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n'y a que de l'avantage et nul inconvénient à le créer; que l'on a assez de connaissances sur le commerce et les forces des colonies, pour tracer un premir aperçu des lois qui pourront leur être propres, etc.

M. Blin milite encore contre la formation d'un comité et demande que l'Assemblée ne décide rien relativement à la constitution des colonies, tant que ces colonies n'auront pas exprimé légalement leurs vœux et leurs doléances.

M. Gérard, député de Rennes, ne veut point d'un comité distinct pour les colonies. Il propose d'attribuer la connaissance des affaires coloniales au comité d'agriculture et du commerce en y admettant cinq colons.

M. l'abbé Maury. Messieurs, on nous appelle aujourd'hui à nous occuper des colonies, mais on ne nous parle que des Antilles: on ne dit rien ni de Sainte-Lucie, ni de Tabago, places importantes par leur position, ni de nos possessions dans les Indes. Notre sollicitude doit s'étendre sur tous les peuples qui appartiennent à l'empire français, mais quelle doit être la constitution de nos colonies? Elle ne doit pas ètre la même que celle de la métropole.

Connaissez-vous le régime de ces climats éloignés de deux mille lieues et sur la situation politique desquels vous n'avez que des rapports contradictoires? Est-ce quand les colonies sont dans la plus grande fermentation, que vous pouvez vous occuper de leurs lois? Vous voudrez sans doute établir une constitution uniforme pour toutes les colonies d'un même climat; mais vous n'avez ici que les députés de Saint-Domingue, de la Martinique et de la Guadeloupe. Tabago, Sainte-Lucie et vos autres îles n'ont pas de représentants. Vos établissements de l'ile Bourbon et de l'Ile de France savent à peine que vous formez une constitution; d'ailleurs une grande partie des habitants propriétaires n'a pas concouru à la représentation. Si vos décrets ont accueilli les députations des villes, c'est parce que les oppositions étaient informes et illégales.

J'ai dit que la constitution des colonies ne pouvait pas être la même que celle de la métropole. Tous les peuples de l'Europe, tant anciens que modernes, ont suivi constamment ce principe. Il suffit d'ouvrir les annales des Grecs et des Romains pour s'en convaincre.

Quoi qu'il en puisse être de l'insurrection de la Martinique, qu'elle soit exagérée de trois quarts, soit mais ce quart suffit pour nous déterminer à employer tous les moyens que la sagesse nous suggerera pour donner l'ordre et la tranquillité à ce pays éloigné. A cette considération générale se joint la probabilité. Qui de nous peut calculer, à 1,500 lieues du pays, les progrès que l'erreur peut y faire et si une étincelle n'y a pas produit un incendie? Je conclus sur ce rapport à ce que le président se retire par-devers le Roi pour le prier de concerter avec l'assemblée coloniale, aux fins de maintenir dans la colonie la paix et la tranquillité.

La source du mal vient de ce que nos ministres ont voulu diriger le commerce colonial au lieu de l'encourager.

Quelles seraient donc, Messieurs, les fonctions du comité colonial dont on vous demande la création? Il ne pourrait être qu'un comité d'instruction ou de législation. Sous le premier rapport, ce comité est inutile puisque vous avez

déjà des comités propres à recevoir les lumières qu'on leur donnera et pour l'agriculture et pour le commerce. Sous le second rapport tout est à faire et ce comité n'a pas les renseignements nécessaires pour prononcer avec connaissance de cause.

Des hommes sont esclaves dans les îles; la terre même y est frappée d'esclavage, elle est condamnée à ne produire que tel ou tel fruit, au gré des agents du pouvoir exécutif; la volonté des ministres y supplée souvent les lois; nous devons réparer leurs erreurs au lieu d'y en ajouter de nouvelles.

On vous a présenté le tableau effrayant des abus que le génie de Colbert ne put parvenir à réformer; ils existent depuis ce grand homme; ils se sont propagés jusqu'à ce siècle de lumière. Croyez-vous donc en un moment pouvoir anéantir ces abus?

