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la teneur de ce prologue annonce la plume de l'évêque de Soissons. Il dit à Raoul que dans le concile tenu à Reims l'année précédente par le pape Calixte II, Lambert, évêque de Noyon et de Tournai, s'était plaint hautement de ce que la sainteté du bienheureux Arnoul se trouvant attestée par tant de miracles, son corps néanmoins continuait de demeurer toujours dans la poussière, sans qu'on pensât à le rélever pour lui accorder les honneurs des saints. Il voyait dans l'assemblée plusieurs personnes en état de déposer de ses miracles et de ses vertus; le roi Louis le Gros, en présence duquel il parlait, ne pouvait avoir oublié qu'il devait sa naissance aux prières du saint évêque; Pierre, archidiacre de Soissons, également présent, déclarait et prouvait par de bons témoignages qu'étant aveugle-né, l'hom l'homme de Dieu lui avait ouvert les yeux en lui appliquant de sa salive; Lisiard, son successeur, ayant reçu de sa main le sousdiaconat, et vécu plusieurs années avec lui, pouvait rendre compte de la pureté de ses inceurs, de son abstinence merveilleuse, de ses prédictions et de ses miracles; sur quoi, poursuit Lisiard, en s'adressant toujours à l'archevêque de Reims, votre paternité dit qu'elle ne doutait nullement que le bienheureux Arnoul n'eût mené une vie trèssainte et très-édifiante; mais que son avis était cependant de ne relever son corps de terre, qu'après que ses miracles auraient prouvé qu'il était digne de cet honneur; qu'au reste, l'Eglise romaine étant présente, Vous Vous en rapportiez à sa décision. « Tout le monde, ajoute-t-il, applaudit à ce discours, et c'est en conséquence de la délibération qui le suivit, que j'ai ramassé dans le livre que je vous offre les principales merveilles par lesquelles il a plu à Dieu d'illustrer le tombeau de ce saint homme. »>

Si l'on en juge d'après ce prologue, il ne reste plus de difficultés pour attribuer à Lisiard le livre qu'il annonce; cependant, nous sommes persuadé que ni l'un ni l'autre ne lui appartiennent, et que dans le prologue en question, Hariulphe fait parler ce prélat pour donner plus de poids à son écrit. Le style de ce morceau et quatre vers que l'auteur y a insérés décèlent manifestement le génie d'Hariulphe, surtout quand on les compare avec ses autres productions. Quant au livre lui-même, le terme vidimus, dont l'historien se sert en parlant des miracles opérés au tombeau du saint, prouve évidemment qu'il demeurait au monastère d'Aldembourg. Toute la part que nous pouvons attribuer à Lisiard dans cet ouvrage, c'est de l'avoir examiné, revu, et même si l'on veut, d'y avoir ajouté le récit de quelques miracles dont il était particulièrement instruit. Surius n'avait sans doute aucune connaissance de ce troisième livre, puisqu'il ne l'a point fait entrer dans son recueil. La découverte en paraît due aux recherches de dom Mabillon, qui, l'ayant rencontré à la suite des deux autres, dans plusieurs ma

nuscrits portant le nom d'Hariulphe, l'a inséré dans la seconde partie du dernier voJume de ses Actes, avec un commentaire Depuis, les Bollandistes l'ont reproduit avec historique et des notes pour éclaircir le texte. de nouvelles corrections dans le tome II du mois d'août de leur grand Recueil.

