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« Mais il est une propriété mille fois plus chère à notre cœur: la seule idée de nous en voir dépouiller nous remplit d'effroi, et d'une amertume profonde. Ce bien si précieux pour nous, et pour lequel nous avons sacrifié tout le reste, c'est notre état: et qu'avons-nous fait pour mériter de le perdre ? Qu'il nous soit défendu de nous donner des successeurs par la profession religieuse, c'est à nous d'obéir, et non de discuter si cette loi est sage et utile. Mais pourquoi nous forcerait-on de sortir de notre retraite ? Pourquoi nous réduirait-on à l'impuissance de remplir nos saints engagement?

Vous travaillez, Nosseigneurs, avec un courage et une persévérance qui étonnent l'Europe, à rétablir à consolider, à rendre pour jamais inviolable la liberté publique et particulière; vous nous laisserez donc jouir de la nôtre; or, nous en faisons consister l'exercice et les douceurs, non à rentrer dans le siècle, non à y vivre au gré de nos désirs, mais à remplir les devoirs de notre profession, à vivre et à mourir dans l'état que nous avons embrassé sous la garantie des lois, dans un état dont la religion et la patrie avaient assuré à chacun de nous la stabilité et la durée.

En devenant religieux, nous n'avons pas cessé d'être citoyens; nous n'avons abdiqué ni les droits ni les sentiments dont cette honorable dénomination réveille l'idée : or, vous l'avez solennellement consacré ce grand principe, que tout citoyen peut faire librement ce qui ne nuit à personne; et, nous le disons avec confiance, l'existence de notre maison ne nuit en rien à la chose publique: qu'on nous y laisse donc en paix si on veut respecter ces droits éternels de l'homme auxquels l'auguste Assemblée a rendu un si éclatant hommage.

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Vous ne souffrirez donc pas, Nosseigneurs, qu'au milieu de la régénération universelle, de la joie et de la prospérité qui en doivent être le fruit, nous n'ayons pour notre part qu'une affreuse calamité, et la perte de ce que nous avons de plus cher au monde. Si, faute d'héritiers, nous ne pouvons plus nous flatter de transmettre le dépôt des observances régulières, qu'on nous permette au moins de le conserver nous-mêmes jusqu'au dernier moment, de terminer paisiblement notre carrière dans l'asile que nous avons choisi.

Mais la conservation de notre maison ne serait qu'un bienfait illusoire : que dis-je? ce serait pour elle un malheur pire que la destruction, si l'on nous forçait d'en ouvrir indifféremment les portes à ceux qui, revêtus du même habit que nous, et liés par les mêmes engagements, n'auraient ni les mêmes habitudes, ni les mêmes goûts, ni les mêmes sentiments que nous. Ce mélange forcé d'esprits hétérogènes aurait bientôt banni de notre maison l'ordre et la paix qui y règnent; le séjour en deviendrait insupportable aux gens de bien: cette déplorable association les contraindrait de désirer, de solliciter euxmêmes la suppression d'un monastère dont ils demandent aujourd'hui la conservation avec tant d'instance. Ainsi, Nosseigneurs, que vos décrets, en frappant une multitude d'établissements religieux, assez insensibles pour ne pas redouter la mort, assez aveugles peut-être pour la désirer, épargnent notre maison, puisque son existence nous est infiniment chère, et que vous n'avez pas plus la volonté que le pouvoir de faire des malheureux. Mais en la sauvant du naufrage, laissez-lui une entière liberté de remplir sa première et plus essentielle destination, qui a toujours été de recueillir de nos diverses provinces les reli

gieux qui voudraient remplir avec plus d'exactitude les devoirs qu'ils ont voués au pied des autels, et de repousser constamment ceux qui seraient ennemis de la subordination et de la régularité.

Nous sommes avec un très-profond respect,
Nosseigneurs,

Vos très-humbles et très-obéissants serviteurs : « Les religieux DOMINICAINS du noviciat général, rue du Bac.

A Paris, ce 12 novembre 1769.