Quelque urgente qu'en soit la réforme, les biens de la constitution ne peuvent être balancés par la précipitation de la réforme elle-même. Tous les objets sur lesquels vous aurez à statuer sont de la dernière importance et demandent la plus mûre réflexion. Vous aurez à régler les limites de Saint-Domingue, à statuer sur l'impôt, et à peser ce qui peut convenir de notre constitution à celle de nos colonies. Tous ces objets demandent que nos colonies légalement assemblées, comme l'est probablement en ce moment l'ile de Saint-Domingue, aient exprimé par des cahiers leurs vœux et leurs doléances.

Je conclus donc qu'il n'y a pas lieu de délibérer, quant à présent, sur la formation d'un comité colonial.

M. Charles de Lameth. Je pense qu'il y a lieu de décider l'organisation du comité colonial qu'on nous propose. J'ajoute qu'il n'est pas juste de s'écarter vis-à-vis des gens de couleur des principes de liberté innés chez tous les hommes; je pense, néanmoins, qu'il n'est pas possible de faire jouir brusquement les esclaves de nos îles des bienfaits de la constitution française; il faut attendre et mûrir cette révolution, sans quoi il s'ensuivrait les plus grands maux et pour les colonies et par contre-coup pour la France.

M. le comte Stanislas de Clermont-Tonnerre. M. l'abbé Maury vient de nous dire que tout le génie de Colbert avait succombé dans la réformation des abus; l'expérience a déjà prouvé que l'Assemblée nationale pouvait entreprendre et mener à bien des entreprises dans lesquelles un seul homme avait succombé. Je conclus, en conséquence, à la formation du comité colonial.

On demande la clôture de la discussion. La clôture est mise aux voix et prononcée. Plusieurs membres réclament la question préalable sur les amendements proposés.

M. le Président dit qu'avant de mettre aux voix les amendements qui portent sur la composition du comité, il convient de décider d'abord s'il y en aura un. Il propose de poser la question en ces termes :

Y aura-t-il un comité, oui ou non ?

M. l'abbé Maury propose d'ajouter : quant à présent. Cette addition est admise.

M. le Président consulte l'Assemblée, qui

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M. Salomon de la Saugerie donne des procès-verbaux des séances d'hier et des adresses suivantes.

Adresse de la commune de la ville de SaintSever en Gascogne, contenant félicitations, remercîments, et adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale, notamment à celui concernant la disposition des Biens ecclésiastiques; elle exprime ses regrets de n'avoir pas encore reçu, comme lois constitutionnelles et irrévocables, les arrêtés du 4 août. Elle joint à son adresse un procès-verbal des officiers municipaux, qui ont arrêté une vente de bois très-considérable faite par les religieux bénédictins de la même ville, au mépris des décrets de l'Assemblée : ils ont mis sous bonne et sûre garde les arbres déjà coupés, et qui n'avaient point été enlevés.

Adresse du même genre des représentants des communes de la ville d'Audierne en Bretagne, et des paroisses d'Esquibien, Cléden, Primelin, Goulien et Plogoff, réunis en comité; ils demandent l'établissement d'un collége de marine, et d'un corps politique et administratif, sous le titre de municipalité, dans ladite ville d'Audierne.

Adresse du même genre de la commune de la ville de Reims; elle jure une attachement respectueux et inviolable au Roi et à l'Assemblée nationale.

Adresse du même genre de la ville de Bagnères, sénéchaussée de Bigorre; elle se plaint de n'avoir pas reçu tous les décrets de l'Assemblée sanctionnés par le Roi.

Adresse des religieuses de Charmes, qui réclament avec instance leur conservation.

Adresse de la ville d'Ambérieu en Bugey, qui exprime les sentiments de reconnaissance et de dévouement dont elle est pénétrée pour l'Assemblée nationale; elle demande d'être un chef-lieu de district.

Adresse de félicitations et remerciments de la ville de Libourne.

Adresse du comité permanent de la ville de

(1) Cette séance est très-incomplète au Moniteur.

Bourbon-Lancy, qui fait un don patriotique de ses boucles d'argent. 11 espère que l'Assemblée nationale voudra bien l'agréer comme un témoignage de son admiration respectueuse pour ses glorieux travaux, et de son entier dévouement pour l'exécution de ses décrets.

