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et j'espère qu'il ne sera pas rare de trouver des soldats dignes d'être officiers.

Les pertes de la guerre sont un malheur inséparable de ce fléau, mais celui qui a fait dignement son métier laisse toujours à ses parents un motif de consolation. Lorsqu'un régiment aura été trop fatigué, on le fera sortir de ligne : il est du devoir du pouvoir exécutif de n'être pas prodigue d'un sang que les sujets offrent si généreusement au salut de la patrie.

Le chapitre des recrues ordinaires ne me paraît pas plus embarrassant. J'ai entendu comparer l'Alsace au pays d'Auch, et j'ai seulement vu que l'Alsacien, plus paresseux ou moins industrieux, préférait le métier des armes à tout autre. Pour décider cette question, il faut éprouver quelque temps la révolution que fera dans les esprits la constitution; elle doit avoir une grande influence sur l'agriculture, sur le commerce et sur l'esprit militaire. Le pis-aller sera de recruter de préférence en Alsace, soit notre artillerie, soit nos troupes légères, dont la composition ne peut être la même que celle des troupes dites nationales; et ce moyen absorbera le superflu de population de ces cantons privilégiés par la nature.

Enfin les milices nationales, dit-on, peuvent exciter des troubles; c'est une hypothèse gratuite je ne vois à leur composition qu'un moyen d'ordre et d'équilibre, que le germe du patriotisme, l'usage habituel de l'obéissance, et le respect pour tout ce qui doit être sacré à des cœurs français.

Je propose donc que l'Assemblée décrète :

1° Que tout homme ayant droit d'électeur et en état de porter les armes sera inscrit au rôle de sa municipalité, comme garde national, et que le Roi sera supplié d'aviser aux moyens de pourvoir incessamment chaque citoyen des armes nécessaires à sa défense, sur la demande et aux frais de chaque département.

2° Que tout homme libre depuis dix-huit ans jusqu'à quarante, sera inscrit comme faisant partie de l'armée active, et destiné à repousser les efforts de l'ennemi de l'Etat; qu'en conséquence il soit incessamment proposé à l'Assemblée, par le comité, un plan d'organisation de ces milices provinciales;

3o Que les conventions et traités, faits avec les Suisses et Grisons, seront respectés; que la nation les approuve, et que le Roi sera supplié de les renouveler au besoin;

4° Que, excepté les bataillons légers, toute l'infanterie française sera divisée en régiments nationaux, dont chacun sera attaché à un, deux, ou même trois départements, et en portera le

nom;

5°Que, pour compléter les régiments nationaux, les officiers ne pourront être choisis, et les soldats recrutés que dans les départements dont le régiment portera le nom;,

6° Que la composition de la cavalerie sera renouvelée sur les mêmes principes que l'infanterie, à l'exception des régiments de chevaulégers;

7° Que les régiments nationaux, soit en cavalerie, soit en infanterie, ne pourront, en temps de paix, être en quartier à plus de trente lieues du chef-lieu de leur département;

8° Que cette base étant adoptée, le comité fixera l'emplacement de chaque corps de toutes les armes, de concert avec un député de chaque département;

9. Que le nombre des troupes, en activité, sera

fixé à 150,000 hommes au plus, compris la maison du Roi;

10° Que le sort des soldats et celui des officiers, les moyens d'avancement et de retraite seront fixés par des ordonnances primaires et constitutionnelles, d'une manière indépendante du caprice et de la légèreté des supérieurs ;

11° Que les lois militaires qui régiront l'armée, seront déterminées et arrêtées par l'Assemblée;

120 Qu'aussitôt après que le travail du Comité aura été agréé de l'Assemblée et du pouvoir exécutif, lecture en sera faite en chaque quartier, aux troupes actuellement en activité, et le serment exigé;

13° Qu'il sera demandé à chaque individu s'il désire s'incorporer au régiment du département dans lequel il est domicilié, ou s'il entend rester attaché au département dans lequel il se trouve ;

