les chrétiens qui sont persuadés de la résurrection ne doivent point s'attrister de la mort de leurs proches comme des païens qui n'ont pas d'espérance. Il ajoute qu'encore que son fils soit mort dans un âge peu avancé, elle devait rendre grâce à Dieu de ce qu'il avait encore vêcu si longtemps, puisqu'il y en a tant d'autres qui meurent aussitôt après leur naissance, et même dans le sein de leur mère. La mort n'est mauvaise que pour les méchants, parce qu'elle leur ouvre un passage à une vie encore plus mauvaise; mais elle est bonne pour res bons, puisqu'elle rend leur condition plus heureuse. Les pleurs que nous versons sur les morts ne leur servent de rien; ils ont besoin, de la part des vivants, tion pas d'un deuil, mais de prières qui puissent les soulager. On sent partout en lisant cette

lettre que c'est un cœur compatissant, plein de tendresse et de piété qui l'a dictée; et quoiqu'elle soit écrite sans art, on peut dire éanmoins qu'elle n'est pas sans beautés. Nous n'en voulons pour preuve que la belle sentence qui la terimine."

Alcuin parle de Leidrade avec éloge dans plusieurs de ses écrits, il en est question aussi dans ceux de Théodulphe d'Orléans. C'est de lui que nous apprenons qu'il était né dans la Norique; mais ni Théodulphe ni aucun autre historien n'a marqué l'occasion qui avait engagé Leidrade à quitter sa patrie pour passer en France. Agobard parle avec éloge d'une préface que son père spirituel, dont l'orthodoxie et l'érudition étaient connues de tout le monde, avait mise en tête de l'Antiphonier de Lyon. On croit avec raison qu'il a voulu parler de Leidrade dont il avait été le chorévêque et qui l'avait désigné lui-même pour son successeur. Il est certain d'ailleurs que Leidrade tit écrire plusieurs livres pour l'Eglise de Lyon. Il le dit lui-même dans sa lettre à Charlemagne.

LÉON I, à qui tous les siècles chrétiens ont unanimement décerné le titre de Grand, le mérita par ses talents et par ses vertus. La divine Providence, dont l'action se manifeste si clairement dans le gouvernement de notre Eglise catholique, le fit naître au milieu des circonstances les plus propres au développement de son génie. I sortait d'une des premières familles de Toscane; mais il naquit à Rome, comme nous l'apprenons de lui-même et de saint Prosper. Ayant dirigé vers la science ecclésiastique les brillantes études qu'il avait faites cans cette capitale, il s'y fit remarquer du Pape saint Célestin, qui l'employa utilement aus affaires les plus importantes. Sous le pontficat de Sixie III, son successeur, ce fut Ini qui démasqua les intrigues de Julien d'Eclane, pour rentrer dans son siége, d'où il avait été déposé, et qui, par la pénétration de ses vues, par la fermeté de sa conduite, empêcha les progrès de l'hérésie pélagienne. Saint Léon était alors archidiacre de l'Eglise de Rome. Les différends survenus dans les Gaules entre les deux généraux romains qui y commandaient, semblaient ne po voir se terminer que par une guerre civile. Saint Léon reçut la mission de s'y transpor ter comme négociateur, et vint à bout de les réconcilier. Il n'était pas encore de retour à Rome, lorsque Sixte mourut. Tous les suffrages se réunirent en faveur de l'arch diacre; une solennelle députation lui fat envoyée, et son entrée à Rome fut un triomphe. La cérémonie de son exaltation se fit un dimanche, 29 septembre de l'an 440. Jamais Pontife ne se montra plus digne du haut rang auquel il venait d'être éleve. L'Eglise avait à combattre les manichéens, les priscillianistes, les pélagiens, et surtout les eutychéens, soutenus par l'autorité de la cour et de leur faux concile, connu sous le nom de brigandage d'Ephèse. L'empire était menacé par les incursions des bar

