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craint pas d'affirmer que ce n'est que par un sentiment de haine secrète qu'on les a condamnés. Il parle ensuite de la réunion entre Jean d'Antioche et saint Cyrille, et raconte comment elle s'était opérée par la médiation de Paul d'Emèse; puis, afin que Maris en connût mieux toutes les circonstances, il lui marque qu'il lui en envoyait les actes. Il finit sa lettre en disant: « La dispute a cessé, il n'y a plus de schisme, et l'Eglise est en paix comme auparavant. Vous le verrez Iar ces actes et vous pourrez apprendre à ious cette bonne nouvelle. Le mur de division est enlevé; ceux qui attaquaient insolemment les vivants et les morts sont confondus, obligés, pour se défendre eux-mêmes, d'enseigner une doctrine contraire à celle qu'ils avaient professée. Personne n'ose plus dire qu'il n'y a qu'une seule nature de la divinité et de l'humanité, mais on confesse que le temple et celui qui y habite est un seul JésusChrist.» Comme on le voit, il rétracte, pour ainsi dire, à la fin de cette lettre, ce qu'il avait dit au commencement contre saint Cyrille et ses anathématismes. Il reconnaît que ce patriarche, qu'il avait considéré comme un hérétique jusqu'au moment de la paix et avant l'éclaircissement donné à ses douze anathèmes, s'était montré vraiment catholique et avait fait profession de la vraie foi dans sa réconciliation avec Jean d'Antioche.

Cette lettre fut lue au concile de Chalcédoine par les adversaires d'Ibas, qui prétendaient en tirer des arguments contre sa foi; mais les Pères ne se prononcèrent point alors sur le mérite des sentiments qu'elle renferme, et ce ne fut qu'au concile de Constantinople, en 553, qu'à la requête de Théodore de Césarée, partisan passionné d'Origène et hérétique acéphale, elle fut condamnée avec les écrits de Théodore de Mopsueste et les anathèmes que Théo doret de Cyr avait opposés aux anathématismes de saint Cyrille, malgré les efforts du Pape Vigile qui allégua plusieurs raisons pour démontrer l'orthodoxie d'Ibas. On lit dans une lettre de saint Grégoire à Secondin qu'Ibas désavoua sa lettre à Maris dans le concile de Chalcédoine, et Justinien soutient qu'il l'avait déjà désavouée à Beyruth. On ne trouve rien de semblable dans les Actes du concile de Chalcédoine, et ceux du cinquième concile général n'en contienneut pas un mot. Aussi Facundus ne craintil pas de porter, à ceux qui avançaient un pareil fait, le défi de lui montrer quelque part ce prétendu désavœu d'lbas. C'est cette difliculté qu'on appela l'affaire des trois chapitres, difficulté qui causa dès lors, entre plusieurs églises et différents prélats, un schisme qui ne put être aboli que longtemps après. On trouve la lettre d'lbas, ou plutôt le fragment qui nous en reste, dans le tome IV de la Collection des conciles.

IDACE, premier continuateur de la Chronique de saint Jérôme, naquit vers la fin du Iv siècle, à Lamego, dans la province de Beira, appartenant alors à la Galice et au

