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mun, mais devient l'Eucharistie et se trouve ainsi composé de deux choses, l'une terrestre et l'autre céleste, ainsi nos corps, en recevant l'Eucharistie, ne sont plus corruptibles, parce qu'ils portent en eux le germe de la résurrection. »-« Les deux choses dont, suivant lui, l'Eucharistie est composée, sont la chair terrestre, qui est de même nature que la nôtre, et son esprit, c'est-àdire son âme et sa divinité, par laquelle il est du ciel.» répète encore contre les Il marcionites « Comment donc le Seigneur, s'il est fils d'un autre Père, en prenant le pain qui est l'ouvrage du Créateur, a-t-il déclaré que ce pain est son corps et assuré que la liqueur mêlée dans le calice est son sang? Et contre ceux qui niaient que la chair pût devenir incorruptible: « Il s'ensuivrait que le Seigneur ne nous aurait point rachetés de son sang, et que le calice de l'Eucharistie ne serait point la communion de son sang, ni le pain que nous rompons la communion de son corps. »>

Dans une longue suite d'excellents chapitres, le saint évêque démontre, à propos des patriarches et des prophètes, que nonseulement leurs paroles, mais leurs actions mêmes, sont généralement autant de figures de ce qui devait arriver dans l'Eglise. D'où il conclut que Jésus-Christ est comme un trésor caché dans les Ecritures, et que, pour le découvrir, il faut avoir recours aux prêtres, c'est-à-dire aux évêques qui, en succédant à la dignité des apôtres, ont en même temps succédé à leur foi. Les autres, c'est-à-dire ceux qui, sans égard pour cette succession apostolique, s'en séparent pour former des assemblées particulières, ceux-là doivent être regardés comme suspects, soit comme fauteurs de schismes et d'hérésies, soit comme des hypocrites qui n'agissent que par intérêt et par vaine gloire....... Où sont les grâces de Dieu, c'est là qu'il faut apprendre la vérité. Les vrais docteurs sont ceux que Dieu favorise de dons surnaturels et qui conservent saine et entière la doctrine qu'ils ont reçue des apôtres..... Après avoir tracé le caractère de l'homme vraiment spirituel, et montré comment il juge chaque espèce d'hérétiques, il ajoute : « Il jugera les faux prophètes qui, sans avoir reçu de Dieu le don de prophétie, mais par ostentation ou par intérêt, et aussi à l'instigation de l'Esprit de ténèbres, font semblant de prophétiser en mentant contre Dieu. Il jugera ceux qui, font des schismes, qui ont éteint dans leur cœur l'amour de Dieu et du prochain, et qui, recherchant leur satisfaction plutôt que l'unité de l'Eglise, déchirent, pour de misérables prétextes, le corps si grand et si glorieux de Jésus-Christ, et le tuent autant qu'il est en eux. Ils parlent de paix et font la guerre; ils écartent le moucheron et ils avalent le chameau; car encore qu'ils le voudraient, ils ne pourront jamais établir de réforme dont l'utilité égale le mal du schisme. I jugera tous ceux qui sont hors de la vérité, c'est-à-dire hors de l'Eglise. Ce n'est que dans l'Eglise que se rencontre la charité

parfaite, qui seule peut envoyer au Père une multitude de martyrs dans tous les lieux et dans tous les temps. » Aussi présente-t-il ces légions innombrables de généreux athlètes comme une marque de la véritable Eglise, et soutient-il que les hérétiques ne peuvent se vanter du même avantage, bien que quelques-uns d'entre eux aient été confondus dans la foule de nos martyrs. Il dit encore « Dieu a mis dans l'Eglise toutes les opérations du Saint-Esprit, auxquelles ne participent pas ceux qui n'y viennent point, mais dont ils se privent au contraire par leurs pensées et leurs mauvaises œuvres. Car où est l'Eglise, là est l'Esprit de Dieu; et où est l'Esprit de Dieu, là est l'Eglise. L'Esprit est la vérité; c'est pourquoi ceux qui n'y participent pas ne reçoivent point des mamelles de la mère la nourriture de la vie, ni l'eau pure dont le corps de JésusChrist est la source. >>