bares, et la dissolution des mœurs, plus cruelle encore que la violence des armes, vengeait l'univers de sa longue oppression. Il fallait définir le dogme, rétablir et fortifier la discipline, relever la majesté de l'empire, faire reconnaitre la suprématie de la chaire pontiticale; opposer une digue au torrent des mauvaises mœurs, et pour cela, il fallait trouver un homme qui réunît l'esprit le plus délié au caractère le plus vigoureux une science consommée à toute l'élévation de l'éloquence les vertus les plus humbles aux qualités les mieux faites pour le commandement. On sentait généralement le besoin d'un tel concours, mais sans pouvoir l'espérer. Saint Léon, dit Butler, surpassa même les espérances par les grandes actions qui illustrèrent son pontificat. Les manichéens, chassés d'Afrique, se réfugiaient à Rome. Saint Léon les y poursuivit, dévoila leurs artifices, leurs abominations secrètes, en obtint d'eux l'aveu public, et ne leur laissa de ressource que dans la rétractation de leurs erreurs ou le bannissement. Le pélagianisme comme çait à reparaître dans la province d'Aquilée. Saint Léon excite le zèle des évêques et des pieux écrivains contre cette secte captieuse, enveloppée dans ses équivoques, et vient bientôt à bout d'en triompher. Le priscillianisme dominait en Espagne. Le saint Pape seconde puissamment les efforts de saint Turribius d'Astorga, et ne réussit pas moins à écraser cette dangereuse hérésie. Mais la plus formidable alors était celle d'Eutychès, qui, par son refus opiniâtre de reconnaître les deux natures en Jésus-Christ et les violences qu'elle provoqua à la suite du Concile d'Ephèse, avait bouleversé tout l'Orient. Saint Léon soutint noblement la cause de la foi, l'honneur de Flavien de Constantinople et les droits de la hiérarchie. L'Occident, de son côté, était en proie à la fureur des barbares. Attila, surnommé la terreur du monde et le fléau de Dieu, se répandit dans les provinces de l'empire. Rome était incapable de se défendre. Elle tremblait de voir arriver dans ses murs le farouche conquérant qui venait y porter le fer et la flamme. Saint Léon en sortit pour aller au-devant d'Attila. Il le rencontra près de Ravenne, et, par l'autorité, comme par l'insinuation de ses discours, il obtint de lui qu'il repassat les Alpes et fit retraite par delà le Danube. Ce ne fut pas la seule fois que l'Italie dût son salut à son Pontife. Deux ans après, Genseric, roi des Vandales, s'étant montré aux portes de Rome, saint Léon réussit encore, par ses prières, à épargner le sang de ses concitoyens.

à

Sa sollicitude vraiment pastorale s'étendait à toutes les Eglises du monde. De là, une correspondance non interrompue avec tous les évêques, une surveillance attentive maintenir les droits et les intérêts de tous, à prévenir ou réprimer, dans les uns, les écarts d'un faux zèle, ou l'extension arbi

(15) Mœurs des chrétiens, me part., 11o 43.

traire du pouvoir: dans les autres, les désordres qui s'introduisent toujours à la suite du relâchement de la discipline et des mœurs; à régler l'ordre de la liturgie, à en établir l'uniformité. De là, cette belle suite de discours et de lettres décrétales, dont le moindre mérite est d'avoir acquis à leur auteur le droit d'être compté parmi les plus célèbres écrivains qui aient illustré cette langue romaine, devenue classique depuis le siècle d'Auguste. Son style rappelle l'élocution de Cicéron, et ses tableaux oratoires ont une onction et un éclat qui en reproduisent quelquefois l'éloquence. L'abbé Fleury nous donne la plus haute idée du caractère de majesté que ce grand Pape savait imprimer aux cérémonies religieuses. « Représentonsnous, dit-il, les tidèles de Rome assemblés la veille de Pâques, sous le Pape saint Léon, dans la basilique de Latran. Après la béné diction du feu nouveau, lorsqu'un nombre incroyable de lumières rendait cette sainte nuit aussi belle qu'un beau jour, c'était, sans doute, un charmant spectacle de voir cet auguste lieu rempli d'une multitude innombrable de peuple, sans tumulte et sans confusion, chacun étant placé selon l'âge, le sexe et le rang qu'il tenait dans l'Eglise. On y regardait, entre autres, ceux qui devaient recevoir le baptême, cette nuit même, et ceux qui, deux jours auparavant, avaient été réconciliés à l'Eglise, après avoir accompli leur pénitence. Les yeux étaient frappés de tous côtés par les marbres et les peintures, et par l'éclat de l'argent, de l'or et des pierrèries qui brillaient sur les vases sacrés, principalement près du saint autel.