AUTRES ÉCRITS. L'abbé d'Aldembourg fit encore deux ouvrages qui avaient pour objet l'illustration de son monastère, mais qui jusqu'à présent n'ont point encore été publiés. L'un est la Vie du bienheureux Gervin, son prédécesseur; l'autre, des Dialogues sur les miracles opérés dans son église par patron. Ce dernier ouvrage est dédié à Guill'intercession de saint Pierre qui en était le laume, archevêque de Cantorbéry. Molanus parle de l'un et de l'autre en homme qui les avait lus, puisqu'il dit, à l'occasion de Gervin, que nous ignorerions les détails de ses actions, si Hariulphe, son successeur, n'avait pris soin de les rapporter dans l'histoire de sa Vie, et dans ses Dialogues sur glise d'Aldembourg. Ces deux manuscrits les miracles de saint Pierre, opérés dans l'éexistaient encore dans les bibliothèques de Flandre au commmencement du siècle derpuis cette époque. nier; on ne sait ce qu'ils sont devenus de

Comme on a pu s'en convaincre par l'article que nous venons de lui consacrer, Hariulphie fut un des moines du xi siècle qui rendirent le plus de services à la science de lui reprocher, il faut lui tenir compte de l'histoire. Si l'on a quelques inexactitudes à ses efforts et se rappeler que les documents lui manquaient.

HARMONIUS, fils de Bardesanes, le suivit dans ses erreurs. Syrien d'origine, quoiqu'il connut parfaitement le grec, il n'écrivit que dans sa langue naturelle. Les anciens calalogues lui attribuent un grand nombre de livres qui ne sont pas venus jusqu'à nous; mais la perte en est d'autant moins regrettable qu'ils étaient presque tous opposés au dogme catholique. On conserve cependant plusieurs hymnes qu'il avait notées lui-même, comptant sur l'attrait de la musique pour populariser ses erreurs. Pour en paralyser l'effet, saint Ephrem en composa d'autres sur les mêmes airs, qui contribuèrent à entretenir la foi catholique parmi les populations de la Syrie. Il est difficile aujourd'hui de distinguer les hymnes composées par Harmonius de celles de son père. (Voir, pour plus amples renseignements, les articles BARDESANES, au 1er volume, et saint EPHREM, au II volume de ce Dictionnaire.)

HARMOTE, ou HARMUTE, issu d'une famille alliée aux ducs de Bourgogne, prit dès sa jeunesse l'habit monastique à Saint-Gall, d'où il se rendit à l'école de Fulde, attiré par la réputation de Raban qui la dirigeait alors. Doué d'un esprit vif et d'un génie aisé et pénétrant, non-seulement il fit de grands progrès dans les sciences en vogue à cette époque, mais il apprit encore le grec, l'hébreu et quelque chose de l'arabe. Au mérite

du savoir et d'une naissance distinguée, Harmote joignit encore celui d'une grande régularité de conduite; ce qui lui valut l'honneur de suppléer, sous le titre de doyen, l'abbé Grimald dans le gouvernement de son monastère. Harmote s'acquitta de cette fonction d'une manière aussi honorable pour lui qu'avantageuse pour la communaulé. Attentif avant tout au maintien de la discipline claustrale, il ne négligea pas cependant d'orner et d'embellir l'église, et il veilla surtout à soutenir les études. Dans cette vue, il augmenta la bibliothèque de quantité de livres de l'Ecriture, des Pères surtout deceux de saint Augustin, et même de quelques écrits des anciens auteurs profanes. Il y avait environ trente ans qu'Har mote gouvernait ainsi son monastère, lorsqu'il en fut élu abbé à la mort de l'abbé Grimald. Cette nouvelle dignité ne fit qu'augmenter son zèle pour le bon ordre sans rien changer à sa manière de vivre. Il redoubla donc ses soins pour la décoration des lieux consacrés au culte, et enrichit sa bibliothèque d'un grand nombre de volumes. Parmi ces richesses on fait surtout mention d'une belle mappemonde, dont on le présente comme l'auteur, ce qui ferait supposer qu'il possédait la géographie, connaissance fort rare à cette époque. Il gouvernait son monastère depuis onze ans, en qualité d'abbé, lorsqu'il forma le dessein d'abdiquer, afin de mettre quelque intervalle entre la mort et les embarras de sa charge. Il en demanda souvent la permission à ses frères et à l'empereur Charles le Gros, sans pouvoir l'obtenir; mais entin, ce prince se trouvant à SaintGall au mois de décembre 883, le pieux abbé le pria avec tant d'instance que Charles y consentit. Bernhard fut élu à sa place, et Harmote se retira dans une dépendance de l'abbaye, où il passa en reclus le reste de ses jours, qui ne furent pas longs, puisque Ratpert marque sa mort au 31 janvier 885. Il fut enterré dans le cimetière de Saint-Gall, auprès du saint évêque Landéol, son parent.

