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deux séances de la veille. Il est dit dans la séance du matin que le 8° article du comité de constitution a été rejeté à une petite majorité.

M. Martineau. Aucun des procès-verbaux antérieurs ne nous fournit pareille indication; j'en demande le retranchement parce qu'elle est une injure au Corps législatif dont la majorité plus ou moins grande doit toujours faire loi.

M. Chasseeleuf de Volney. Il est de l'intérêt de la nation et des législatures suivantes de connaître le point fixe de la valeur d'un décret; il y a donc avantage à consigner au procès-verbal le chiffre des voix qui se prononcent dans un sens ou dans un autre.

M. le Président consulte l'Assemblée qui décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la question soulevée par M. de Volney et prononce la suppression de la partie du procès-verbal attaquée par M. Martineau.

M. Anson, l'un de MM. les secrétaires du comité des finances, demande que le comité soit autorisé à faire imprimer deux rapports concernant 1° les dépenses du département de la marine; 2o les dépenses des colonies. (Voyez ces deux documents annexés à la séance.)

L'Assemblée décide que les rapports seront imprimés.

Un membre critique la manière employée jusqu'à ce jour pour recueillir les voix à l'appel nominal; après avoir fait apercevoir les inconvénients de cette méthode, il fait la motion suivante :

« Attendu que, dans la manière usitée de recueillir les voix à l'appel nominal, il existe des différences inévitables entre les résultats des secrétaires, d'où suit pour les résultats une sorte d'incertitude qui pourrait, en certains cas, rendre un appel indécis et nul, a demandé :

« Qu'il soit dorénavant procédé à l'appel par liste de noms des membres, dont chaque secrétaire aura un exemplaire sur lequel il notera le OUI ou le NON, de manière que par la confrontation de ces listes, l'on puisse reconnaître où se trouvent les différences, et, par là, obtenir le moyen de les redresser. >>

Cette motion est ajournée.

On lit ensuite plusieurs adresses de différentes villes ou provinces du royaume, exprimant leur adhésion aux décrets de l'Assemblée et dont la teneur suit :

Adresse de félicitations, remerciments et adhésion de la ville de Vatan en Berry, et de quinze communautés voisines; elles demandent l'établisement d'un siége royal dans ladite ville.

Adresse du même genre de la ville d'Yvetot en Normandie; elle déclare renoncer expressément à tous les priviléges dont jouissait, de temps immémorial, sa principauté. Elle demande la création d'un bailliage royal en remplacement de sa justice seigneuriale.

Délibération du même genre de ville de Cannes en Languedoc; elle demande une justice royale. Adresse du même genre du comité permanent de la ville de Luze; il forme des voeux pour qu'elle devienne le chef-lieu d'un district et le siége d'un bailliage royal; il annonce qu'il a pris les mesures les plus actives pour arrêter les dévastations inappreciables qui se commettaient dans les bois du chapitre de cette ville.'

Adresse du même genre de la ville de Calvinet en Auvergne; elle demande la conservation de son siége royal.

Adresse du même genre de la ville de Castres en Languedoc; elle adhère notamment au décret concernant la contribution patriotique, et demande d'être le chef-lieu d'un département.

Adresse du même genre de la municipalité et comité de la ville de Saint-Maixent en Poitou; ils demandent la conservation de deux monastéres de religieux Bénédictins et Bénédictines établis dans cette ville, qui sont de la plus grande utilité.

Adresse du même genre de la ville d'Albi en Languedoc; elle déclare qu'elle improuve toute délibération prise ou à prendre, tendante à affaiblir le respect du aux décrets de l'Assemblée nationale, où à en éluder l'exécution.

