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ASSEMBLÉE NATIONALE.

PRÉSIDENCE DE M. CAMUS,
ex-président.

Séance du jeudi 17 décembre 1789, au matin (1).

M. le vicomte de Beauharnais donne lecture du procès-verbal de la séance de la veille. Après la lecture de ce procès-verbal, on passe celle de différentes adresses des villes et provinces du royaume, dont la teneur suit:

Adresse de félicitations, remerciements et adbésion des officiers municipaux et autres citoyens de la ville de Guéret, capitale de la Marche; ils se dévouent sans réserve à concourir de toutes leurs forces à l'exécution des plans et des lois conçus dans la sagesse de l'Assemblée nationale.

Adresse et délibération de la commune de Pamiers, par laquelle elle adhère avec transport au decret du 6 octobre, et se soumet à la contribution extraordinaire et patriotique y exprimée.

Adresse du conseil municipal de la ville de Mussidan en Périgord, qui présente à l'Assemblée nationale le tribut de son hommage, de sa reconnaissance, et de son dévouement pour l'exécution de tous ses décrets.

Adresse du même genre de la ville de Châlonssur-Saône. Ils remercient les représentants de la nation des soins assidus avec lesquels ils travaillent à la constitution de l'Etat, et les supplient de ne pas se séparer que les nouveaux représentants choisis pour la seconde législature ne soient venus les remplacer.

Adresse du inême genre de la ville de SainteHermine en Poitou : elle demande une justice royale.

Délibération de la commune du bourg de Campan en Bigorre, par laquelle elle offre à la nation la valeur de la première coupe des sapins de la commune, jusques et à concurrence de la somme de 3,000, dont les officiers municipaux sont chargés de faire agréer l'hommage, et d'en verser le montant dans la caisse nationale, au moment que la communauté aura obtenu la permission de vendre la coupe.

Seconde délibération de la même commune, par laquelle, en ratifiant la précédente, elle augmente la somme offerte de celle de 1,000, dont elle fait hommage pour sa contribution du quart des revenus, avec prière d'appuyer auprès du pouvoir exécutif la demande d'autorisation pour la libre exploitation de leur forêt, soit pour remplir cet objet, soit pour acquitter les dettes de la communauté.

Adresse de félicitations, remerciements et adhésion de la ville de Saint-Just-en-Chevalet en Forez; elle demande d'être un chef-lieu de district et le siége d'une justice royale.

Adresse du même genre de la ville de Baar en Alsace; elle jure une fidélité inviolable au Roi et à l'Assemblée nationale. Elle a en même temps arrêté un don patriotique de la somme de 2,400 livres. Elle demande une justice royale.

Adresse du même genre de la ville de Bize en Languedoc; elle demande d'être un chef-lieu de district.

(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.

Adresse du même genre de la communauté de Peyrins en Dauphině; elle adhère notamment au décret concernant la contribution patriotique, et supplie l'Assemblée nationale de la comprendre dans l'arrondissement du tribunal royal à créer dans la ville de Romans.

Adresse de la garde nationale de la ville d'Auxerre, portant le titre de légion Auxerroise, présentée par M. Bourdois de Champfort, major de la légion, député à cet effet; elle dépose tous les actes de sa constitution et de son existence. Pénétrée du respect le plus profond pour l'Assemblée nationale, elle jure de ne jamais se désunir, et de soutenir l'exécution de tous les décrets émanés de sa sagesse, jusqu'à la dernière goutte de son sang. Elle supplie l'Assemblée d'approuver son établissement, ses délibérations et son règlement.

Adhésion des communes de la ville d'Aoust et de celles des vallées d'Uston, de Conflans, des communautés de Soucy, Royale et Vic, à la délibération du 15 novembre, prise par la commune de la ville de Saint-Giroux en Couserans, relativement à la formation d'un département et à l'établissement du chef-lieu dans cette dernière ville. Il en a été rendu compte à l'Assemblée dans le procès-verbal.

Adresse de la garde nationale de la ville de Crest en Dauphiné, par laquelle elle déclare de nouveau se soumettre, avec les sentiments de la plus vive reconnaissance, aux décrets émanés et à émaner de la sagesse et des lumières de l'auguste Assemblée; employer, au péril de sa vie, toutes ses forces pour les faire respecter et exécuter, et promet de dénoncer à l'Assemblée nationale toutes les personnes soupçonnées d'être traîtres à la nation, et ennemies de l'ordre et de la tranquillité publique.

