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L'empereur Justinien II, qui avait essayé vainement d'obtenir du Pape Sergius sa souscription au concile in Trullo, fit de nouvelles tentatives sous le pontificat de Jean VI et de Jean VII, qui, en leur qualité de Grecs, lui paraissaient devoir être plus favorables à ses desseins. Il députa donc à cet effet deux métropolitains chargés des Actes de cette assemblée, avec une lettre dans laquelle il invitait le Pape à les examiner en concile, et à confirmer ou rejeter ce qu'il trouverait digne d'approbation ou de blame. Les députés n'étant arrivés à Rome qu'après la mort de Jean VI, présentèrent les volumes du concile et la lettre de l'empereur à Jean VII qui, craignant sans doute. de déplaire à ce prince, lui renvoya ces Actes sans y avoir fait aucun changement et sans rien décider. Anastase, de qui nous ap. prenons ce fait, ne dit point que ce Pape ait répondu à la lettre de Justinien. Nous avons, sous le nom de Jean VII, une lettre adressée à Ethelrède, roi des Merciens, et Alfrid, roi des Déïres. Elle contient, en substance, un ordre à Berthuralde, archevêque de Cantorbéry, d'assembler un concile dans lequel saint Wilfride, archevêque d'Yorck, Bosa et Jean seraient appelés, et de terminer le différend qui régnait entre les trois évêques; ou si, après avoir ouï les parties, il ne pouvait conduire cette affaire à bonne in, de se rendre tous ensemble à Rome, pour y être jugés par un concile plus nombreux. En effet, le différend se jugea à Rome, et saint Wilfride, pleinement justifié dans cette assemblée, fut rétabli sur son siége. Mais cette lettre, datée de l'an 704, appartient plutôt au Pape précédent qu'à Jean VII. Nous n'en rendons compte ici que parce que la Collection des conciles l'a publiée sous son

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JEAN VIII, élu Pape le 14 décembre 872, était archidiacre de l'Eglise romaine, et succéda à Adrien II. Les incursions des Sarrasins, à cette époque, désolaient l'Italie. Le Pape demanda des secours contre eux à l'empereur Charles le Chauve, qui, après plusieurs délais occasionnés par la guerre que lui faisait le roi Louis II, son neveu, et les incursions des Normands, se résolut enfin à passer en Italie avec une armée. Il ren contra le Pape à Verceil, d'où ils se rendirent ensemble à Pavie, et de là à Tortone, où la reine Richilde reçut la couronne d'impératrice; mais Charles, averti d'une conspiration qui se tramait en France contre son autorité, repassa les monts, et le Pape retourna à Rome. Privé de tout espoir de ce côté, Jean Vill demanda des secours à l'empereur Basile et à Grégoire, que ce monarque avait envoyé en Italie avec une armée. Cet ollicier fit partir dix bâtiments pour surveiller les côtes voisines de Rome et les délivrer des corsaires arabes qui les infestaient. Avant de passer en Italie, l'empereur Charles le Chauve avait chargé Lambert, duc de Spolète, de conduire des secours à Rome, atin d'aider le Pape à repousser les Sarrasins; mais ce seigneur ravagea toutes les

campagnes autour de Rome, se saisit des portes de la ville, s'en rendit maître, et y commit toutes sortes de violences. Le Pape, après l'avoir excommunié, ainsi que ses complices,se mit en chemin pour passeren France, où il arriva au mois de mai 878. Il avait écrit de Gènes au Roi Louis le Bègue, fils et successeur de Charles, et aux trois fils de Louis de Germanie, pour leur donner avis de son Voyage et des persécutions que Lambert exerçait contre lui et contre l'Eglise romaine. I tint un grand concile à Troyes, y couronna Louis le Bègue, fit de vaines exhortations pour obtenir des secours de troupes, et ne trouva qu'un seul évêque qui l'accompagna à son retour en Italie. Dans sa détresse, il eut encore recours à l'empereur Basile, et pour le flatter, il écrivit des lettres favorables à Photius, qu'il résolut de reconnaître pour patriarche légitime, et qui fut, en effet, reconnu dans un concile tenu à Constantinople, au mois de novembre 879, mais auquel le Pape mit ensuite des restrictions, après s'être convaincu qu'il avait été trompé par ses légats. Une flotte envoyée en Italie par Basile remporta sur les Sarrasins des succès considérables; mais Rome ne s'en trouva pas mieux. Alors Jean VIII tourna ses vues vers Charles le Gros, auquel il promit l'empire, et qui vint effectivenient se faire couronner à Rome, le jour de Noël 881. Le Pape n'en fut pas plus heureux pour obtenir ce qu'il demandait. Il mourut le 11 décembre 882, après dix ans de pontificat.