Adresse du même genre de la ville de Quimper en Bretagne; elle se glorifie à juste titre d'être la première ville du royaume qui le 13 novembre 1788, ait offert à l'Etat un don patriotique, et qui, le 2 octobre dernier, ait donné l'exemple de faire hommage à la nation de ses boucles, et de ses bijoux en or et argent; elle se flatte encore d'avoir vu dans son sein les premiers gentilshommes bretons joindre leurs offres patriotiques à celles de la commune, et se déclarer ouvertement pour les décrets de l'Assemblée nationale; elle espère qu'elle voudra bien lui témoigner son approbation.

Adresse du même genre de la ville de Falaise en Normandie.

Adresse de la garde nationale de Strasbourg, qui s'empresse de détruire les soupçons qu'on a voulu jeter dans un libelle sur son patriotisme et son dévouement absolu pour l'exécution des déerets de l'Assemblée nationale.

Adresse des officiers du bataillon de chasseurs royaux de Dauphiné, en garnison à Romans, qui, considérant que d'après le mémoire sur la constitution militaire il pourrait être supposé que l'officier aurait sollicité une augmentation de traitement, assurent à l'Assemblée, qu'en désirant que le sort de leurs braves soldats soit amélioré, ils n'ont rien sollicité pour le leur, et qu'ils se font gloire d'être toujours guidés par le même désintéressement dont s'honoraient les officiers français sur les remparts de Prague (et dans les plaines de l'Allemagne.

Adresse de la ville d'Eauze, sénéchaussée de Lectoure, qui adhère avec une respectueuse reconnaissance à tous les décrets de l'Assemblée nationale, et demande une justice royale.

Délibération de la communauté de Châteauneuf d'Isère en Dauphiné, qui jure d'être inviolablement attachée à la constitution française, et adhère à tous les décrets de l'Assemblée nationale, notamment à celui de la contribution patriotique, quoique la rigueur du dernier hiver ait causé la mortalité des arbres dans son arrondissement; elle désapprouve formellement toute assemblée de la province qui ne serait pas légalement convoquée, et proteste contre ce qui pourrait y être fait de contraire au désir du Roi et de l'Assemblée nationale.

Adresse des officiers municipaux de la ville de Nangis, tendant à obtenir une assemblée de district, placée dans le département de Provins, et que Provins soit le chef-lieu du département.

Adresse du définiteur général de l'ordre de la Trinité, et de deux religieux, qui offrent à l'Assemblée nationale tous les biens du monastère de Montpellier, qu'ils évaluent à 100,000 livres, s'en rapportant à la justice de l'Assemblée nationale pour pourvoir à leur subsistance.

Adresse de 35 curés du diocèse de Mâcon, qui

adhèrent avec reconnaissance aux décrets de l'Assemblée nationale, et notamment à celui concernant la disposition des biens ecclésiastiques; ils assurent que leur empressement sera toujours sans bornes lorsqu'il s'agira d'inspirer à leurs paroissiens la plus entière confiance, le plus parfait dévouement et la plus grande vénération pour la sagesse des lois qui émanent de l'Assemblée.

Délibération des habitants de la ville et banlieue de Carcassonne en Languedoc, assemblés en conseil général, contenant leur renouvellement d'adhésion à tous les décrets de l'Assemblée nationale, leur engagement à les faire exécuter, et leur déclaration qu'ils regardent comme ennemis du bien public, traîtres au Roi et à la nation, tous ceux qui s'élèvent contre la validité de ses décrets.

Adresse de la ville de Montréal, du diocèse de Carcassonne en Languedoc, du même genre; elle demande d'être autorisée à mettre à exécution une ordonnance de l'intendant de la province, pour procurer des armes à sa garde nationale.

Délibération prise par le district de la place aux Clercs et Saunière de la ville de Valence, lequel, pénétré du plus profond respect et du plus inviolable attachement à la personne du Roi et à l'Assemblée nationale, a fait célébrer, le 22 du mois dernier, une messe solennelle pour demander à Dieu la conservation des jours précieux de Sa Majesté, celle des députés et la prospérité de l'Etat, et a arrêté qu'il serait célébré une pareille messe tous les dimanches et fêtes pendant la session actuelle.