Il venge ensuite éloquemment la divine incarnation et la vérité des prophéties. « Si l'on nous demande: qu'a donc fait JésusChrist de si nouveau en venant sur la terre? Apprenez, répondrai-je, qu'il a rendu tout nouveau, en paraissant dans le monde tel qu'il s'était fait annoncer par ses prophètes. Et c'était là en effet le caractère par lequel il avait signalé son avénement parmi les hommes; il devait tout renouveler, et rendre la vie à l'homme qui l'avait perdue. Un monarque se fait annoncer à l'avance par ses serviteurs, qu'il envoie au-devant de lui pour disposer ses sujets à le recevoir; et, quand il s'est fait voir en personne, qu'il a fait reconnaître en lui les marques sous lesquelles il fut prédit, que ses peuples jouissent du bienfait de la liberté qu'il est venu leur apporter, qu'ils ont pu recueillir les fruits de sa présence et de ses entretiens, pense-t-on encore, pour peu que l'on soit raisonnable, à demander quels changements il a produits? Il s'est manifesté parmi les homines, et en se donnant à eux, il leur a donné à la fois tous les biens qui faisaient l'objet des désirs des intelligences célestes. Ses envoyés auraient été des prophètes menteurs; ils n'auraient pas été les envoyés de Dieu, si Jésus-Christ ne s'était pas fait voir tel qu'il a été annoncé par eux, si tous leurs oracles n'avaient pas été accomplis. Il a dit: Ne croyez pas que je sois venu anéantir la Loi et les Prophètes; non, mais l'exécuter; car en vérité je vous le dis, le ciel et la terre passeront jusqu'à ce que tout ce qui est dans la loi soit accompli parfaitement jusqu'à un iota, jusqu'à un point. Ce qu'il a fait de son vivant, il le fait encore dans son Eglise, et ie fera jusqu'à la consommation des siècles..... Dira-t-on que ces prédictions aient été un jeu du hasard, et qu'elles aient pu s'appliquer indifféremment à d'autres qu'à JésusChrist? Pour répondre à cette objection, il suffit du parfait accord qui règne entre les prophètes. De plus, à qui pourraient-elles s'appliquer? A des personnes des temps passés; car ce que les prophéties nous racontent de ses souffrances, dans quelle autre

histoire le rencontre-t-on? Où voyez-vous qu'à la mort de quelque autre que JésusChrist le soleil se soit éclipsé en plein midi, que le voile du temple se soit déchiré, que les pierres se soient fendues, que des morts aient ressuscité; qu'un autre que JésusChrist soit sorti vivant du sépulcre au troisième jour, que les cieux se soient ouverts pour le recevoir? Est-il un autre que lui, au nom de qui croient toutes les nations, et qui par sa mort et par sa résurrection leur ait ouvert un nouveau testament de salut et d'affranchissement? »