SES LETTRES.-Les troubles qui agitèrent l'Italie et la France sous son pontificat lui donnèrent occasion d'écrire un grand nombre de lettres, soit pour obtenir des secours, soit pour remédier à divers désordres qui s'étaient introduits dans le clergé, ou pour résoudre les difficultés qu'on lui proposait. On en compte jusqu'à trois cent vingt dans le tome IX de la Collection des conciles. Nous nous contenterons seulement de marquer le sujet de quelques-unes des plus intéressantes pour l'histoire de l'Eglise.

Par la huitième lettre, il permet à Frothaire, archevêque de Bordeaux, de remplir le siége de Bourges, parce que les incursions des Normands ne lui permettaient plus de demeurer dans sa ville, et il ordonne aux autres évêques de cette province de lui obéir comme à leur métropolitain. Toutefois, il déciare que cette translation ne tirerait pas à conséquence, parce qu'elle était faite contre les règles et par des raisons particulières. Cet évêque avait demandé en 876 la même permission au concile de Ponthion, qui la luiavait refusée.-Un nommé Léontard, coupable d'homicide, avait été mis en pénitence par son évêque, et après l'avoir accomplie, avait reçu l'absolution. L'évêque Widon, c'est ainsi qu'il se nommait, lui ordonna ensuite de poursuivre des voleurs, mais avec défense de les tuer, s'il parvenait à les saisir. Léontard en prit un, lui creva les yeux, et devint ainsi cause de sa mort. L'évêque à qui il rapporta le fait en lui demandant pénitence, lui interdit la commu

nion jusqu'à sa mort, et lui défendit l'usage du vin et de la chair, excepté les fêtes et les dimanches. Il ne pouvait encore ni se couper les cheveux, ni se marier, ni converser avec les hommes, ni commander à des serfs, ni jouir de son bien et posséder aucun fief de la part d'un seigneur. Léontard, étant allé à Rome, exposa au Pape avec de grands gémissements, et la faute qu'il avait commise, et la pénitence qu'on lui avait imposée. Jean VIII écrivit à l'évêque en l'exhortant à la modération, pour ne point jeter le pénitent dans le désespoir. Néanmoins, il abandonne le tout à sa prudence et à sa discrétion. Cette lettre est la soixante-deuxième. - Averti que l'archevêque d'Embrun avait, contre la défense des canons, ordonné pour l'Eglise de Vence un autre évêque que celui qui avait été choisi par le clergé et par le peuple, et dont l'élection avait été confirmée par le roi Charles, de pieuse mémoire, le Pape lui écrivit de venir à Rome avec l'évêque ordonné et le diacre Waldène, qui se disait élu canoniquement, afin qu'il pût se prononcer sur cette affaire, après l'avoir sérieusement examinée. Cette lettre est la soixante-dixième.-Le Pape Jean VIII, à la prière de l'empereur Basile, envoya deux légats à Constantinople pour travailler au rétablis sement de la paix dans cette Eglise. Il les chargea de plusieurs lettres, tant pour ce prince que pour Michel roi des Bulgares, pour le patriarche Ignace et les évêques grecs. Ces lettres ont pour but de faire désister ce patriarche de ses prétentions sur la Bulgarie, d'engager le roi Michel à se séparer des Grecs et de les obliger à sortir de son royaume dans l'espace d'un mois, pour ne pas infester plus longtemps du venin de leurs erreurs ces peuples nouvellement convertis. Il promet aux évêques grecs et aux autres clercs, s'ils obéissent à ses ordres, de les rétablir dans les évêchés qu'ils ont possédés ou de leur en donner de vacants; dans le cas contraire, il les menace de déposition et les déclare excommuniés. Il y a une seconde lettre à l'empereur Basile dans laquelle le Pape prie ce prince de prendre ses légats sous sa protection, et d'ajouter foi à tout ce qu'ils lui diront de sa part. Ces lettres, au nombre de sept, depuis la soixante-quinzième jusqu'à la quatrevingt-unième inclusivement, sont datées du 16 avril 878. - Les lettres que Jean VIII écrivit dans l'affaire de Photius et qui amenèrent, au moins pour un instant, la réconciliation de ce patriarche intrus, ont été tellement falsifiées par la fourberie des grecs, qu'il nous est impossible d'en rendre compte ici en les lui attribuant comme à Jeur véritable auteur. Par la lettre quatrevingt-treizième, il établit l'archevêque il établit l'archevêque d'Arles, après lui avoir fait remettre le pal!ium, son vicaire apostolique dans les Gaules, avec pouvoir d'assembler des conciles et de décider en matière de foi et sur les questions de discipline, en se faisant assister au moins de douze évêques et en renvoyant les plus difficiles au Saint-Siége. Il lui recom