Adresse de la ville et municipalité du Mur-deBarrez en Rouergue, portant adhésion à tous décrets pris et à prendre par l'Assemblée, et dénonciation des corps religieux et bénéficiers qui dévastent les bois de leurs bénéfices et maisons, et jusqu'aux arbres fruitiers; demandent que leur municipalité et toutes celles des environs soient autorisées à faire arrêter les arbres coupés, planches et mairrain.

M. Chassebeuf de Volney, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture d'une adresse de la ville de Nantes qui est ainsi conçue :

« C'est avec autant de surprise que d'indignation, que la ville de Nantes a appris que la Chambre des vacations du parlement de Bretagne a poussé la témérité jusqu'au point de méconnaître l'autorité de l'Assemblée nationale et celle du Roi, en refusant d'enregistrer le décret sanctionné par Sa Majesté, qui ordonne à cette cour de prolonger

ses vacances.

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Des magistrats, qui par état sont établis pour faire respecter les lois, en seront donc les premiers transgresseurs? Ils donneront donc aux peuples qu'ils devraient guider l'exemple d'une désobéissance aussi étrange que dangereuse? N'auraient-elles donc, ces cours de judicature, réclamé les anciens Etats généraux que dans la coupable espérance que cette Assemblée consacrerait d'anciens priviléges, extorqués dans des siècles où l'on insultait à la dignité de l'homme? auraient-elles formé la prétention inouïe d'élever au sein de la nation, un tribunal supérieur à la nation même ? Non, non, cette nation aussi brave qu'éclairée s'est ressaisie de ses antiques droits; et son contrat social, depuis si longtemps égaré, vient de se retrouver sous les débris de l'édifice féodal.

C'est à l'Assemblée nationale que nous devons le plus précieux de tous les biens, la liberté. C'est

à ses pénibles travaux, c'est à ses lumières bienfaisantes, c'est à son courage inébranlable, c'est enfin à son union avec le meilleur des rois, que l'empire français est redevable de son salut.

<< Que tout bon Français s'empresse de se rallier à cette auguste Assemblée; qu'il repousse avec cette énergie naturelle aux hommes libres les nouveaux efforts du despotisme aristocratique ; que les ennemis publics sachent donc que, s'il est malheureusement trop facile de prolonger l'esclavage d'un peuple, il est impossible de l'enchaîner de nouveau lorsqu'une fois il a brisé ses fers et qu'il s'est placé courageusement au rang des nations libres. L'homme qui s'est élevé à la hauteur de la liberté périra plutôt que d'en descendre.

<< Ils ne sont plus, ces temps désastreux d'un régime oppresseur pour les Bretons; nous ne verrons plus cette classe privilégiée tirer une ligne de démarcation humiliante entre elle et la nation. Non, nous ne verrons plus un homme enorgueilli du hasard de sa naissance se présenter hardiment pour être juge et, sans autre privilége que ses titres et sa fortune, prétendre avoir le droit exclusif de posséder les premières places de magistrature de la province, tandis que le mérite modeste et plébéien frappait inutilement à la porte du sanctuaire des lois. Vos vrais tuteurs, ô Bretons, ne seront plus ceux que leur noblesse et leur or ont placés sur les fleurs de lys, mais ceux que vous choisirez librement dans vos assemblées, sans distinction d'ordres et de classes : alors on verra l'homme, dans quelque état qu'il soit né, recevoir de vos mains impartiales la récompense de ses vertus et le prix de ses talents. Alors, alors seulement vous aurez vraiment une patrie, et vous pourrez être fiers d'être Français. Si, contre tout espoir, le parlement de Bretagne persistait dans son insubordination, la ville de Nantes se croirait obligée de ne plus le reconnaître et demanderait à l'Assemblée nationale, et au Roi provisoirement, le droit de juger en dernier ressort pour tous les tribunaux royaux de la province.

