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l'Arche mystique et morale, et aux quatre livres de la Vanité du siècle, la plupart des manuscrits les attribuent à Hugues de SaintVictor. Ceux qui en font honneur à Hugues de Foliet sont les plus rares et nous semblent aussi les moins fondés en raison. Nous doutons surtout que cet auteur, qui avait presque toujours vécu dans la retraite, ait assez connu le monde, pour en faire une peinture telle qu'on la trouve dans les quatre livres de la Vanité du siècle.

HUGUES, cardinal, évêque d'Ostie, naquit de parents qui nous sont inconnus, mais qui apparer ment étaient libres et du diocèse de Beauvais, puisqu'avant sa conversion il donna à l'abbaye de Saint-Germer la petite dîme de Nointel situé près de Clermont en Beauvoisis. Ayant embrassé l'institut de Citeaux, il fut fait abbé de Trois-Fontaines, vers l'an 1150. Alberon, évêque de Verdun, lui confirma, l'année suivante, l'acquisition de la terre de Martin-Mont. Ainsi Hugues ne fut pas créé cardinal en 1130, comme la plupart des biographes modernes l'ont affirmé; mais ayant été chargé, en 1151, d'aller poursuivre en cour de Rome diverses affaires tant de son ordre que de l'Eglise de France, le Pape Eugène eut occasion, pendant le séjour qu'il fit auprès de lui, de connaître ses talents et ses vertus. Empressé de s'attacher un homme de ce mérite, le Saint-Père le demanda à saint Bernard, qui ne l'accorda qu'à regret et avec douleur. Hugues devint presqu'aussitôt cardinal, évêque d'Ostie et de Velletri. Dans cette nouvelle dignité, il ne relâcha rien des saints exercices qu'il avait pratiqués jusqu'alors. Sa charité envers les pauvres allait jusqu'à leur distribuer sans réserve tout ce qu'il possédait. Il eut cependant la faiblesse de se déclarer vivement contre saint Bernard, parce que, forcé par les circonstances, ce saint abbé lui avait donné à Trois-Fontaines un autre successeur que celui qu'il avait désigné lui-même. Mais la réconciliation fut aussi prompte que sincère, et dès la même année saint Bernard se servit du crédit de Hugues auprès du Pape, dans les affaires auxquelles l'amour de l'Eglise l'engageait à s'intéresser; et depuis cette époque jusqu'à sa mort l'abbé de Clairvaux ne cessa d'entretenir un commercee de lettres avec lui.

A la mort du Pape Eugène, arrivée le 8 juillet 1153, Hugues, que sa qualité d'évêque d'Ostie rendait chef du Sacré Collége, se fit un devoir d'annoncer sa mort aux Pères de Citeaux, réunis alors en chapitre général. Sa lettre est d'un grand pathétique et exprime avec beaucoup de vivacité la douleur dont l'auteur était pénétré, le deuil général que la mort du Saint Pontife causa dans Rome, la crainte qu'éprouvait le Sacré Collége que cet événement eût des suites funestes, enfin la persuasion intime où était Hugues et plusieurs autres avec lui que le défunt jouissait de la gloire des saints. Le cardinal exhorte cependant les abbés cistercleus à établir dans leur ordre des vrières à

perpétuité pour le repos de l'âme du Pape Eugène, « afin que Dieu lui fasse miséricorde et augmente la couronne de gloire qu'il lui a déjà accordée. » Ces dernières paroles feraient croire que Hugues était dans l'opinion que les suffrages de l'Eglise militante pouvaient obtenir de Dieu un plus haut degré de gloire pour quelques membres de l'Eglise du ciel.