jourd'hui au Portugal. Demeuré orphelin de bonne heure, et comme il n'était encore qu'un enfant, son éducation fut fort négli gée. Il avoue lui-même qu'il avait été peu Instruit dans les lettres humaines, et moins encore dans la science de l'Ecriture sainte. Son style atteste qu'il disait vrai sur le premier point; mais le choix que fit de lui le Pape saint Léon, pour combattre les priscillianistes, prouve qu'il connaissait mieux les dogmes de la religion qu'il n'en convient lui-même. Dans le but de suppléer à ce qui manquait à son éducation première, il conçut le dessein de visiter l'Orient, habité alors par une foule de pieux et savants personnages. Il y vit, entre autres, saint Jérôme, Euloge de Césarée, Jean de Jérusalem et Théophile d'Alexandrie. Promu à l'épiscopat vers l'an 427, il avoue qu'il devait son élévation, moins à son propre mérite qu'à la grâce de Dieu, et en fixe l'époque à la quatrième année de l'empereur Valentinien; mais les historiens ne s'accordent pas sur le siége qu'il a occupé. Les uns disent que ce fut celui de Lamego, et d'autres, celui de Chiaves qu'il désigne lui-même sous le nom d'Aquæ flavia, petite ville située à l'extrémité du Portugal. Il y en a qui l'ont fait archevêque de Lugo; mais cette opinion n'est pas soutenable, puisque Idacé était évêque dès l'an 427, et qu'Astérius gouvernait encore l'Eglise de Lugo en 433. En 431, les peuples de la Galice le députèrent dans les Gaules, vers Aétius, général des armées romaines, et il en obtint des secours contre les Suèves, qui avaient rompu la paix conclue avec eux et qui pillaient leurs terres. Comme nous l'avons dit, il fut chargé par le Pape saint Léon, vers l'an 447, de se concerter avec Torribius, évêque d'Astorga, pour éteindre l'hérésie du priscillianisme, qui continuait d'infester les Asturies. Enlevé de son siége épiscopal en 461 par les Suèves qui ravageaient alors la Galice, il souffrit trois mois de captivité, après lesquels, avec la grâce de Dieu, il retourna à son Eglise. On voit par sa Chronique qu'il vivait encore en 468, puisqu'il y parle de l'ordination de saint Simplice, qui, au commencement de cette année ou à la fin de la précédente, succéda au Pape saint Hilaire sur le siége pontitical de Rome; mais on ignore la date de

sa mort.

Sa Chronique. Quoique les malheurs des temps, et surtout les guerres continuelles des Suèves et des Goths ne lui ayent laissé que peu de loisirs, cependant il en trouva assez pour continuer la chronique de saint Jérôme. Ce qu'il y a ajouté commence à l'an 381 et comprend les règnes de Théodose le Grand et de ses successeurs jusqu'à Anthémius, en 468, ce qui forme une période de quatre-vingt-sept ans.

Ce qu'il rapporte depuis la première annéede Théodose jusqu'à la troisième de Valentinien, il l'avait lu dans les historiens du temps, ou l'avait appris de personnes dignes de foi; mais à partir de cette époque, qui est celle où il fut fait évêque, il raconte

comme témoin ce qu'il avait vu lui-même ou ce qu'il avait pu apprendre des misères d'un temps où l'empire romain, resserré dans d'étroites limites, se trouvait encore en danger de perdre le peu de provinces qui lui restaient. Ce qu'il dit des troubles de son pays est remarquable. « Je ne trouve relégué à l'extrémité du monde, dans une province de la Galice, où la discipline de l'Eglise est déshonorée par des promotions indignes, et où la religión semble menacée d'une ruine totale par le mélange des nations barbares qui nous dominent sans aucun principe d'équité ni de douceur. » La chronique d'Idace contient les principaux événements de l'empire, les années et les changements du règne des empereurs, les noms et les années des évêques de Rome. Elle s'étend principalement sur l'histoire civile et ecclésiastique de l'Espagne, et n'oublie pas les maux que ce royaume eut à souffrir, soit par les guerres des barbares, soit par l'hérésie des priscillianistes, ou par d'autres événements également funestes. Idace emploie trois systèmes de chronologie: le premier consiste à compter par les années du monde, comme l'a fait Eusèbe de Césarée; le second suit l'ère d'Espagne, qui précède la nôtre de trente ans; toutefois, il ne l'a marquée en marge que deux fois, et au commencement de son histoire; et le troisième compte par les Olympiades, ce qui le conduit jusqu'en 440. On y trouve aussi les années des empereurs, et il y a toute apparence qu'elles ont été marquées par Idace lui-même. Son style, quoique dur et barbare, se comprend facilement, et les détails que sa Chronique contient sur les ravages des Goths et des Suèves en Espagne et dans

