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projet de décret du comité domanial, de s'exprimer trop vaguement dans le premier article proposé. Il met tous les bois indistinctement sous la sauvegarde de la nation; et, d'après les nouvelles idées dont le peuple est imbu, on pourrait bien ne pas distinguer assez les bois qui sont la propriété des particuliers, de ceux qui sont à la disposition de la nation. Je demande une distinction qui lève toute équivoque

M. Prieur. Je demande que, suivant l'ordonnance, les pauvres soient autorisés à continuer de ramasser le bois mort.

La discussion est fermée sur le fond du décret. On délibère article par article.

M. le duc de la Rochefoucauld demande qu'il y ait dans le décret une disposition particulière pour les arbres qui bordent les routes.

M. Hutteau. Les peines prononcées par l'ordonnance de 1669 ne sont pas assez sévères pour intimider les délinquants. On coupe un chêne de huit pieds de tour; on en est quitte pour 8 francs d'amende. Je demande s'il existe aucune proportion entre la peine pécuniaire prononcée en 1669 et le délit. La valeur relative de cette somme a considérablement diminué; il faut augmenter la quotité de l'amende.

M. Lepelletier de Saint-Fargeau. Il s'en faut de beaucoup que je convienne avec le préopinant que le code pénal des eaux et forêts soit trop doux. Il a toujours paru tellement sévère aux tribunaux, qu'ils n'en ont jamais éxécuté les dispositions à la rigueur. L'amendement de M. Hutteau doit être rejeté.

M. le comte de Mirabeau. J'observerai à l'Assemblée que l'on demande avec beaucoup de justesse, autour de moi, si nous voulons commencer la réforme du code pénal par les balivaux. Je remarquerai cependant qu'il n'est point de code où les peines soient plus disproportionnées au délit que celui des eaux et forêts. Un cerisier qui ne vaut pas 5 sous peut coûter mille écus à celui qui le coupe. (Un côté de la salle paraît improuver M. de Mirabeau.) Ce n'est pas une épigramme que je fais; je ne suis pas accoutumé à en mettre en délibération; que chacun en dise autant. En un mot, ce n'est pas ici le moment de réformer le code pénal.

M. Dupont (de Bigore) s'oppose à ce que la perquisition soit permise.

M. Bouche admet la perquisition pourvu qu'elle soit faite en présence d'un officier municipal.

M. le Président met enfin aux voix le projet du comité des domaines qui, après avoir subi quelques amendements, est adopté ainsi qu'il

suit :

DÉCRET.

« L'Assemblée nationale, considérant qu'il importe non-seulement à l'Etat, mais à tous les habitants du royaume, de veiller à la conservation, et de maintenir le respect dû à toutes les propriétés, et notamment à celle des bois, objet de premier besoin; avertie par l'administration des

eaux et forêts des délits multipliés qui se commettent jour et nuit par des particuliers, et même avec armes, et par attroupement, soit dans les forêts royales, soit dans les bois des ecclésiastiques, des communautés d'habitants, et de tous particuliers du royaume, ainsi que sur les arbres plantés sur les bords des chemins; justement effrayée des suites funestes que de tels délits doivent nécessairement entraîner pour la génération actuelle et pour celles à venir, par la disette des bois que des siècles peuvent à peine régénérer; a décrété et décrète,

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1° Que lesdites forêts, bois et arbres sont mis sous la sauvegarde de la nation, de la loi, du Roi, des tribunaux, des assemblées administratives, municipalités, communnes et gardes nationales, que l'Assemblée déclare expressément conservateurs desdits objets, sans préjudice des titres, droits et usages des communautés et des particuliers, ainsi que des dispositions des ordonnances sur le fait des eaux et forêts.

« 2° Défend à toutes communautés d'habitants sous prétexte de droit de propriété, d'usurpation, et de tout autre quelconque, de se mettre en possession par voie de fait d'aucun des bois, pâturages, terres vagues et vaines, dont elles n'auraient point eu la possession réelie au 4 août dernier, sauf auxdites communautés à se pourvoir par les voies de droit, contre les usurpations dont elles croiraient avoir droit de se plaindre.