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mande en même temps d'empêcher les mé tropolitains de procéder à aucune ordination avant d'avoir reçu le pallium. - Lors de son voyage en France, Théodoric, archevêque de Besançon, n'était point venu témoigner au pape Jean VIII la part qu'il prenait aux persécutions que l'on exerçait contre lui. Ce pontife lui en fit des reproches, le pressa de le venir trouver et lui défendit d'ordonner aucun évêque à Lausanne jusqu'à ce qu'ils eussent conféré ensemble. Cette lettre est la cent dixième. Celles qu'il écrivit pour la restitution des biens enlevés à l'église de Poitiers et pour répondre aux plaintes d'Hincmar de Laon contre son oncle, font partie des Actes du concile de Troyes. - Consulté par les évêques de Germanie, si ceux qui avaient été tués à la guerre, en combattant contre les païens pour la religion et pour l'Etat, recevaient le repos de la vie éternelle, il répond qu'il en était ainsi, s'ils mouraient avec les sentiments de la piété chrétienne. Il rapporte l'exemple du bon larron et celui de Manassès, puis il ajoute : « Par l'intercession de saint Pierre, qui a reçu le pouvoir de lier et de délier sur la terre et dans le ciel, nous leur donnons l'absolution, autant que nous le pouvons faire, et dans nos prières nous les recommandons au Seigneur. Cette lettre est la cent quarante-quatrième. Dans la cent cinquante-cinquième, il ordonne à Auspert, archevêque de Milan, de se rendre avec ses suffragants à une assem blée qu'il avait indiquée à Rome le premier mars, pour élire un empereur à la place de Carloman, roi de Bavière, qui ne pouvait plus soutenir le poids de ses fonctions redoutables à cause de ses infirmités. Il dit que, comme il appartient au Pape et aux évêques d'Italie de consacrer l'empereur, c'est également à eux qu'il appartient de l'appeler et de le choisir.- Les deux lettres cent quatre-vingt-quatorzième et cent quatrevingt-quinzième sont en réponse à quelques doutes que Tuentar, prince de Moravie, lui avait exprimés sur la foi qu'il devait suivre. Il lui dit de s'attacher à celle de l'Eglise romaine. Son doute, selon toute apparence, venait de ce que Méthodius, son archevêque, enseignait d'autres dogmes que ceux dont il avait fait profession devant le SaintSiége; c'est pourquoi le Pape lui ordonna de se rendre à Rome pour s'expliquer sur sa doctrine. Il lui défendit jusque là de chanter la messe en langue sclavonne; voulant qu'il se conformât en cela à l'usage général de l'Eglise, qui avait adopté le grec ou le latin; toutefois il lui laisse la liberté de prêcher le peuple en sa langue. Méthodius, archevêque des Moraves, s'étant rendu à Rome suivant l'ordre qu'il en avait reçu du Pape, lui donna, en présence de plusieurs évêques, des éclaircissements sur sa doctrine et sur sa conduite. Jean VIII, voyant qu'il croyait le symbole de la foi, qu'il célébrait la messe suivant l'usage de l'Eglise romaine, qu'il suivait les traditions et qu'entin il était orthodoxe, le renvoya avec une lettre