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« La ville de Nantes se hâte d'offrir un nouvel hommage de sa reconnaissance aux représentants de la nation, et une nouvelle protestation de sa soumission à ses décrets. Elle désavoue hautement la démarche incendiaire du parlement de Bretagne, et fait le serment d'employer tout ce que ses généreux habitants ont de fortune et de courage, pour maintenir les décrets de l'Assemblée nationale.

« Fait et arrêté en l'hôtel de ville de Nantes, le 29 novembre 1789, le bureau municipal et le comité permanent y séant.

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:

Signé DE KERVEGAN, maire; J. LEGRIS aîné, échevin; F. RORIER, échevin; VARSAVAUX DE CHEULÉE, député suppléant, échevin; DUBERN, échevin; COMET, échevin; DUVAL DROUIN DE PARÇAY; J. CHAMEAULIN; BRIDON; F. PINEAU; FOULLOIS; FOURMY père; DUPERRIER DE LA RIVAUDIÈRE ; TH. LAMBERT; GUILLOT; COUSTARD DE MASSY; J. GUESDON; J. LE CADRE; CARREAU; DELAHAYE; BELLIER jeune: GUYVOIS FRUCHARD; DELCATAUD; ROCHE CANTIN; FELLONNEAU; LAENNEC, D. M.; CLAVIER; JULIEN LE ROUX; G. CALLON père; GÉDOIN; LE BAS, chevalier de SaintLouis, lieutenant de maréchaussée; VAUDEZ; P.-F. Delaville; PussuI. »>

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On demande l'impression de cette adresse et son insertion à la suite du procès-verbal. L'impression est ordonnée.

M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angely) observe qu'il serait important de savoir si ce parlement, postérieurement à cette adresse, a transcrit sur ses registres le décret dont il s'agit : il propose de charger le président de s'en informer et d'en rendre compte à l'Assemblée.

Cette proposition est accueillie et l'Assemblée décrète :

« Que M. le président se retirera par devers le Roi pour s'informer si le parlement de Rennes a transcrit sur ses registres le décret de l'Assemblée nationale, concernant la prorogation des vacances de tous les parlements de France. »

Il est donné lecture d'une adresse et don patriotique des officiers de la garde nationale de Strasbourg qui offrent à la patrie le sacrifice de leurs boucles d'argent.

L'Assemblée nationale prend relativement à cet offre le décret suivant :

« L'Assemblée nationale reçoit avec satisfaction les témoignages de patriotisme des officiers de la garde nationale strasbourgeoise consignés dans leur arrêté du 29 novembre dernier, et les autorise, suivant leur demande, à porter à la Monnaie de Strasbourg les boucles d'argent dont ils font l'offrande, à la charge de remettre le produit de la fonte dans la caisse de la contribution patriotique, et d'en envoyer l'état aux trésoriers de l'Assemblée. »

M. le Président fait donner lecture de deux lettres de M. le garde des sceaux.

La première annonce qu'on a scellé les lettres patentes du Roi, relatives aux décrets de l'Assemblée nationale, en date du 2 de ce mois, sur l'existence provisoire des différentes municipalités en exercice, jusqu'à ce que la nouvelle et future organisation soit définitivement décrétée. Une expédition scellée des lettres patentes est jointe à la lettre pour être déposé dans les archives de l'Assemblée.

La seconde lettre concerne les réclamations que le duc régnant des Deux-Ponts a fait parvenir au ministre des affaires étrangères sur ses droits seigneuriaux supprimés par les arrêtés des 4 août et jours suivants.

L'Assemblée renvoie cette affaire au comité féodal.

M. le Président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur les nouveaux articles proposés par le comité de constitution concernant les élections et l'organisation des municipalités.

M. Target, membre du comité, donne lecture des articles suivants :

Art. 9. Ceux qui seront employés à la levée des impositions indirectes, tant qu'elles subsisteront, ne pourront être en même temps membres des administrations de département ou de district.

Cet article est adopté sans discussion.