Délibération de la commune du Bosdarros en Béarn, contenant une adhésion formelle à tous les décrets rendus et à rendre par l'Assemblée nationale, la renonciation à tous ses priviléges particuliers, et la demande de l'établissement d'une assemblée provinciale et d'une Cour suprême dans la ville de Pau.

Adresse du même genre des habitants de la ville de Nontron en Périgord; elle demande à être le chef-lieu d'un district, et le siége d'une Justice royale.

Adresse du même genre de la ville de Carentan en Normandie; elle demande une Cour suprême.

Adresse des électeurs de la Viguerie d'Anduze en Languedoc, qui réitèrent à l'Assemblée nationale les témoignages de leur entier dévouement pour l'exécution de ses décrets; ils s'élèvent avec force contre la déclaration de la noblesse de Toulouse.

Adresse du même genre de la commune de Dijon; elle fait une peinture frappante de son extrême détresse, et supplie d'Assemblée de solliciter auprès de Sa Majesté le payement de ses rentes échues.

Adresse du même genre des officiers municipaux de la côte Saint-André en Dauphiné; ils supplient l'Assemblée de fixer un délai pendant lequel tous les fugitifs français seront tenus de rentrer dans le royaume et d'accorder à leur ville une assemblée de district et une Justice royale.

Adresse de M. Collmel de Coubt, capitaine commandant au régiment Royal-Liégeois, qui offre le travail en manuscrit de son aïeul paternel sur les domaines de la Lorraine.

Adresse du sieur Hubault, marchand confiseur à Paris, qui fait l'offre du buste du docteur Quemay, et de plus, offre à MM. les députés une diminution du quart du prix courant des marchandises de sa fàbrique pour le temps de la nouvelle année.

M. de Saint-Martin, député suppléant d'Annonay, est admis en remplacement de M. Dodde, curé de Saint-Péray, ses pouvoirs ayant été vérifiés.

On fait lecture de la lettre suivante de M. le garde des sceaux, qui annonce la sanction donnée par le Roi aux décrets de l'Assemblée, dont l'état suit.

M. le garde des sceaux s'empresse d'informer M. le président de l'Assemblée que le Roi a donné sa sanction :

1 Au décret du 16 novembre, présenté le 30 à Sa Majesté, concernant les provisions d'offices de judicature;

2o Au décret du 27 novembre, présenté au Roi le 30, et dont l'objet est de prohiber les étrennes, gratifications, vins de ville, etc., à tous les agents de l'administration, et à tous ceux qui, en chef ou en sous-ordre, exercent quelque fonction publique ;

3o Au décret du 28 novembre, présenté au Roi le 30 du même mois, et qui règle la manière d'imposer les biens des ci-devant privilégiés, pour les six derniers mois de 1789, et pour l'année 1790;

4° Au décret du 30 novembre, présenté au

Roi le premier décembre, et qui, entre autres dispositions, rappelle dans l'île de Corse tous ceux qui s'étaient expatriés sans être coupables d'aucun délit déterminé par la loi.

M. le président est prié de vouloir bien informer l'Assemblée que les décrets sanctionnés par le Roi, et tous ceux dont Sa Majesté a ordonné la publication, ont été envoyés en Corse aussi exactement qu'en aucune autre province du Royaume.

La preuve de cette vérité se trouve dans l'état ci-joint, que M. le président est prié de vouloir bien communiquer à l'Assemblée.

Signé : CHAMPION DE CICÉ, archevêque de Bordeaux.

Il a de même été rendu compte des décrets qui ont été envoyés en Corse par le ministre de ce département, savoir:

Déclaration du Roi du 27 septembre, sur les décrets de l'Assemblée nationale, qui ordonnent la libre circulation des grains, envoyée le 4 octobre, enregistrée le 26.

Loi portant réformation de quelques points de la jurisprudence criminelle, envoyée le 21 octobre, enregistrée le 13 novembre.

Loi sur le prêt à intérêt, envoyée le 21 octobre, enregistrée le 13 novembre.

Loi martiale, envoyée le 28 octobre, enregistrée le 12 novembre.

Nouvelle loi prononçant les peines qu'encourront ceux qui s'opposent à la libre circulation des grains, envoyée le 28 octobre, enregistrée le 14 novembre.