daus laquelle il rend compte de tout ce qui s'était passé. 11 ajoutait au comte Spentapulcher, à qui cette lettre est adressée : Nous avons aussi consacré évêque de Nitrie le prêtre que vous nous avez envoyé. Nous voulons qu'il obéisse en tout à son archevêque suivant les canons, et que dans le temps convenable, vous nous envoyiez un autre prêtre ou diacre, avec le consentement de son métropolitain, afin que nous l'ordonnions de même pour quelqu'autre Eglise qu'il nous plaira d'ériger en siége épiscopal; atin qu'assisté de ces deux prélats, voire archevêque puisse en consacrer d'autres pour les lieux où ils pourront résider avec honneur. Nous voulons encore que les prêtres, les diacres et les autres clercs, qui vivent dans les terres soumises à votre obéissance, accomplissent la volonté de votre archevêque sous peine d'être chassés après une seconde monition. Nous approuvons les lettres sclavonnes inventées par le philosophe Constantin, et nous ordonnons de publier en la même langue les louanges de Jésus-Christ, puisque, selon saint Paul, toute langue est appelée à le confesser dans la gloire de Dieu le Père. Il n'est pas contraire à la foi d'employer la même langue pour célébrer la messe, lire l'Evangile et les autres Écritures de l'Ancien et du Nouveau Testament, ou chanter les autres offices. Celui qui a créé les trois langues principales, l'hébreu, le grec et le latin, a également fait toutes les autres. Néanmoins, par respect pour l'Evangile, nous voulons qu'on le lise d'abord en latin, puis en sclavon en faveur du peuple qui n'entend point le latin. » Cette lettre montre qu'après avoir entendu les raisons de Méthodius, Jean VIII avait révoqué sa défense de chanter la messe en sclavon. Informé que Grégoire, nomenclateur de l'Eglise romaine, et Grégoire, son gendre, conspiraient contre lui et l'empereur Charles, il leur indiqua un jour pour venir se défendre. Ils le promirent; mais après avoir différé sous divers prétextes, ils Sortirent de Rome avec Formose, évêque de Porto, Etienne, secondicier, Sergius, chef de la milice, et Constantin, fils du nomenclateur. On les fit chercher inutilement. Voyant qu'ils ne comparaissaient pas, le Pape fit assembler son concile, et après les formalités en usage dans ces sortes de procédures, il rendit contre eux une sentence qui portait que Formose, pour s'être elforcé par brigues de passer de son siége à un plus grand, c'est-à-dire au siége de Rome; pour avoir abandonné son diocèse, sans avoir obtenu la permission nécessaire; pour être sorti furtivement de la ville, et avoir conspiré contre le salut de l'Etat et de l'empereur, serait privé de toute communion ecclésiastique, s'il ne se présentait le 29 avril de l'an '876; qu'il serait dépouillé de tout ministère sacerdotal, s'il ne s'était pas présenté le 4 mai, et enfin qu'au 9 du même mois, son absence lui ferait encourir l'anathème, sans aucune espérance d'absolution. Tout le concile approuva cette sen