F. Louis Breymand, prieur; F. Adrien Le Roy, sous-prieur, maître des novices; F. Thomas Jacob, prêtre et procureur de la maison; F. Jean-Joseph Giraud, prétre ; F. Jean-Pierre Lacombe, prêtre; F. Pierre Lizanet, prétre; F. Bernard Lambert, prétre; F. Claude Motet, préire; F. ClaudeAntoine de Lisle, prétre; F. Pierre-François Janneney, prétre; F. Dominique Debar, pretre; F. François Mercier, prétre; F. Nicolas Giraud, pretre; F. Jacques Debadts, prêtre; F. Vendelin Baar, prétre; F. Dominique Bielhi. prêtre; F. Antoine Chayrou, prêtre; F. Jean-François Chabert, prêtre; F. Thielbaud Baour, prêtre; F. Martin Bonnefoux, prêtre; F. Louis Lafon, novice; F. Jean Chalot, novice; F. Antoine Albert, novice; F. Jacques Bollotte, novice; F. Jean-Baptiste Denys, novice; F. Pierre Chauvigné, novice; F. Jean Pipon, novice; F. Michel Bardoul, novice; F. François-Nicolas Mossay, novice; F. Jacques Plaigers, novice; F. Ferdinand Faffet, novice. »

(Voy., annexé à la séance, le MÉMOIRE DES DoMINICAINS SUR LE PROJET DE DÉTRUIRE LES ORDRES RELIGIEUX.)

M. Gillet de la Jacqueminière, au nom de la section du comité d'agriculture et du commerce, chargée par l'Assemblée nationale de l'examen de la réclamation des députés de SaintDomingue, relative à l'approvisionnement de l'ile, annonce qu'il est prêt à faire le rapport de cette affaire, mais que l'importance de la question, la longueur indispensable du rapport et des annexes qui le complètent, réclameront un temps assez long pour la lecture.

L'Assemblée décide que le rapport sera imprimé et distribué avant d'être lu. (Voy. le rapport annexé à la séance.)

M. Thouret annonce que, son élection à la présidence ayant laissé une vacance parmi les secrétaires, il a dû être procédé à un scrutin pour compléter le bureau. M. de Lachèze, ayant réuni le plus de voix dans ce scrutin, est proclamé secrétaire de l'Assemblée.

M. Simon de Maibelle, député de Douai, donne sa démission; elle est acceptée.

M. Wartel, député de Lille, demande un passeport illimité ou offre sa démission; l'Assemblée accepte la démission.

M. Guiraudez de Saint-Mezard, archiprétre de Laverdin, député d'Auch, offre également sa démission. L'Assemblée, consultée par M. le président, refuse de l'accepter, parce que M. Guiraudez n'a pas de suppléant nommé.

M. le Président. J'invite MM. les députés de la généralité de Tours à s'assembler pour travailler à la division de leur province en départe

ments.

L'Assemblée reprend la suite de son ordre du jour, concernant la division nouvelle du royaume dans l'ordre des questions proposées par le comité de constitution.

M. Bouche. Je demande : 1° une division moins compliquée que celle du comité; 2° que les députés des provinces, qui tous n'ont pas été consultés, soient entendus avant de prendre une décision; 3° que le droit des provinces de faire des observations et de donner des instructions soit réservé.

M. Mougins de Roquefort. Je m'élève contre cette motion. Nous sommes députés des Français en général et non des provinces en particulier. Nous devons rechercher avant tout le bien général, qui ne peut être formé que du bonheur de tous.

M. Gassendi, curé de Barras. Je suis député de la même province que M. Bouche et je remplis mon devoir en m'opposant à ce que sa motion soit adoptée.

M. le Président consulte l'Assemblée qui décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion.

M. Rabaud de Saint-Etienne (1). Voici quel est l'état du travail du comité de constitution sur la nouvelle division du royaume. Il y a déjà 40 départements d'établis : 5 en Bretagne, 6 en Normandie, 6 en Languedoc, 3 en Provence, etc. MM. les députés des provinces intérieures communiquent chaque jour leurs observations et dans peu de temps on pourra décréter les 80 départements ou environ. Le ministre de la guerre a bien voulu nous ouvrir ses bureaux; il nous a donné des cartes et deux ingénieurs habiles; nous nous faisons aider d'un géographe très-capable pour hâter cette grande opération à laquelle, toutefois, nous apportons une extrême prudence.