Philippe Séguin, dans sa Bibliothèque de Citeaux, dit que le cardinal Hugues possédait un beau génie, également rempli des sciences ecclésiastiques et profanes, et qu'il avait des connaissances très-étendues. Il ajoute : « Ce cardinal a écrit plusieurs lettres à diverses personnes, et il nous en reste une fort belle qu'il adressa à saint Bernard dans le temps de sa dernière maladie. Hugues l'exhorte à souffrir ses maux avec résignation et le prie de s'assujettir aux remèdes qui seront jugés nécessaires pour le rétablissement de sa santé. » C'est tout ce que nous savons de cette lettre. On voit par celles de saint Bernard que ce cardinal lui en avait écrit plusieurs. Celle qu'il publia à l'occasion de la mort du Pape Eugènc nous fait regretter vivement que les autres ne soient pas venues jusqu'à nous. On perd de vue ce prélat depuis 1153 jusqu'à sa mort, qui n'arriva qu'en 1158. Plusieurs hagiographes modernes assurent qu'il s'est fait des miracles à son tombeau, et quelques-uns l'ont placé parmi les saints reconnus par l'autorité de l'Eglise; mais nous ne découvrons nulle part de quoi appuyer cette opinion.

Le P. Lelong attribue à notre cardinal des explications de l'Ancien Testament, désignées dans le catalogue des manuscrits d'Angleterre; savoir, des Commentaires sur les Psaumes, les Proverbes, l'Ecclésiaste et l'Ecclésiastique; des Postilles sur les quatre Evangiles et sur les Epitres de saint Paul. On conserve en effet dans la bibliothèque de l'abbaye de Bonne-Espérance un commentaire du cardinal Hugues sur les cinquante premiers psaumes; mais tous ces écrits pourraient bien être d'un autre évêque d'Ostie du même nom, tel que Hugues Billom, Dominicain, qui mourut évêque d'Ostie en 1297, et qui certainement a commenté la plus grande partie de l'Ecriture sainte. Dom de Visch fait encore honneur à notre cardinal d'un livre des Miracles du Pape Eugène, lequel en effet a été composé par un auteur contemporain et se trouvait de son temps parmi les manuscrits de l'abbaye des Dunes, ordre de Citeaux, en Flandre.

HUGUES, archevêque d'Edesse. - Hugues, dont nous n'avons que deux mots à dire, semble être né dans la seconde Belgique. Ce qui nous le fait supposer, c'est sa dignité d'archevêque d'Edesse dont Baudouin de Boulogne et Baudouin du Bourg, ses compatriotes, furent successivement souverains, avant de devenir l'un et l'autre rois de Jérusalem. Il fit partie de la première croisade, et comme tant d'autres Français,

il porta jusqu'en Syrie a doctrine qu'il avait puisée à nos écoles. Peu de temps après que les Chrétiens se furent rendus naltres d'Edesse, le mérite de Hugues, et sans doute aussi le crédit des deux princes dont nous venons de parler, le firent élever sur le siége archiépiscopal de cette ville. Il le remplissait au moins dès l'an 1109, comme le fait juger un fait qu'il rapporte dans une de ses lettres. On ignore la date précise de sa mort; mais on croit pouvoir affirmer qu'il vivait encore après l'an 1114. Nous ne possédons d'autre écrit de sa plume que la lettre à laquelle nous venons de faire allusion, et qui se trouve dans Histoire de la métropole de Reims, par dom Marlot. Elle est adressée à Raoul le Vert, archevêque de Reims, et aux chanoines de Saint-Symphorien de la même ville. Il y est question des reliques de l'apôtre saint Thadée et du saint roi Abgare, honoré dans le pays comme un confesseur, qu'un clerc de cette collégiale avait postulées pour son ancienne église et les lui envoyait. Ce clerc avait passé en Syrie à la suite des croisés, et se trouvait alors chapelain du roi de Jérusalem. Hugues, après avoir raconté tous res détails, atteste que les reliques ont été tirées de l'église métropolitaine d'Edesse, el pour preuve de plus grande authenticité, il tit souscrire sa lettre par l'archidiacre, le doyen et le trésorier de l'église, dont les homs prouvent qu'ils étaient tous Latins.