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tence. Le Pape en prononça une semblable
contre Grégoire et ses complices, en mar-
quant les crimes dont ils s'étaient rendus
coupables. En conséquence, il écrivit une
lettre circulaire à tous les évêques des
Gaules et de Germanie, pour les avertir de
ne point communiquer avec Formose et ses
fauteurs, en déclarant excommuniés ceux
qui contreviendraient à cette sentence.
Cette lettre, qui est la trois cent dix-neu-
vième fut lue dans le concile de Ponthion,
La dernière dans la collection des lettres
du Pape Jean VIII est celle qui est adressée
à Photius, patriarche de Constantinople.
Elle regarde l'addition de la particule Filio-
que au symbole, et traite d'insensés les
premiers auteurs de cette addition, qu'il
appelle un blasphème. Mais on conteste
avec raison cette lettre à Jean VIII. En effet,
quelle apparence que ce Pape, qui savait
que dans les églises des Gaules et d'Espagne
on chantait le symbole avec l'addition filio-
que, en eût taxé les auteurs d'insensés et
cette addition de blasphème, lui qui avec
toute l'Eglise d'Occident en approuvait la
doctrine, en enseignant hautement que le
Saint-Esprit procède aussi bien du Fils que
du Père. Il faut donc, ou que cette lettre ne
soit pas de Jean VIII, ou qu'elle ait été
corrompue par les Grecs, comme ils furent
convaincus dans le huitième concile d'avoir
altéré la cent quatre-vingt-dix-neuvième et
la deux centième lettre du même Pape,
qui en effet sont bien différentes dans la
version grecque et dans l'original latin.

Les lettres de Jean VIII ne se recommandent ni par la beauté ni par la noblesse du style; mais on ne peut nier qu'elles ne soient intéressantes pour l'histoire de son temps.On lui reproche de s'être beaucoup trop occupé des affaires temporelles et d'avoir prodigué les excommunications jusqu'au point de les rendre indifférentes. Mais les abus étaient si fréquents parmi le clergé de cette époque qu'il fallait bien recourir à ce remède unique, dans l'impuissance d'en apporter d'autres.

JEAN IX, qui succéda à Théodore II le 12 mars 898, était originaire de Tibur et fils d'un nommé Rampolde. Il avait fait profession de la vie monastique et exerçait les fonctions de diacre, lorsqu'on le choisit pour remplir le Saint-Siége. Il eut pour compétiteur dans cette élection le prêtre Sergius, dont le parti se trouva le plus faible, et qui fut obligé de s'enfuir en ToscaneJean IX tint plusieurs conciles, parmi lesquels on remarque celui de Rome en 899, où la mémoire du Pape Formose fut réhabilitée, et celui de Ravenne, où, en présence de l'empereur Lambert, le Pape fit déclarer excommunié quiconque s'opposerait à l'exécution des canons et des capitulaires des empereurs Charlemagne, Lothaire et Louis, touchant les décimes. Ce Pontife mourut le 26 inars de l'an 900, après un pontificat de deux ans et quinze jours. On a de lui quelques lettres, dont nous allons rendre compte.

Allervé, archevêque de Reims. - Jean IX fut consulté par Hervé, archevêque de Reims,

sur divers cas de pénitence, à l'occasion des Normands qui, après avoir ravagé la France pendant environ soixante-dix ans, s'y étaient établis et avaient embrassé la religion chrétienne. « Comment faut-il en user, demandait cet archevêque, à l'égard de ceux qui, après avoir reçu le baptême, ont continué dé vivre en païeus, persécuté les Chrétiens et les prêtres, sacrifié aux idoles et mangé des chairs immolées? Le Pape répondit que s'il s'agissait d'anciens Chrétiens, on devrait les juger suivant les canons; mais que, comme il s'agissait au contraire d'un peuple encore novice dans la foi, il ne pensait pas qu'on dût le traiter suivant toute la rigueur des règles, dans la crainte de lui rendre insupportable un joug auquel il n'était pas encore accoutumé, et de causer ainsi son retour à l'idolatrie. Pourtant il ajoutait que s'il s'en trouvait parmi eux qui voulussent se soumettre à la pénitence canonique, on ne devait pas les en dispenser. Au reste, comme le voisinage des Normands mettait Hervé plus en état qu'aucun autre de connaître les mœurs et les habitudes de ces peuples, le Pape abandonne à son jugement la décision de ces difficultés, en le faisant souvenir toutefois qu'il ne devait se proposer pour but que le salut des âmes.