M. Camus annonce ensuite que M. Fréteau de Saint-Just, président de l'Assemblée, ne se rendra pas à la séance; que sa femme est trèsdangereusement malade, et qu'il ne peut la quitter dans ce moment.

L'Assemblée paraît fort sensible à cette triste nouvelle, et prie M. Camus, qui remplaçait M. Fréteau de Saint-Just dans l'absence de M. Thouret et de M. de Boisgelin, archevêque d'Aix, de députer deux de ses membres pour assurer son président de son vif intérêt, et pour savoir des nouvelles de l'état de madame Fréteau de Saint-Just.

M. Camus annonce qu'il a fait choix, pour cette députation, de MM. Gaultier de Biauzat et Le Pelletier de Saint-Fargeau

On fait ensuite lecture d'un don patriotique de la communauté des maîtres à danser de la ville de Paris, consistant dans le don de la chapelle de Saint-Julien-des-Ménétriers, avec son mobilier et immobilier, évalués ensemble à environ 40,000 livres.

L'Assemblée applaudit au patriotisme de cette communauté, et accorde la séance à ses députés. Un d'eux prononce le discours suivant :

Nosseigneurs,

«En qualité de commissaires et de députés de l'ancienne communauté des maîtres de danse de la ville de Paris, nous avons l'honneur de vous apporter et de remettre sur le bureau une d'élibération prise en notre assemblée, du 13 du présent mois, et par laquelle nous faisons à la nation le don patriotique de notre chapelle de SaintJulien-des-Ménétriers, dont nous sommes fonda

teurs et patrons laïques, et de tous les objets | sein, craignant qu'un nombre plus considérable mobiliers et immobiliers qui en dépendent. nuisit à l'activité du comité de constitution.

Nous désirerions, comme bons citoyens, être en état de faire à la patrie des sacrifices plus considérables et plus dignes d'elle; mais nous sommes pauvres, Nosseigneurs; et, à ce titre qui en est un bien puissant auprès des législateurs de la France, nous osons espérer que vous voudrez bien ne pas dédaigner une offrande qui, pour être modique, n'en est que plus pure.

Puisse cet hommage que notre patriotisme et notre profond respect pour cette auguste Assemblée et pour ses décrets nous ont seuls inspiré, être regardé comme une nouvelle preuve du dévouement de toutes les classes de citoyens à tout ce qui peut contribuer au salut de l'empire français et au maintien de la prospérité publique ! »

M. Berthier, membre de l'Assemblée nationale, et président du grenier à sel de Nemours, offre en don patriotique la finance de son office, et le prix d'un mois de son traitement de député.

On lit ensuite une délibération de la communauté de Pressigny en Champagne, portant demande d'être autorisée à couper des bois pour un don patriotique, et pour des dépenses nécessaires, notamment à former un grenier à blé : cette affaire est renvoyée au comité des domaines.

M. Escourre de Peluzat, député d'Agenois, donne sa démission.

M. Boussion, son suppléant, dont les pouvoirs ont été vérifiés, est admis à sa place.

Le rapport du comité des finances est à l'ordre du jour; mais les commissaires ne sont pas encore rendus dans la séance.

M. le Président donne la parole à un membre du comité de judicature.

M. le duc de Mortemart. Je suis chargé par le comité de judicature de vous rendre compte de ce qu'il a fait pour répondre à votre confiance : le comité a fini son travail sur le remboursement des offices de judicature; il vous le présentera quand vous le désirerez vous aurez alors à décider la grande question de savoir si vous supprimerez les offices ministériels, c'est-à-dire les charges de procureurs, notaires, huissiers, celles des chancelleries, etc. Le comité se bornera en ce moment, pour détruire une assertion très-exagérée, à vous dire que, d'après les calculs les plus exacts, la finance de toutes les charges de judicature ministérielles et autres monte à 319 millions, suivant l'estimation de 1771, et le centième denier payé en conséquence de cette estimation.