État des lois envoyées au Conseil supérieur de Corse dans le cours de novembre, et dont les accusés de réception et d'enregistrement n'ont pas encore pu parvenir en France.

Lettres patentes concernant la vacance des parlements, envoyées le 3 novembre.

Loi portant que l'émission des vœux sera suspendue, envoyée le 6 novembre.

Loi concernant l'enregistrement et publication des lois par les tribunaux, les municipalités et corps administratifs, envoyée le 13 novembre.

Loi qui porte que les suppléants seront nommés dans une assemblée générale, sans aucune distinction d'ordres, envoyée le 13 novembre.

Lettres patentes contenant la réunion des décrets de l'Assemblée antérieure au 4 novembre, envoyées le 15 novembre.

Loi concernant la déclaration à faire par les bénéficiers, des revenus et charges de leurs bénéfices, envoyée le 22 novembre.

Loi sur la saisie et confiscation des grains, en cas de contravention aux formes établies, envoyée le 1er décembre.

Loi portant qu'il sera sursis à la nomination à tous les bénéfices ecclésiastiques non cures, envoyée le 1er décembre.

Envoi des différents décrets de l'Assemblée à l'in

tendant, au commandant.

Proclamation des décrets du 4 août et des jours suivants, envoyée le 22 septembre à l'intendant, qui a accusé la réception le même jour au comte de Barrin, qui n'a pas répondu.

Arrêt qui sanctionne les décrets de l'Assemblée

sur la libre circulation des grains, envoyé le 25 septembre à l'intendant et au commandant, qui ont accusé réception.

Décret concernant l'argenterie des églises, envoyé le 4 octobre aux évêques de Corse, qui ont accusé réception.

Loi sur la réforme de la procédure criminelle, envoyée le 1er novembre à l'intendant, pour la faire parvenir aux municipalités. Il a accusé réception.

Proclamation sur un décret du 15 octobre relatif à la nomination des suppléants, envoyée le 1er novembre aux siéges royaux, qui n'ont pas répondu ;

Le même jour à l'intendant, pour faire parvenir aux municipalités.

Proclamation sur un décret qui porte que nulle convocation d'assemblée par ordres n'aura lieu dans le royaume, envoyée le 1er novembre aux siéges royaux : pas de réponse;

A l'intendant, pour faire parvenir aux municipalités.

Proclamation sur un décret qui surseoit à toute convocation de provinces et Etats, envoyée le 1er novembre aux siéges royaux: pas de réponse;

A l'intendant, pour faire remettre aux municipalités.

Lettres-patentes qui suspendent l'émission des vœux, envoyées le 7 novembre à l'intendant.

Le même jour, à la commission intermédiaire des Etats: elle n'a pas répondu.

Loi martiale envoyée le 12 novembre à l'intendant.

Le 13, au commandant.

Nouveau décret sur la libre circulation des grains, envoyé le 12 novembre à l'intendant; Le 14, à la commission intermédiaire. Lettres-patentes sur l'enregistrement et publication des lois par les tribunaux et corps administratifs, envoyées le 13 novembre à l'intendant;

Le même jour, à la commission intermédiaire. Décret sur la nomination des suppléants, envoyé le 13 novembre à l'intendant;

Le même jour, à la commission intermédiaire. Lettres patentes contenant la réunion des décrets de l'Assemblée, jusqu'au 4 novembre, envoyées le 15 novembre à l'intendant;

Le même jour, à la commission intermédiaire; Le 17 novembre au commandant.

Décret qui ordonne que les bénéficiers donneront déclaration de leurs revenus, envoyé le 22 à l'intendant;

Le même jour, à la commission intermédiaire. Décret qui ordonne qu'il sera sursis à la nomination des bénéfices non cures, envoyé le premier décembre à l'intendant;

Le même jour, à la commission intermédiaire. Décret sur la confiscation des grains et farines, envoyé le premier décembre à l'intendant et à la commission intermédiaire.

Signé : CHAMPION DE CICÉ, archevêque de Bordeaux.