A Stylien. Quoique Stylien, métropolitain de Néocésarée, eût demandé plus d'une fois à pouvoir communiquer avec ceux que Photius avait ordonnés, il n'avait pu obtenir d'autre grâce que celle d'être reçu à la communion des fidèles comme laïc. Le Pape, Jean IX s'en tint là-dessus aux décrets de ses prédécesseurs, et déclara à Stylien qu'il maintenait Ignace, Photius, Ethieune et Antoine au rang qui leur avait été assigné par ces Pontifes, et qu'il accordait la communion à ceux qui observaient cette règle. I loue l'attachement de Stylien à l'Eglise romaine, attachement tei, dit-il, que ni les tourments, ni les exils, ni les fraudes des schismatiques n'avaient pu l'en séparer.

Au clergé de Langres. Agrim avait été consacré évêque de Langres dès l'an 888 par Aurélien archevêque de Lyon, mais une partie du clergé et du peuple lui préféra Teutbolde, dont l'élection fut confirmée par le Pape Etienne V. Plus tard, Teutbolde ayant été aveuglé et chassé de son siége, le clergé et le peuple de Langres se réunirent en faveur d'Agrim. Sur l'exposé qu'ils firent à Jean IX en faveur de cet évêque, le Pape leur rendit Agrim, en déclarant toutefois qu'il ne prétendait pas réformer le jugement du Pape Etienne, mais le changer en mieux à cause de la nécessité, comme avaient fait plusieurs de ses prédécesseurs. Il écrivit en même temps à Charles le Simple pour le prier d'autoriser le rétablissement d'Agrim. Ces deux lettres sont du mois de mai 899. Nous possédons plusieurs lettres adressées à Jean IX, mais les réponses de ce Pontife ne sont pas parvenues jusqu'à nous.

JEAN X, Romain de naissance et fils d'un nommé Sergius, passa successivement des

fonctions de simple clerc à l'évêché de Bologne, puis, quelques jours après, à l'archevêché de Ravenne, et fut enfin placé sur le Saint-Siége après la mort de Landon, en 912. Son premier acte fut celui d'un soldat. Il marcha en personne contre les Sarrasins et les défit sur le mont Garillan, avec l'aide des princes de Capoue et de l'empereur Bérenger. Il termina ensuite un schisme qui s'était élevé entre les Eglises d'Orient et d'Occident relativement aux troisièmes et quatrièmes noces. Nos lecteurs comprendront aisément la réserve qui nous fait garder le silence sur les autres actions d'un Pape qui mourut vie time de ses crimes, après un pontificat de plus de quatorze ans. Nous n'avons de lui que quelques lettres qui n'offrent aucun intérêt. La plus curieuse est celle par laquelle il approuve et confirme l'élection de Hugues, fils d'Hébert comte de Vermandois, nommé archevêque de Reims à l'âge de cinq ans. On contia l'administration de l'archevêché au comte Hébert son père, et le Pape nomma Abbon, évêque de Soissons, pour exercer les fonctions pastorales. Ce fait seul sufit pour montrer quel souci il prenait de la dignité de l'Eglise et de l'honneur du clergé.