« Le silence de la nuit n'était interrompu que par la lecture des prophéties, distincte et intelligible, et par le chant des versets qui y sont entremêlés, pour rendre l'un et l'autre plus agréables. Par cette variété, l'âme, frappée tout à la fois de grands et de beaux objets, était bien disposée à profiter de ces lectures divines, y étant prépare d'ailleurs par une étude continuelle. Quelle était la modestie des diacres et des autres ministres sacrés, choisis et élevés par un tel prélat, et servant en sa présence ou plutôt en la présence du Dieu, que la piété leur rendait toujours sensible! Mais quelle était la majesté du Pape lui-même, si vénérable par sa doctrine, son éloquence, son zèle, son courage et toutes ses autres vertus! Avec quel respect et quelle tendresse de piété prononçait-il sur les fonts sacrés ces prières qu'il avait composées, et que ses successeurs ont trouvées si saintes, qu'ils nous les ont conservées dans la suite de douze siècles! Je ne m'étonne plus si les chrétiens oubliaient en ces occasions le soin de leurs corps, et si, après avoir jeûné tout le jour, ils passaient encore toute cette sainte nuit de la résurrection en veilles et en prières, sans prendre de nourriture que le lendemain (15). »

Saint Léon mourut couronne de gloire devant Dieu et devant les hommes, après avoir gouverné l'Eglise romaine pendant vingt et un ans. On ne détermine pas bien l'année de sa mort, mais l'opinion la plus commune est qu'elle arriva le 10 novembre 461. Son corps fut déposé dans l'église de Saint-Pierre.

Saint Léon est le premier Pape dont nous ayons un corps d'ouvrages. Il se compose de quatre-vingt seize sermons, de cent quarante-une lettres, des livres sur la vocation des gentils, et d'un code d'anciens canons. SERMONS. A la tête des sermons sont quatre discours prononcés par le saint docteur sur son exaltation au suprême pontificat; le premier, en présence d'un grand nombre d'évêques, qu'il appelle les tabernacles du Dieu vivant, et les membres les plus excellents du corps mystique de JésusChrist. Dans le second : « Bien qu'il n'y ait rien, dit-il, de plus redoutable que le sacré ministère, on ne doit point toutefois désespérer d'en pouvoir remplir les obligations, parce que l'on s'appuie, non sur ses propres forces, mais sur le secours de celui qui opère en nous. » Il compare le sacerdoce de JésusChrist avec celui d'Aaron et de Melchisedech qui n'en était que la figure. Le troisième est un éloge de saint Pierre.

Suivent six homélies à l'occasion des quêtes ou collectes qui se faisaient en faveur des indigents dans les principales églises de Rome. L'auteur insiste sur le double précepte de l'aumône et du jeûne. Voici quelques citations qui nous semblent résumer sa doctrine sur l'aumône chrétienne.

« On se fait du bien à soi-même, quand on en fait aux autres. C'est mettre son trésor en dépôt dans le ciel que de l'employer à nourrir Jésus-Christ dans la personne du pauvre. Dieu a voulu que vous fussiez dans abondance pour vous mettre en état de Soulager les misères d'autrui, pour subvenir aux besoins de l'indigent, et vous ménager à vous-même dans l'aumône le remède à vos propres iniquités. Admirable économie de la Providence et de la divine miséricorde! Par un seul acte, vous faites du bien à plus d'une personne, au pauvre et à vous.