M. Rocque de Saint-Pons demande la permission de s'absenter momentanément. Cette permission est accordée.

M. Hébrard, au nom du comité des rapports, demande à entretenir un instant l'Assemblée de la question des grains. Il fait une peinture touchante des misères qui règnent à Lyon, place si intéressante par sa population et ses manufactures. Des

complots sourds et affreux sont ourdis pour intercepter les grains qu'elle achète; elle est exposée à chaque instant à manquer de subsistance. Sedan, Réthel-Mazarin, Reins, se trouvent exposés aux mêmes malheurs; les uns se plaignent des accapareurs intérieurs; les autres disent qu'au mépris des décrets de l'Assemblée nationale on continue toujours d'exporter les grains de France. Telle est la facilité attachée à vos décrets, dit-il, que ceux qui devraient les soutenir sont premiers à les enfreindre; la loi martiale est confiée aux mains de ceux qu'elle devrait frapper. Le comité propose de remédier au mal par l'adoption des articles suivants :

Art. 1. Quiconque sera pris exportant ou faisant exporter des grains chez l'étranger, sera puni de mort.

Art. 2. Quiconque sera convaincu d'avoir arrêté ou fait arrêter les grains, et empêché la circulation dans l'intérieur du royaume, sera puni de peines afflictives plus ou moins grandes, suivant les circonstances.

Art. 3. Il sera fait défense à toutes municipalités et comités de prendre aucune délibération, faire aucun arrêté sur la circulation ou exportation des grains, contraires aux décrets de l'Assemblée, sous peine, contre les membres qui les auront signés, d'interdiction perpétuelle de toutes fonctions publiques ou sous plus grande peine, si leurs arrêtés avaient été suivis d'exécution.

Art. 4. Que le décret soit aussitôt porté à la sanction, et de suite envoyé à toutes les municipalités et bourgs du royaume, pour y être lu, publié, enregistré, et exécuté suivant sa forme et teneur.

L'Assemblée renvoie la discussion du décret à l'heure de deux heures.

M. Lavie, député d'Alsace, rend compte d'une délibération des communautés réunies de BelleMagny, Hecken, Slemberg, Fulkvilu, Brochomont, Bretten, Hambach-le-Haut, Hambach-le-Bas, Gaivenate et Eteimbes, qui adhèrent aux décrets de l'Assemblée nationale, offrent un don patriotique de 560 livres argent comptant, et proposent, indépendamment de leur contribution du quart de leur revenu, qu'ils regardent comme légère en comparaison de ce que leur aurait coûté l'ancienne administration, de faire, pendant trois ans, la moitié du travail des corvées en nature, gratuitement, sans diminution du prix qu'elles ont coutume de payer pour cet impôt en argent. Toutes les expressions de la délibération de ces communautés ne respirant que le plus pur patriotisme. L'Assemblée charge M. le président de leur écrire et de leur témoigner sa satisfaction.

M. de Coulmiers, abbé d'Abbecourt, demande à présenter un plan d'emprunt viager, sous la responsabilité des biens ecclésiastiques.

L'Assemblée y consent, en attendant que les commissaires chargés d'examiner les opérations de la Caisse d'escompte soient prêts à faire leur rapport.

M. de Coulmiers, député de Paris, abbé d'Abbecourt (1). Messieurs, lorsque vous avez décrété que la disposition des biens du clergé appartenait à la nation, vous n'avez eu en vue que de vous mettre à portée de corriger les abus introduits dans l'administration de ces biens, de leur

(1) Ce discours n'a pas été inséré au Moniteur.

donner une destination nationale et vraiment utile, et d'unir plus intimement ceux qui les possédaient à la grande famille de l'Etat, en leur faisant également partager avec tous leurs autres concitoyens, les charges et les impôts que pouvait exiger la prospérité de l'empire.

Vous n'avez encore que déterminé le principe qui, sagement dirigé, peut devenir fécond en heureux résultats. Permettez-moi de vous en présenter quelques développements dans un plan, incomplet, il est vrai, à bien des égards, mais qui, perfectionné par vos lumières, pourra vous faire atteindre le but que vous vous êtes proposé.