Art. 10. Ceux qui occupent un office de judicature ne pourront être en même temps membres des directoires de département ou de district. »

M. Madier de Monjau. Une pareille disposition ne peut être proposée; vous ne pouvez dire aux électeurs: Vous ne choisirez pas un administrateur parmi tels et tels individus. Ce serait violer la liberté des citoyens.

On confond toujours les magistrats des cours souveraines avec les magistrats des cours inférieures ceux-ci ont à peine par semaine trois séances et trois rapports; il leur restera un temps assez considérable à donner aux fonctions dont ils seront chargés. D'ailleurs, soutenus par leur zèle pour la chose publique, ils trouveraient toujours assez de force pour remplir à la fois ces différentes fonctions. Présenter cette étrange objection, c'est mettre en parallèle l'homme de génie qui sait vaincre les difficultés, et l'homme ordinaire qu'elles rebutent. Il faudrait, pour être conséquent, exclure également les pasteurs de l'Eglise, les notaires, les greffiers, etc.

On a prétendu que l'exclusion des magistrats avait pour objet de les honorer, en ne les exposant pas au hasard des élections; mais est-ce un honneur que d'être privé de la confiance de ses concitoyens?... L'avilissement amène la nécessité des grandes récompenses.

Je demande que l'exclusion soit rejetée, ou du moins bornée aux magistrats des cours supérieures.

M. Lanjuinais combat cette opinion. Il établit que la raison, l'intérêt particulier et l'intérêt public rendent les places des municipalités et les offices de judicature d'une incompatibilité insurmontable.

L'article 10 est adopté à une très-grande majorité.

M. Target propose l'article suivant :

« Art. 11. Les maires et autres membres des corps municipaux, ainsi que les procureurs de la commune et leurs substituts, ne pourront exercer en même temps les fonctions municipales et celles de la garde nationale. »>

M. Couppé. Je propose d'exclure de la garde nationale les officiers de judicature.

Cet amendement est ajourné jusqu'à la loi d'organisation des milices nationales.

Quelques membres demandent que le comité explique la portée de l'article en discussion.

M. Target. Le titre de soldat citoyen deviendra bientôt le plus beau titre de la société. Les officiers municipaux ayant le droit de requérir les milices nationales, ne peuvent tout à la fois ordonner et obéir; il faut donc qu'ils soient exclus de fonctions aussi incompatibles de leur nature, jusqu'à ce qu'ils rentrent dans la foule des citoyens actifs.

L'article 11 est décrété.

« Art. 12. Les électeurs seront choisis par les assemblées primaires, à la pluralité relative des suffrages en un seul scrutin de liste, double du nombre des électeurs qu'il faudra nommer. »

M. le comte de Mirabeau expose les inconvénients du scrutin de liste double; il préfère le scrutin individuel, et appuie cette opinion sur des calculs, desquels il conclut qu'il est impossible qu'une élection exprime le veu de la pluralité si un électeur ne nomme pas un nombre égal à celui des personnes à élire.

Il propose les articles suivants :

1o La nomination des membres des. assemblées municipales est administratives se fera par la voie du scrutin et par listes, sur lesquelles on inscrira autant d'éligibles qu'il y aura de places à remplir;

20 Ceux qui auront réuni la pluralité absolue,

c'est-à-dire un nombre supérieur à la moitié de la totalité des électeurs, seront élus;

30 Si, par une première opération, l'élection, n'est pas complète, on dressera des listes des noms de ceux qui auront le plus approché de la pluralité ces listes seront en nombre double, et ceux qui auront réuni le plus de suffrages seront élus;

4° Toute liste qui n'aura pas le nombre égal sera nulle;

5 En cas d'égalité de suffrages, la préférence sera accordée à celui qui sera, ou aura été marié, ou à celui qui aura le plus d'enfants. Si les concurrents réunissent également ces deux conditions, le plus ancien d'âge sera préféré.