L'Assemblée a renvoyé beaucoup d'adresses au comité, qui en a reçu directement de différentes villes de province; elles contiennent presque toutes la demande d'un siége de justice. Nous avons fait sur cet objet le travail qui nous a paru nécessaire, et nous désirons savoir à qui nous devons le remettre. L'Assemblée jugera-t-elle convenable qu'il soit renvoyé au comité de constitution, ou que nous soyons adjoints à ce comité ? Nous la prions de s'expliquer sur cette question.

La discussion à été ouverte sur ces deux propositions.

M. Brostaret propose de n'adjoindre au comité de constitution que deux membres de celui de judicature, qui les choisirait lui-même dans son

M. Mougins de Roquefort fait la motion que l'Assemblée entende préalablement l'ensemble du travail du comité de judicature, et qu'on lui assigne un jour pour le rapport, après lequel l'on prononcera sur les questions précédentes proposées par le rapporteur du comité de judicature: cette motion est décrétée, et ce rapport ajourné à lundi deux heures.

Il est fait ensuite une motion relative à l'ordre dans les tribunes; l'Assemblée ne la prend pas en considération.

M. le Président. M. Treilhard, au nom du comité ecclésiastique, demande la parole pour faire un rapport sur les ordres religieux. Je propose à l'Assemblée de l'entendre.

M. Treilhard (1). Messieurs, la régénération que vous être appelés à consommer, doit embrasser toutes les parties de ce vaste empire, parce qu'il n'en est aucune qui se soit préservée du relâchement et des abus que le temps amène toujours à sa suite. Les ecclésiastiques en ont éprouvé la fatale influence comme les autres citoyens.

La répartition vicieuse de leurs revenus, l'organisation non moins vicieuse de plusieurs établissements, la négligence malheureusement si commune dans le choix des titulaires, les prétentions excessives de quelques ministres du culte, ont depuis longtemps excité de justes réclamations, et la nation attend avec impatience l'heureux instant où le mérite sera le seul titre pour parvenir, où les salaires se trouveront en proportion avec le service, où des règlements sages élèveront des bornes immuables entre les deux juridictions, et préviendront pour toujours ces débats scandaleux qui tant de fois ont fait gémir la raison et désolé notre patrie.

Votre comité se propose de vous présenter successivement ses réflexions et ses vues sur ces importants objets; mais il a cru entrer dans vos intentions en fixant vos premiers regards sur l'état actuel de cette partie nombreuse du clergé qui se glorifie de devoir sa première existence à l'amour de la perfection, dont les annales présentent tant de personnages illustres et vertueux, et qui compte de si grands services rendus à la religion, à l'agriculture et aux lettres je parle du clergé régulier.

Tel est le sort de toutes les institutions humaines, qu'elles portent toujours avec elles le germe de leur destruction.

Les campagnes, fécondées par de laborieux solitaires, out vu s'élever dans leur sein de vastes cités dont le commerce a insensiblement altéré l'esprit de leurs fondateurs.

L'humilité et le détachement des choses terrestres ont presque partout dégénéré en une habitude de paresse et d'oisiveté qui rendent actuellement onéreux des établissements fort édifiants dans leur principe.

Partout a pénétré l'esprit de tiédeur et de relâchement qui finit par tout corrompre; la vénération des peuples pour ces institutions s'est donc convertie, pour ne rien dire de plus, en un sentiment de froideur et d'indifférence; l'opi

(1) Le Moniteur ne donne qu'un sommaire du rapport de M. Treilhard.

ap

position de leurs terrains situés dans les capita

ressource immense, ressource bien précieuse dans notre position critique.

nion publique fortement prononcée a produit le dégoût dans le cloître, et les soupirs de pieux cénobites, embrasés de l'amour divin, n'y sont que trop souvent étouffés par les gémissements de religieux qui regrettent une liberté dont aucune jouissance ne compense aujourd'hui la perte.

Le moment de la réforme est donc arrivé; car il doit toujours suivre celui où des établissements cessent d'être utiles.

Mais en cessant de protéger des liens qui blessent plusieurs individus, doit-on rompre la chaîne de tous? En venant au secours du religieux fatigué de son état, ne devez-vous pas protéger celui qui désire d'y vivre encore?

Votre comité a pensé, Messieurs, que vous donnerez un grand exemple de sagesse et de justice, lorsque dans le même instant où vous vous abstiendrez d'employer l'autorité civile pour maintenir l'effet extérieur des vœux, vous conserverez cependant les asiles du cloître aux religieux jaloux de mourir sous leur règle.