Les principales causes qui s'opposaient à ce que le clergé, avec les biens qu'il possédait, ne fut aussi utile à l'Etat qu'il pouvait l'être, étaient sans doute :

L'espèce d'isolement du reste de la nation, dans le sein de laquelle il formait un ordre distinct et privilégié ;

Les exemptions pécuniaires dont il jouissait; La distribution inégale de ses revenus parmi ses propres membres, dont une partie des plus utiles gémissait dans l'indigence;

L'inutilité de certains bénéfices qui, comblant de richesses les titulaires, ne leur imposaient cependant aucune obligation effective;

Enfin, beaucoup de maisons religieuses qui, avec de riches domaines, ne présentaient d'autre utilité que de nourrir des individus qui auraient pu concourir efficacement au bien public, et soulager leurs concitoyens d'une partie du fardeau qui les accablait.

Vous avez déjà réformé certains de ces abus.
Le clergé ne fait plus un ordre à part.

Ses membres n'ont plus de priviléges pécuniaires.

Leur contribution est égale à celle de leurs concitoyens.

La pluralité des bénéfices est défendue.

Pour achever de rétablir l'ordre parmi le clergé, il ne s'agit plus que d'abolir les bénéfices sans objet, de retrancher le superflu de ceux qui sont utiles, de porter dans les maisons religieuses une réforme telle, que leur existence devienne plus utile à l'Etat que leur destruction, et que ces nouvelles mesures procurent à la fois, et les fonds nécessaires pour doter convenablement les curés à portion congrue, un versement annuel dans le Trésor national, un secours actuel en argent, proportionné aux besoins de l'Etat, un soulagement pour les pères de famille indigents, enfin plus de zèle, plus d'activité pour les défrichements et l'agriculture.

Tels sont, Messieurs, les avantages que le plan dont je vais avoir l'honneur de vous soumettre une partie seulement me paraît présenter.

D'abord, pour doter la classe des ecclésiastiques la plus utile et la plus intéressante, il est de toute justice de lui attribuer, dans une juste proportion, une partie des revenus de celle qui n'offre ancune espèce d'utilité, et d'abolir en conséquence les titres d'abbés.

Les revenus de toutes les abbayes ont trois différentes destinations: un tiers appartient à l'abbé commendataire; un tiers, appelé tiers lot, est destiné aux frais du culte, aux aumônes, aux réparations des églises et des bâtiments, à satisfaire, en un mot, à toutes les charges de l'abbaye; l'autre tiers est réservé à la subsistance et à l'entretien des religieux.

Le tiers-lot n'appartenant ni aux abbés, ni aux religieux, peut être dès à présent, sans injustice,

attribué aux congruistes, à qui l'on donnerait des assignations sur les abbayes, jusqu'à concurrence du complément des sommes que vous avez fixées pour leurs revenus.

Le tiers, appartenant aux abbés, serait versé dans une caisse d'amortissement, après la mort des titulaires actuels; et de leur vivant, serait grevé, comme les revenus des bénéfices de tous les diocèses, d'une quote-part de répartition proportionnelle à leurs revenus, destinée à faire face aux intérêts de l'emprunt dont je vais avoir l'honneur de vous parler.

Le tiers des religieux leur resterait toujours dévolu, mais grevé de nouvelles charges qui, absorbant tout le superflu, les forceraient à la vie la plus active, et en feraient des citoyens utiles et vertueux.

Ces charges nouvelles seraient :

Les réparations des abbayes, auxquelles le tiers-lot était autrefois destiné;

L'établissement de maisons d'éducation dans lesquelles seraient élevés, nourris et entretenus les enfants des pauvres pères de famille, dont le nombre, à la charge de chaque abbaye, serait fixé par les assemblées provinciales, proportionnellement aux revenus dont elles se trouveraient jouir;

Enfin le payement des impôts auxquels leur tiers serait assujetti, comme les possessions des autres citoyens.

Pour subvenir à ces différentes charges, et se procurer encore les aisances de la vie, ils seraient forcés de mettre tous leurs biens dans la plus grande valeur, de manière qu'aiguillonnés par leur intérêt personnel, ils feraient en même temps le bien général de la nation.

Que l'on vende les biens du clergé, l'Etat perd une ressource féconde, intarissable et toujours nouvelle; les capitaux se dissiperont,et les charges dont ils sont grevés pèseront sans cesse sur la nation.

Qu'on les fasse régir, des frais énormes, des abus inévitables absorberont le plus pur du revenu, et l'on tombera dans l'inconvénient d'un double emploi très-onéreux à l'Etat, puisqu'il faudra payer à la fois et les gages des régisseurs, et les pensions des religieux supprimés, qui en auraient bien mieux rempli les fonctions.