M. Le duc de la Rochefoucauld. En général on peut regarder comme impossible une bonne méthode d'élection; il faudrait trouver un moyen de déterminer le nombre des éligibles; alors le cacul donnerait une bonne méthode d'élection. Il y a un moyen déjà connu et publié, c'est le scrutin préparatoire, par lequel ceux qui, au premier tour de scrutin, n'auraient pas cinq ou six suffrages, seraient exclus; il est naturel de penser que celui qui sur quatre-vingts suffrages n'en réunit pas six n'a pas un grand mérite. Cette première élimination restreindrait les éligibles à un si petit nombre, qu'un autre tour de scrutin remplirait la condition par la pluralité absolue.

Je persiste à croire que le scrutin de liste double doit subsister et qu'à l'égard du procédé des élections on peut adopter les observations de M. le comte de Mirabeau.

M. Duport. Le scrutin de liste double déjoue mieux que les autres les manoeuvres et les intrigues. Je pense, comme M. le comte de Mirabeau, qu'il est impossible avec la liste double d'avoir la pluralité absolue, mais je ne la crois nécessaire dans aucun cas. Je crois à la vérité que la méthode de M. de Mirabeau dégagerait le scrutin d'une foule déligibles qui n'auront que cinq ou six voix, mais qu'elle ne donnerait pas mieux que les autres la majorité intentionnelle des électeurs.

M. de Virieu. Je persiste à croire que le scrutin ordinaire et individuel et le plus simple comme le plus propre à obtenir le vœu véritable des électeurs.

M. Démeunier. Le scrutin individuel à été adopté pour les places de maires et autres places essentielles; mais comme pour les autres, il était indispensable de mettre un terme à la durée des scrutins, on a rédigé l'article qui est actuellement soumis à la discussion.

Plusieurs membres réclament la question préalable sur les articles proposé par M. de Mirabeau. Elle est mise aux voix et adoptée. L'article 12 du comité est décrété.

« Art. 13. Les membres des administrations de département et de district seront choisis par les électeurs, par trois scrutins de liste pareillement double; à chaque scrutin ceux qui auront la pluralité absolue seront défitinivement élus, et le nombre de ceux qui resteront à nommer au troisième scrutin sera rempli à la pluralité relative. »

L'article 13 est adopté sans discussion.

M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angely). Je

propose d'ajouter à cet article les deux conditions de préférence indiquées par M. le comte de Mirabeau et qui sont ainsi conçues :

« En cas d'égalité de suffrages entre concurrents, la préférence sera donnée à l'homme qui est ou qui a été marié, sur celui qui ne le serait pas; entre les hommes mariés, à celui qui a ou qui a eu le plus grand nombre d'enfants, ou un nombre égal d'enfants, au plus âgé. »

M. de Montlosier, tout en approuvant les motifs qui ont dicté la proposition, déclare qu'elle est mesquine, qu'elle entre dans des détails trop minutieux et il conclut à la question préalable.

M. Prieur. La demande de la question préalable est inconcevable; elle ne doit être réclamée ni sur un point de constitution, ni sur une loi morale. L'âge est une considération intéressante, mais il faut convenir que le père de famille mérite une distinction dans la société. Je réclame l'adoption d'une mesure dont les Romains, dans le bel âge, nous ont donné l'exemple.

M. Target. On aurait pu accuser de mesquinerie l'édit de Louis XIV, qui n'avait que le défaut d'être appliqué dans des cas très-rares et de n'accorder qu'une mince pension; mais le droit d'administrer son pays est assez précieux pour faire l'objet d'un décret.

M. Barnave. Il serait peu honorable pour cette Assemblée d'écarter une si belle motion par la question préalable; on objecte qu'elle a trop peu d'importance dans son application et qu'elle est trop minutieuse pour la constitution; il est inconcevable d'appeler minutieuse la prérogative d'administrer sa patrie. Consacrez le principe, il deviendra fécond en l'appliquant aux magistratures, aux municipalités, aux assemblées nationales. Cette préférence des pères de famille sera d'un emploi très-utile dans la régénération publique.