14° Que la même proposition sera faite aux officiers et bas-officiers, pour être remplacés dans le même grade, s'il y a lieu ;

15° Que les agents du pouvoir exécutif seront tenus de prendre les précautions nécessaires pour que ces changements amiables se fassent librement et sans danger pour la chose publique;

16 Enfin qu'il sera sursis à la nomination de tous les emplois militaires jusqu'après l'établissement de la nouvelle constitution;

M. le marquis d'Ambly. La constitution militaire est très-importante, il faut y réfléchir mûrement. Chacun peut faire des plans; mais il n'est pas donné à tout le monde d'en présenter qui soit convenable. J'en ai un aussi, et je l'offrirai à l'Assemblée s'il le faut.

M. le baron de Menou. Notre but doit être la conservation de la liberté. Il faut donc que l'organisation militaire ne puisse jamais fournir des moyens d'oppression.

Défendre la patrie, tel est le premier des devoirs. Quand un peuple est peu nombreux, tous doivent porter les armes; quand il l'est trop, ce devoir doit être à la fois rempli par un petit nombre. Le plus sûr moyen d'être libre consiste à avoir des armées de citoyens; la liberté demande donc la conscription militaire.

L'armée doit être, en temps de paix, de 120,000 hommes, tant infanterie que cavalerie. En temps de guerre, elle doit être portée à 200,000 hom

mes.

Tout citoyen ayant atteint l'âge de quinze ans, le Roi et l'héritier présomptif de la couronne exceptés, seront inscrits sur un registre public. On formera une milice nationale de 150,000 homines; elle se renouvellera tous les trois ans : on ne sera dispensé du service qu'à l'âge de cinquante ans.

L'armée agissante et soldée sera du nombre exprimé ci-dessus. Chaque citoyen servira pendant un temps déterminé, après lequel il sera exempt de service. S'il ne peut servir lui-même, il fournira un avoué connu et agréé de la commune de son domicile; ou bien il payera, une seule fois, une contribution qui ne pourra pas s'élever à plus de 200 livres.

Avec ce plan, on aurait des armées excellentes, quoique peu nombreuses, et qui seraient certainement les soutiens de la liberté... On éviterait les engagements immoraux, dangereux, inconstitutionnels.... Les milices étaient avilies, il faut qu'il soit avilissant d'être déchu du droit de servir la patrie... Les paysans ne craindront

plus d'avoir des enfants livrés dès leur naissance au despotisme... Les gardes nationales, ces établissements précieux auxquels nous devons en partie notre liberté, seraient assujetties à un régime calme et uniforme... La conscription militaire favorise le despotisme chez quelques peuples, parce qu'elle y est une loi du despote; elle devient la sauvegarde de la liberté lorsqu'elle est ordonnée par la nation.... Vous avez à choisir entre l'armée royale du despotisme et l'armée citoyenne de la liberté....

(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport de M. Dubois de Crancé et de l'opinion de M. de Menou.)

M. Achard de Bonvouloir (1). C'est au nom des députés du Cotentin que je viens vous soumettre quelques considérations sur la maréchaussée, et comme force nationale et comme tribunal de justice.

Nous envisageons la maréchaussée sous deux points de vue:

Premièrement, comme troupe militaire.
Secondement, comme tribunal de justice.

Sous le premier de ces rapports, toujours de piquet actuel, toujours prête à marcher, toujours présente en même temps dans tous les points, cette troupe est la première épée de la loi, confiée aux magistrat chargés de la faire respecter et exécuter. Les officiers et cavaliers de maréchaussée doivent être des citoyens vertueux, armés contre les entreprises des méchants pour la sûreté et le bonheur des gens de bien.

Quelque bonne que puisse être la constitution d'un grand empire, quelque sages que soient les Jois par lesquelles il doit être gouverné, les citoyens qui le composent ne peuvent être véritablement heureux, si ces lois restent muettes, et si elles ne sont pas mises en action par le pouvoir exécutif.