Après cette digression, où saint Irénée fait voir que c'est un seul et même Dieu qui a inspiré les prophètes, et que leur mission émane du même auteur que celle de Jésus-Christ, il attaque ceux qui, pour nier le libre arbitre, prétendaient que l'homme est bon ou mauvais par sa nature et non par choix. I leur oppose, comme autant de preuves du contraire, les exhortations des prophètes, les préceptes de Jésus-Christ, les récompenses qu'il promet aux bons et les peines dont il menace les méchants. « Otez à l'homme la liberté, tout cela est non-seulement inutile mais injuste; puisqu'il ne peut être récompensé du bien qu'il ne pouvait pas faire, ni puni du mal qu'il ne pouvait éviter. I soutient donc que Dieu a créé l'homme libre dès le commencement, également indifférent au bien et au mal, et pouvant se déterminer à l'un ou à l'autre par le choix de son libre arbitre; que ce libre arbitre influe sur toutes nos actions, et même sur le consentement que nous donnons à la foi; qu'ainsi nous sommes seuls la cause de notre perte, puisque Dieu, qui prévoit tout, prépare à chacun de nous des peines ou des récompenses, suivant le bon qu mauvais usage que nous aurons fait de notre liberté. Car encore que, selon la nature, nous soyons tous ses enfants, il n'y a cependant que ceux qui croient en lui et qui se soumettent à sa volonté, qui participent à ce titre. Les autres sont les enfants du diable, non pas par nature, mais par imitation, et en faisant ses œuvres.» Saint Irénée enseigne manifestement le péché originel, en disant : « Que les hommes ne peuvent être sauvés de l'ancienne plaie du serpent que par la foi en celui qui, ayant été élevé de terre, a tout attiré à lui-même. » Et ailleurs : << Que le péché du premier homme a été corrigé par le Premier-né, qui est Jésus-Christ. » Il dit encore: « Comine avec le Nouveau Testament la foi a grandi, ainsi la pratique de la vertu doit être plus exacte, puisqu'il ne nous est pas seulement ordonné de nous abstenir des mauvaises actions, mais encore des mauvaises pensées, des discours inutiles et des paroles de railleries. » Il cite saint Justin en ces termes : « Justin a bien dit dans son traité contre Marcion je n'aurais pas cru le Seigneur lui-même, s'il avait annoncé un autre dieu que le Créateur. »>

Cinquième livre. Ce livre traite particulièrement de la rédemption opérée par Notre Seigneur Jésus-Christ, et de la résurrection

des corps. Il est terminé par une récapitulation des hérésies réfutées dans le reste de l'ouvrage. Il prouve donc d'abord contre les valentiniens, que Jésus-Christ nous a véritablement rachetés par sou sang; et c'est pour cela qu'il a pris une chair de la même nature que la nôtre, dans le sein de la sainte Vierge. La grande raison sur laquelle il se fonde, c'est que, si Jésus-Christ ne nous a pas rachetés par son propre sang, il s'ensuit que le calice de l'Eucharistie n'est pas la participation de son sang, et que le pain que nous rompons n'est point non plus la participation de son corps; car le sang n'existe ni sans les veines, ni sans les chairs, ni sans les autres parties qui constituent la substance de l'homme. « Si donc, ajoute-t-il, Jésus-Christ n'a pris cette substance qu'en apparence, et si la chair et le sang qu'il a donnés pour le prix de notre rédemption n'ont été que fantastiques, comment peut-il nous donner cette même chair et ce même sang dans l'Eucharistie ? » Il se sert de la même raison pour montrer que la résurrection de nos corps n'est pas impossible, puisqu'ayant été nourri si souvent du corps et du sang de Jésus-Christ, ils en sont devenus en quelque façon comme les membres. Mais il ne s'en tient pas à cette preuve unique, et il en produit une autre, qui ne nous paraft pas moins solide: c'est que, si Dieu a pu tirer nos corps du néant et leur donner l'être, à plus forte raison peut-il le leur rendre quand il lui plaît. Il le peut, parce qu'il est tout-puissant, et il le veut, parce qu'il est bon. Ainsi, comme Jésus-Christ s'est ressuscité lui-même corporellement, de même il rendra la vie à nos corps; car l'espérance de résurrection que nous donne saint Paul ne saurait regarder nos âmes, dont la substance est immortelle. Quant à ce qui est dit dans le même apôtre, que la chair et le sang ne peuvent posséder le royaume de Dieu, saint Irénée démontre très-bien que dans ce passage La chair et le sang signifient les hommes charnels, qui, n'étant pas animés de l'esprit de Dieu, sont morts à la grâce et ne peuvent par conséquent avoir part au royaume du ciel. C'est pourquoi il distingue deux sortes de vie l'une qui est naturelle et commune à tous les hommes en général, et l'autre qui est la vie de l'esprit, et qui n'est proprement donnée qu'à ceux qui mortifient leurs passions. Au reste il suppose bien que nous ressusciterons dans la même chair qui a servi d'instrument à nos bonnes œuvres; et il en apporte même pour preuve l'exemple de Lazare et des autres à qui Jésus-Christ a rendu la vie. Enfin, il soutient que si la chair était incapable de salut, le Verbe ne se serait jamais incarné, puisqu'il ne s'est abaissé jusque-là que pour sauver l'homme. Il cite encore plusieurs passages d'Isaïe et d'Ezechiel, où la résurrection des morts est clairement établie, et montre par là que le Dieu qui nous a créés est le même qui doit nous ressusciter; ce qu'il confirme par la guérison miraculeuse de l'aveugle-né, auquel Jésus-Christ rendit la vue, en l'aver