Ajoutez à ces considérations que les religieux; devenus comme les administrateurs-fermiers dé l'Etat, consommeront tous leurs revenus sur les lieux qui les ont produits, et entretiendront ainsi dans les campagnes une féconde circulation que d'autres propriétaires ne manqueraient pas de porter et de concentrer dans l'enceinte des grandes villes, dont le luxe ne se soutient jamais qu'aux dépens des cultivateurs qu'il épuise.

Ainsi donc cette classe d'hommes, jusque-là considérée comme étrangère dans l'Etat, et sous quelques rapports en opposition avec sa prospérité, deviendrait, sous un nouveau régime, une nouvelle source abondante de richesses et de bonheur pour la patrie.

Quand il sera question des communautés religieuses, j'ai l'honneur de vous soumettre des vues détaillées sur tous ces objets. J'ose croire qu'elles seront conformes à l'amour du bien et à l'esprit de justice qui vous animent. Maintenant il s'agit de secourir l'Etat, dans le péril pressant qu'il éprouve. Pour le faire sortir de cette situation critique, il vous a été lu différents projets qui tous ont des inconvénients et des avantages. Celui que je vais avoir l'honneur de vous proposer, simple dans sa marche, présentant une

hypothèque évidemment solide, pourra déterminer plus efficacement la confiance publique. Pour réaliser ce projet, il faudrait que l'Assemblée nationale fit ouvrir un emprunt viager de 502,200,000 livres, y compris la dette du clergé, dont tous les biens seraient la garantie et l'hypothèque.

Ce capital, d'après le plan que je vais développer, produirait 28,290,600 livres d'intérêts viagers, qui seraient supportés par les différents diocèses, proportionnellement à leurs revenus, versés annuellement dans une caisse nationale.

Cet emprunt, et les rentes viagères qu'il ferait naître, subiraient les règles d'une banque patriotique par forme de tontine, dont voici le plan.

La banque patriotique serait divisée en cinq banques, de chacune 100,440,000 livres, formant un total de 502,200,000 livres de capital, dont les intérêts, quoique viagers, ne seraient en moyenne proportion qu'entre 5 et 6 0/0, et présenteraient néanmoins aux actionnaires un très-grand avantage, par la certitude des accroissements graduels que produiraient les extinctions des actionnaires au profit des survivants, et qui, avec le temps, deviendraient fort considérables.

Chaque banque serait composée de 15 classes de différents âges, depuis 1 an jusqu'à 70, divisées de 5 ans en 5 ans.

Chaque classe sera, en total, de 6,696 personnes, et sera divisée en 124 numéros, depuis 1 jusqu'à 124.

Chaque numéro comprendra 54 personnes, et il sera subdivisé par six personnes, sous différentes lettres alphabétiques.

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Ce nombre de 54 personnes, multiplié par 124, donne 6,696 personnes, qui formeront chaque classe d'une banque.

Les actions seront de 1,000 livres chacune, et il sera libre de les acquérir moitié en argent, moitié en effets, évaluées suivant le taux de l'intérêt au moment de l'établissement de la banque. La première classe serait composée d'enfants depuis 1 an jusqu'à 5.

La seconde, depuis 5 ans jusqu'à 10:
L'intérêt de ces deux classes sera de 4 0/0.
La troisième, depuis 10 ans jusqu'à 15;
La quatrième, depuis 15 ans jusqu'à 20:
L'intérêt de ces deux classes sera de 4 1/2 0/0,
La cinquième, depuis 20 ans jusqu'à 25;
La sixième, depuis 25 ans jusqu'à 30:
L'intérêt de ces deux classes sera de 5 0/0.
La septième, depuis 30 ans jusqu'à 35;
La huitième, depuis 35 jusqu'à 40:
L'intérêt de ces deux classes sera de 5 1/2 0/0.
La neuvième, depuis 40 ans jusqu'à 45;
La dixième, depuis 45 ans jusqu'à 50:
L'intérêt de ces deux classes sera de 6 0/0.
La onzième, depuis 50 ans jusqu'à 55;

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