Ratpert, dans tout ce qu'il dit du mérite d'Harmote et de son amour des belles-lettres, ne fait aucune mention de ses ouvrages, excepté peut-être de la mappemonde dont on a parlé. Mais ce silence s'explique par le but que se proposait l'auteur, qui était plutôt d'écrire l'histoire des principaux événements qui se sont passés dans son monastère, que ceux des écrivains qui l'ont illustré. Cependant on sait d'ailleurs que notre savant abbé laissa plusieurs écrits de sa façon.

De ce nombre on cite d'abord des commentaires sur plusieurs livres de l'Ecriture, suivant la version hébraïque; mais on n'en spécifie aucun, et on ne nous les fait pas autrement connaître, quoique ceux qui en parlent témoignent qu'ils existaient encore de leur temps. Trithème, suivi en cela par Possevin et plusieurs autres, attribue aussi à Harmote un recueil de sermons, mais sans donner plus d'éclaircissements que sur ses commentaires. On indique également un recueil de lettres à diverses personnes, parmi

lesquelles il y en avait probablement quelquesunes adressées à Orfride de Weissembourg, autant qu'on en peut conjecturer par celles qu'il lui a adressées lui-même. Suivant le témoignage d'un ancien écrivain rapporté par Trithème, Harmote composa plusieurs ouvrages en faveur des plus jeunes moines, à qui ils pouvaient être très-utiles. Un des principaux, et dans lequel l'auteur montrait tout son génie, était une instruction pour les novices. Toutefois il ne faut pas dissimuler que Trithème pourrait bien avoir confondu ici Harmote avec Hartmanne l'ancien, qui fut aussi abbé de Saint-Gall, après les premières années du x siècle, ou même avec Hartmanne le jeune, qui ne florissait qu'environ quarante ans après l'ancien. Ce qui le fait soupçonner, c'est qu'il donne à l'auteur de ces ouvrages le titre d'écolâtre de SaintGall, ce'que Harmote ne fut jamais. Du reste, l'époque qu'il assigne à son existence ne peut convenir qu'à ce dernier. C'est peutêtre en conséquence de cette confusion que le même bibliographe accorde encore à notre savant abbé plusieurs écrits sur les miracles de divers saints. Cave ne paraît pas non plus avoir eu d'autre raison pour lui attribuer la Vie de sainte Wiborade, qui ne souffrit le martyre qu'en 925, plus de quarante ans après la mort d'Harmole. C'est donc sans fondement qu'il accuse Canisius d'avoir nommé Hartmanne au lieu d'Harmote, l'auteur de cette Vie. Il y a beaucoup d'apparence aussi que les hymnes et les chants d'église dont on veut faire honneur à notre abbé appartiennent à Hartmanne, sous le nom duquel plusieurs sont imprimés dans Canisius.

Cependant, nous croyons que les distiques, quatrains et sixains publiés par le même éditeur, et faits autrefois pour orner I église de Saint Othmar qu'Harmote avait fait peindre, sont de la façon de cet abbé. Il est au moins certain que la petite épitaphe de l'abbé Grimald, fondateur de cette église, lui appartient. Comme elle ne contient que deux vers, nous n'hésitons pas à la mettre sous les yeux du lecteur.

Hic manetḥinterius divinæ legis amator,
Grimaldus humilis, templum hoc qui condere jussil.