• 3o Décrète que toutes coupes, dégâts, vols et délits, commis dans lesdits bois, forêts, sur les arbres des chemins et lieux publics, dans les plantations et pépinières, seront poursuivis contre les prévenus, et punis sur les coupables des peines portées par l'ordonnance des eaux et forêts, et autres lois du royaume.

« 4° Défend å toutes personnes le débit, la vente et l'achat en fraude des bois coupés en délit, sous peine, contre les vendeurs et acheteurs frauduleux, d'être poursuivis selon la rigueur des ordonnances; décrète que par les gardes des bois, maréchaussées et huissiers sur ce requis, la saisie desdits bois coupés en délit, soit faite; mais la perquisition desdits bois ne pourra l'être qu'en présence d'un officier municipal, qui ne pourra s'y refuser.

5° Enjoint au ministère public de poursuivre les délits; autorise en conséquence les maîtrises des eaux et forêts, et tous autres juges, à se faire prêter main-forte pour l'exécution de leurs ordonnances, jugements et saisies, par les municipalités, gardes nationales, et autres troupes, pour arrêter, désarmer,et repousser les délinquants dans lesdites forêts et bois, à peine, en cas de refus desdites municipalités requises, d'en répondre en leur propre et privé nom.

« 60 Autorise tous lesdits juges et municipalités à faire constituer prisonniers tous ceux qui seront trouvés en flagrant délit, tant de jour que de nuit.

« Décrète enfin que le présent décret sera présenté inscessamment à la sanction du Roi, et qu'il sera supplié de donner les ordres les plus prompts pour son exécution dans toute l'étendue du royaume; qu'à cet effet, il sera envoyé dans tous les tribunaux ordinaires, maîtrises des eaux et forêts et municipalités, et qu'il sera lu au prône de toutes les paroisses, publié et affiché dans toute l'étendue du royaume, notamment dans les lieux qui avoisinent lesdites forêts et bois.

M. Liénart, député suppléant du bailliage de Péronne, dont les pouvoirs ont été vérifiés, est

admis en remplacement de M. de Bussy, démissionnaire.

M. de Boisgelin, archevêque d'Aix, demande à s'absenter pendant quinze jours pour affaire de famille. L'Assemblée y consent.

La communauté de Montigny-les-Cherlieu, offre en don patriotique, une somme 20,000 livres, sur le produit d'une futaie de 60,000 livres dont elle a depuis longtemps demandé la vente au conseil.

M. le Président dit que les dames, femmes d'artistes, qui avaient déposé le 25 novembre dernier sur l'autel de la patrie leur offrande de la valeur de 16,000 livres réclamaient l'inscription du tribut de leur dévouement dans les procèsverbaux de l'Assemblée.

Un des commissaires chargés de la recette des dons patriotiques répond que les occupations multipliés de l'Assemblée l'ont empêché de lui en rendre compte et qu'il n'attend que le moment favorable pour réclamer, en faveur de ces dames, les justes éloges qui leur sout dus.

M. Camus observe, que pour la satisfaction des personnes que le zèle et l'amour du bien public déterminent à des sacrifices, l'Assemblée avait ordonné que la liste des dons patriotiques serait exactement imprimée et rendue publique. L'imprimeur souvent forcé par des demandes particulières ou par l'impression de différents mémoires, a depuis longtemps suspendu celle des dons patriotiques; en conséquence, l'honorable membre fait la motion de nommer deux commissaires, pour s'assurer, par les précautions convenables, de l'exactitude du service de l'Assemblée.

M. le Président ajoute que M. Baudoin, l'imprimeur, sollicite lui-même, depuis longtemps, cette surveillance.

La motion mise aux voix est adoptée.

Le rapport à faire par le comité des finances sur la ferme en Bretagne est renvoyé à demain à l'ordre du jour de deux heures.

M. Ratier de Montguion, député de Saintonge, fait une motion sur la forme de répartition des impôts des privilégiés pour les six derniers mois de 1789 et pour l'année 1790.