les Gaules la rendent intéressante. Elle a été continuée jusqu'à l'an 1100 par quatre auteurs, dont le plus célèbre est saint Isidore de Séville, qui en a tiré ce qu'il a dit des guerres des Suèves, des Goths et des autres nations barbares qui harcelèrent l'empire romain à cette époque. Canisius la publia d'après un manuscrit défectueux, au tome II de ses Varia lectiones; et elle fut reproduite sans correction par Scaliger, Frédéric Lindebrog, et Prud. de Sandoval; enfin, le P. Sirmond en donna à Paris, en 1619, une édition complète in-8°, qui a servi de base aux nombreuses réimpressions qu'on en a faites dans les Recueils des historiens de France et d'Espagne, dans la Bibliothèque des Pères, dans les Conciles d'Aguira, etc.

Fastes consulaires. Le P. Sirmond joignit à son édition les Fastes consulaires, qui se trouvaient à la suite de la Chronique d'Idace dans le même manuscrit. I jugea que ces Fastes étaient du même auteur, non sur l'autorité du manuscrit, mais sur la conformité du style, l'affinité de la matière, et une certaine identité de génie qui se fait remarquer dans les deux ouvrages. Un autre motif qui le détermina à les attribuer à Idace, c'est que l'ère d'Espagne y est seule marquée à la marge, quoique l'auteur s'attache moins à l'histoire de ce pays qu'à ce qui

s'est passé chez les autres nations. Ces Fastes commencent à Brutus, le premier des consuls avec Collatinus, et finissent au second consulat de l'empereur Anthémius, en 468. On les regarde comme très-exacts, quoi qu'il s'y soit glissé quelques fautes, ainsi que dans la chronologie, par la négligence des copistes ou autrement. Le P. Sirmond n'a publié de ces Fastes que la partie qu'il croyait la plus nécessaire et la plus correcte; mais le P. Labbe les a donnés tout entiers et sur un manuscrit plus complet, dans le tome I de sa Nouvelle Bibliothèque des manuscrits. Ils ont été réimprimés depuis par Du Cange dans son édition du Chronicon paschale, et par Aguira, dans le tome II de son Recueil des conciles d'Espagne.

IDALIUS, évêque de Barcelone, à qui saint Julien de Tolède avait adressé ses trois livres des Prognostiques, l'en remercia par une lettre que dom Luc d'Achery a donnée dans le I" tome de son Spicilége. Il en a joint une autre du même évêque à celui de Narbonne pour l'informer qu'il lui envoie les livres des Prognostiques de saint Julien de Tolède, en le priant de communiquer un ouvrage aussi utile aux évêques de sa province.

IGNACE (Saint) D'ANTIOCHE. On n'a pas le droit d'être surpris que dans des questions d'une aussi haute antiquité et dont les faits remontent jusqu'au temps des apotres, quelques circonstances de la vie de nos plus illustres saints présentent des embarras à la critique. Ce qui doit étonner davantage, c'est que les révolutions des temps n'aient pas empêché les monuments de leur génie de parvenir jusqu'à nous. C'est une question indécise parmi les savants, si le saint évêque Ignace dont nous allons entretenir nos lecteurs, a vu Jésus-Christ en personne; s'il a pu, dans un âge encore bien tendre, assister aux prédications du Sauveur, ou s'il naquit seulement après sa mort. Mais ce qui n'en est pas une, c'est qu'il ait conversé avec plusieurs de ses apôtres, et qu'il ait été le disciple de saint Jean l'Evangéliste, comme le bienheureux Polycarpe qu'il alla visiter à Smyrne, et à qui il adressa une de ses lettres. On ne conteste pas davantage qu'il ait reçu de saint Pierre lui-même le gouvernement de l'Eglise d'Antioche, immédiatement après la mort de saint Évode; et il n'y a plus de doute légitime sur l'authenticité des sept épîtres que nous avons sous son nom, aux interpolations près qui se trouvent dans les éditions communes. On peut consulter'à ce sujet Cotelier qui combat victorieusement les objections de Daillé, comme Ellies Dupin, Tillemont et dom Ceillier réfutent celles de Basnage.