HUGUES, surnommé DE POITIERS, parce qu'on croit qu'il naquit en cette ville, embrassa la vie religieuse au monastère de Vézelay, sous l'abbé Ponce de Montboissier, frere de Pierre le Vénérable, et devint serétaire de l'abbé Guillaume qui succéda Ponce en 1161. C'est tout ce que l'on sait de sa personne; heureusement on est mieux renseigné sur ses œuvres.

Histoire de Vézelay. - Vers l'an 1156, il entreprit, par l'ordre de l'abbé Ponce, l'histoire de son monastère, fondé en 846 par le comte Gérard. Des quatre livres qui composent ce travail, le premier n'est qu'un recueil de bulles, de diplômes et de chartes, pour servir comme de pièces justificatives à la partie historique qui occupe les trois autres livres. En général le principal but de cet ouvrage est d'établir les droits de l'abbaye de Vézelay et sa dépendance immédiate du Saint-Siége. C'est pourquoi l'auteur ne commence sa relation qu'aux démêlés qu'eut l'abbé Ponce avec Humbert, évêque d'Autun. Ce qui les occasionna fut une ordination que Ponce fit faire dans son église par Hélie, évêque d'Orléans. Humbert prétendant qu'elle portait atteinte à ses droits, interdit les clercs qu'Hélie avait ordonnés. Mais le Pape Innocent II les ayant rétablis, l'évêque dAutun se désista de ses prétentions entre les mains de l'abbé de Cluny, Henri de Bourgogne, successeur de ce prélat, fit revivre la querelle. A peine eut-il pris possession du siége d'Autun qu'il fit sommer l'abbé de Vézelay de comparaître à son synode, de lui adresser les

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clercs qu'il voudrait faire ordonner, et de s'abstenir de l'administration des sacrements. Sur son refus, le prélat, aidé de son frère le duc de Bourgogne, exerça diverses hostilités contre le monastère. Mais voyant qu'elles ne pouvaient abattre la résistance de l'abbé, il le fit ajourner dans les formes. au tribunal du Pape Eugène III. Les deux parties s'y étant rendues, Henri demanda qu'il lui fut permis de prouver par témoins que l'abbaye de Vézelay avait de tout temps reconnu la juridiction de l'évêque d'Autun. Ponce, alléguant que cette mesure mettait en compromis les priviléges accordés à son monastère par le Saint-Siége, déclara qu'il fallait s'en tenir à la lettre de ces priviléges, et que c'était au Pape à les défendre. Mais Eugène l'ayant engagé à se soumettre à la preuve testimoniale, les témoins furent produits de part et d'autre. Les dépositions de ceux de l'évêque n'étant pas concluantes, il demanda que le jugement fût renvoyé sur les lieux, attendu, Jisait-il, qu'il avait d'autres témoins à qui leurs infirmités n'avaient pas permis de faire le voyage de Rome. Le Pape y consentit; mais la nouvelle enquête n'eut point lieu par les retards affectés du prélat; et enfin l'affaire fut terminée à l'amiable et à l'avantage de l'abbaye de Vézelay, par la médiation du duc de Bourgogne. Telle est la substance du second livre. la tête du troisième se trouvent dix distiques qui en renferment le sommaire. Les vers en sont assez bons pour le temps. Ce livre roule entièrement sur les contestations de l'abbé Ponce avec les comtes de Nevers et les habitants de Vézelay. La nécessité de se défendre contre les incursions des ennemis avait obligé l'abbaye à se ménager la protection des comtes de Nevers par des présents qu'elle leur faisait de temps en temps. Insensiblement la coutume fit, de ces largesses gratuites, des prestations, aux yeux de ces seigneurs. Le comte Guillaume IV fut un des premiers qui les regarda comme telles, et à ce titre prétendit que l'abbaye relevait de lui. Irrité des oppositions de l'abbé Ponce, il employa la violence pour faire réussir ses desseins. Le Pape, informé de ses procédés, le menaça de l'excommunication. Le comte, intimidé de cette menace, demanda des juges pour examiner ses prétentions. On nomma saint Bernard et Hugues de Tel. L'affaire fut plaidée devant eux le mercredi d'après Pâques de l'an 1146, au milieu de ce concours prodigieux de peuple et de grands du royaume, le souverain à leur tête, que la prédication de la croisade avait attirés à Vézelay. L'auteur ne dit pas quel fut le jugement rendu par les commissaires. Il nous apprend seulement que, deux ans après, Guillaume, qui s'était fait Chartreux, fut dévoré par un chien, en punition, dit-il, du mal qu'il avait fait à Vézelay. De ses deux fils qui avaient suivi le roi à la terre sainte, le premier fut réduit en captivité, et le second n'échappa au naufrage à son retour qu'en faisant veu de réparer tous les dommages