JEAN XII, dont il n'y aurait que du mal à dire sans mélange d'aucun bien, succéda au Pape Agapet II le 20 mars 956. Il était fils du patrice Albéric, et n'avait que douze ans, selon les uns, et dix-huit selon les autres au moment de son installation. Il s'appelait Octavien et est le premier Pape qui ait changé de nom; mais, dit le P. Maiubourg, il eût mieux fait de changer de mœurs et de conduite. Il ne cessa de déshonorer le Saint-Siége par toutes sortes de vices et de débauches, jusqu'à sa mort, arrivée en 96. - On a de lui une lettre qu'il remit de sa main à saint Dunstan, archevêque de Cantorbéry, lorsque celui-ci vint prendre le pallium sur l'autel de saint Pierre. Cette lettre, suivant l'usage, retraçait au saint prélat les devoirs qu'un évêque est obligé d'accomplir. Elle est datée de la douzième année de Jean XII; il faut lire la sixième, puisqu'il n'occupa le Saint-Siége que huit ans. Il publia en 959 un rescrit portant excommunication contre Isuard et ses complices qui retenaient, après les avoir usurpés par violence, les terres et les autres biens que l'abbaye de Saint-Symphorien possédait dans les diocèses d'Arles et d'Avignon. Jean XII prit soin de faire notifier celle censure aux autres évêques des Gaules.

JEAN XIII, Romain de naissance et évêque 'de Narni, succéda au Pape Léon VIII, le 2 octobre 965. Quoique d'une vie pure et de mœurs irréprochables, ses hauteurs le rendirent odieux aux Romains qui, dès le coumencement de son pontificat, l'enfermèrent dans le château Saint-Ange, puis le rele guèrent en Campanie, où il resta onze mois. L'empereur Othon passa en Italie pour venger cette injure faite à un Pape de son chois; mais les Romains, au bruit de son arrivée, se hâtèrent de rétablir Jean XIII sur le SaintSiége; ce qui n'empêcha pas le prince de

punir sévèrement les auteurs de son expulsion. Jean XIII envoya à Constantinople des nonces qui furent traités avec mépris, parce que dans ses lettres il avait appelé Nicéphore empereur des Grecs. Ce Pape mourut le 6 septembre 972, après un pontificat de sept ans environ. Baronius lui attribue l'usage du baptême des cloches, que d'autres font remonter plus haut.

Lettre à Boleslas Boleslas, duc de Bohème, fils du due du même nom, mort en 967, avait une sœur nommée Mlada qui avait consacré à Dieu sa virginité. Cette princesse fit un pèlerinage à Rome sous le pontificat de Jean XIII, dans le dessein de s'y former à la vie monastique. Le Pape la reçut avec honneur, et sur le conseil des cardinaux, lui donna la bénédiction d'abbesse afin qu'elle pût gouverner un nouveau incnastère fondé par son frère. Il change a son nom de Mlada en celui de Marie, et lui remit en même temps la règle de Saint-Benoît et le bâton pastoral. De retour à Prague, eile présenta à Boleslas une lettre du Pape conque en ces termes: « Entre autres choses, votre sœur nous a demandé notre consente ment pour l'érection d'un évêché dans vos Etats. Nous en avons rendu grâces à Dieu qui étend et glorifie son Eglise chez toutes les nations. C'est pourquoi, en vous accordant la grâce demandée, nous vous autorisons de faire élever un siége épiscopal dans l'église des Saints-Martyrs Vitus et Venceslas; et dans l'église de Saint-Georges, un monastère de religieuses bénédictines, sous la direction de notre fille, Marie, votre sœur. Toutefois, après avoir renoncé au rit des Bulgares et à l'usage de la langue sclavonne, yous prendrez pour évêque un clerc bien instruit des lettres latines, et capable de cultiver ce nouveau champ de l'Eglise. » En conséquence des ordres du Pontife, on érigea en cathédrale l'église de Saint-Vitus, et celle de Saint-Georges en abbatiale pour le monastère des religieuses. La princesse Marie en fut abbesse, et on choisit pour évêque de Prague, un prêtre instruit et éloquent nommé Ditmar.