C'est pour remplir ce double objet que nous vous proposerons de laisser à tous les religieux une liberté entière de quitter leur cloître ou de s'y ensevelir.

En leur permettant de rentrer dans le monde, vous n'auriez encore rien fait pour eux, si vous ne leur assuriez pas en même temps le moyen d'y subsister; morts à la société, les religieux n'ont plus de propriétés, plus de successions à réclamer ou à attendre; vous ne pourriez leur donner une seconde vie sans porter l'alarme et le trouble dans toutes les familles; ils ne peuvent donc exister que par vos secours : votre comité vous proposera à cet égard les mesures qui lui ont paru les plus sages.

Vous sentez, Messieurs, que les circonstances fâcheuses qui nous environnent ne permettent d'assurer aux religieux qui sortiront du cloître, que le simple nécessaire; le vœu dont ils sont liés ne leur permet pas d'exiger davantage; màis le nécessaire est le même pour tous, et nous avons cru en conséquence ne devoir faire aucune distinction entre les religieux des différents ordres ; ils ont tous un droit égal à leur subsistance. La différence de l'âge a dû seule nous frapper, parce qu'elle en peut entraîner une dans les besoins.

Cependant les abbés réguliers ne pourraient-ils pas être distingués des simples religieux? Ils ont une administration, une juridiction, une prélature; et ces motifs déterminent votre comité à vous proposer pour eux une pension un peu plus forte; ils ne sont pas en assez grand nombre pour que cette extension devienne jamais oné

reuse.

Quant aux religieux qui resteront dans le cloitre, ils ne s'y déterminent que par un amour louable, un vif amour de la règle qu'ils ont em brassée: il est juste d'entrer dans leur esprit; et c'est pour favoriser leurs pieuses intentions que le comité vous propose de les réunir en nombre suffisant pour garantir une exacte observation de cette règle qu'ils chérissent, et de les fixer de préférence dans les campagnes ou dans les petites villes, afin de les rappeler autant qu'il sera possible à leur première institution.

Si des considérations d'un intérêt temporel pouvaient influer sur vos décrets, votre comité Vous observerait que ce nouvel ordre de choses sera utile sous un double rapport: la présence des religieux vivifiera les campagnes qu'ils habiteront, et vous acquerrez d'ailleurs la libre dis1 SÉRIE, T. X.

Quand nous vous proposons de fixer de préférence les religieux à la campagne ou dans les petites villes, nous ne prétendons pas cependant les exclure absolument des villes plus considérables; les maisons qui offriraient de se vouer au soulagement des malades, celles que vous jugeriez dignes de présider à l'éducation publique, ou qui vous paraîtraient utiles au progrès des sciences, mériteront toujours de la faveur, surtout dans les lieux où on manque de pareils établissements.

Sans doute, Messieurs, vous ne refuserez pas à ces maisons, ainsi conservées par des motifs d'utilité publique, le droit et le moyen de se régénérer; mais dans le moment où tous les regards se tournent vers la liberté, nous sommes loin de vous proposer d'admettre une perpétuité de vœux que l'inconstance des esprits et l'instabilité des choses ne sauraient comporter.

Vous croirez sans peine, Messieurs, qu'en nous occupant du sort des religieux, nous n'avons pas oublié d'autres victimes que la faiblesse de leur sexe rend encore plus intéressantes. Elles sont dignes, en effet, de toute votre protection; et votre cœur qui, jusqu'à ce jour, a répondu à toutes les plaintes qu'on vous a adressées, ne sera pas froid et insensible pour elles seules; mais leurs besoins, leurs occupations, leurs goûts, leurs habitudes sont si différents des goûts, des besoins, des habitudes et des occupations de notre sexe, qu'elles méritent un règlement particulier, dont votre comité s'occupe et qui sera l'objet d'un autre rapport.

Il ne me reste actuellement qu'à vous parler de la dotation des maisons qui seront conservées; votre comité a pensé que le moment était venu d'attaquer la répartition trop inégale des revenus ecclésiastiques, et qu'il fallait fixer à chaque maison le même revenu, à raison d'une somme déterminée pour chaque religieux qui l'habitera. Ainsi disparaîtra ce révoltant contraste, qui offre quelques ordres environnés de tout le faste de l'opulence, et qui voue les autres à la honte d'une mendicité que vous aurez la gloire de détruire.