Votre intention est que les sommes qui proviendront de ces impositions tournent à la décharge de tous les contribuables et non du Trésor public, vons en disposerez de la même manière que vous avez disposé de celles qui proviendront de l'imposition' pour les 6 derniers mois de 1789 et vous ordonnerez qu'elles seront réparties en moins imposé sur tous les contribuables de la province ou plutôt de chaque département Cette opération simple, claire et naturelle, lève toutes les difficultés et fait que les privilégiés seront imposés pour 1790, de la même manière que pour les 6 derniers mois de 1789. L'opération de 1789 sera la base de celle à faire pour 1790, qui consistera simplement à doubler, pour 1790, la contribution à payer pour 1789. Cette nouvelle disposition facilitera la confection des rôles. Les sommes imposées pourront se lever sans délai et sans réclamation. Les malheureux jouiront de l'espoir des remises qui leur seront faites par la répartition en moins imposé et cette répartition sera un de plus

grands travaux des assemblées administratives que vous allez organiser.

Je propose le décret suivant :

« L'Assemblée nationale considérant que l'article 4 de son décret du 26 septembre contient des dispositions dont l'exécution entraînerait de grandes difficultés, consumerait un temps précieux et nécessiterait des délais incompatibles avec la situation critique des finances. « Décrète :

«1° Que en interprétant l'article 4 de son décret du 26 septembre, les ci-devant privilégiés seront imposés pour 1790, dans la même somme et les mêmes proportions que celles prescrites pour les 6 derniers mois de 1789, par l'article 2 dudit décret et par son décret du 28 novembre;

2o Que les sommes qui proviendront desdites impositions seront réparties en moins imposé sur tous les contribuables de chaque département, de même que celles qui proviendront des impositions pour les 6 derniers mois de 1789. »

Cette motion est renvoyée au comité des fi

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Si un Roi, si une nation étrangère eût commis un attentat de cette espèce en la personne d'un citoyen; s'il eût ordonné à ses archers de frapper, de tirer sur des Romains, est-ce que nous n'en demanderions pas une vengeance éclatante? Est-ce que nous ne lui déclarerions pas la guerre ? Puis-je donc croire que vous, qui avez donné un tel ordre, échappiez à la peine, et trouviez un seul coin de terre où vous réfugier ? CICERON CONTRE VERRÈS.

C'est pendant que l'auguste Assemblée de la nation est constamment et imperturbablement occupée à détruire les abus, à régénérer le royaume, à recréer, pour ainsi dire, l'homme, pour le rendre à la nature, à lui-même et au bonheur, qu'on voit encore un intendant et un

(1) Ce document n'a pas été inséré au Moniteur.

(2) Depuis longtemps cette affaire, dénoncée au comité des rapports, eût été référée à l'Assemblée nationale, si le sieur la Vingtrie n'eût intéressé plusieurs médiateurs, et n'eût encore tout récemment reçu avec transport la trop généreuse disposition du représentant de la ville de Bellême, à s'en remettre à la prudence, sagesse et impartialité de M. le comte de P... membre de l'Assemblée nationale, pour aviser aux moyens d'assurer aux habitants de Bellême l'exécution de la promesse verbale, tant de fois donnée par l'accusé, de ne jamais retourner au Perche, et de lui procurer en même temps le loisir d'aller finir sa carrière sous un ciel étranger, sans que la publicité de l'indignation d'une ville entière

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subdélégué se faire un jeu des plus cruelles injures et des plus terribles conspirations contre une ville entière. L'honneur, la liberté, la vie des autres, ne sont d'aucun prix à leurs yeux. L'intendant, par un libelle atroce, exhale tout ce que peut le délire du despotisme expirant. Le subdélégué, aveuglément soumis à son maître, s'affiche hautement l'oppresseur et l'assassin des citoyens. Tout les deux se liguent avec le lieutenant de maréchaussée du district, pour former et mettre à fin une procédure prévôtale contre l'élite des habitants de Belléme. Ils sollicitent des lettres de cachet contre ceux qu'ils n'ont pu faire périr, dans le moment même où l'empire français déclare ennemi des droits de l'homme, criminel de lèse-nation, celui qui provoque, favorise ou accueille cette espèce d'inquisition ministérielle.

FAITS.