AUTRES LETTRES.- La lettre de Jean XIII à Boleslas ne se trouve point dans les Collections de conciles, qui en contiennent quatre autres dont nous ne dirons qu'un mot. La première est aux évêques de Bretagne pour les engager à reconnaître l'archevêque de Tours pour leur métropolitain. La seconde à Edgard, roi d'Angleterre, à qui le Pape permet de chasser de l'église de Winchester les chanoines ainsi que leur prévôt, qui s'étaient rendus odieux à tout le monde à cause de leur vie scandaleuse, et de mettre à leur place des moines réguliers observateurs de la discipline. La troisième est un privilége accordé à Bérenger, évêque de Verdun, en faveur d'un monastère qu'il avait fondé dans Je voisinage de la ville, et qui porta plus tard le nom de Saint-Vannes. Il confirme dans la quatrième toutes les donations faites au monastère de Saint-Remi de Reims. Adalberon, qui était alors évêque de cette ville,

obtint du Pape un autre privilége pour le monastère de Mouzon qu'il avait fondé. L'empereur Othon ayant fait ériger en 968 l'église de Magdebourg en métropole, choisit pour remplir ce siége Adalbert, évêque de Wissembourg au diocèse de Spire. Ce prélat se rendit aussitôt à Rome pour y recevoir le pallium. Jean XIII le lui accorda par une lettre datée du 18 octobre de la même année, avec permission de retenir en même temps son abbaye de Wissembourg.

JEAN XV, Romain de naissance et fils d'un prêtre nommé Léon, fut élu Pape le 25 avril 986. Le tyran Crescentius régnait alors dans Rome, et le nouveau Pape s'était retiré dans une place de Toscane pour échapper à sa haine; mais la crainte des Allemands irrita les projets du despote, et Jean XV se rendit aux voeux du peuple, qui l'appelait dans sa capitale. Une seule affaire remplit son pontificat: c'est celle d'Arnou!, frère naturel du duc Charles de Lorraine, légitime héritier du dernier Carlovingien, que Hugues Capet avait eu soin de nommer au siége métropolitain de Reims. Arnoul trahit l'usurpateur pour son frère, et Hugues sollicitant sa déposition en cour de Rome, commença par nommer à sa place le fameux Gerbert, qui devait plus tard arriver à la tiare, sous le nom de Sylvestre II. Jean XV, prévenu par les amis du duc de Lorraine, ne voulut pas même recevoir les envoyés de Hugues Capet. Mais celui-ci fit prononeer la déposition dans un concile français qui procéda en même temps à l'intronisation de Gerbert. Le Pape cassa toutes les opérations de ce concile, et excommunia les prélats qui l'avaient tenu. Gerbert, de son côté, soutint par ses écrits les libertés de l'Eglise de France; et le roi Hugues renouvela ses tentatives auprès du Saint-Siége. Jean XV persista dans ses anathèmes, et envoya même un légat en France pour présider un nouveau concile. Cette assemblée s'ouvrit à Mouzon, le 2 juin 996. L'éloquent plaidoyer de Gerbert y fut mal soutenu par Hugues Capet, qui avait trop besoin de la cour de Rome pour la mécontenter, et l'archevêque Arnoul fut rétabli par l'autorité du SaintSiége. Ce débat ne finit point là; mais Jean XV n'en vit pas la solution, car il mourut dans les derniers jours d'avril de cette même année. Ce fut sous son pontificat que les Russes se convertirent à la religion catholique, à l'exemple de leur prince Wladimir, et que saint Udalric reçut les honneurs de la canonisation. Quelques années après son exaltation, saint Adalbert, évêque de Prague, vint le consulter sur la conduite qu'il devait tenir envers son peuple, dont l'indocilité, jointe aux plus grands excès, rendait ses instructions inutiles. Le Pape lui conseilla de quitter ce peuple rebelle plutôt que de se perdre avec lui. Le saint évêque suivit ce conseil et embrassa la profession religieuse dans un monastère de Rome. Mais en 994, Boleslas, duc de Bohême, ayant prié le Pape de le renvoyer à son évèché, Jean XV y consen

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