Enfin, dom Josse Mesler, écrivain du commencement du XVIIe siècle, attribue à Harmote une Histoire du monastère de SaintGall, laquelle n'existait plus du temps de Goldast; mais, comme Trithème, dom Mesler pourrait fort bien avoir confondu ici Harmote avec Hartmanne.

HARTMANNE, moine de Saint-Gall, est un des trois religieux de cette abbaye, qui écrivirent successivement la Vie de sainte Wiborade, morte recluse près de leur monastère en 925. Le premier, nommé Ekkehardus, en avait reçu l'ordre d'Udalric, évêque d'Augsbourg; mais la mort ne lui ayant pas permis d'achever son ouvrage, Hartmanne s'en chargea presque aussitôt, et autant qu'on le peut croire, dès l'an 978. Le troisième écri

vain qui s'exerça sur la Vie de cette sainte recluse est Hépidann, dont nous parlons en son lieu. Henschenius est le premier qui ait rendu public le travail d'Hartmanne, et on le trouve également dans le tome 1 du mois de mai des Bollandistes. Depuis, dom Mabillon lui a donné place dans le ton.e Vil des Actes de l'Ordre de Saint-Benoit, en y ajoutant divers passages de la Vie de la sainte par son troisième historien. Nous allons en faire connaître quelques traits, pour mettre os lecteurs à même d'apprécier ce travail. « Wiborade, née en Souabe de paren's nobles et vertueux, avait témoigné dès sa jeunesse un grand amour pour la retraite, la prière et le travail. Comme elle vivait encore dans le monde, elle s'abstenait de viande et de vin, couchait à terre sur un cilice et passait une partie de la nuit en oraison. Sur sa grande réputation de sainteté, Salomon, évêque de Constance, l'invita à l'accompagner à l'abbaye de Saint-Gall. Elle s'y rendit en effet, suivie de deux filles qui la servaient, fit bâtir près de l'église de SaintMagne une cellule, où, d'après son désir, l'évêque de Constance l'enferma pour y vivre selon la règle des reclus. Vers la fin de juin 924, elle apprit par une révélation que les Hongrois envahiraient le monastère, et qu'elle recevrait de leurs mains la couronne du martyre. Elle ne communiqua ce qui la regardait dans cette révélation qu'au moine Valdran, mais en le chargeant de publier partout dans les environs l'incursion prochaine de ces barbares. On eut peine à ajouter foi à ces révélations, mais on fut forcé d'en reconnaître la vérité, lorsqu'aux approches du mois de mai on vit les Hongrois affluer de la Bavière, se répandre autour du lac de Constance et incendier les villages qui se trouvaient sur leur chemin. Engilbert, abbé de Saint-Gall, fit tout ce qui dépendait de lui pour mettre ses religieux à couvert de ce danger, et pour persuader à Wiborade de quitter sa cellule; mais elle demeura inflexible, et attendit avec fermeté l'accomplissement complet de sa révélation. Cependant elle conseilla à Hittau, son frère, chargé de la garde et de la desserte de l'église de SaintMagne, de se sauver dans un bois voisin. A leur arrivée, les Hongrois brûlèrent cette église, mais voyant qu'ils n'en pouvaient faire autant de la cellule, deux d'entre eux y descendirent par le toit, et ayant trouvé la sainte en prières, ils lui déchargèrent sur la tête trois coups de hache, et se retirèrent en la laissant à demi morte dans son sang. Ceci se passa le 2 mai; les barbares ne firent aucun mal à Richilde, enfermée avec elle, et Wiborade mourut le même jour. Il se fit plusieurs miracles à son tombeau, ce qui engagea, l'année suivante, l'abbé Engilbert à ordonner d'en faire l'office la nuit de son anniversaire, et à en célébrer la messe le jour suivant, comme l'Eglise l'observe pour les vierges.» On trouve dans Canisius, mais sans nom d'auteur, un hymne en l'honneur de la même sainte; on ne peut guère douter que ce ne soit l'ouvrage d'un moine de

Saint-Gall. C'est un précis de la Vie de Wiborade que l'auteur qualifie, dans l'inscripption, de vierge, prophétesse et martyre.