M. Dillon. Je propose de compléter l'article par l'amendement qui suit :

"Lorsque l'homme marié sera séparé juridiquement de son épouse, le célibataire sera préféré. »

Cet amendement a d'abord excité les applaudissements de toute l'Assemblée, tant à cause de sa singularité, que parce qu'il touchait directement quelques membres.

M. Prieur. Il est dans les principes de l'Assemblée de rendre les fautes personnelles. Il peut arriver que le caractère d'une femme ou sa mauvaise conduite force un mari à se séparer d'elle: à coup sûr, l'intention de l'Assemblée n'est pas de punir un homme d'avoir une mauvaise femme.

Divers membres parlent pour et contre l'amen dement. L'Assemblée devient tumultueuse.

On réclame la question préalable. Elle est mise aux voix et adoptée.

On revient à l'article de M. le comte de Mirabeau.

La question préalable est mise aux voix et repoussée.

Plusieurs membres réclament l'ajournement.

M. Je Président met l'ajournement aux voix.

L'ajournement est adopté.

M. l'abbé Poulle, dont les pouvoirs ont été vérifiés, est admis en remplacement de M. Dutillet, évêque d'Orange, démissionnaire,

L'Assemblée passe à son ordre du jour de deux heures qui appelle la discussion d'une affaire pressante relative à la ville de Marseille dans laquelle la vie et la liberté de plusieurs citoyens sont intéressées.

M. Goupilleau, organe du comité des rapports. Messieurs, il s'agit du sort de plusieurs citoyens détenus depuis plusieurs mois dans les prisons et qui sont aujourd'hui sous le glaive du grand prévôt. Il s'agit aussi de faire renaître le calme et la paix dans Marseille, qui gémit dans l'anarchie et a été plusieurs fois ensanglantée. Il paraît que l'oppression est la source de tout le mal. hommes qui voient échapper de leurs mains l'autorité croient devoir tout entreprendre pour la retenir.

La mésintelligence commença le 15 mars et prit naissance du droit que s'arrogea la municipalité de conférer dans un conseil privé le grade d'officier de la milice bourgeoise à des hommes de son choix sans la participation des citoyens. Cette nouvelle troupe avait été substituée à l'ancienne, dont les citoyens étaient contents. Cette conduite aigrit les esprits. Il se forma des partis qui se fortifiant de plus en plus, amenèrent le 19 août une scène sanglante. Sous prétexte d'une assemblée du peuple, le garde bourgeoise prit les armes, et fit feu sur des citoyens sans défense trois furent blessés, l'un d'eux même resta sur le carreau. A cette époque intervint le grand prévôt, qui prit pour assesseurs deux officiers de la garde bourgeoise.

Des listes de proscriptions parurent d'honnêtes citoyens furent appréhendés et emprisonnés. Le grand prévôt pour informer contre eux, ne se croyant point en sûreté à Marseille a jugé à propos de les faire transférer au château d'If pour les priver de toute communication et de tout conseil. Les prisonniers ne cherchent point à éluder un jugement, mais ils se plaignent de ce que l'affaire a été instruite dans un fort. Le jour même de la publication de votre décret sur la procédure criminelle qui se fit enfin à Marseille le 20 novembre, le procureur du Roi et le prévôt déboutèrent les prisonniers de leur demande en communication des pièces du procès.

Trois objets sont à considérer dans le parti que vous avez à prendre :

1o Le sort des accusés renfermés dans un fort, entourés de 6,000 baïonnettes, et poursuivis d'une manière aussi inquiétante qu'irrégulière ;

2° La tranquillité de la ville de Marseille; 3° L'exécution de vos décrets.

Je crois, dans mon opinion particulière, qu'il faut examiner si un juge qui refuse de se soumettre aux lois peut continuer d'en être l'organe.