Nous considérons la maréchaussée comme l'arme la plus active que l'autorité puisse employer pour faire respecter les lois. Dans ses divisions, chacune de ses brigades nous semble un corps de garde établi à la porte de chaque citoyen pour veiller sans cesse à sa sûreté. Dans son ensemble, c'est un filet étendu par la loi sur tout le royaume, qui ne doit laisser échapper aucuns des méchants qui en troublent la paix. Nous pensons que dans ce moment surtout, où les désordres et l'anarchie inséparables d'une grande révolution, ont multiplié cette espèce malfaisante, et en ont infecté toutes les parties de l'empire; il serait à désirer que les mailles de ce filet fussent rétrécies pour laisser moins d'issues aux malfaiteurs; pour purger plus promptement, et plus efficacement les villes et les campagnes, des bandits qui les infestent. Une légère augmentation dans le nombre, et une meilleure disposition dans l'emplacement des brigades, donneraient le moyen de les placer à deux ou trois lieues de distance en tous sens les unes des autres. Se donnant pour ainsi dire la main, elles formeraient entre elles, une chaîne non interrompue, à laquelle il échapperait bien peu de délinquants; et l'espérance de l'impunité n'inviterait plus au crime.

Ce fut dans des circonstances à peu près semblables à celles où nous nous trouvons, que la maréchaussée fut établie, ou du moins que son service fût mis dans une véritable activité. Nous observons que les provinces s'étaient déjà réunies

(1) Ce discours n'a pas été inséré au Moniteur.

pour demander une augmentation de maréchaussée, avant qu'on pût prévoir combien elle deviendrait plus nécessaire L'augmentation de la troupe destinée à nous défendre de l'ennemi intérieur, est aussi nécessaire en ce moment, où il est multiplié, que celle de l'armée en temps de guerre. Si la liberté individuelle est le premier des biens, on conviendra que la troupe, qui veille sans cesse à la nôtre, est plus nécessaire encore au bonheur des individus, que celle qui doit repousser l'ennemi du dehors.

Qu'on réforme la maréchaussée actuelle, qu'on lui substitue tout autre établissement, toujours est-il certain que la police d'un grand royaume ne peut être faite sans des forces coactives, bien organisées, et l'on sera tôt ou tard obligé d'en revenir aux mêmes principes, si l'on veut obtenir les mêmes effets.

Il ne faut pas juger le corps entier de la maréchaussée d'après des exceptions particulières résultant de la conduite individuelle de quelquesuns de ses membres. Il se glisse partout des abus; mais en général on doit rendre justice au zèle, à l'activité, à l'intelligence et au patriostisme que la maréchaussée a montrés dans tous les temps, et notamment depuis la révolution.

Il est généralement reconnu qu'il n'y a point de royaume en Europe où la police soit mieux faite qu'en France; et l'on est persuadé qu'il est difficile de mieux remplir cet objet et à moindres frais, qu'avec le secours de la maréchaussée, ou de toute autre troupe organisée de la même manière.

On objectera sans doute que l'entretien de la maréchaussée est trop coûteux, et que l'on pourait faire faire son service par les milices nationales. On répond d'abord que la maréchaussée peut faire bénéficier l'Etat de plus 4 millions par an, en faisant gratis toutes les captures, conduites, translations des accusés, les procès-verbaux, perquisitions, assignations à témoins, écrous, recommandations et autres actes de la procédure criminelle, pour lesquels les huissiers et autres officiers ministériels sont payés trèschèrement. Ce bénéfice balancerait au moins la dépense de l'entretien de la maréchaussée, sur laquelle d'ailleurs nous pensons qu'il n'est peutêtre pas impossible de faire quelques économies.

Le projet de supprimer là maréchaussée, qui coûte environ 4 millions par an, pour faire faire son service gratis par les milices nationales, présente une idée séduisante, mais qui n'est qu'une apparence trompeuse. Les résultats de l'exécution démentiraient les calculs de la spéculation. Nous pensons d'ailleurs que l'espèce de service particulier à la maréchaussée, ne peut être bien fait, que par des hommes voués uniquement à ce métier.