Nous trouvons encore dans Canisius, au tome XXVII de la Bibliothèque des Pères, des litanies et des hymnes sous le nom d'Hartmanne, moine de Saint-Gall, qu'on croit être le même que celui dont nous venous de parler; mais quelques critiques cependant les attribuent au moine Hartmanne, qui vivait sous l'abbé Grimald, vers l'an 858. La première de ces hymnes se chantait avant la lecture de l'évangile; la seconde, au jour de la fête des Saints-Innocents, pendant la procession; la troisième, qui se chantait à la messe du même jour, est une espèce de prose rimée. Les litanies qui suivent ont été composées pour les processions des dimanches. Elles commencent, comme nos litanies modernes, par invocation de Dieu le Père, de Jésus-Christ son fils unique, du SaintEsprit, de la sainte Vierge, des anges, des apôtres, des martyrs, des confesseurs, des vierges, et finissent par l'Agnus Dei, qui ne se répète point. Enfin il y a encore sous le même nom une formule de prières pour la réception d'un roi; elle est en vers élégiaques; une réponse également en vers à une lettre de Notker, au sujet de la Vie de saint Gall, et une seconde lettre au même, dans laquelle l'auteur se défend sur son incapacité d'écrire la Vie d'un si grand saint, el prie Notker de la composer lui-même. Ces deux lettres ne peuvent être que de l'auteur de la Vie de sainte Wiborade, puisqu'il appelle Notker son maître, ce qui ne peut convenir à Hartmanne l'ancien.

HATTON, nommé quelquefois ОTTON, naquit d'une famille obscure sous la domination des rois français, mais on ignore le temps et le lieu précis de sa naissance. C'était un esprit fin et rusé et un homme de mauvais conseil. Un historien qui n'était pas éloigné de son siècle n'ose affirmer qu'il en ait suivi de meilleurs dans sa conduite. Cependant Réginon reconnaissait en lui de la prudence et du jugement. Il se rendit d'abord moine à Fulde, dont il ne fut jamais abbé, quoique les historiens lui donnent ce titre; mais il le devint de Richenow, où il succéda à Rodolphe en 888. On prétend même, ce qui ne paraît pas fondé, qu'il posséda jusqu'à onze abbayes, soit par la faveur du roi Arnoul, qui avait pour lui une affection si singulière que l'on nommait Hatton le cœur du roi, soit par d'autres voies qui nous sont moins connues. De la dignité d'abbé il fut élevé en 891 à celle d'archevêque de Mayence; son épiscopat dura vingt-un ans. Dès la première année, Hatton obtint de Rome, par la faveur du pape Formose, le chef et une partie du corps de saint George, qu'il mit dans une église qu'il avait fait construire en son honneur. Il transféra la ville de Mayence et la fit rebâtir plus près du Rhin qu'elle n'était lors de sa fondation primitive. Plusieurs historiens parlent avec indignation de sa perfidie envers le comte Adelbert, qu'il tira par ruse de son château de Bamberg, pour

le livrer entre les mains du roi Louis, fils 'Arnoul, qui le fit mourir. Hatton mourut lui-même dans le cours de l'année 912, ou, suivant d'autres historiens, 913.