que l'abbaye avait eu à souffrir de l'injustice de son père. Il tint parole à son arrivée; mais bientôt après il montra que ce vœu n'était pas sincère. L'évêque d'Autun se joignit à lui pour vexer de nouveau le monastère de Vézelay. Ponce, dans un voyage qu'il fit à Rome en même temps que ce prélat, le confondit en présence du Pape. Il obtint également de Sa Sainteté des lettres qui sommaient le comte, sous peine d'encourir la disgrâce du Saint-Siége, de rendre justice à l'abbé. Guillaume, loin de déférer à cet ordre, souleva les habitants de Vézelay contre l'abbaye, et les engagea à former entre eux une confédération sous le titre de commune, pour se mettre en liberté. Ces factieux, ayant pris les armes, firent irruption dans le monastère, en pillèrent les meubles, maltraitèrent les moines, et obligèrent l'abbé à prendre la fuite. Une sentence d'excommunication lancée contre eux par les légats du Pape ne fit qu'aigrir le mal. L'autorité royale, que Ponce appela à son secours, produisit un meilleur effet. Louis le Jeune, ayant cité les parties à sa cour en 1155, imposa silence au comte et fit rentrer les rebelles dans le devoir. C'est par le récit de ce fait que finit le troisième livre, dans lequel il se trouve plusieurs lacunes, et entre autres une considérable que l'éditeur n'a pu remplir.

L'abbé Ponce étant mort en 1161, les religieux lui donnèrent pour successeur GuilJaume de la Roche Marlot, abbé de SaintMartin de Pontoise, qui prétendait descendre de Charlemagne. Cette élection fit revivre les brouilleries avec le comte de Nevers et fut même traversée par les religieux de Cluny. Soutenu par eux, le comte se plaignit qu'elle eût été faite sans sa participation, et continua de s'attribuer la suzeraineté sur l'abbaye, de même que les Clunistes s'en regardaient comme les supérieurs spirituels. Mais l'approbation qu'elle reçut du Pape Alexandre rendit inutiles les efforts que l'on fit de part et d'autre pour la faire annuler. Le comte, excité par la comtesse Ida, sa mère, n'en devint que plus animé contre le nouvel abbé. Les excès auxquels il se porta furent tels que l'abbé et les moines prirent le parti d'abandonner le monastère pour aller implorer la protection du roi. Le comte, mandé en cour, aliégua ses moyens de défense auxquels les religieux ne manquèrent pas de répliquer. On tint sur ce sujet diverses conférences, qui aboutirent enfin à une composition entre les parties. Depuis ce temps la bonne intelligence fut parfaitement rétablie entre elles. Le comte partit en 1165 pour la terre sainte. L'auteur parle ensuite de la découverte que l'on fit à Vézelay, en 1167, de certains hérétiques nommés déonaires ou poplicains. L'abbé Guillaume s'étant assuré de leurs personnes, engagea les archevêques de Lyon et de Narbonne, les évêques de Nevers et de Laon, plusieurs abbés et d'autres personnes éclairées, à se rendre sur les lieux pour examiner la cause des accusés. 1 s furent convaincus dès le premier interro

gatoire. Quelques-uns se rétractèrent dans la suite; on leur fit subir l'épreuve de l'eau et on leur imposa une pénitence. Les autres au nombre de sept furent livrés aux flammes. Nous ne croyons pas devoir nous étendre sur ce fait que nous avons déjà rapporté ailleurs. Ainsi fini cette chronique.