Le saint évêque Ignace gouverna quarante ans l'Eglise d'Antioche, sous l'empereur Vespasien et ses successeurs, jusqu'à la dixième année de Trajan, c'est-à-dire en l'an 107 de Jésus-Christ. Nous avons les Actes de son martyre rédigés par un des compagnons de son voyage de Rome. I

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avait échappé à la cruelle persécution de Domitien; Dieu le réservait à celle que le pacifique Trajan ordonna sous des formes moins violentes que son prédécesseur, mais avec des intentions aussi préjudiciables à l'Eglise de Jésus-Christ. Ce prince se rendant à son expédition contre les Parties s'arrêta à Antioche, où, ayant fait appeler le saint évêque en sa présence, il l'apostropha en ces termes : « C'est donc vous, mauvais génie, qui osez enfreindre mes ordres, et qui excitez les autres à se perdre misérablement? Le noru de mauvais génie lui répondit Ignace, ne convient pas à celui qu'on appelle Théophore. Qu'entendezQu'entendezVous par Théophore? - Celui qui porte Jé sus-Christ dans son cœur. Croyez-vous que nous n'ayons pas dans nos cœurs les dieux qui nous font triompher des ennemis de l'empire? C'est une erreur d'appeler dieux les démons que vous adorez; il n'y a qu'un Dieu qui a fait le ciel et la terre; il n'y a qu'un Jésus-Christ son Fils unique, dans le royaume duquel je désire ardemment être admis. Vous voulez sans doute parler de celui qui fut crucifié sous Ponce-Pilate? Oui, de lui-même.» Trajan irrité des réponses du saint évêque prononça contre lui cette sentence: «Nous ordou nons qu'Ignace, qui dit porter en lui le Crucitié, soit lié et conduit à Rome pour y être dévoré par les bêtes et servir de spectacle au peuple.» Nous ferons remarquer en passant que cet empereur si vanté par Pline son panégyriste, et par nos écrivains philosophes du dernier siècle, est le même qui ordonne de sang froid le supplice d'un innocent, qui l'envoie d'Antioche à Rome, sous la garde de soldats plus féroces encore que les animaux mêmes auxquels il le destinait, et cela pour donner à tout un peuple le plaisir de voir un homme dévoré par des lions! puis, jugez sur cet exemple de la tolérance des vertus philosophiques (5).

Après l'arrêt du prince qu'il entendit avec joie, le saint prélat tendit lui-même ses mains aux chaînes, en louant Dieu de l'avoir trouvé digne de souffrir pour son nom. Durant le trajet d'Antioche à Rome, il ne s'occupa que de consoler les fidèles qui se portaient en foule sur son passage, et sollicitaient, comme une faveur, de partager sa prison. Le bruit de son arrivée à Rome s'étant répandu parmi les Chrétiens, ils allèrent à sa rencontre dans le dessein de le délivrer; mais il les fit prier de ne pas lui enlever la gloire de mourir pour Jésus

(5) Il est vrai, Trajan n'est point compté parmi les persécuteurs; Tertullien et saint Méliton le déclarent expressément; mais il n'est pas moins vrai aussi que, s'il n'ordonna point la persécution, il la laissa faire. Tillemont explique sa conduite par son superstitieux attachement au paganisme, et celle de ses officiers ou des peuples, par leur servile complaisance envers les intentions bien connues de ce prince. (Mémoires de TILLEMONT, tom. II, pag. 168 et saiv. Bérault-Bercastel dit la même chose apres lui en d'autres termes. (Hist. de l'Eglise, tom. Ier, pag. 228.) Toutefois, depuis les remontrances de