On a de ce prélat une lettre assez longue qu'il écrivit au Papé Jean IX, tant en son nom qu'au nom des évêques ses suffragants. Elle roule sur deux points principaux, la mort de l'empereur Arnoul, et l'état où se trouvaient alors les évêques de Bavière. En don nant au pontife avis de cette mort, Hatton lui annonce que, d'une voix unatime, ils ont élu son fils, quoique encore enfant, afin de se conformer à l'ancienne coutume suivant laquelle les rois des Français ont toujours été pris dans la même race. Venant ensuite aux évêques de Bavière qui avaient été calomniés auprès du Saint-Siége, comme ayant fait alliance avec les Hongrois encore païens, et dont les Moraves, aujourd'hui les Slaves, menaçaient de se séparer en reconnaissant un autre métropolitain, notre archevêque entreprend de justifier ces prélats et fait un bel éloge de leur conduite; il finit par conjurer le Pape de les consoler, en réprimant Tinsolence des Moraves, qui bon gré mal gré seraient bien obligés de se soumettre à la puissance des Français. Nous avens de Théotmar, archevêque de Salzbourg, une lettre presque tout entière sur le même sujet; nous en rendrons compte en son lieu. On est en droit de mettre au nombre des écrits d'Hatton les Actes du concile de Teuver, près Mayence, qui se tint en 895, puisque, l'ayant présidé, il y eut plus de part que tout autre. Ces actes consistent en une longue préface et cinquante-huit canons disciplinaires pour tâcher de corriger les vices qui s'étaient glissés dans le clergé et parmi les laïques, pour rétablir le bon ordre dans tous les états et pour prévenir les scandales qui étaient à craindre. On y reconnait tout à la fois, et des marques bien sensibles de la corruption des mœurs, et les tentatives édifiantes que des évêques pleins de zele firent pour y remédier. Il y a une édition particulière de ces actes, publiée in-4 à Mayence en 1523, et non en 1725, comme le porte le cata.ogue imprimé de la bibliothèque nationale, qui commnet sur ce point un anachronisme de deux cents ans.

HÉBRETME ou HÉBRELME, un des écrivains les plus polis de son temps, florissait dans la dernière moitié du x siècle et vécut au moins jusqu'en 1083. Dès l'an 1022, dom Sanche le Grand, roi d'Aragon, charmé de toutes les merveilles que l'on publiait de l'exacte observance et de la doctrine de Cluny, avait fait venir en Espagne une colonie de ces moins, qu'il établit au monastère de Saint-Jean-Baptiste de la Penna, et auxquels il donna pour abbé l'un d'entre eux nommé Paterne. Les autres souverains du pays imitèrent bientôt son exemple et voulurent avoir dans leurs Etats des élèves de Cluny; et nous voyons en effet, que dans le cours de ce siècle cette abbaye envoya en Espagne plusieurs essaims de ses enfants. Ce fut principalement par leur ministère que

s'accomplit alors un heureux renouvellement dans l'Eglise d'Espagne, après l'étrange oppression qu'elle avait subie de la part des musulmans. Hébretme fut un de ces pieux el savants cén bites qui travaillerent à cette bonne œuvre, et on peut dire qu'il contribua autant que tout autre à introduire parmi ce peuple la manière de compter d'après les années de l'Incarnation. mode jusque-là inconnu. Quand il ne nous apprendrait pas lui-même qu'il était moine de Cluny, son nom et la politesse de son style, pour le temps et le pays où il écrivait, suffiraient pour déceler un auteur français plutôt qu'espagnol. Il demeurait au monastère de la Penna lorsqu'il publia une des productions qui nous restent de sa plume. Il y a toute apparence qu'il ne revint point à Cluny, et qu'il finit ses jours en Espagne. On ignore s'il laissa d'autres écrits que les suivants.