Le comité propose de renvoyer au pouvoir exécutif, pour faire exécuter les décrets, et transférer les accusés aux prisous royales de la ville de Marseille.

M. le comte de Mirabeau. Messieurs, lorsque, dans la séance du 25 novembre, je vous demandai de faire renvoyer la procédure de Marseille à un autre prévôt, dont les assesseurs seraient pris parmi les membres de la sénéchaussée de cette ville, je me fondai sur des cir

constances qui se sont depuis lors bien aggra

vées.

Je vous disais Ce n'est pas une procédure prévôtale qu'instruit le prévôt; il a voulu rétablir tous les genres d'autorité que l'opinion publique a renversés depuis six mois; mais ce qu'il appelle autorité, je l'appelle des abus.

Je vous disais Le prévôt trompé n'a fait que suivre l'impulsion du parti qui croit que le peuple n'est rien et que les richesses sont tout. Au lieu d'être l'organe impassible de la loi, il ne s'est montré que le vengeur des anciens officiers municipaux, du parlement et de l'intendant; et une procédure uniquement dirigée vers ce but peut causer à chaque instant une commotion dangereuse.

Je vous disais Cette procédure a paru si odieuse, qu'en vain ce prévôt aurait voulu choisir des juges honnêtes pour l'assister; tous auraient redouté de remplir un ministère qui n'était plus celui de la loi. Il a nommé pour procureur du Roi et pour assesseur deux membres de la milice bourgeoise. Les décrétés les regardent comme leurs ennemis, et non pas comme des juges.

Je vous disais : La conduite du prévôt est tellement opposée à l'opinion publique, qu'il a cru devoir faire sa procédure dans une citadelle. C'est là qu'il a tenu longtemps ses prisonniers resserrés. Cette précaution ne lui suffisait même pas; il a craint encore, ou plutôt il a affecté de craindre qu'ils ne fussent pas assez en sûreté. Il les a fait renfermer dans le château d'If, il les a plongés dans les anciens cachots du despotisme, et c'est ainsi que, malgré le nouvel ordre de choses que vous avez établi, des accusés sont séparés, par un bras de mer, de leur conseil, des témoins, des juges et du public.

Je vous disais encore: Les accusés de la procédure prévôtale ont été déboutés, le 27 octobre, d'une requête en récusation, dont la justice était évidente, et que les meilleurs jurisconsultes du parlement de Provence avaient conseillée. C'est dans les anciennes formes que ce jugement a été rendu. Il est postérieur de huit jours au temps où la nouvelle loi aurait dû être exécutée. Il est donc attentatoire à votre décret, il est donc nul, et cependant cette nullité n'a pas été prononcée par votre décret du 5 novembre, quoique la procédure de Marseille en ait été le principal objet.

Enfin, Messieurs, je vous disais : Le prévôt n'exécute pas la loi, et ne veut pas l'exécuter. Je prouvais qu'il ne l'exécute pas, parce que depuis la publication qui en a été faite, et qu'il a fallu ordonner par un décret particulier, aucun acte nouveau d'instruction n'a paru dans cette procédure, auparavant si menaçante el si rapide. Je prouvais qu'il ne veut pas l'exécuter, par une lettre qu'il a écrite à la députation de Marseille. Il n'est aucun frivole prétexte qu'il n'allègue pour s'en dispenser; il ose réclamer une exception pour cette même procédure, qui seule aurait montré la nécessité de la loi, si déjà tant de malheureuses victimes des erreurs judiciaires ne l'avaient pas sollicitée.

Mais aujourd'hui tout a changé de face; ce n'est plus sur des bases incertaines que vous avez à prononcer; une pièce légale, une pièce expédiée dans une forme authentique, et légalisée par le lieutenant de Marseille, constate le refus du prévôt d'exécuter vos décrets. Les malheureux accusés demandent la communication de la procédure; votre loi leur en donne le droit; ils sont prisonniers; ils ont été interrogés, leur

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