L'ancienneté de la maréchaussée ne pourrait justifier l'abus de son établissement, s'il était abusif. Mais cette ancienneté même, le temps qu'il a fallu pour perfectionner son organisation, qui n'a été rectifiée que peu à peu, fait sentir l'avantage d'avoir une troupe toute formée, et elle prouve que l'état d'amélioration où ce corps est porté par l'amélioration des temps, et l'instruction des sujets qui le composent, ne peuvent être supplées d'un instant à l'autre par toute autre troupe nouvellement créée et différemment organisée.

Si l'on veut examiner avec attention les devoirs de la maréchaussée, on apercevra bientôt combien ils sont difficiles à remplir, et l'on jugera aisément qu'il est peu d'états dans la société qui

exigent, dans les individus, plus de sagesse, de prudence, de probité, d'expérience, d'intelligence, de bravoure et de force.

Il ne faut pas se faire illusion sur la manière dont les milices nationales, surtout dans les villages, rempliraient les fonctions pénibles, difficiles et délicates, confiées à la maréchaussée, et pour lesquelles elle a été formée et instruite de longue main. Si le défaut d'intelligence et d'éducation rend les habitants des campagnes incapables de recueillir, dans des procès-verbaux, la preuve des crimes, en suivant les traces qu'ils laissent après eux, leur éloignement naturel pour toute espèce de subordination, les tiendra à une grande distance de l'exactitude avec laquelle on doit veiller sans cesse à la sûreté publique. On ne peut supposer avec vraisemblance que la patrouille d'un village mette infiniment d'empressement à la recherche d'un délinquant qui sera le parent, le voisin ou l'ami d'un des membres de cette patrouille. Car, avant que le préjugé qui entachait ci-devant l'honneur des familles d'un condamné, soit totalement effacé des cœurs français, il échapperait bien des coupables à la vengeance de la loi; si les parents, voisins ou amis des délinquants, étaient seuls chargés de les poursuivre. Il est peut-être raisonnable de penser aussi qu'il est des espèces de délits, tels, par exemple, que la désertion des soldats, contre lesquels on ne réussira jamais à armer, avec une grande activité, une garde nationale.

Sous ces rapports, les avantages que l'on retire de la maréchaussée ne seraient nullement suppléés par les milices nationales.

Il reste à examiner si ce serait une opération vraiment économique, de charger les milices nationales du service de la maréchaussée. La journée d'un manouvrier ne peut être évaluée à moins de 20 sols l'une dans l'autre. Il existe dans le royaume 40,000 communautés ou paroisses, grandes et petites. En supposant que chaque paroisse fournisse seulement un homme de garde chaque jour, le produit des journées sera par an de 14,600,000 livres, et par conséquent l'impôt, en déduisant les fêtes et dimanches, sera de 12 millions de livres. Mais si l'on voulait évaluer le tort que peut faire à l'agriculture, à l'industrie et au commerce, la perte de certains jours destinés aux semailles, à la récolte, aux marchés, aux foires, etc., etc., on apercevra que, pour épargner environ 4 millons que coûte l'entretien de la maréchaussée, que pour que les citoyens et leurs propriétés soient réellement eu sûreté, on accablera le peuple d'une corvée dont la dépense est incalculable, et qui n'aura d'autre effet que de multiplier à l'infini les malfaiteurs et les brigands, par l'espoir presque certain de l'impunité.