Translation de saint Indalèce. -- On a de lui l'histoire de la translation de saint Indalèce, l'un des premiers évêques qui portèrent la lumière de l'Evangile en Espagne. Hebretme entreprit ce travail par l'ordre de dom Sanche, abbé de Saint-Jean de la Penna, où il faisait alors sa résidence, et l'exécuta en 1084, c'est-à-dire, l'année même où se fit cette translation. I proteste qu'il n'y avance rien qui ne soit certain, avant vu par lui-même ou appris par des témoins oculaires tout ce qu'il rapporte. Il lui était facile en effet d'être bien instruit, puisque ce fut au monastère même de la Penna que les saintes reliques furent transférées, et que ceux qui les y apportèrent étaient deux moines de la maison. Aussi est-il entré dans un grand détail de toutes les circonstances qui accompagnèrent cet événement, et il nomme avec la plus scrupuleuse exactitude les personnes et les lieux dont il a occasion de parler. Son écrit paraît avoir été fait pour ètre lu à la fête qu'on institua aussitôt en mémoire de cette translation. C'est ce que font juger les apostrophes de l'auteur à ses frères, les moines de la Penna. On y distingue deux parties, sans comprendre la préface, dans laquelle Hébretme a fait entrer en peu de mois ce que portait la tradition du pays, touchant l'histoire de saint Indalèco et des six compagnons qu'on lui donne dans son apostolat. La première partie est consacrée à raconter par quels moyens on parvint à découvrir le corps du saint évêque et les mesures que l'on prit pour l'enlever. Ce livre, comme tant d'autres monuments du même siècle, prouve avec quelle avidité on cherchait alors à se procurer des reliques de saints, et quelle vénération on leur portait. Dans la seconde partie l'auteur trace l'itinéraire d'Evance et de Garcias, les deux moines qui accompagnaient le saint corps, et le récit des principales aventures qui signalèrent leur voyage. Cette histoire est fort bien écrite à tous égards; non-seulement le style ne se ressent en rien de la barbarie du siècle, mais il est clair, coulant, agréable et montre un écrivain pieux et bien instruit de

sa religion. Indépendamment de la translation des reliques de saint Indalèce qui fait le fond de son histoire, l'auteur y donne encore une partie de la vie de l'abbé Sanche, divers traits de celle du roi du même nom qui régnait alors, et de celle du prince Pierre, son fils. On est redevable de la publication de cet écrit aux continuateurs de Bollandus, qui l'ont enrichi de notes et de savantes observations préliminaires.

Les mêmes éditeurs ont publié, avec des remarques historiques et critiques de leur façon, un autre écrit qui appartient encore au moine Hébretme, comme ils en jugent eux-mêmes sur l'identité du style avec le précédent. En effet, la ressemblance ne saurait être plus entière. D'ailleurs, l'auteur qui écrivait en Espagne y compte les années par celles de l'Incarnation. Ces caractères, joints à la circonstance des temps, puisque cet écrit suivit de près ou précéda de peu celui dont on vient de rendre compte, suffisent pour en assurer la possession au même auteur. Il s'agit de l'histoire de l'une des translations du corps de saint Isidore de Séville, c'est-à-dire de celle que le roi Ferdinand, fils de dom Sanche, fit faire en 1063. Hébretme qui observe ici la même fidélité, ne rapporte les choses que sur la foi de ceux qui les avaient vues ou apprises d'autres témoins, comme il s'en explique luimême. La manière dont cette histoire commence Amo igitur, fait juger avec raison que la préface y manque. Au reste, quelque courte qu'elle soit, on y trouve une juste mais touchante description des ravages causés en Espagne par les musulmans, et quelques traits de l'histoire de sainte Juste, vierge du pays, dont Ferdinand désirait vivement posséder les reliques.

HÉCELIN, moine bénédictin, florissait à la fin du vin siècle. C'était un homme de capacité et de discernement, autant qu'on en peut juger par le seul de ses ouvrages qui soit venu jusqu'à nous. C'est une Vie de Saint Aquilin, deuxième du nom, évêque d'Evreux, qui, selon quelques-uns, occupa ce siége pendant trente-deux ans, et mourut en 695. On y remarque beaucoup de gravité et d'onction, malgré les changements que Surius a cru devoir introduire dans le style, sous prétexte de le corriger. Elle commence par une fort belle préface et finit par une prière, dans laquelle l'auteur nous apprend qu'il écrivait à Évreux même. Il se livre de temps en temps à des réflexions aussi judicieuses qu'édifiantes; mais ces digressions, toujours très-courtes et amenées par le sujet, n'empêchent pas qu'on ne s'aperçoive qu'il était assez bien instruit des actions du saint. Surius a publié ce travail dans ses Vies des saints.