Une disette presque générale affligeait le royaume; elle désolait particulièrement la ville et banlieue de Bellème. A peine comptait-on 40 ou 50 boisseaux de grains au marché du jeudi 10 juin dernier, lorsque la consommation commune était de 7 à 800 par semaine. Déjà l'herbe servait de nourriture à quelques malheureux, et la stérilité de la halle achevait de répandre la consternation.

Dans ce moment, passent 4 voitures chargées de grains; il en passait fréquemment, et le peupie savait que la plupart de ces grains allait à Mortagne, et de là se perdre dans les ports de Honfleur, du Havre, ou à Rouen.

On s'attend que les premiers officiers de Bellême, le maire, le lieutenant général, le subdélégué, se hâtent d'inviter les voituriers à se défaire de leur denrée; qu'ils se disputent de zèle pour nourrir le peuple. Si le lieutenant général ou le subdélégué out des intérêts opposés à ceux des citoyens, s'ils ont des intelligences criminelles, le maire, qui n'est ni l'homme du parlement, ni l'homme de l'intendant, mais l'homme de la ville, veillera pour eux A Belleme, le sieur de la Vingtrie était à la fois maire, lieutenant général civil et criminel et subdelégué; il avait acheté toutes ces charges, et leur incompatibilité l'avait rendu sourd aux cris des habitants; il dormait profondément sur leurs besoins. La prévoyance des magistrats voisins aurait au moins du le rendre

s'attachât ostensiblement à son évasion. Le sieur la Vingtrie a saisi ce moment de bienveillance, pour se dérober aux yeux de la nation, et au décret qu'elle allait rendre, en surprenant de M. le procureur général un arrêt sur requête portant attribution à la sénéchaussée du Mans, siége de la famille nombreuse et de la fortune de sa femme, de la connaissance de la même affaire contre les habitants de Bellême. La date de cet arrêt du 27 octobre, démontre qu'à l'instant ou l'accusé, en personne, excitait encore la pitié et la commisération aux comités, il saisissait récriminatoirement le parlement de Paris, et le présidial du Mans, où il espérait plus d'indulgence qu'au Châtelet, seul tribunal compétent pour juger définitivement. La ville de Bellême,accusatrice, a cru devoir, par précaution surabondante, former son opposition à l'arrêt, par défaut, et la dénoncer aux officiers du Mans, ainsi qu'au sieur la Vingtrie, qu'on sait avoir eu pendant un certain temps l'agrément d'une partie du conseil de Monsieur, pour la charge de lieutenant criminel du Mans, ce qui donne à la ville de Bellême un nouveau motif de récusation contre les juges de ce tribunal. ·

circonspect sur son indifférence meurtrière, mais ces modèles ne servaient que d'aliment à la plus criminelle inertie, à la plus indicible sécurité. Ainsi, dans un seul homme sommeillait l'édile, le préteur et le proconsul.

Abandonnée de tous ses magistrats, la ville ne s'abandonne pas elle-même. Un peuple qui voit arriver la famine, est-il coupable de prolonger son existence en arrêtant des grains destinés peut-être à l'exportation, à des ennemis, ou au moins à des hommes qui ne peuvent en avoir un plus pressant besoin?

D'abord, quelques femmes, leurs enfants dans les bras, conjurent les voituriers de vendre leur marchandise; sur leur refus, le peuple commande, il veut que les sacs soient conduits à la halle. Le sieur de la Vingtrie survient; il approuve la réclamation des habitants: il promet solennellement que les grains resteront en dépôt; mais il étudie les mouvements du peuple, qu'il voit dévorer des yeux cette manne terrestre. Il profite de ce moment de respect des maiheureux, pour inspirer aux conducteurs la liberté de vendre arbitrairement leur grain, de le porter à un si haut prix que le peuple ne puisse en acheter. Le vendeur l'estime un quart au delà du courant; le peuple en gémit, il souffre, et se console encore par l'espoir de trouver le lendemain les marchands plus humains et plus traitables.