Entre les faits dont nous venons de donner la substance, elle renferme quelques anecdotes et retrace quelques usages que nous croyons devoir niettre sous les yeux de nos lecteurs.

Dans l'enquête que le Pape Eugène fit faire en sa présence à l'occasion du démêlé entre l'évêque d'Autun et l'abbé de Vézelay, ce Pontife, pour mettre les dépositions des témoins à l'abri de toute altération, ordonna qu'on en fit trois copies, dont l'une fut mise entre les mains de l'évêque, la seconde délivrée à l'abbé et la troisième portée dans les archives du Saint-Siége. Sous les premières années du pontificat d'Alexandre III, un moine du prieuré de Moret, dépendant de Vézelay, nommé Rainard, sortit avec les reliques de la sainte Vierge, de saint Basile et de plusieurs autres saints, pour aller recueillir les aumônes des fidèles, atin de les employer à la reconstruction de son église. Or il arriva qu'étant au delà du territoire d'Amiens, dans un château appelé Arborea, les saintes reliques y opérèrent divers miracles qui y attirèrent un grand coucours de peuple; mais lors qu'il fut question de les remporter, quelque effort que l'on fit, jamais il ne fut possible de les tirer de l'église. Alors, dit notre auteur, un des frères qui accompagnaient Rainard eut la témérite de frapper de verges le brancard sur lequel elles étaient placées, comme si à coups de fouet il eût voulu forcer les saints à sortir de ce lieu. La vengeance divine ne laissa pas cet attentat impuni. Le moine, qui s'appelait Pierre, tomba aussitôt en paralysie et mourut peu de jours après. Témoin de ce prodige, le seigneur du château, nommé Alelme, érigea dans cet endroit un monastère, qu'il mit sous la dépendance de Vézelay. On voit dans ce récit un nouvel exemple de cette superstition dont nous avons déjà parlé, et qui consistait à frapper à coups de verges les châsses des saints, lorsqu'on ne pouvait obtenir d'eux ce que l'on désirait, dans la persuasion que c'était là un moyen de les fléchir.

A l'occasion des conférences qui se tinrent à la cour du roi Louis le Jeune, pour accorder le duc de Nevers avec l'abbé de Vézelay, notre auteur nous fait connaître un point de la jurisprudence du temps, qui mérite d'être remarqué. Le comte s'étant plaint que l'abbé Jui retenait en prison un de ses hommes, nommé André de La Palu, celui-ci répondit: « Cet homme est à moi depuis la tête jusqu'aux pieds, comme serf de mon église. A quoi le comte répliqua qu'André n'avait reconnu celte servitude que par force. L'abbé s'en étant rapporté là-dessus au jugement de l'assemblée, on lui dit que la coutume de la cour royale était telle, que « lorsqu'un

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homme de condition servile était réclamé par un autre que celui qui le possédait, ce dernier devait le représenter libre devant les juges. Alors, ajoute-t-on, s'il ne reconnait pas d'autre maître que celui qui le possède, le demandeur sera débouté de sa prétention; si, au contraire, il se reconnaît serf du demandeur, dans ce cas, il passera nu et dépouillé de tout dans son domaine, et l'ancien possesseur se saisira de tous ses biens, tant meubles qu'immeubles, sans lui laisser autre chose que ce qu'il tient de la nature. >> L'histoire de Vézelay, dit l'abbé Legendre, est bien écrite; l'auteur en homme d'esprit y défend vigoureusement les droits de son abbaye. On y trouve même une liberté et une franchise de paroles que bien des historiens n'ont pas toujours imitées.