« Le précepte de l'aumône s'adresse à tous en raison des facultés. Si tous n'ont pas les mêmes moyens, tous doivent être dans les mêmes dispositions. L'aumône ne se mesure pas sur la valeur du don, mais sur l'intention et la bienveillance.

« Quelque vil que vous semble ce pauvre, il est homme comme vous. Quel qu'il soit, gardez-vous de mépriser dans lui cette même nature que le Créateur de l'univers a unie à sa propre personne. A quelle sorte d'indigent pouvez-vous refuser une aumône que Jésus-Christ vous demande pour lui

même ?

« Heureux celui qui est attentif aux besoins du pauvre! Qu'est-ce à dire? Que nous devous être à la recherche de celui que la honte de sa misère empêche de se produire de lui-même. Il est des pauvres qui rougiraient

de demander en public: ils aiment mieux aggraver le poids de leur infortune, en la tenant cachée, que de s'exposer à l'humiliation de la manifester. Voilà ceux auxquels il nous est prescrit d'être plus particulièrement attentifs, de qui nous devons à la fois et soulager la misère, et ménager la délicatesse.

« Ce qui nous sera reproché au dernier jugement, ce sera moins encore d'avoir péché que d'avoir négligé de racheter nos péchés par l'aumône. C'est donc être cruel envers soi-même que de ne pas secourir le pauvre. Nulle différence dans l'ordre de la nature entre le riche et le pauvre. Tous paient un égal tribut aux vicissitudes humai nes: il n'est personne qui ne doive craindre pour soi-même les mêmes accidents qu'il voit arriver à d'autres. Compagnons d'infor tune, nous nous devons les uns aux autres une réciproque commisération..... Ne pas remercier Dieu de tout, n'est-ce pas prétendre le trouver en défaut ? Et telle est pourtant la téméraire démence de la plupart des hommes, qu'ils se permettent de murmurer, non pas seulement quand il leur manque quelque chose, mais alors même qu'ils sont dans l'abondance; querelleurs, quand ils n'ont pas, ingrats quand ils ont tout à souhait..... Qu'on ne craigne pas de porter atteinte à son bien par l'aumône; la pauvreté chrétienne est toujours riche, ce qu'elle possède, étant plus précieux que ne peut l'être ce qui lui manque. Il n'y a point de pauvreté à redouter dans ce monde pour celui qui espère tout posséder dans l'autre.

Sur le jeûne. - Le jeune est l'aliment de la vertu. C'est l'abstinence qui enfante les chastes pensées, les désirs raisonnables, les salutaires réflexions. Ces mortifications que vous vous imposez à vous-mêmes morti fient la concupiscence, retrempent les âmes, leur impriment une énergie nouvelle. De ce que vous retranchez à votre table, faites-an la part du pauvre. Fiat refectio pauperis abstinentia jejunantis. »

A la suite de ces homélies l'éditeur en a placé neuf autres qui regardent spécialement le jeûne du dixième mois. On appelat ainsi le jeûne qui se pratiquait en hiver, au mois de décembre, pour préparer à la fête de Noël. Nous citerons quelques fragments de ces discours pour en donner une idée à nos lecteurs.

<«< Si nous méditons, mes très-chers frères, attentivement et avec intelligence, l'histoire de notre première origine, nous trouverons que l'homme n'a été créé à l'image de Dieu qu'afin qu'il imitât celui qui l'a formé, et que la dignité de notre nature exige que nous soyons par notre conduite comme aa miroir fidèle, où se reflète l'image de sa divine bonté. C'est pour rétablir en nous cette image altérée et défigurée par le péche que le Sauveur nous donne continuellement sa grâce; de sorte que le second Adam repare avec avantage ce que le premier avail honteusement dégradé. Mais ne cherchons point d'autre cause de réparation que la

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