D'après ce qui vient d'être dit, on ne peut s'empêcher de penser qu'il est très-avantageux d'avoir en France une troupe armée, uniquement destinée à la police intérieure du royaume, qui puisse faire respecter les lois, et assurer leur exécution. Sans ce secours, il sera difficile de faire jouir les citoyens des avantages de la nouvelle constitution. Que cette troupe soit la maréchaussée, ou toute autre, peu importe, pourvu qu'elle soit organisée sur les mêmes principes perfectionnés, et qu'elle remplisse dans toute l'étendue du royaume, les mêmes fonctions que la milice soldée de Paris exerce dans cette capitale pour la sûreté de ses habitants. Cette troupe doit être sous l'autorité immédiate des assemblées provinciales, comme troupe nationale, destinée à agir contré les ennemis de l'intérieur qui troublent la

tranquillité des citoyens; et si la surveillance et l'administration de cette troupe doivent demeurer dans la main du Roi, c'est comme chargé par la nation du pouvoir exécutif. Car d'ailleurs le service de cette troupe, relativement aux circontances locales et aux emplacements, doit être déterminé et dirigé par les assemblées de départements, qui sont plus à portée de juger des moyens de police qui peuvent assurer la tranquillité publique, d'après la nouvelle constitution et les lois établies.

Nous proposons donc ces décrets :

« L'Assemblée nationale considérant que la maréchaussée est une milice nationale soldée, destinée par la loi à agir contre les ennemis de l'intérieur qui troubleraient la tranquillité publique, et un moyen de force nécessaire pour assurer l'exécution des lois; qu'elle ne peut être remplacée utilement par toute autre troupe différemment organisée, et qu'elle a besoin, dans le moment, d'une augmentation d'hommes pour la rendre capable de tout le service auquel elle est destinée, à décrété et décrète :

1° Que le corps de la maréchaussée sera conservé dans son intégrité, et avec son rang dans l'armée;

2o Qu'il sera fait un projet pour en perfectionner les principes, et rendre son organisation plus conforme aux nouvelles lois constitutionnelles ;

3o Qu'il sera fait des fonds suffisants pour l'augmentation d'hommes qui sera jugée nécessaire pour établir des brigades sur toute la surface du royaume, à trois lieues de distance, en tous sens, les unes des autres;

4° Que le corps de la maréchaussée, quant à l'administration et à la police intérieure, sera dans le département du ministre de la guerre ; mais quant à un service journalier et à ses emplacements, relativement aux circonstances, il sera sous l'autorité immédiate des assemblées de départements.

M. le comte de Custine. J'aurais quelques réflexions à présenter sur l'établissement des milices nationales, mais pour ne pas arrêter les travaux de l'Assemblée, je les ferai imprimer et distribuer. (Voy. ce document aux annexes de la séance.)

L'Assemblée passe à son ordre du jour de deux

heures.

M. le Président consulte l'Assemblée pour savoir quel jour elle voudra prendre connaissance de l'affaire du Brabant.

Cette affaire est ajournée à mardi, ordre du jour de deux heures.

La discussion de plusieurs articles relatifs à la jurisprudence criminelle est renvoyée à jeudi 17 décembre, également à deux heures.

M. Grelet de Beauregard propose la motion suivante :

« L'Assemblée nationale interprétant, autant que de besoin, son décret par lequel elle a réformé divers points de la jurisprudence criminelle, a décrété et décrète que ceux qui seront nommés d'office pour conseils aux accusés, seront tenus d'en remplir les fonctions, à moins qu'ils n'aient, pour s'en dispenser, les mêmes raisons qui rendent un juge récusable; et alors l'avocat qui le suivra dans l'ordre du tableau sera tenu de le remplacer. »

L'Assemblée décide que cette motion sera ren

voyée au comité des sept, chargé de la réformation de la jurisprudence criminelle.

M. le comte de la Planche de Ruillié, au nom du comité des finances fait un rapport sur l'affaire concernant les impositions de la Bretagne et présente un projet de décret.

Un membre propose de déterminer la manière dont doivent être imposés les châteaux, maisons de campagne, parcs et jardins en dépendant.

L'Assemblée renvoie la question au comité des finances pour lui proposer un règlement à ce sujet.

L'heure étant avancée, l'affaire des impositions de la Bretagne est ajournée à la séance du soir. La séance est levée.

ASSEMBLÉE NATIONALE.

PRÉSIDENCE DE M. PRÉTEAUDE SAINT-JUST.