tissant en même temps de ne plus pécher; ce qui nous apprend, conclut saint Irénée, que l'homme n'a été sujet aux infirmités corporelles qu'en conséquence du péché. Il passe de là aux erreurs des valentiniens sur la création. Ils l'attribuaient, comme nous l'avons vu, au dieu Hachamoth, et prétendaient que l'homme avait été formé d'une substance fluide et délicate, à peu près comme celle qui avait servi à la production des anges. Il leur fait donc voir, d'abord, que nos corps ne sont pas d'une autre nature que celui d'Adam; ensuite, que ce premier homme a été tiré de la même terre dont Jésus-Christ ise servit pour ouvrir les yeux de l'aveuglebé de l'Evangile; et enfin, qu'il n'y a pas d'autre Dieu créateur que celui que le Sauveur reconnaît pour son Père; ce qu'il prouve par la passion de Jésus-Christ, par Ses miracles et par le pouvoir qu'il avait de remettre les péchés; pouvoir que les Juifs mêmes reconnaissaient n'appartenir qu'à Dieu seul. Il insiste principalement sur le premier chapitre de l'Evangile de saint Jean, où il est parlé en termes si clairs de la divinité du Verbe, et conclut que ce Verbe, fait chair dans le sein d'une vierge, a réparé avec usure tous les maux que nous avait causés le péché du premier homme.

Saint Irénée finit, comme nous l'avons remarqué, par la récapitulation de toutes les hérésies réfutées dans le corps de son ouvrage. Il montre qu'elles n'ont commencé à paraître que longtemps après les premiers évêques, auxquels les apôtres avaient confié le soin des Eglises; d'où il tire cette conséquence, que c'est à l'Eglise qu'il faut avoir recours pour s'instruire de la véritable foi. L'Eglise est comme le chandelier à sept branches qui éclaire tout le monde; au lieu que les hérétiques, en voulant enchérir sur ce qu'ils ont appris des anciens, se sont éloignés de la vérité. Ce sont des aveugles et des guides d'aveugles qu'il faut fuir, aussi bien que leur doctrine, pour se jeter entre les bras de l'Eglise, afin d'être élevé dans son sein et de s'y nourrir des divines Ecritures. Elle est le paradis terrestre, dont tous les fruits doivent nous servir de nourriture, ainsi qu'il est écrit au livre de la Genèse: Vous mangerez de tous les fruits qui croissent dans le paradis. Ces fruits sont toutes les Ecritures inspirées de Dieu; mais celui auquel il n'est pas même permis de toucher, c'est cet esprit d'orgueil et de discorde qui règne parmi les hérétiques.