Déjà le substitut de l'intendant écrit à Mortagne. Vingt-cinq dragons accourent à sa voix, et à la faveur de la nuit, les sacs doivent disparaître. Tout arrive commé le subdélégué l'avait projeté... Qu'on juge à présent de l'indignation du peuple.

Le 17 du même mois, 150 boisseaux sont arrêtés de nouveau au passage de la ville. Cette fois, les femmes avertissent les ouvriers de la forêt; ces gens vivent aux dépens des approvisionnements de Bellème trente ou quarante arrivent pour garder la halle pendant la nuit. Sans chef, sans ordre, confondus avec le peuple, ils n'étonnent point les habitants, on les voit même avec une sorte de satisfaction; ils conduisent au marché une voiture qu'ils trouvent à la porte du nommé Bouvier, marchand de grains, toute chargée et prète à partir pour l'étranger, ou la regarde comme appartenant au sieur la Vingtrie, ou au moins de communauté avec Bouvier, qui transportait à Mortagne, pendant les nuits, une partie du pain qui se fabriquait à Bellème. Ce particulier eut l'indiscrétion de dire publiquement au peuple, qui murmurait à la halle contre lui, que si l'on pillait ses sacs, le sieur la Vingtrie y perdrait plus que lui: effectivement plusieurs des sacs étaient marqués au nom du subdélégué, qui jura le même jour, à l'hôtel de ville, de se venger juridiquement des propos tenus par Bouvier; il prit même le nom des témoins qu'on lui indiqua, et l'on ne peut qu'applaudir à sa grande prudence de n'avoir pas tenu parole.

La prévoyance des gens de la forêt et du peuple faisait bien naître l'espoir d'avoir du pain le lendemain, mais le subdélégué ne pouvait, à bieu des égards, supporter la vue des observateurs qui dérangeaient ses plans; il n'ose cependant faire de réclamation personnelle; il calcule secrè tement une vengeance bien chère à son cœur; il voudrait ne pas se compromettre ouvertement par écrit et se ménager une excuse: voici donc le réquisitoire captieux que le sieur Dubosq, maréchal des logis de la maréchaussée de Bellème, son cousin et son ami, a dit avoir reçu de lui.

« Nous, etc.... Sur l'avis qui vient de nous être donné, et ayant vu par nous-même environ

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400 particuliers etc. (1), prions et requérons M. Dubosq de monter à cheval sur-le-champ, pour maintenir le bon ordre et dissiper cette troupe,

Ce mot dissiper s'explique de lui-même, Dans l'intention du subdélégué, c'est l'injonction d'un

massacre.

En effet, s'il n'y eût pas eu de voies de fait à commettre, il n'eut pas été besoin de réquisitoire, les maréchaussées connaissent le but de leur institution, et savent que, sans réquisitoire, elles peuvent et doivent veiller au maintien de l'ordre; mais, comme le sieur Dubosq, malgré son aveugle déférence pour son parent, avait pressenti la suite des assassinats qu'il allait exécuter, d'après l'injonction verbale qu'il avait reçue, il avait exigé❘ du subdélégué un écrit qui pui lui valoir une apparence de justification. Il crut voir d'abord dans ces mots dissiper la troupe, et son excuse et le mérite de son pardon.

Dissiper cette troupe ! Voilà la preuve écrite des projets et des ordres barbares donnés par le subdélégué de Bellème, et confirmés par la déclaration ci-après du sieur Dubosą, dont on ne peut diviser la confession. Ce dernier, devenu depuis L'objet de la censure publique, s'est rendu de son propre mouvement à une assemblée générale des babitants le 30 août dernier, où il a témoigné ses regrets, et demandé à être entendu avant qu'on passat à la discussion de la matière qui réunissait la ville. Voici la declaration qu'il y fit; elle explique l'ordre mysterieux et perfide qu'il avait eu par écrit. Elle porte que venant de recevoir son changement sur des plaintes adressées par la ville à ses superieurs, il a désiré manifester ses regrets et prier ses concitoyens de vouloir bien au moins lui laisser emporter leur estime, si les merens de justification qu'il avait à alléguer pouvaient la lui rendre.