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tion que vous donnez à la France, laquelle ne peut se maintenir que par sa supériorité à tous les moyens de résistance, par une harmonie durable entre toutes les parties de l'empire.

Vous avez donc désiré une nouvelle division territoriale du royaume, pour distribuer plus également tous les poids dans la balance de la puissance publique.

Tel est le véritable but auquel vous devez tendre diminuer les grandes masses, renforcer les petites, supprimer toutes les différences de régime, anéantir les prétentions exclusives; lorsque ces conditions essentielles seront remplies, votre division sera bonne; toutes les sous-divisions, toutes les bases de représentation lui seront applicables; l'esprit de corps, l'esprit de province ne sera plus à craindre; vous en aurez détruit ce qu'il faut en détruire: mais un système qui tendrait à l'effacer complétement, s'il n'était dangereux, serait au moins d'une impossible exécution; car l'esprit de province considéré sous le rapport des habitudes, du sol, du climat, des coutumes, des mœurs locales, du genre d'industrie et de culture, cet esprit se compose d'une multitude de combinaisons qui échappent à l'autorité de la législation, et qu'elle doit même respecter.

Deux plans ont occupé principalement votre attention: l'un présente une idée vaste dans ses détails et plaît à l'imagination comme un tableau d'une belle composition; l'autre, en conservant des formes anciennes, semble s'unir plus facilement aux innovations.

Tous les deux, défendus avec une grande supériorité de talents, ne me laisseraient rien à dire, si j'adoptais complétement celui du comité ou celui de M. de Mirabeau; mais je vous dois compte des motifs qui me déterminent pour une opinion rapprochée de celle de M. Pison du Galand.

Je pense, Messieurs, qu'en reconstruisant un édifice avec de vieux matériaux, on est obligé de conserver quelque chose des anciennes dimensions et il serait peut-être plus facile d'opérer subitement une grande réforme dans nos mœurs, que d'attaquer partiellement toutes les grandes habitudes d'un grand peuple.

Je suppose que les lois somptuaires vous parussent nécessaires au maintien de la liberté et pussent se concilier avec le commerce, l'industrie et la situation politique de la France.

Je dis que la privation des jouissances du luxe et de l'opulence, rappelant dans tous les esprits de grandes pensées, un grand intérêt moral et politique, nous soumettrait sans commotions à ce nouvel ordre de choses.

Mais ordonner dans toutes les parties de l'empire un véritable déplacement, sans que le peuple soit frappé de sa nécessité; attaquer à la fois l'amour-propre, les relations, les intérêts locaux des villes, bourgs et villages, c'est exciter un grand mouvement, sans qu'il puisse en résulter ni de grands, ni d'utiles effets.

Ainsi, Messieurs, multiplier dans une même province les assemblées d'élection et d'administration, au lieu de les réunir en en seul corps d'Etat, et soumettre l'organisation à des règles fixes et proportionnelles au territoire, à la population, à la contribution, c'est une opération vraiment utile au peuple de ces provinces, à l'universalité de l'empire. Mais multiplier inutilement les fractions, lorsque l'objet essentiel est d'obtenir des quantités égales, changer absolument dans tout le royaume le régime municipal, en

composant, par la création des communes, une municipalité de plusieurs, en enrégimentant pour ainsi dire des villes, bourgs et villages, qui avaient une existence propre et indépendante de toute autre municipalité, cette innovation sera pour toute la France une contrariété, une disconvenance sensible, sans aucun avantage apparent; car s'il est utile d'établir un point central pour des intérêts communs d'un même district, d'un même département, la police et la gestion des affaires locales d'une ville et d'un bourg y doivent être abandonnées à leurs propres officiers, et c'est là ce qui constitue le régime municipal qu'il s'agit aujourd'hui de rendre universel et uniforme mais non de circonscrire dans des lieux privilégiés.