Il a paru aussi à votre comité également prudent et économique de charger chaque maison de tous les frais relatifs au culte et des réparations de ses bâtiments. C'est en considération de cette double obligation que nous croyons devoir vous proposer d'assurer aux maisons conservées, 800 livres pour chaque religieux.

Mais comment leur fournirez-vous ce revenu? leur assignerez-vous des fonds, les paierez-vous en argent?

Cette question très-importante se trouve intimement liée à celle de l'administration future de tous les biens du clergé; vous n'avez pas encore décidé, Messieurs, si vous laisserez toujours aux ecclésiastiques l'administration qu'ils ont eue jusqu'à ce moment, ou si vous vous déterminerez à ne fournir que des salaires pécuniaires aux ministres du culte.

Un objet si grave a dû nécessairement occuper votre comité, et je ne dois pas dissimuler que les avis y sont partagés. Nous ne pouvons donc que vous proposer de suspendre encore, pour quelques moments, votre décret sur l'administration des biens des religieux; ils subiront la loi qu'il vous plaira de donner à tous les autres biens du clergé.

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Vous connaissez actuellement, Messieurs, les motifs qui ont dicté à votre comité les articles qu'il croit devoir vous soumettre ma dernière mission est de vous en donner lecture; heureux si votre comité peut se flatter d'avoir rempli vos intentions, et d'avoir justifié la confiance dont vous l'avez honoré:

Art. 1. Tous religieux qui auront fait des vœux solennels, dans quelque ordre ou congrégation qu'ils puissent être, déclareront, dans trois mois, du jour de la publication du présent décret, devant les officiers municipaux ou les juges royaux de leur domicile, s'ils désirent cesser de vivre sous la règle dans laquelle ils ont fait profession, ou s'ils désirent d'y rester.

Art. 2. Ceux qui auront déclaré vouloir quitter leur règle, seront, de ce moment, libres de sortir de leurs monastères, et de résider où bon leur semblera, en habit clérical, sous la juridiction de l'évêque diocésain, comme tous les autres ecclésiastiques, sauf ensuite leur recours à l'autorité ecclésiastique en ce qui concerne le lien spirituel seulemeat.

Art. 3. Il leur sera payé annuellement, par quartier et d'avance, savoir: à tout religieux audessous de 50 ans, 700 liv.; 800 liv. depuis 50 ans jusqu'à 60 ans; 900 liv. depuis 60 ans jusqu'à 70 ans, et 1,000 liv. depuis 70 ans, sans aucune distinction d'ordres.

Art. 4. Il sera payé annuellement par quartier et d'avance, aux abbés réguliers qui sortiront de leur ordre, une somme de 2,000 livres.

Art. 5. Les religieux sortis du cloître, resteront incapables de toutes successions et dispositions entre-vifs et testamentaires; mais ils auront la capacité de disposer du pécule qu'ils auront acquis depuis leur sortie du cloître, et à défaut de disposition de leur part, leur pécule passera à leurs parents les plus proches.

Art. 6. Ils pourront être employés comme vicaires, et ils seront même susceptibles d'être pourvus de cures; mais, dans ce dernier cas, leur pension demeurera réduite à moitié.

Art. 7. Les religieux qui auront déclaré vouloir continuer de vivre sous leur règle, seront placés de préférence dans les maisons de campagne du même ordre et de la même congrégation, les plus commodes et les plus saines, et subsidiairement dans les maisons des petites villes.

Art. 8. Pourront néanmoins être conservées dans les villes plus considérables les maisons dont les religieux se voueront au soulagement des malades, ou qui seront trouvés dignes de présider à l'éducation publique, ou qu'on jugera capables de contribuer au progrès des sciences.

Art. 9. Les religieux qui auront déclaré vouloir rester dans leur ordre, pourront en tout temps faire la déclaration, qu'ils désirent en sortir, et quitter ensuite leur monastère, en observant les formes prescrites par les articles 1 et 2 du présent décret; du moment de leur sortie, ils auront droit à la pension réglée par l'article 3.