à tous les décrets de l'Assemblée nationale, et qui, quoique extrêmement pauvre, offre, en don patriotique, la taxe des non-privilégiés pour les six derniers mois de l'année 1789, ne prétendant aucune diminution sur les impôts ordinaires.

Du corps des maîtres serruriers de Nimes, qui ont fait l'offre de la somme de.....

Le Trésorier des dons patriotiques fait ensuite lecture de la liste qui contient les différentes offrandes faites à la nation.

La Chartreuse du Port-Sainte-Marie en Auvergné, fait offre par Dom Gerle, prieur et député à l'Assemblée nationale, d'un don patriotique de 149 marcs, 4 onces, 3 gros d'argenterie.

Dom Gerle, prieur de la Chartreuse du Port Sainte-Marie, deputé de Riom, visiteur de son ordre, prononce le discours suivant (1):

Appelé et introduit parmi vous, Messieurs, comme représentant de la nation, pour concourir, selon mes forces, à la révolution qui s'opère, par vos constants et généreux efforts, avec autant d'efficacité que de sagesse, je viens, sous vos

Séance du samedi 12 décembre 1789, au soir (1). auspices et sous vos leçons, commencer à remplir

Un membre du comité des rapports rend compte, à l'ouverture de la séance de quelques troubles arrivés dans la ville d'Amiens et propose un projet de décret.

L'Assemblée n'étant pas encore en nombre, la délibération est ajournée.

M. le vicomte de Beauharnais, l'un de MM. les secrétaires, fait lecture de plusieurs dons patriotiques ainsi qu'il suit :

De la communauté de Cunfin en Champagne, qui adhère aux décrets de l'Assemblée nationale, qu'elle n'a lus qu'avec la plus vive admiration, et qui, surtout, pénétrée des principes que contient l'adresse aux commettants, à ordonné la vente d'une partie de ses bois communaux, sur le prix desquels elle offre à la patrie une somme de 5,333 liv. 6 s. 8 d. qui sera déposée à la caisse nationale le 1er avril 1790; elle demande à faire partie du district de Bar-sur-Aube.

De la ville de Longwy en Lorraine, qui adhère respectueusement à tous les décrets de l'Assemblée nationale, et principalement à celui qui ordonne le payement du quart des revenus. Elle offre une somme de 21,497 livres, provenant de ses offices municipaux; le comité de la même ville adhère au décret pour le payemeut du quart du revenu, et offre un don patriotique de 1,000 livres fruit d'une souscription volontaire; l'Assemblée a ordonné que le nom des souscripteurs fût imprimé dans ses procès-verbaux.

Du bourg de Tréport, qui, adhérant respectueusement aux décrets de l'Assemblée nationale, offre, en don patriotique, l'imposition des privilégiés, pour les six derniers mois de 1789.

De Thil-Châtel en Champagne, qui adhère, avec les expressions dictées par le patriotisme le plus pur, à tous les décrets de l'Assemblée nationale; déclare mauvais citoyens tous ceux qui auront fait de fausses déclarations de leurs biens; et renonce à toute diminution sur les impôts, à raison de la taxe des privilégiés, pour les six derniers mois de 1789, qu'ils offrent en don patriotique.

De la paroisse de Moisson en Vexin, qui adhère

(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.

ma tâche.

La facilité avec laquelle vous permettez à un chartreux de s'asseoir au milieu de vous, Messieurs, atteste qu'il n'est aucune classe de citoyens que vous ne preniez en grande considération, et que depuis l'habitant de la cité jusqu'à l'habitant du désert, vous entendez que tous soient ou témoins ou participants de la régénération de cet empire.