HEDDI, surnommé Ethienne, avait été disciple de saint Wilfrid, évêque d'York et moine de Cantorbéry. Il avait fait de bonnes études, connaissait la musique et écrivait avec une politesse et une élégance rares pour son temps. Saint Wilfrid, qui l'avait fait venir de Kent, province méridionale de

l'Angleterre, s'en servit pour enseigner le chant ecclésiastique dans les églises de Northumberland. Outre la vie de son saint protecteur, il avait écrit, en deux livres, celles de Cata et de Tumbert; mais la première est la seule qui soit venue jusqu'à nous. Elle est dédiée à Accas, évêque d'Hagulstad, et à Tatbert, abbé de Ripou, qui tous deux l'avaient engagé à entreprendre ce travail. On le trouve dans l'appendice au V tome des Actes de l'ordre de Saint-Benoît, avec un supplément en vers à la Vie du même saint, de la façon de Fridégod, moine qui vivait dans le x siècle. Dom Mabillon en avait déjà publié une grande partie dans le tome III des Actes, avec une autre Vie de saint Wilfrid, par Eadmer, moine de Cantorbéry au XIIe siècle, ainsi que son épitaphe en vers héroïques de la composition du Vénérable Bede.

HÉGÉSIPPE (Saint).« Pendant que la persécution sévissait avec le plus de violence contre le nom chrétien, la vérité ne manquait pas de généreux défenseurs qui combattaient le mensonge, tant de vive voix que par écrit. Parmi les plus illustres, je nommerai l'historien Hégésippe, de qui j'ai souvent emprunté le témoignage pour les temps apostoliques. Il a renfermé en cinq livres, écrits d'un style sans prétention, l'histoire de la prédication des apôtres. » C'est Eusèbe qui parle en ces termes de cet écrivain, dont il rapporte quelques fragments, entre autres celui-ci : Du temps que je m'appliquais à l'étude de la philosophie platonicienne, j'entendis parler des accusations dout on chargeait les Chrétiens. Je fus témoin de la manière dont ils couraient à la mort, bravant ce qu'elle a de plus terrible pour la nature, et j'en conclus qu'il était impossible que de tels hommes vécussent dans le crime et l'amour des plaisirs. Car ceux qui font consister la félicité humaine dans la jouissance des voluptés, n'ont garde d'aller à la mort avec joie. Bien loin de l'affronter, comme font les Chrétiens, ils emploient tout pour s'y soustraire, pour éluder les arrêts de l'autorité, et continuer leurs crimes en prolongeant leur existence. »> Eusèbe avoue encore avoir emprunté à ses ouvrages ce qu'il rapporte dans son Histoire sur les premières hérésies et sur les divisions qui partageaient les Juifs, à la naissance de la religion chrétienne. Sozomène parle aussi d'Hégésippe avec les mêmes éloges. Peut-être cependant lui a-t-on attribué divers passages qui semblent plutôt appartenir à saint Justin; et celui que nous venons de transcrire pourrait bien être du nombre.

Hégésippe était Juif de nation, et passa du judaïsme à la foi de Jésus-Christ. H n'était pas éloigné du temps des apôtres, et on le voit souvent qualifié du titre d'homine apostolique. Il était membre de l'Eglise de Jérusalem, lorsqu'ayant fait un voyage à Rome, il y séjourna pendant plus de vingt ans. De retour dans sa patrie, en 133, il publia son Histoire ecclésiastique, qui s'etendait depuis la passion de Jésus-Christ

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