Art. 10. Le nombre des religieux dans les maisons conservées ne pourra être moindre de 15, non compris le prieur ou supérieur.

Art. 11. Tous priviléges et exemptions accordés à tous ordres et congrégations sont supprimés, et les religieux assujettis sans exception à la juridiction des évêques; le régime des congrégations d'ailleurs conservé.

Art. 12. Les maisons qui seront conservées comme utiles aux sciences, à l'éducation publique et au soulagement des malades, pourront

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Art. 14. Lorsqu'une maison aura cessé d'être habitée pendant trois ans par le nombre de sujets fixé par l'article 10, elle sera supprimée, et les religieux en seront aussitôt répartis dans les autres maisons du même ordre.

Art. 15. Il sera assigné à chaque maison un revenu annuel, à raison de 800 livres par chaque religieux qui y résidera, et en conséquence, la maison sera chargée de toute espèce d'entretien de ses religieux, de tous les frais de culte, et de toutes les réparations usufruitières de ses églises et bâtiments; et la quête demeurera interdite à tous les religieux qui s'étaient maintenus dans l'usage de quêter.

Art. 16. Il pourra être assigné, sur les demandes des adininistrations de département, un revenu plus considérable aux maisons destinées à l'éducation publique et au soulagement des pau

vres.

Art. 17. L'Assemblée nationale se réserve de décréter incessamment de quelle manière sera acquitté le revenu des maisons conservées,comme aussi de décréter la forme d'administration des possessions des réguliers et des autres posses→ sions ecclésiastiques, leur emploi, l'acquit des fondations des établissements qui seront supprimés, ainsi que le lieu et l'instant où les pensions des religieux qui sortiront du cloître, commenceront à être payées.

M. de Bonnal, évêque de Clermont, prési dent du comité ecclésiastique, prend la parole pour demander que cette affaire, vu son extrême importance, soit ajournée à une séance du matin. Il ajoute de plus qu'il fait hautement profession de s'être opposé, d'après la voix de sa conscience, à plusieurs des articles proposés par le rapporteur du comité ecclésiastique.

L'Assemblée prononce seulement l'impression des articles, se réservant de statuer plus tard sur l'ajournement.

M. le Président annonce qu'un courrier extraordinaire de Toulon vient de lui apporter des pièces relatives aux mouvements arrivés dans cette ville; que ces pièces lui paraissent très-importantes. Le vœu de l'Assemblée, recueilli sans délai, est de renvoyer ces pièces au comité des rapports, qui se rassemblera sur-lechamp à cet effet.

M. le marquis de Clermont-MontSaint-Jean, député du Bugey, demande un congé de vingt-quatre à trente jours, pour aller vaquer à ses affaires à Chambéry en Savoie, où sont ses terres et la résidence ordinaire de sa famille. Le congé est accordé.

M. le Président fait ensuite lecture d'une lettre de M. Necker, qui accompagne l'envoi d'un mémoire que ce ministre adresse à l'Assemblée nationale. Il est fait lecture de cette lettre conçue en ces termes:

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Messieurs, j'ai lu avec beaucoup d'attention et d'impartialité le mémoire sur lequel l'Assemblée nationale a voulu que je fusse consulté. Je commence par rendre une parfaite justice aux rẻflexions générales qui servent d'avant-propos à cet ouvrage; elles sont exactes et clairement exprimées, et ce dernier mérite en est un très-essentiel, puisqu'il n'est jamais séparé d'une conception nette et d'un esprit d'ordre dans les idées. Considérant ensuite le projet en lui-même, la première objection qu'on peut y faire, objection très-importante sans doute, c'est qu'il est uniquement relatif aux avances actuelles de la caisse d'escompte, et à l'émission des billets de caisse dont ces avances ont été le principe L'auteur du mémoire laisse entièrement de côté les besoins extraordinaires de l'Etat pour l'année prochaine, et que plusieurs circonstances générales rendront très-considérables dès les premiers mois. C'est la réunion de ces besoins à ceux du moment, qui constitue le grand embarras : ainsi, en retranchant la difficulté principale, le choix des ressources devenait plus étendu; et celles proposées par M. de Laborde, comme beaucoup d'autres du même genre, eussent été probablement suffisantes. L'on croit cependant, et je suis de cette opinion, qu'une création de cinquante mille actions nouvelles serait un emprunt trop considérable pour être susceptible de succès. Je dois faire observer qu'on a pu être induit en erreur sur l'étendue des ressources qui devaient résulter de la création de ces actions nouvelles, parce qu'on a mal entendu quelques expressions du mémoire de M. de Laborde: il y est parlé d'un prêt de 250 millions fait à l'Etat; mais ces 250 millions devaient être composés, premièrement des 70 millions déposés par la caisse d'escompte au Trésor royal dès l'année 1787; secondement, des 100 millions d'effets dont le remboursement est suspendu, et qui seraient reçus pour moitié dans le payement des nouvelles actions. Or, la remise de ces 100 millions au Trésor public contre un capital semblable, sur lequel on exige un remboursement graduel, bien loin d'être un prêt, devient une charge annuelle proportionuée à l'étendue de ce remboursement. Il ne resterait donc en véritable secours nouveau, que les 90 millions destinés à amortir la créance de la caisse d'escompte.