Christ. Cependant, les gardes craignant qu'on ne tentat de leur arracher leur prisonnier, se hâtèrent de le conduire à l'amphithéâtre où le peuple était assemblé. Dès qu'il fut entré dans l'enceinte, le saint martyr s'écria en entendant les rumeurs des bêtes féroces: «Je suis le froment du Seigneur; il faut que je sois moulu par la dent de ces animaux, afin que je devienne le vrai pain de JésusChrist. A peine eut-il prononcé ces mots qu'on lacha sur lui deux lions énormes qui le dévorèrent. Quelques historiens placent le martyre de saint Ignace au 10 décembre de l'an 107; mais le savant Guillaume Loyd a démontré que cet événement ne peut avoir eu lieu avant l'an 116. L'Eglise célèbre sa fête au 1er février.

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Ce fut pendant sa longue route d'Antioche à Rome, que le saint confesseur, glorieux comme saint Paul d'être le prisonnier de Jésus-Christ, écrivit ces lettres dont on a dit avec vérité, que ce n'était point l'ouvrage d'un homme, mais de l'esprit de JésusChrist qui animait les martyrs, et embrasait leurs âmes du feu de l'amour divin. On les voit citées par saint Irénée, par Eusèbe et par saint Jérôme qui nous en ont transmis le Catalogue; par saint Jean Chrysostome dans l'éloquent panégyrique qu'il a fait du saint martyr, en un mot par toute la tradition ecclésiastique qui n'en parle qu'avec les plus grands éloges, comme on peut s'en convaincre en lisant la défense de ces lettres par Cotelier dans le tome II de ses Pères apostoliques. Origène, si savant et si délicat, en loue l'élégance et la noble simplicité; éloge qui paraît avoir déterminé le jugement qu'en porte un des éditeurs, Isaac Vossius, qui en parle en ces termes : « C'est tour à tour une simplicité élégante et parfaitement conforme au siècle où il vivait, et sous laquelle on découvre avec une juste convenance entre les sentiments et les expressions, tout le zèle et la vive ardeur qui font les martyrs. Saint Athanase et saint Basile en ont cité divers passages dans des discours publics. Ils apprenaient par là aux siècles qui devaient les suivre l'usage que l'on pourrait en faire dans la chaire évangélique. Accuserait-on, par exemple, le zèle d'un prédicateur, d'un missionnaire tel que Bridaine ou le P. Beauregard, qui, opposant les mœurs du clergé aux héroïques sentiments que ces lettres contiennent, dirait : « Quel est celui d'entre vous qui ait la moiudre ressemblance avec le saint martyr Ignace, évêque d'Antioche? Certes, si vous

Pline, il défendit de dénoncer personne pour le seul fait de Christianisme; mais il était défendu aussi d'absoudre les chrétiens, quand ils étaient une fois mis en jugement, s'ils ne reuonçaient à leur religion. C'en était assez pour que le peuple et les magistrats se fissent un point de politique plus encore que de religion, de tendre des pièges multipliés à la foi ingénue des fidèles; et le règne de Trajan, si rapidement suivi du règne de Domitien, compta un grand nombre de martyrs, parmi lesquels notre saint évêque d'Antiocae, qu'il condamna personnellement à la mort.