En outre, que le 17 juin dernier, montant à cheval à la tête de sa brigade, et d'un détachement de dragons qui étaient en garnison à Bellême, presence de quelques personnes,

M. la Vinote,

lui avait egyres ment enjoint de balayer les rues

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présenterait, en lui diet de saber prudce qui se Sami Tutors ce s-gueux-là. Que le même jour, la haussée de cendue de cheval, M. la reproché de n'avoir pas tué au MOINS CING TM six personnes. » Le sieur Dubosq a Filmrazombi les rues! Sabrez-moi tout ce qui se Tues-moi tous ces gueux-là! Vous êtes : vous m'avez désobéi: pourquoi tué au moins cinq ou six? C'est de ville qui parle ainsi! Non, c'est un ae, c'est un homme accoutumé à voir reaux, des roues, des bûchers, qui se gemit de ne pas voir du sang..... mme cruel, encore ému de colère, quelques es, dit qu'il ne serait jamais content,

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vu une douzaine de citoyens de Bellême As sur la place on lui fait grâce d'un opos que les Phalaris, les Néron, les Chrisassent été jaloux qu'un petit tyran eût ... Revenons un peu sur nos pas.

Le subdélégué grossit le nombre au moins de 350 colorer son réquisitoire; il y avait au plus 40 à personnes de la forêt, toutes connues et incapables al faire; il a vraisemblablement compté pour aud'étrangers, pour autant de séditieux, pour autant #victimes dévouées à son caprice, les ouvriers de la réunis à une partie du peuple de Bellême. On verra 5 qu'il n'en faisait pas de distinction.

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L'ordre donné aux cavaliers et dragons de s'armer, de charger à balle, de monter à cheval le sabre à la main, de frapper et de tirer impitoyablement sur le peuple, n'eut pas plus tôt transpiré, qu'un citoyen s'approchant du subdélégué maire, qui était présent à la cavalcade, lui représenta à voix basse et en particulier, le danger qu'il y avait pour quinze à vingt hommes, d'attaquer tout un peuple; combien il était inquiétant pour les habitants de Bellême et de la forêt, et dangereux pour lui-même, de montrer un tel appareil, de prendre un parti aussi violent, aussi injuste, et qui devait, à la première explosion, faire perdre la tête à des malheureux dont l'objet uníque de réunion était d'avoir du pain pour leur argent.

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Le subdélégué répondit: Je m'en f...; il faut à quelque prix que ce soit, balayer de la ville les gens qui viennent d'y entrer, et le peuple qui prendra leur parti.

Cependant, cavaliers et dragons, Dubosq à leur tête, partent au galop, traversent une grande partie de la ville, cinq de front, et comme si elle venait d'être prise d'assaut. Les personnes qui sont dans les rues échappent à peine aux pieds des chevaux, en se jetant précipitamment contre les murailles ou dans les maisons.

Le même particulier qui venait de faire des représentations infructueuses au subdélégué, ne se rebute, ne se fatigue point; il prend une route abrégée, court vers la troupe qui se rangeait en bataille, se jette sans armes, et saisit la bride du cheval de celui qui se trouve en tête, le conjure d'épargner le sang, de ne faire de mal à personne, et Dubosq lui-même, qui venait de porter des coups de sabre, en criant comme un forcené : Tue! Tue! point de quartier ! impose silence à la multitude, pour que le citoyen se fasse entendre. Ce dernier ne parle que pour assurer à la troupe que les gens de la forêt et le peuple n'ont aucun mauvais dessein, qu'il vient très directement de s'en instruire; que ces infortunés, à la solde des marchands de bois de la ville, s'expliquaient hautement; qu'il serait affreux de verser du sang lorsqu'il n'y a pas d'ennemis, lorsqu'il n'y a pas de criminels, lorsque tout est peuple, et que tout le peuple est citoyen; lorsque la ville n'est alarmée que par les ordres exterminateurs du subdélégué, qui était précédemment convenu de laisser en dépôt, pour le marché du lendemain, grains arrêtés; et lorsqu'enfin le peuple assemblé ne demande que ce dernier moyen de prolonger, quelques instants de plus, sa misérable vie et celle de ses enfants.