Convaincu comme vous, Messieurs, des besoins actuels de l'Etat, je voudrais pouvoir être admis à faire, comme tant de généreux citoyens, un don volontaire à la nation; je le rendrais, Messieurs, digne de votre attente, en le laissant régler par les sentiments patriotiques dont je suis animé, et je sens que je ne pourrais être satisfait qu'en offrant tout, et en donnant tout sans réserve je n'ai jamais été dans d'autres dispositions; mais dirigé aujourd'hui et gouverné par vos décrets du mois dernier, relatifs aux biens du clergé, je ne puis, Messieurs, vous montrer mon zèle autrement qu'en adhérant pleinement, sincèrement, d'esprit et de cœur, à la sagesse de tous vos arrêtés, vous déclarant que je suis prêt à en suivre toutes les dispositions.

Je puis, Messieurs, dès à présent satisfaire à celle qui concerne l'argenterie; après avoir laissé dans l'église de la Chartreuse que je préside tout ce qui est nécessaire pour la décence du culte, j'ai à présenter et délivrer à la nation 150 marcs d'argent en différentes pièces, dont je fournis l'état, et qui arriveront incessamment à l'hôtel des Monnaies.

Pour ce qui tient à l'exécution du décret qui regarde la déclaration des biens mobiliers el immobiliers, je supplie l'auguste Assemblée de m'accorder un délai suffisant pour y satisfaire d'une manière convenable.

Qu'il me soit aussi permis, Messsieurs, de vous observer, en ce moment, que vos décrets du mois dernier ont occasionné les plus vives inquiétu des dans la plupart de nos maisons, aux religieux qui ne les conçoivent pas assez bien. Ils n'y aperçoivent que la perte de leurs biens, de leurs maisons, de leur état; il s'agitent d'une

(1) Le Moniteur ne donne qu'une analyse du discours de Dom Gerle.

manière étrange, parce qu'ils ne voient rien de réglé, ni pour leur sort futur, ni pour leur subsistance.

Quelques-uns, différemment affectés, inquiets sous d'autres rapports, et ennuyés de leur condition qu'ils regardent comme un état de captivité, s'affligent et s'irritent de la lenteur qu'on met à opérer leur délivrance, peu soucieux de la tranquillité de leurs confrères, ils soufflent le feu de la discorde, et entretiennent dans les esprits une fermentation qui scandalise et fait cesser l'harmonie qui doit régner dans une société religieuse.

Il serait peut-être, Messieurs, de votre sagesse et d'une heureuse prévoyance, de rassurer ceux qui aiment leur état, et que votre plan pourrait avoir alarmés, et de ne pas trop éloigner les espérances de ceux que le dégoût a surpris.

Il vous serait facile, Messieurs, sans rien changer à vos décrets, de procurer aux deux partis le soulagement qui convient à leur mal; il suffirait d'arrêter qu'en attendant que l'Assemblée nationale puisse s'occuper en définitive de la conservation, ou de la suppression ou réduction des ordres réguliers de l'un et de l'autre sexe, les religieux qui se plaisent dans leur état, demeureront, avec toute assurance de protection, dans les maisons où ils sont actuellement, ou celles qui leur seront désignées pour y vivre selon leur régle, soit avec la pension honnête qui serait assignée à chacun d'eux, soit avec les biens dont on leur laisserait la jouissance.

A l'égard de ceux qui, par faiblesse de tempérament, dégoût ou autre cause, ne voudraient plus, ou ne pourraient suivre leur règle et vivre en commun, leur permettre de s'adresser à la puissance ecclésiastique pour se faire séculariser, le tout aux frais de leurs maisons de profession, ainsi que la pension qui serait fixée et déterminée par l'Assemblée.

Et pour que les choses se passent avec plus de décence et moins d'irrégularité, arrêter que ceux qui seront dans cette intention, la manifesteront dans le mois aux supérieurs majeurs, qui leur assigneront une ou plusieurs maisons, selon le nombre, où ils seront tenus de se rendre pour attendre le bref de leur sécularisation.

D'après ce que je viens d'avoir l'honneur de vous observer, Messieurs, j'ai celui de vous proposer de déclarer et de décréter de la manière suivante :

« Art. 1er. L'Assemblée nationale déclare que lorsqu'elle s'occupera du sort des individus qui composent les ordres réguliers de l'un et de l'autre sexe, elle assurera à chacun d'eux une existence honnête, en raison de leur état actuel; qu'il sera désigné un nombre suffisant de maisons de chaque ordre, à ceux qui voudront vivre en commun, suivant leur règle, avec une pension déterminée d'après leurs revenus, et en outre la jouissance de la maison, jardin et espace convenable pour un enclos.