Selon notre saint, le Verbe devait naître d'une vierge, afin de triompher avec justice du démon, qui avait abusé dès le commencement de la simplicité de la femme, pour nous assujettir à son empire. Ensuite, pour prouver que Jésus-Christ a été envoyé par le Père créateur, il rapporte la victoire éclatante que ce même Sauveur remporta sur le démon, lorsque tenté dans le désert par cet ange séducteur, il ne se servit d'autres armes pour le confondre que de l'autorité de l'Ancien Testament. Ce fut alors qu'il le convainquit de mensonge, et montra manifes

DICTIONN. DE PATROL OGIE. III.

tement qu'il était un imposteur; ce qu'il avait été dès le commencement du monde et ce qui se manifestera bien plus clairement encore à la fin des siècles, lorsque se servant du règne de l'Antechrist pour se faire adorer, Jésus-Christ n'aura besoin que d'un souffle de sa bouche pour renverser ce monstre et en découvrir toute l'illusion. A ce propos, le saint docteur décrit jusqu'où s'étendra le règne de l'Antechrist, quel sera son orgueil, et les ruses qu'il mettra en usage, pour abolir le culte du vrai Dieu. Il assure que son règne sera de trois ans et demi; qu'il sera assis dans le temple de Jérusalem, le même qui a été bâti par l'ordre du vrai Dieu, et que là il se fera rendre les honneurs divins. Il dit ailleurs que ce fils de perdition réunira en lui seul toute la malice, l'iniquité, l'imposture et le mensonge des siècles précédents; que les lettres dont son nom sera composé formeront le nombre de six cent soixante-six particularités que le saint croit renfermées dans les passages de Daniel, de saint Paul et de l'Apocalypse, où il est parlé de la fin du monde. Il eutremêle ces remarques d'invectives très-fortes contre les valentiniens et les marcionites, et les appelle les organes de Satan, à cause de leurs blasphèmes contre le Dieu créateur et contre ses prophètes; ce que le démon, ajoute-t-il, n'avait osé tenter avant la venue de JésusChrist, parce qu'alors il ignorait encore sa condamnation. Il traite en même temps du jugement dernier, de la récompense des bons et de la punition des méchants, et enfin il assure que le monde doit finir six mille ans après sa création, selon le nombre de jours que Dieu employa à lui donner sa derpière perfection. Au reste, comme les valentiniens n'admettaient point de résurrection, saint Irénée ne s'étonne pas qu'ils aient ignoré l'ordre dans lequel elle devait s'accomplir; cependant il ne laisse pas de renverser en passant ce paradis chimérique, où ils prétendaient être reçus incontinent après leur mort; mais il attaque surtout ceux des Catholiques de son temps qui enseignaient que les âmes des justes allaient au ciel et y jouissaient de la vision de Dieu, aussitôt après leur séparation du corps. C'était sans doute le sentiment orthodoxe, mais comme il ne semblait pas s'éloigner assez de celui des hérétiques, il n'est pas surprenant que notre saint ait donné dans une opinion contraire, qui paraissait d'ailleurs appuyée sur quelques passages de l'Ecriture, surtout dans un temps où l'Eglise n'avait encore rien décidé sur cette matière. Il soutient donc que, comme Jésus-Christ ne monta pas au ciel incontinent après sa passion, mais descendit aux enfers, où il demeura l'espace de trois jours; de même les justes seront transportés après leur mort dans un lieu invisible pour y attendre le temps de la résurrection. Il ajoute, qu'ayant repris leur corps, ils régneront avec JésusChrist sur la terre, où, dégagés de tout soin, ils jouiront d'une vie paisible et heureuse jusqu'au jour du jugement. Alors les uns se

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ront reçus dans le ciel, et les autres demeureront en possession de la ville de JérusaZem; mais tous verront Dieu, chacun selon la grandeur de ses mérites. Il appuie tout cela sur l'autorité des Ecritures, et sur une tradition qu'il dit avoir reçue des anciens qui avaient vu Jean, le disciple du Sauveur. Certes, quoique toutes ces erreurs portent leur explication avec elles, et se trouvent pour ainsi dire justifiées par le temps auquel le saint patriarche a vécu, il est infiniment regrettable cependant qu'elles se trouvent mêlées à tant de précieux témoignages en faveur de la foi.