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Le peuple s'était déjà dispersé sans s'être mis en défense, sans avoir fait les moindres menaces ou tenu les moindres propos répréhensibles, et néanmoins se rapprochait toujours, comme malgré lui, par différents côtés, des sacs de grains, dont il redoutait si naturellement l'enlèvement.

L'ardeur des cavaliers et dragons se calme, et le subdélégué n'en devient que plus furieux; il veut ranimer le courage, souvent aveugle, du soldat, et comme il venait de répondre à quelqu'un qui lui exposait la nécessité de se contenir, et qu'un homme en place ne devait jamais perdre la tête, qu'il ne se connaissait effectivement bientát plus il en donne la preuve la plus complète, en faisaut faire, à son de caisse, cette extravagante proclamation:

De la part de M. la Vingtrie, il est enjoint à

tous particuliers de cette ville, de rentrer chez eux, à peine de risquer d'être blessés.

Cet ordre, postérieur aux représentations qui venaient de rétablir la paix, annonce de nouveau que les cavaliers et dragons vont faire feu et frapper; on ne sait plus où l'on est : le subdélégué, désespéré de la nullité d'une première tentative, et de ce qu'il n'y avait pas eu de citoyens tués ou au moins mutilés, fait un second effort. L'alarme recommence et la terreur devient universelle; on veut étouffer le cri sinistre du tambour de ville, et les habitants, bien loin de rentrer chez eux, sortent en foule. Tout manifeste le péril le plus imminent, parce que la troupe est encore en ordre d'attaque. Tout le monde, saisi de la plus juste indignation contre l'auteur de tant de maux, court éploré dans les rues; les cavaliers et dragons inquiets eux-mêmes, ne voyant que des gens tranquilles, point de coupables et personne qui méritât la mort, ne méconnaissent plus leurs frères dans cette multitude livrée aux coups de fusil et au tranchant des sabres, et disparaissent. Le subdélégué eut ainsi la pleine mortification de ne pas voir au moins une demi-douzaine de cadavres (ce sont ses expressions), et ce fut alors qu'il fit les reproches les plus vifs au sieur Dubosq, de ne lui avoir pas apporté quelques têtes.

Que le sieur la Vingtrie ne répète pas, ainsi qu'il a eu l'inpudente audace de le dire une fois, qu'il n'avait donné l'ordre de tirer sur le peuple et de lui faire la chasse à coups de sabre, que pour l'intimider. On lui répondrait: 1° Vous seul portiez ombrage dans la ville, et vous seul prétextiez un trouble pour vous procurer le plaisir barbare de voir du sang; 2° il est constant et par la déclaration authentique de Dubosq, et par celle qui sera faite au besoin de la part de l'officier de dragons, pour lors à Bellême, et par deux ou trois autres personnes qui vous ont entendu, que cet abominable assassinat a été par vous ordonné purement et simplement, et sans aucun retentum; que cet ordre a été le commentaire, l'explication de votre réquisitoire, et que ceux qui ont eu cet affreux commandement à exécuter, en ont frémi d'horreur; 3° vous avez eu l'humiliation de donner pour excuse l'ordre même que vous aviez reçu du sieur Jullien, intendant, et vous avez même exhibé à une multitude de personnes, et notamment à plusieurs de MM. les députés, une lettre de cet intendant, par laquelle il vous faisait des reproches d'avoir été trop doux, lorsque vous ne regrettiez véritablement que de n'avoir pas vu couler le sang dans les rues (1).

On a vu que le subdélégué s'était réellement abouché avec l'intendant pour exterminer le peuple dès que l'occasion s'en présenterait et qu'il avait décrit la scène comme devant être fort tragique, puisque l'intendant reproche à son subdélégué d'avoir été trop doux, et qu'il trouve qu'on

(1) Il est bien pardonnable, dans une matière de la nature de celle-ci, et où l'on ne peut, sans préjudicier à ses propres intérêts, user de la modération moralement et civilement inséparable de la discussion de tous autres sujets, tremper ses pinceaux dans l'encre de l'amertume et de l'indignation, pourvu qu'on ne s'écarte pas de la vérité. Ménager ses idées, ses expressions, ses couleurs, c'est nuire à son sujet. Ombrer avec la gaze la plus légère le buste qui doit être mis au grand jour, c'est, en sens contraire, découvrir des pudités qu'on vout cacher.

n'ait pas versé de sang, quoiqu'il fût bien convaincu que ce subdélégué en était encore plus fâché que lui.