Sans perdre le respect dû aux souverains, Hugues blâme sans détour le divorce de Louis le Jeune avec Eléonore, et montre par le détail des provinces que le monarque fut forcé d'abandonner, combien cette mesure fut contraire aux véritables intérêts de la France. Avant l'édition que dom Luc d'Achery a donnée de cet ouvrage, au tome III de son Spicilége, André Duchesne en avait inséré un fragment dans le IV volume de ses Historiens de France. Il s'en trouve aussi quelques lambeaux dans l'Histoire de la maison de Vergy, par le même éditeur. Chronique des comtes de Nevers. On attribue aussi à Hugues de Poitiers la petite Chronique des comtes de Nevers, publiée par le P. Labbe, d'abord dans le tome II de ses Mélanges, et ensuite dans le tome I" de sa Nouvelle bibliothèque des manuscrits; mais Téditeur avoue que l'ouvrage est anonyme dans les exemplaires qui lui ont servi de guides pour ces deux éditions.

Quoi qu'il en soit, voici le précis de co qu'il renferme. Le comté de Nevers était Originairement fort resserré. Le premier qui le posséda fut Rathier qui en rendit hoinmage au duc de Bourgogne dont il relevait. Rathier ayant été tué en duel par le chevalier Alichère, le comté de Nevers rentra dans la possession de son seigneur suzerain, et y resta jusqu'à Richard le Justicier, mort en 923. Celui-ci le donna à Laudri, seigneur de Montreaux, dont le fils, nommé Renaud, ayant épousé la fille de Hugues Capet, joigit, en vertu de ce mariage, le comté d'Auxerre, que sa femme Alix lui avait apporté en dot, à celui de Nevers. Le duc de Bourgogne lui ayant déclaré la guerre à cette occasion, il fut tué, en 1040, dans une bataille livrée auprès de Seignelay. Son fils Guillaume lui succéda et tint le comté penlant cinquante ans. Il eut continuellement les armes à la main, et cependant il fut si bon écouome, qu'il conserva toujours mille Sous d'or dans ses coffres. Sur la fin de ses jours, il employa cette somme à bâtir la cathédrale de Nevers. Il joignit le comté de Tonnerre à ceux de Nevers et d'Auxerre, qu'il tenait de son père. Il laissa deux fils, Guillaume et Renaud, dont le premier eut le comté de Tonnerre et le second les châ

teaux de Mailly et de Huban. Ils moururent tous les deux avant leur père. Renaud laissa un fils qui fut élevé par son aïeul et qui hérita de ses trois comtés.

L'auteur parle ensuite de ses deux fils, Renaud, et Guillaume qui lui succéda. C'est par le règne de ce dernier comte que se terinine cette chronique, dont le récit par rapport aux premiers temps ne doit être lu qu'avec beaucoup de discrétion.

Kadier, sur la foi de Trithème, attribue encore à notre auteur un livre d'histoires de son temps, et un recueil de lettres. Nous trouvons bien que Trithème adjuge des ouvrages de ce genre à Richard de Cluny, mais nous ne voyons nulle part qu'il fasse mention de Hugues de Poitiers. Enfin le P. Lelong nous paraît lui donner tout aussi gratuitement un Commentaire sur les lamen lations de Jérémie qu'il dit être manuscrit à la Bibliothèque royale. Ce que nous pouvons affirmer comme certain, c'est qu'il ne se rencontre point dans le catalogne imprimé de cette bibliothèque.

HUGUES, moine de Saint-Sauveur de Lodève, a composé une Relation de la conversion de Ponce de Lazare, fondateur de ce monastère, que Baluze a publiée dans le tome III de ses Mélanges.