Nous rapprochons de ces livres quelques fragments découverts sur un manuscrit de la bibliothèque de Turin, et qui semblent en avoir fait partie. Dans le premier, saint Irénée établit en quoi consiste la vraie science, pour l'opposer à celle dont se glorifiaient les gnostiques. Il fait ensuite un abrégé de la doctrine des apôtres et de la foi qu'ils ont laissée aux fidèles. « Cet abrégé, dit-il, est à la portée des gens grossiers comme des savants. It consiste à éviter les généalogies qui n'ont point de fin, et à s'appliquer avec soin à réformer ses mœurs, de peur qu'en se rendant indigne des grâces iu Saint-Esprit, on ne perde l'héritage céleste. Car la première chose nécessaire est de se renoncer soi-même et de suivre JésusChrist. Quiconque tient cette conduite tend. à la perfection, et en accomplissant ainsi la volonté du Sauveur, il devient fils de Dieu et béritier de son royaume par la régénération spirituelle. » Saint Irénée touche ces mêmes points dans son quatrième livre des Hérésies, d'où, suivant toute apparence, ce fragment aura été tiré.

Le second également paraît faire une suite naturelle au dix-septième chapitre du même livre. Il traite du sacrifice nouveau que Jésus-Christ a institué dans la nouvelle Loi, selon la prédiction du prophète Malachie. Saint Irénée l'entend de l'Eucharistie et des prières des saints, et en parlant de l'oblation eucharistique en particulier; il dit « qu'elle ne se fait point d'une manière charnelle, mais spirituellement, en quoi elle est pure. On offre à Dieu, poursuit-il, du pain et le calice de bénédiction, en lui rendant grâces de ce qu'il fait produire à la terre ces fruits pour notre nourriture. Après l'oblation, nous invoquons l'Esprit saint, afin que le pain et le vin deviennent le corps et le sang de JésusChrist, et que ceux qui y participent reçoivent la rémission de feurs péchés, et méritent d'avoir part à la vie éternelle. » Il est difficile de parler plus clairement du mystère de l'Eucharistie tel que l'Eglise catholique l'a toujours cru. En rapprochant ce passage des autres que nous avons cités plus haut, on ne comprend pas que des écrivains protestants aient pensé à s'en prévaloir en faveur de leur opinion.

Le roisième fragment semble avoir été tiré du cinquième livre contre les hérésies, et regarde les deux avénements de JésusChrist. «Il est venu la première fois, dit-il,

dans la plénitude aes temps, afin de nous délivrer de la servitude du péché, nous purifier par son sang et nous présenter sans tache à son Père, comme ses enfants, si toutefois nous nous rendons dociles à ce qu'il exige de nous. Il viendra de nouveau à la fin des temps, pour détruire toute sorte de malice, réconcilier toutes choses etmettre fin à toutes les iniquités. »

Reste un quatrième fragment qui semble avoir fait partie de quelqu'une des lettres que saint Irénée publia au sujet des troubles sur le jour de la célébration de la Pa que; nous n'en faisons mention ici que pour ne pas le séparer des trois autres. « Nous faisons consister nos fêtes, dit ce Père, dans le levain de la malice et du péché; nous déchirons l'Eglise de Dieu; nous observons des cérémonies extérieures et nous laissons de côté des pratiques plus excellentes, comme celles que nous commandent la foi et la charité. » Ces fragments ont été publiés à la Haye en 1715, in-8°, grec et latin, par Christophe Pfaff, qui les a accompagnés de trèslongues notes dans lesquelles il contredit souvent la doctrine catholique.