vous rappelez les paroles qu'il adressait aux fidèles de Rome, lorsqu'on le menait au supplice, j'ose affirmer, pour peu qu'il vous reste encore quelque sentiment d'une salutaire confusion, que non-seulement vous ne Vous croirez pas prêtre en comparaison de lui; mais vous n'oserez pas même vous regarder comme Chrétien. » Eh bien! qu'on lise la remontrance de Gildas, abbé de Ruys, au clergé de l'Eglise de Bretagne, rapportée par Tillemont au tome 1" de ses Mémoires ecclésiastiques, et l'on verra que ce discours a été tenu en présence d'une grande assemblée d'évêques. Dieu veuille qu'il ne redevienne jamais nécessaire parmi nous! SES LETTRES.-Les lettres de saint Ignace, au nombre de sept, sont regardées avec raison comme un des monuments les plus précieux de la primitive Eglise. Obligé d'en rendre compte, nous nous arrêterons seulement aux pensées les plus éclatantes et à quelques-unes des imitations qui en ont été faites; mais auparavant, nous avons besoin d'exposer en deux mots quelle en fut l'occasion. Comme le saint était à Smyrne, il y fut visité par des députés de toutes les églises du voisinage qui s'empressaient de participer ainsi aux mérites de son martyre. Onésime, évêque d'Ephèse, y vint avec Burrus, diacre, et trois clercs nommés Crocus, Cuplus et Fronton; Damas, évêque de Magnésie sur le Méandre, s'y rendit, accompagné des prêtres Bartus et Apollonius et du diacre Sotion; Polybe y vint aussi au nom des Tralliens dont il était évêque. Saint Ignace, pour témoigner sa reconnaissance envers ces trois Eglises, leur écrivit de Smyrne des lettres dont il chargea leurs députés. Elles commencent toutes par ces mots : Ignace, nommé aussi Théophore, aux fidèles de telle église, salut, etc.

Aux Ephésiens. La première, selon EuLa première, selon Eusèbe, est adressée à l'Eglise d'Ephèse. Elle commence ainsi : « Je suis ravi de l'honneur que je reçois de vous entretenir par cette lettre, et de me réjouir avec vous de ce que, dans la vue d'une autre vie, vous n'aimez que Dieu seul. » Il rend ensuite des actions de grâce aux fidèles d'Ephèse, et donne de grands éloges à chacun de leurs députés, et surtout à Onésime leur évêque qu'il représentait comme un prélat dont on ne pouvait assez louer la charité. Il félicite les Ephésiens eux-mêmes, et principalement le clergé, de l'union parfaite qui les attachait à leur évêque, et les exhorte à concourir tous en Jésus-Christ, pour continuer de rompre ensemble le pain d'une même communion. Ce pain de Dieu est comme un remède salutaire qui nous donne l'immortalité et nous préserve de la mort. Hinsiste ensuite sur l'utilité de la prière qui se fait en commun, puis il les avertit de fuir la conversation des hérétiques, et surtout de ceux qui combattent la vérité de l'Incarnation. I ajoute: « Je sais qu'il est passé chez vous des hommes infectés du poison d'une mauvaise doctrine, mais vous avez fermé vos orcilles pour ne pas les entendre; la foi est

le guide qui vous conduit, et la charité, la voie qui vous mène à Dieu. Vous priez sans cesse pour les autres hommes, dans l'espé, rance qu'ils se convertiront pour arriver à Dieu; donnez-leur donc les moyens de s'instruire, du moins par vos œuvres. Opposez à leurs emportements votre douceur; à leurs paroles hautaines, votre humilité; à leurs injures, vos prières; à leurs erreurs, votre fermeté dans la foi. Gardez-vous bien de les imiter; mais soyez leurs frères par la complaisance et la douceur. Jésus-Christ, voilà le modèle que nous devons suivre. Qu'il y ait entre nous une sainte émulation à qui essuyera le plus d'injustices, de privations et de mépris..... Nous n'avons tous qu'un seul mattre, celui qui a dit, et tout a été fait. Ce qu'il a fait en silence n'est pas moins digne du Créateur de toutes choses. Celui qui possède sa parole peut aussi entendre son silence; et c'est là la perfection d'agir en parlant, et de manifester sa foi même en se taisant..... Faites vous un devoir de vous réunir le plus souvent que vous pourez dans le lieu de la prière pour rendre grâce à Dieu, et célébrer ensemble ses louanges. A mesure que vous serez assidus à fréquenter un même lieu de prière, vous affaiblissez les forces du démon; et par votre union vous ruinez son empire. Il n'est rien de plus excellent que la concorde; elle coupe court à toutes les guerres intérieures et extérieures que nous avons à redouter. »>