HUGUES ETHERIANUS, originaire de Toscane, était passé, vers l'an 1170, à la cour de l'empereur Manuel Comnène, qui avait pour lui une grande considération. Cela ne l'empêcha pas de prendre parti pour ceux de sa nation, dans la grande querelle qui divisait les Grecs et les Latins, et de composer en faveur de ces derniers un ouvrage dans lequel il prouve que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils. Ce traité est divisé en trois livres et adressé au Pape Alexandre. Il en a composé un autre sur l'état de l'âme, au sortir du corps. dans lequel il traite de l'origine de l'âme, de sa nature, de son union avec le corps, de leur séparation, des sentiments qu'elle éprouve en l'autre monde, de la résurrection des corps et du jour du jugement. Ces ouvrages imprimés à Bale, en 1543, se trouvent dans les Bibliothèques des Pères.

HUGUES METELLUS. Né à Toul, vers l'an 1080, d'une famille honnête et opulente. Hugues Métellus eut pour premier maître le célèbre docteur Tiecelin, sous la direction duquel il fit de grands progrès dans les lettres humaines. Instruit de la philosophie d'Aristote, il fallait être sur ses gardes lorsqu'il argumentait. I s'appliqua aussi avec succès à la grammaire, à la rhétorique, à la musique, à l'arithmétique, à la géométrie, à l'astronomie et à la poésie. Son talent pour les vers était tel, qu'il pouvait en composer mille en se tenant debout sur un seul pied, et il avait acquis une si grande facilité de s'exprimer, qu'il pouvait à son gré dicter des choses différentes à deux ou trois scribes à la fois. Aux beaux-arts il joignit l'étude de la langue grecque, puis il alla étudier la théologie et l'Ecriture sainte sous le célèbre Anselme de Laon, qui enseignait

alors avec une grande réputation. I apprit d'eux à résoudre les difficultés qui se rencontrent dans l'Ancien et le Nouveau Testament. Des études aussi sérieuses finirent par le dégoûter du monde, et dans le désir de vaquer plus sûrement à son salut, il prit l'habit de chanoine régulier dans l'abbaye de Saint-Léon à Toul. Il nous apprend luimême ce qu'était sa vie avant et ce qu'elle devint après sa conversion. Dans le monde il se revêtait de fourrures précieuses, se nourrissait de ce que la terre et l'eau produisent de plus délicat, et ne buvait que des vins exquis. Mais lorsqu'il fut devenu chanoine régulier, il se couvrit de peaux de chèvres et de brebis, vécut de choux, d'herbes sauvages, de légumes secs, et ne but que de l'eau ou d'une liqueur composée d'avoine fermentée, boisson ordinaire de ces nazaréens blancs. C'est ainsi qu'il appelait les chanoines de Saint-Léon à cause de la couleur de leur costume. Hugues était dans l'âge mûr lorsqu'il embrassa l'état régulier, de sorte que l'on croit pouvoir fixer l'époque de sa conversion entre les années 1115 et 1120. On ne possède aucun détail sur la vie qu'il mena dans le cloître; mais les sentiments de piété répandus dans ses lettres donnent lieu de supposer qu'elle fut très-édifiante. Quelques biographes prétendent qu'il ouvrit une école à l'abbaye de Saint-Léon; mais quoiqu'il eût tous les talents nécessaires pour réussir dans l'enseignement, on ne possède pas de données assez positives pour affirmer qu'il les consacra à cet usage. Son éditeur fixe l'époque de sa mort à l'an 1157.

SES LETTRES.

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- Il reste de Hugues Métellus cinquante-cinq lettres, dont on ne connaît que deux manuscrits, l'un de l'ancien collége de Clermont et l'autre de l'abbaye de Sainte-Geneviève, Dom Mabillon s'est servi du premier pour celles qu'il publia parmi ses Analectes; mais l'abbé Hugo les revit toutes sur les deux manuscrits et les fit imprimer au tome 11 de ses Monuments de l'antiquité sacrée. C'est d'après cette édition que nous allons rendre compte des plus intéressantes.