Ce régime était celui des Gaules avant et depuis la conquête des Romains: il fut détruit par l'invasion des Francs; mais l'affranchissement des communes fut pour nous la seconde époque du gouvernement municipal; et ce n'est que dans le dernier siècle, après la prise de la Rochelle, que ce privilége, commun à toutes les villes et bourgs du royaume, fut anéanti dans plusieurs, et altéré dans tous.

Jusqu'alors, chaque communauté avait ses représentants qui élisaient leurs officiers, et composaient le conseil municipal, chargé de la police, des recettes et dépenses locales, sous l'autorité et l'inspection du Roi. Voilà ce qu'il est question de rétablir; et lorsqu'on retrouve dans la simplicité primitive des municipalités, le mode le plus raisonnable d'organisation, il me semble qu'on peut s'abstenir de toute innovation, telle que celle qui transporte dans un chef-lieu le régime de plusieurs. Il me semble que c'est diviser les citoyens au lieu de les réunir. C'est imprimer un grand mouvement aux petites affaires et mettre une trop grande somme d'intérêts particuliers en compromis avec l'intérêt public.

Je n'adopte donc ni la division de la France en 80 départements, ni celles des départements en

en

communes et cantons. J'emploie contre le plan du comité les objections de M. de Mirabeau, qu'il est inutile de répéter, et, contre le sien sur la division de la France en 120 départements, voici mes raisons pour n'y pas déférer :

Je ne veux conserver de l'ancienne distribution du royaume, ni l'égalité des masses, ni celle des rapports entre elles; mais tout ce qui présente des proportions raisonnables en se rapprochant des formes, et même des dénominations anciennes, m'a paru admissible de préférence.

Je préfère une division qui comprenne, dans une même étendue de territoire, le ressort d'une cour de justice et celui d'une assemblée provinciale, celui d'un commandement militaire, et qui puisse s'adapter également aux bases de représentation proposées par le comité, ainsi qu'à toutes les sous-divisions de diocèses et de districts.

80 départements ni 120 ne présentent point ces avantages, et comme il existe nécessairement un premier terme invariable, qui est Paris, dont le département sera composé de 7 à 800,000 âmes, il m'a paru plus naturel d'en faire une mesure commune, qu'une exception.

Paris, par sa consistance de métropole, a déjà un assez grand avantage sur le reste du royaume, sans y ajouter celui d'une disproportion énormé entre sa force administrative et toutes les autres. Paris, comme ville, doit être la reine des cités; mais comme corps administrant, il me paraît convenable, et peut-être nécessaire, que Paris ait des pairs dans le royaume, et que les provinces ne

se trouvent point, par une distribution faite dans son enceinte, à une trop grande distance de la capitale.

Je me range ici de l'avis de ceux qui pensent que la représentation_nationale ne peut avoir de base plus solide que la population, parce qu'elle suppose ou qu'elle compense toutes les autres, et que si elle varie dans des lieux déterminés, elle reste à peu près la même dans une grande étendue de territoire, qui n'est exposée ni à la dévastation d'une armée ennemie, ni à la famine, ni à la peste. Mais si je prenais pour mesure absolue un département de 800,000 âmes, j'éprouverais presque autan. de difficultés dans les grandes divisions, que dans celles de dix-huit lieues carrées, qu'on entend subdiviser en neuf parties égales, appelées communes, opération que je crois impraticable.

En évitant donc toutes les perfections idéales, en ayant égard aux convenances et aux motifs déterminants par une utilité réelle, je trouve que, de toutes les divisions, celle qui remplit le mieux les conditions nécessaires est la distribution du royaume en quarante provinces, dont la plus petite ne pourra comprendre moins de 600,000 âmes, et la plus grande plus de 800,000.

Je trouve que chacune de ces provinces peutêtre le ressort d'un tribunal souverain, d'une assemblée provinciale, de deux départements et huit districts d'administration, de deux diocèses et de six cents paroisses.

Chaque district, étant composé de 70 à 100,000 âmes, nommerait deux ou trois députés à l'Assemblée nationale : cette latitude est nécessaire jusqu'à ce que la formation et le dénombrement de districts soient assurés.