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AUTRES ÉCRITS DE SAINT IRÉNÉE. A Florin. Dès le temps de saint Grégoire le Grand, les écrits de saint Irénée étaient devenus si rares, que quelques recherches que fit ce zélé Pontife, il n'en put découvrir aucun, pas même son traité contre les hérésies, le seul qui soit venu jusqu'à nous. Il ne nous reste des autres que le nom, et quel ques fragments qu'Eusèbe nous a conservés dans son Histoire. Un des plus considérables était la lettre à Florin, dans laquelle le saint docteur traitait de la monarchie, montrant, contre le sentiment de cet hérétique, que Dieu n'est pas l'auteur du mal. Il y parlait ainsi : « Cette doctrine, mon cher Florin, n'est pas saine. Elle est contraire à celle que l'Eglise enseigne, et conduit à l'impiété ceux qui la suivent. Les hérétiques mêmes, qui sont hors de l'Église, n'ont osé la soutenir. Les saints prêtres qui ont vécu avant nous, et qui avaient été disciples des apôtres, ne vous l'ont point enseignée. Etant encore jeune, je vous ai vu dans l'Asie inférieure, disciple assidu de Polycarpe, et faisant tous vos efforts pour vous bien mettre dans son esprit..... Je puis vous assurer devant Dieu que si ce bienheureux prêtre, successeur des apôtres, avait entendu la doctrine que vous enseignez, il se serait bouché les oreilles en s'écriant selon sa coutume: Seigneur, à quel temps m'avezvous réservé pour que j'aie à souffrir de telles choses! Et alors, qu'il eût été"debout ou assis, il se serait enfui à l'instant même. » Cette lettre ne fut pas sans effet, puisqu'elle força Florin à quitter son erreur; mais elle ne l'empêcha pas de retomber dans d'autres non moins dangereuses, c'est-à-dire dans celles des valentiniens. Pour le retirer de ce nouveau précipice, saint Irénée écrivit son livre de l'Ogdoade ou du nombre huit. Eusèbe ne nous apprend point ce qu'était ce traité; mais le titre nous fait juger que le saint docteur y réfutait les erreurs des va

lentiniens touchant les huit premiers eones, qu'ils regardaient comme le fondement de tout leur Pleroma. Il rappelait dans cet ouvrage qu'il touchait à la première succession des apôtres, et à la fin, il avait mis ces paroles: « Qui que tu sois, toi qui transcriras re livre, je t'en conjure par Notre Seigneur Jésus-Christ et par son glorieux avénement, où il jugera les vivants et les morts, de le collationner après l'avoir copié, de le corriger exactement sur l'original, et de transcrire également cette prière en l'insérant dans la copie. » Eusèbe, de qui nous tenons ce fragment, ajoute : « Je n'ai eu garde d'omettre une remarque si importante, et qui renferme un exemple que nous devons avoir constamment sous les yeux, savoir, la diligence et l'exactitude de ces anciens qui se sont rendus si célèbres par leur sain

telé. »

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A Blaste. Saint Irénée écrivit encore contre Blaste, autre prêtre de Rome déposé comme Florin. Blaste était un Grec asiatique, qui voulait ramener le judaïsme et s'attachait à célébrer la Pâque le quatorzième jour de la première lune. Par là il troublait 'Eglise et y causait des divisions pernicieuses. Saint Pacien l'accuse d'être tombé dans T'hérésie des montanistes. Théodoret le met au nombre des disciples de Valentin, et peu après il le compte parmi ceux de Marcion, qui s'érigeaient eux-mêmes en docteurs. Saint Irénée lui adressa un traité du schisme, que l'on croit avoir été écrit sur la fin du pontificat de saint Eleuthère.

Au Pape saint Victor. La dispute sur la célébration de la Pâque s'étant renouvelée avec chaleur sous le pontificat de Victor, vers l'an de Jésus-Christ 195, saint Irénée écrivit plusieurs lettres sur ce sujet. Victor, irrité de voir qu'après tous les mouvements qu'il s'était donnés pour réunir l'Eglise dans une pratique uniforme, et qu'après la tenue de plusieurs conciles rassemblés dans le même but, les Asiatiques persistaient toujours à conserver leurs anciens usages, les excommunia. Cette conduite ne fut pas approuvée par tous les évêques, et saint Irénée lui écrivit au nom des tidèles qu'il gouvernait dans les Gaules. Il soutenait dans Sa lettre que le mystère de la Résurrection devait être célébré le dimanche, mais il avertissait Victor avec respect de ne pas retrancher de sa communion des Eglises qui restaient fidèles à une ancienne tradition qu'elles avaient reçue. Il lui représentait la sage modération de ses prédécesseurs, qui avaient souffert que ceux qui célébraient la Pâque le quatorzième de la lune suivissent cette coutume à Roine même, lorsqu'ils y étaient venus de leur pays; et pour lui faire sentir avec plus de force encore que cette différence de pratiques ne devait pas rompre la paix des Eglises, il ajoutait : « Il n'est pas seulement question du jour auquel la Pâque doit être célébrée, il s'agit encore de la manière dont on doit jeûner. Les uns croient n'être obligés de jeûner qu'un jour, les autres deux, et les autres plusieurs. Quelques-uns