Ensuite, pour engager les Ephésiens à veiller sur eux-mêmes, le saint Pontife leur représente que le jour de la colère de Dieu est proche, et les renvoie sur ce sujet à l'épitre que saint Paul leur avait écrite. Il avait néanmoins une si haute idée de leur vertu qu'il souhaitait d'avoir toujours sa part dans leurs prières et d'être mis au rang des Chrétiens d'Ephèse. « Vous avez toujours été unis aux apôtres, leur dit-il, vous conformant en tout aux modèles qu'ils vous out montrés. Placés sur le passage de ceux qu'on envoie à Rome mourir pour JésusChrist, vous êtes les disciples de Paul, ce grand apôtre et ce glorieux martyr, sous les pieds duquel je désire me trouver quand je jouirai de Dieu. » Il s'étend ensuite sur le mystère de l'Incarnation, qu'il promet de leur expliquer plus longuement dans une autre lettre, si toutefois Dieu daigne lui faire connaître ce qu'il pourra dire sur un tel sujet. Ce qu'il en expose ici, se réduit à dire que Jésus-Christ notre Dieu, selon la disposition du Père, a été conçu de Marie, du sang de David, par l'opération du Saint-Esprit, qu'il est né dans une crèche et qu'il a consenti pour purifier l'eau à se laisser baptiser. « Le prince de ce monde, ajoute-t-il, n'a point connu la virginité de Marie ni son enfantement; il n'a point connu la mort du Sauveur; trois mystères éclatants qui ont été accomplis dans le silence de la sagesse divine. Mais considérez de quelle manière ils ont été manifestés aux hommes. D'abord il paraît dans le ciel une étoile, dont l'éclat extraordinaire surpasse celui de toutes les

autres. La nouveauté de ce phénomene répand la frayeur dans les esprits. Tous les autres astres, le soleil, la lune et les étoiles forment comme un choeur autour de ce nouvel astre qui les efface tous par l'éclat de sa lumière, et l'on cherche avec étonnement d'où peut venir une si merveilleuse révolution; mais tout l'art des démons et de la magie est impuissant. L'iniquité est abolie; l'erreur disparaît; l'ancien règne du péché est détruit; et c'est l'ouvrage d'un Dieu fait homme qui vient donner au monde l'espérance d'une vie éternelle. Il entre en possession de l'empire souverain que Dieu lui a donné sur toutes les créatures, et le monde entier n'est troublé que parce qu'il vient détruire le règne de la mort. » Il termine sa lettre en priant les Chrétiens d'Ephèse de se souvenir de lui et de l'Eglise de Syrie. C'est dans cette même épître qu'il appelle ses chaînes des pierres précieuses; image que saint Polycarpe rappelle, lorsque, parlant des mêmes chaînes, il les qualifie de liens augustes et sacrés, qui sont comme les diadèmes des élus de Dieu. Saint Cyprien semble également avoir imité cette figure dans plusieurs de ses Epitres aux saints confesseurs.

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Aux Magnésiens. - Dans son Epitre aux Magnésiens, qui est la seconde de celles qu'il écrivit à Smyrne, saint Ignace les remercie des secours qu'ils lui avaient envoyés, et des marques d'estime dont ils l'avaient comblé; puis il ajoute « Ayant l'honneur de parler, grâce à mes chaînes, au nom d'une dignité toute divine, je publie la gloire des Eglises, et leur souhaite l'union dans la foi et l'esprit de Jésus-Christ, notre perpétuelle vie; l'union de la foi et de la charité à laquelle rien n'est comparable; et principalement l'union avec Jésus-Christ et avec le Père, laquelle, en nous fortifiant contre le prince de ce monde, et en nous faisant triompher de ses attaques, nous procurera la possession de Dieu. » S'adressant ensuite aux prêtres, saint Ignace insiste fortement sur le respect qui est dû à l'évêque, malgré sa jeunesse. Il avait en vue l'évêque Damas qui avait été promu encore jeune à l'épiscopat. Les saints prêtres, dit-il, donnent l'exemple de ce respect; ce n'est pas à la personne de l'évêque que cet honneur est déféré, mais à Jésus-Christ, l'évêque de tous. Vous devez donc, par honneur pour celui qui vous l'a commandé, obéir à l'évêque sans nulle dissimulation; puisque ce n'est pas à l'homme que l'on manque, mais au Pontife invisible, à celui qui voit les choses cachées. » Il ajoute : « Je vous exhorte à faire toutes choses avec cet esprit de concorde qui vient de Dieu, et à regarder l'évêque comme tenant la place de Dieu même au milieu de vos assemblées; les prêtres comme représentant le collége des apôtres; et les diacres, qui me sont si chers, comme ceux à qui est confié le ministère de Jésus-Christ, qui était avec le Père avant tous les siècles, et qui s'est enfin montré au onde en ces derniers temus. Ayez donc