Vous remarquez, Messieurs, que la distribution que j'ai l'honneur de vous proposer se prête à tous les établissements, à toutes les réductions qui vous paraîtront convenables. Il est très-possible que 80 diocèses et 21,000 cures suffisent à la France, mais quarante cours souveraines lui sont nécessaires pour rapprocher la justice des justiciables.

J'établis donc ainsi ma division, qui se rapproche de celle de M. Pison du Galand : elle m'a paru plus favorable pour la section des grandes provinces, et pour empêcher le morcellement des moyennes.

Je propose que le royaume soit distribué en quarante provinces, et qu'il y ait dans chacune une assemblée provinciale.

Chaque assemblée provinciale sera composée de deux départements.

Chaque département sera divisé en quatre districts.

Chaque district sera composé d'autant de municipalités indépendantes entre elles, qu'il y aura dans son arrondissement, de villes, bourgs et villages, ayant des rôles séparés d'impositions.

Les assemblées primaires se tiendront dans chaque ville, bourg et village municipal, pour nommer les représentants de la commune qui doivent former le conseil municipal.

Les assemblées d'élection pour la représentation nationale et provinciale se tiendront au chef-lieu du district, où les assemblées primaires enverront un député par cent votants.

Lesdits députés éliront des membres des assemblées provinciales à raison de treize députés par district.

Les assemblées provinciales seront ainsi composées de cent quatre membres, dont douze seront destinés à l'administration, par commis

sion, de chaque département, et trois à la correspondance de chaque district.

Si je n'adopte pas, Messieurs, les assemblées secondaires et communales, pour l'administration des districts, si je préfère des commissions intermédiaires subordonnées, c'est parce que je suis convaincu que l'ordre, l'économie, l'expĕdition des affaires, se concilient parfaitement avec une assemblée supérieure d'administration, qui prononce, qui inspecte, et des agents qui exécutent, mais qu'il n'est pas bon d'adopter, pour les détails d'exécution, une hiérarchie d'administration collective.

M. Ramel-Nogaret. J'adopte l'avis du préopinant, mais je ne puis souscrire à la division en neuf districts; deux me paraissent suffire aux besoins de l'administration.

M. Barnave. La division en neuf districts me paraît aussi trop considérable; elle donnerait naissance à un grand nombre d'administrateurs, ce qui établirait une trop grande différence entre les fruits et les frais de l'administration. On a reproché aux assemblées provinciales les dépenses considérables qu'elles entraînaient, et la nouvelle opération qu'on propose d'établir mériterait davantage encore ce reproche. Les districts de communes ou assemblées communales seraient trop grands pour des municipalités et trop petits pour des départements d'administration.

Je ne dirai rien sur les demandes relatives aux municipalités, parce qu'il ne s'agit point en ce moment de cet objet.

Je propose donc de poser ainsi les questions : 1o Les départements seront-ils divisés en districts ?

2. Les districts seront-ils au nombre de neuf dans chaque département, ou d'un nombre moindre et proportionné aux convenances locales?

M. le comte de Crillon. Une division multiple de trois sera nécessaire pour la représentation nationale, si l'on adopte trois bases, comme le propose le comité.

Je pense qu'il faudrait établir la question comme il suit :

Les districts seront-ils divisés en trois, six ou neuf départements, selon que les députés des provinces le jugeront convenable?

M. de Custine. J'adopte cet avis; mais je crois qu'il faut préalablement prononcer sur les bases de représentation.

M. Regnaud de Saint-Jean-d'Angely. Il me semble que trois districts dans chaque département rempliraient entièrement l'objet qu'on se propose.

Je regarde comme très-important que les assemblées primaires nomment des électeurs qui se réuniront aux districts, pour députer de là directement à l'Assemblée nationale; il faut avoir toujours devant les yeux le grand principe de droit naturel que les délégués n'ont pas le droit de déléguer eux-mêmes.

Les observations sur les municipalités se réduisent à une différence de mots; il faut ôter le nom de municipalité aux assemblées communales et le donner au bureau de municipalité que le comité établit dans les villages.