Si le subdélégué de Bellême eût réussi à faire égorger les gens de la forêt et le peuple, les sacs de grains eussent été une seconde fois enlevés de la halle. Ces 150 boisseaux d'extraordinaire, ven-. dus au marché du 18 juin, ne purent cependant aider que très-faiblement à la subsistance du jour; on se plaignit amèrement du manquant, et il ne fut plus permis de temporiser.

Tous les habitants demandent une assemblée; le maire est obligé de la convoquer; la cloche sonne, la caisse bat, on se porte en foule à l'hôtel de ville. On avait envoyé chercher deux fois le sieur la Vingtrie; le subdélégué s'y rend, comme malgré lui, sur les 4 à 5 heures du soir. On lui demande d'abord s'il vient comme maire, comme lieutenant général ou comme subdélégué: il ne rougit pas, à la face de ses concitoyens assemblés, de rejeter le titre glorieux de leur maire, pour retenir des fonctions pleines de servitude et d'oppression. Il quitte le fauteuil; un échevin le remplace, et par la délibération il est arrêté, entre autres choses, que « vu la disette des vivres (1), augmentée encore par le surcroît des bouches inutiles qu'avait inandées le subdélégué, et vu la difficulté des logements (2), il serait enjoint au détachement de dragons de se retirer à leur garnison (3), et au sieur Dubosq d'être plus circonspect, de ne plus courir les rues en foulant les citoyens aux pieds des chevaux et en les effrayant par les cris assassins qu'il avait fait entendre qu'on demanderait au ministre la permission de conduire à la balle les grains qui passeraient par la ville (4), qu'on solliciterait la

(1) La disette des grains augmentait tous les jours à Bellème, La nouvelle consommation des dragons et de leurs chevaux fut pour le sieur la Vingtrie un moyen certain de désespérer le peuple, qui se nourrissait alors avec un mélange d'orge et d'avoine. N'avait-on pas raison d'être jaloux que 50 chevaux absorbassent an aliment que l'on avait tant de peine à trouver ?

(2) Le subdélégué a fait jeter sur le pavé les meubles de 4 à 5 ménages d'une même maison, en a fait expulser les locataires, pour loger plus commodement la troupe ci-devant répartie chez le bourgeois. En vain le propriétaire réclama-t-il contre cet acte hostile; il fut menacé et il fallut céder à la toute-puissance du viceintendant.

(3) La notification du renvoi de la troupe n'a pas eu lieu; on n'inséra même cet article dans la délibération que pour calmer l'esprit du peuple, qu'on savait aigri de ce que les dragons n'avaient été mandés ni par l'hôtel de ville, ni par les officiers de police assemblés, mais seulement et sourdement par le subdélégué. On observait que les troubles n'avaient commencé qu'à l'arrivée des troupes, et qu'on pouvait aussi bien les suspecter à Beltême qu'à Versailles et à Paris.

(4) Le peuple ne croyait qu'à l'exportation à l'étranger dès qu'il voyait passer des grains qui ne s'arrêtaient pas dans la ville; et cette ferme persuasion, produite et soutenue par leur rareté et cherté excessive, le faisait aisément confondre les deux mots Circulation, Exportation.

est néanmoins certain que si tous les voituriers eussent eu des destinations claires et fixes, et non des destinations souvent verbales et vagues, le peuple de Bellême n'eût pu, sans transgresser les lois, s'opposer à la circulation; mais, sous prétexte d'approvisionnement de Mortagne et d'autres villes voisines, les accapareurs faisaient faire double voyage, double et triple charge des voitures dont on perdait la trace, lorsqu'elles échappaient aux vérifications; et c'était ce manége diabolique, combiné par tant d'agents, qui révoltait l'âme du peuple contre des papiers équivoques, informes pour la plupart. et qui, bien loin d'être d'une fidélité avouée,

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