« Art. 2. Décrète en outre que ceux qui ne voudront plus suivre la règle qu'ils ont embrassée, sont dès à présent autorisés à s'adresser à la puissance ecclésiastique, pour se faire séculariser et vivre dans la société, au moyen d'une pension qui sera réglée par l'Assemblée, payable❘ par les maisons professes, tant qu'elles jouiront de leurs biens; et par la nation, quand elles n'en jouiront plus;

« Art. 3. Que ceux qui voudront rentrer dans la société, manifesteront dans un mois, à compter du jour de la notification, leur intention aux

supérieurs majeurs, et seront tenus de se rendre dans la maison, qui, par eux, leur sera indiquée, pour y attendre le bref de leur sécularisation.

M. le Président. L'Assemblée reconnaît, dans les offres que vous lui présentez, les sentiments généreux d'un ordre qui a toujours pratiqué avec tant de ferveur les vertus de son état, et qui a appris, dans la méditation des vérités éternelles, que la plus saine philosophie est celle qui se concilie avec la morale patriotique que prêche la religion de l'empire.

L'Assemblée ordonne que le discours de Dom Gerle et la réponse de M. le président seront imprimés.

Quelques membres font observer que l'Assemblée a décrété de ne pas délibérer définitivement, dans les séances du soir, sur des objets d'intérêt général. Ils disent que la motion de Dom Gerle est d'intérêt général.

M. Branche, député de Riom. L'objet de la demande est trop instant, même pour les religieux, pour qu'il soit différé.

M. de Bonnal, évêque de Clermont. Je propose de renvoyer la motion au comité ecclésiastique qui, d'ailleurs, est prêt à faire un rapport.

L'Assemblée décide le renvoi au comité ecclésiastique et arrête qu'elle attendra, pour l'entendre, qu'il demande lui-même la parole.

On reprend la discussion de l'Affaire d'Amiens. Voici les faits :

Les officiers municipaux d'Amiens, réunis aux membres du comité permanent, sont parvenus à rétablir la perception de la gabelle, qui était de venue nulle dans l'anarchie; de là un grand mécontentement dans le peuple, de là des attroupements, des quolibets lâchés contre les troupes qui prêtent main-forte à la perception des impôts; on les a traités de gabeleurs. Il y a eu une petite guerre et le sang à coulé; de là aujourd'hui des comités militaires qui s'arrogent toutes les fonctious de la municipalité; de là l'insubordination des citoyens enrôlés qui, contre l'esprit du règlement provisoire fait par l'état-major, font tout ce qu'ils ne devraient pas faire.

Ces raisons ont porté le comité des rapports à proposer un projet de décret ainsi conçu:

«L'Assemblée nationale considérant que par son décret du 2 de ce mois, les officiers municipaux de toutes les villes et communautés du royaume ont été provisoirement maintenus dans les fonctions dont ils étaient alors en possession, et que ce serait compromettre la tranquillité publique qu'elle s'est proposé d'assurer par ce décret, si des corporations, soit civiles, soit militaires, qui, par leur institution, doivent être subordonnées aux municipalités, les contrariaient dans leurs fonctions, a décrété et décrète que le règlement de discipline militaire, concerté entre le conseil permanent de la ville d'Amiens, et de l'état-major de la milice nationale de ladite ville, et arrêté par délibération du 30 septembre dernier, sera provisoirement exécuté jusqu'à l'organisation des municipalités et milices nationales du royaume; et qu'en conséquence, défenses sont faites à toutes personnes enrôlées dans ladite milice, de s'assembler en comité militaire, sans y avoir été préalablement autorisées, tant par les chefs de ladite milice nationale, que par les officiers municipaux.

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