M. Gaultier de Biauzat. Je propose d'abord de décider s'il y aura des cantons, parce que cette

décision influera sur le nombre des assemblées de communes : il faut aussi examiner préalablement si l'on conservera des municipalités aux lieux qui en ont maintenant, et si l'on en établira dans ceux qui n'en ont pas ; j'en fais la motion formelle.

M. Pérez, député d'Auch. Les habitants de plusieurs villes et communautés qui forment de grandes municipalités par leurs agrégations à des villes, m'ont expressément engagé d'en demander la dissolution; ces habitants me chargent de réclamer pour chaque communauté et village une municipalité particulière, indépendante, chargée de la police et de l'administration. Instruits par l'expérience, ils ont conçu pour ce régime d'agrégation une aversion dont il sera difficile de les faire revenir. Si, dans l'état de servitude dont nous venons de sortir, ils se sont montrés si jaloux de l'affranchissement de cette tutelle que les villes exerçaient à leur égard, combien en seront-ils plus jaloux aujourd'hui qu'ils ont appris à connaître tout le prix de la liberté ! Je demande au surplus l'adoption des administrations de districts dont mes commettants ont reconnu l'utilité.

M. Rewbell. Il ne faut rien laisser d'arbitraire aux provinces relativement au nombre des districts; on ne sait pas quelle latitude les ennemis du bien public donneraient à cette incertitude sur les départements secondaires. Il faut établir six districts, de telle manière qu'on puisse aller et venir au chef-lieu du district dans une journée.

M. Mougins de Roquefort. Je demande que le régime municipal soit séparé du régime de district, et j'adopte pour le surplus le plan du comité.

M. de Colbert-Seignelay, évêque de Rodez. Il existe peu de contrées d'une étendue de quatre lieues carrées où il ne se trouve une habitation propre à former un chef-lieu, et où il n'existe assez de gens instruits qui, éclairés par une correspondance directe avec l'assemblée de département, ne soient en état de remplir les fonctions qui leur seraient confiées. Je regarde en conséquence l'établissement des cantons comme trèspraticable et très-utile.

Avec cette communication directe, les intermédiaires ne formeraient qu'une complication sans objet. Il faut, dans toute espèce de division politique, mettre en ligne de compte les passions des hommes et craindre les effets de l'amour de l'indépendance et du désir d'exercer quelque empire. La complication des intérêts et des volontés est contraire à l'intérêt général; rien n'est plus dangereux aux gouvernés que la discorde entre ceux qui gouvernent. Je conclus à ce qu'i! n'y ait pas d'assemblée communale entre les cantons et les départements.

M. Long expose qu'en Gascogne plusieurs communautés ont, avec les municipalités dont elles dépendent, des contestations qui sont actuellement portées au conseil.

M. le comte Mathieu de Montmorency rappelle les diverses questions présentées par les préopinants, et observe qu'en les menant toutes de front on tombe nécessairement dans un désordre qui éternise la discussion.

M. Démeunier. L'ordre du jour est réellement la division des départements en districts. On ne peut, comme le propose M. Biauzat, commencer par l'organisation des municipalités. Le comité a bien présenté des vues générales, mais point encore son plan sur leur organisation et feurs fonctions. Elles ne sont placées ni dans l'ordre représentatif, ni dans l'ordre administratif. Ce sont des tours particuliers et des familles chargées de leurs propres affaires, et qui ne peuvent relever des assemblées communales.

Il n'y a nulle difficulté à changer le nom de communes en celui de districts. L'objection sur la dépense que leur établissement occasionnerait est très-faible. Vous supprimerez dans le nouveau régime les intendants, les subdélégués, les frais de bureau, et sans doute ce sera une grande économie d'ailleurs, il s'agit sur toute chose de mettre un grand nombre de citoyens en activité pour les former aux affaires publiques. Cette considération tient de très-près au maintien de la Constitution.

Si vous n'adoptez pas le nombre de 9 districts par département, et que vous décidiez la question d'une manière indéterminée, vous préjugerez la réjection des trois bases proposées par le comité.....

Je demande qu'on aille aux voix sur l'article du comité, et que si l'on n'adopte pas la division en 9 districts, on admette celle en nombres ternaires.