tous les mêmes sentiments; honorez-vous les uns les autres; que personne ne considère son prochain selon la chair; aimez-vous mutuellement en Jésus-Christ.... Comme le Seigneur ne fait rien sans le Père, de même ne faites rien sans l'évêque et les prêtres. Lorsque vous vous assemblez, n'ayez qu'une même prière, un même esprit, une même espérance; vivez dans la charité et dans une joie exempte de reproches. Venez tous ensemble, comme à un seul temple de Dieu, comme à un seul autel, comme à un seul Jésus-Christ qui procède d'un seul Père, qui existe en lui seul et qui retourne à lui dans l'unité d'un seul être divin. »

Saint Ignace les avertit ensuite de renoncer entièrement aux cérémonies et aux observances de la loi de Moïse, dont il leur montre l'inutilité par l'exemple des anciens patriarches qui, ayant vécu selon l'esprit de Jésus-Christ, se sont sanctifiés. Il leur ordonne également de rejeter toutes les fables et toutes les rêveries des novateurs, et surtout celles des gnostiques, qui disaient que Sigé, ou le silence, dont ils faisaient une personne, avait été en Dieu, avant qu'il proférat son Verbe, et que c'était de ce silence même que Jésus-Christ avait été engendré. « Ne vous laissez pas égarer par des opinions étrangères, ni séduire par des discours oiseux et des fables frivoles qui ne servent à rien..... Disciples de Jésus-Christ, apprenez à vivre selon l'esprit de Jésus-Christ. » Enfin il veut que, rejetant jusqu'au nom des sectes diverses, et uniquement appliqués à vivre selon le christianisme, ils n'aient d'autre soin que de travailler à s'affermir de plus en plus dans la doctrine du Seigneur et des apôtres, afin que tout leur succède heureusement, aussi bien pour l'âme que pour le corps, de ce qu'ils entreprendront par la foi et la charité, dans le Père, le Fils et le Saint-Esprit. « Pour être Chrétien, dit-il, il ne suffit pas d'en porter le nom, il faut l'être réellement. Tout se précipite vers sa fin; en même temps que la vie échappe, la mort s'avance, et chacun marche vers le terme qui l'attend. Il y a comme deux monnaies, celle de Dieu et celle du monde; chacune d'elles a son empreinte particulière; les infidèles ont celle du monde; la charité de Jésus-Christ, c'est là l'empreinte du vrai fidèle. Si nous ne sommes pas disposés à souffrie sa passion, sa vie n'est point en nous.»>

« J'aurai le bonheur de partager vos mérites, leur dit-il en finissant, si toutefois j'en suis digne; car bien que je sois prisonnier pour la foi, je ne mérite pas d'être comparé à personne d'entre vous, qui êtes libres..... Souvenez-vous de moi dans vos prières, afin que je parvienne à la possession de mon Dieu. Souvenez-vous aussi de l'Eglise de Syrie, dans laquelle je ne mérite pas d'être compté. J'ai besoin de l'union de vos prières et de votre charité, afin que Dieu daigne féconder cette Eglise par les douces influen

ces de la vôtre. »

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Aux Tralliens. La troisième épître est adressée aux Tralliens. Après les salutations

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