comptent quarante heures dans les jours auxquels ils jeûnent. Cette diversité est ancienne et n'a pas été introduite de nos jours. Il y a quelque apparence qu'elle s'est fortifiée par le peu de soin que les prélats ont pris d'instruire sur ce point les fidèles, et de les corriger de leur simplicité et de leur ignorance. Ils ont cependant entretenu la paix entre eux comme nous l'entretenons, et la différence de leurs jeûnes n'a fait que confirmer l'unité de la foi. » Outre cette lettre au Pape saint Victor, saint Irénée en écrivit à plusieurs autres évêques. L'auteur du livre intitulé: Réponse aux orthodoxes, cite un discours sur la Pâque, dans lequel saint Irénée parlait de la coutume que les Chrétiens ont reçue des apôtres, de ne se point mettre à genoux le dimanche, ni pendant les cinquante jours du temps de Pâques, en mémoire de la Résurrection; mais ce discours pourrait très-bien n'être autre chose qu'une de ces lettres dont nous venous de parler.

Enfin, du temps d'Eusèbe, on possédait encore un ouvrage, très-court à la vérité, mais très-utile, contre les Grecs et les païens. Il était intitulé: De la science, et il semble que saint Jérôme ait divisé ce titre, et d'un seul écrit en ait fait deux, qu'il intitule, l'un Contre les gentils, et l'autre, De la discipline. Dans son Traité des hérésies, saint Irénée promet un ouvrage exprès pour réfuter Marcion, et il paraît qu'il l'exécuta en effet, puisqu'Eusèbe le compte parmi ceux qui avaient écrit contre cet hérétique. Enfin, saint Maxime, abbé et confesseur, cite de saint Irénée de Lyon des discours sur la foi, adressés à Démétrius, diacre de Vienne, et dont il rapporte quelques paroles avec le commencement. Saint Jérôme, en parlant de l'Apocalypse, semble dire qu'il l'avait expliquée; mais ce Père est le seul des anciens qui lui attribue ce commentaire, et encore n'en parle-t-il point dans le dénombrement qu'il fait des œuvres du saint martyr, ce qui donne lieu de douter qu'il entende par là un ouvrage particulier, composé sur ce livre. H paraît plutôt n'avoir voulu dire autre chose, sinon, que saint Irénée en avait cité et expliqué plusieurs passages dans ses écrits, et surtout à la fin de son cinquième livre contre les hérésies, où, en traitant de l'Antechrist et du règne de Jésus-Christ sur la terre, il se fonde principalement sur l'autorité de l'Apocalypse. Avant de finir ce qui regarde les écrits de notre saint prélat, il est bon d'avertir qu'il contribua autant que tout autre à conserver à la postérité l'histoire du martyre de saint Polycarpe. Peut-être même est-ce à lui que nous devons qu'elle soit venue jusqu'à nous; car il prit soin de copier lui-même la lettre de l'Eglise de Smyrne, dans laquelle cette sainte passion se trouve décrite. Dans la suite, sa copie se multiplia par le zèle de Caïus, son disciple, quí la transcrivit, et après lui par Socrate de Corinthe.

CRITIQUE ET JUGEMENT. Les anciens ont relevé en termes magnifiques la doctrine.

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