M. Feraud, député de Toulon. Je crois qu'il y a nécessité à donner à chaque ville, à chaque village, des municipalités, soit à raison de la différence de leurs biens, soit parce que la ville profiterait pour son utilité particulière des fonds qui appartiendraient au village et dont il a besoin pour ses dépenses publiques.

M. Garat, l'aîné. Tout ce qui a été dit prouve surabondamment la nécessité de délibérer d'abord sur l'établissement des municipalités.

M. de Boisgelin, archevêque d'Aix. Rien n'était plus clair que la serie des questions du comité. Une confusion dans les mots a donné lieu à une confusion dans les idées. Il faut classer les diverses questions sous leurs différents rapports.

Les assemblées des électeurs ne doivent pas être établies dans les chefs-lieux des départements, d'après la nécessité de séparer des administrateurs les électeurs qui doivent les choisir. La base du territoire ne doit être appliquée qu'à la détermination des départements, et non à la formation des communes et des cantons.

Il faut confondre la base de la population avec celle de la contribution, ou bien ce serait un double emploi; ainsi l'étendue n'entrant pour rien dans la représentation, les assemblées primaires nommeront des électeurs, proportionnellement à la population, et cette même base servira à déterminer le nombre de députés. Je pense que, pour procéder avec ordre, il faut examiner successivement les questions sous les rapports de l'administration, de la représentation et des bases.

Je termine en réclamant pour ma province la conservation des municipalités.

M. le comte de Virieu. Délibérera-t-on d'abord sur les municipalités ou sur les communes, comme le propose le comité? La question à examiner ne consiste pas dans le nombre des unes ou des autres, mais dans la détermination

du degré de pouvoir et d'importance que vous donnerez aux premières. Une fois l'espèce de leurs fonctions décidée, vous pourrez plus aisément arrêter vos idées. Ainsi, les municipalités doivent être le premier objet de votre travail. Cette marche est d'autant plus nécessaire, que si les provinces méridionales craignaient d'être privées des municipalités qui existent dans chaque habitation, cette crainte pourrait donner lieu à une insurrection.

M. Muguet de Nanthou. Vous avez décidé à Versailles que vous suivriez l'ordre des questions proposées par le comité. M. Biauzat vous engagea alors à statuer sur les municipalités; vous rejetâtes cette opinion. Je demande l'exécution de ces deux décrets, et celle du règlement qui défend de représenter une proposition déjà jugée.

M. le Président. Les opinions qui viennent d'être discutées contiennent deux propositions préalables, que je vais mettre successivement aux voix.

La première a pour objet de décider, avant de s'occuper du fond de l'article, s'il y aura des municipalités dans chaque ville, bourg ou village.

L'Assemblée ainsi consultée décrète :

« Qu'il y aura municipalité dans chaque ville, bourg, paroisse ou communauté de campagne. »

M. le Président. Je consulte l'Assemblée sur la seconde question préalable ainsi conçue: S'occupera-t-on d'abord des bases de la représentation, avant de délibérer sur l'article présenté par le comité de constitution?

Cette proposition est rejetée.

On fait lecture des amendements et l'Assemblée décrète :

1° Que chaque département sera divisé en districts;

«2° Que chaque département ne sera pas divisé nécessairement en neuf districts, selon le plan du comité;

« 3° Que chaque département sera nécessairement divisé dans un nombre ternaire;

<< 4° Que le nombre des districts ne sera pas nécessairement le même pour tous les départements;

<< 5° Que le nombre des districts pour chaque département sera fixé par l'Assemblée nationale, après avoir entendu les députés de chaque province suivant la convenance et le besoin de chaque département. »

M. le Président fait lecture d'une lettre de M. le garde des sceaux, jointe à une écrite de la main de Sa Majesté. Ces lettres sont ainsi conçues:

« Le Roi a ordonné à M. le garde des sceaux d'envoyer à M. le président de l'Assemblée nationale la lettre que Sa Majesté écrit à l'Assemblée.

« En exécution de ses ordres, M. le garde des sceaux adresse à M. le président la lettre de Sa Majesté, pour qu'il veuille bien en donner connaissance à l'Assemblée.

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