A saint Bernard.-La première est adressée à saint Bernard, abbé de Clairvaux. C'est un éloge de ses vertus et de ses écrits, dans lequel Métellus prodigue jusqu'à la satiété les métaphores, les antithèses et toutes les autres figures de réthorique. On n'y trouve qu'allégories et allusions continuelles à divers traits de l'Ecriture, de l'histoire, de la fable dont il fait l'application à la vie de saint Bernard et à la sienne; car après avoir accordé à ce saint abbé les louanges que lui méritaient sa piété et son savoir, il parle de lui-même, et raconte les égarements de sa jeunesse, son dégoût du monde et sa retraite dans le monastère de Saint-Léon. Quoiqu'il se regardât comme infiniment inférieur à saint Bernard pour le mérite de sa vie, cependant il ne laisse pas de lui donner des avis sur la pratique de l'humilité; parce qu'il est rare, dit-il, que

le savoir et la sainteté des mœurs se rencontrent à un degré aussi éminent sans être agités par quelque vent d'orgueil, que l'on ne soupçonne même pas. Toutefois il lui demande excuse de cette liberté qu'il qualifie à juste titre d'indiscrétion, ce qui ne l'empêche pas d'en commettre une seconde non moins insigne, lorsqu'il expose ainsi les motifs qui l'ont porté à écrire à ce grand homme: « Ce que je vous ai dit, mon père, c'est pour vous louer; pour me faire valoir auprès de vous en vous louant; pour me tirer par ce trait d'audace de l'obscurité dans laquelle je croupissais parmi la foule innombrable des sots. » Il ajoute cette réflexion, qui vient à tout le monde en lisant sa lettre et qui aurait dû le porter ou à la supprimer ou à en changer le style: « Peutêtre, dit-il, aurait-il mieux valu me taire que de me produire de la sorte, car j'ai découvert mon ignorance par une lettre impertinente, tandis que j'eusse été philosophe en me taisant. »

Soit qu'on eût critiqué cet éloge de l'abbé de Clairvaux, soit que Métellus appréhendat la censure de ses envieux, il les prévint par une lettre générale adressée à tous ceux qui fréquentaient les écoles chrétiennes, et dans laquelle il leur fait voir qu'il n'avait loué que ce qui méritait de l'être, et que le mensonge et la flatterie n'étaient entrés pour rien dans le panégyrique qu'il avait fait de ce saint homme. Cette seconde lettre fait juger que Métellus prenait facilement feu lorsqu'on attaquait son honneur ou ses talents. Nous aurons lieu de remarquer ailleurs d'autres traits semblables de sa vivacité.

A Tiecelin.-A la prière de Tiecelin son premier mattre, qui lui avait enseigné toutes les sciences, à l'exception de la théologie qu'il ne possédait pas, Métellus écrivit un petit traité de la Trinité. Il n'y dit rien ou presque rien de lui-même, et il n'y propose ce que l'Eglise croit de ce mystère, que d'après saint Augustin, saint Ambroise, saint Athanase, saint Jérôme et Boëce, dont il avait lu les ouvrages. Il n'y a en Dieu qu'une nature, qu'une substance et trois personnes Tout ce qui est essentiel à la nature divine, la toute-puissance, l'éternité, et tous les autres attributs sont communs au Père, au Fils et au Saint-Esprit; et ce qui est relatif est propre à ces trois personnes. Engendrer est propre au Père; être engendré est propre au Fils; procéder est propre au Saint-Esprit qui procède du Père et du Fils.

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A Innocent II et à Abailard. La lettre qu'il écrivit au Pape Innocent II avait pour but de l'engager à réprimer les erreurs que Pierre Abailard répandait, soit de vive vois, soit par écrit, dans les Eglises de France. Il reconnaît la primauté de l'Eglise romaine sur toutes les Eglises, le droit qu'elle a de décider les questions de la foi, et l'indéfectibilité de sa croyance. Il écrivit également à Abailard pour l'obliger à rétracter ses erreurs et à rentrer dans son cloitre afin d'y suivre la règle qu'il avait professée. Un

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