Le prix de ces 90 millions reviendrait fort cher, puisque, indépendamment de l'intérêt à 5 0/0, on demande l'abandon du bénéfice des monnaies, et une rétribution sur le montant général de tous les revenus de l'Etat.

Je ne m'étendrai pas sur la partie du plan de M. de Laborde itend à manifester les divers

services que la Banque pourrait rendre à l'Etat; car il n'en est aucun qui soit inhérent à l'établissement de cette banque. On tient déjà les livres du Trésor royal en parties doubles, et la réforme générale de la comptabilité ne dépend point de la formation d'une banque. On n'a pas besoin non plus d'un pareil établissement pour faire servir les impositions des provinces au payement des dépenses qui s'exécutent dans les meines lieux une telle disposition est constamment suivie; et ce sont des récits d'imagination que ces assertions souvent répétées sur le voyage continuel de l'argent des provinces à Paris, et de Paris dans les provinces, du moins pour tout ce qui est relatif aux opérations du gouvernement. Si donc on sépare des dispositions proposées par M. de Laborde, et ce qui existe déjà, et les changements qui, pour éviter le trouble et la confusion, devraient avoir lieu successivement, on verra qu'il faut se borner à faire d'une banque, un simple caissier du Trésor public et des différentes administrations de finances. L'imagination est frappée agréablement de voir réunir en un seul point toutes les gestions qu'on a peine à rassembler dans sa pensée; mais l'expérience prouve que s'il est des administrations, soit en recettes, soit en dépenses, qui peuvent être réunies. avec convenance, il en est d'autres qui exigent d'être séparées, sous peine de tomber dans le désordre, et de donner à un petit nombre d'hommes une tâche au-dessus de leurs forces.

Vous avez, Messieurs, assez de choses à déterminer, parmi celles dont le retard serait infiniment dangereux remettons au temps ce qui tient à de simples améliorations sur lesquelles Vous ne pouvez être parfaitement éclairés que par les lumières dues à l'expérience. On peut tout mouvoir, tout changer dans six pages de papier; mais en action, ce n'est que par une marche graduelle et successive qu'on évite la confusion.

L'auteur du mémoire finit par désirer que la banque soit le mandataire de l'Assemblée nationale, et devienne responsable de la quotité des payements qu'elle ferait sur les ordres du Roi, transmis par les agents de son autorité; mais, de cette manière, les directeurs d'une caisse devien draient les surveillants et les censeurs du pouvoir exécutif; et comme ces directeurs ne pourraient connaître l'état de chaque compte que sur l'examen et les calculs de leurs teneurs de livres, il se trouverait qu'un simple commis serait, en dernière analyse, l'homme de confiance de la nation, et le répondant de l'exécution de ses décrets.

Je suis parfaitement d'accord avec M. de Laborde sur les fâcheux inconvénients attachés à l'admission d'aucune espèce de billets de caisse ou de monnaie qu'on ne peut pas convertir en argent à volonté. Les principes qui appuient cette opinion, sont tellement reconnus aujourd'hui, qu'il n'est plus permis d'avoir deux sentiments à cet égard; mais telle est malheureusement la puissance des choses, tel est le commandement violent de certaines circonstances, que les principes généraux, même les plus raisonnables, sont forcés de fléchir un momeut. Je dois faire observer cependant que les conséquences des billets non conversibles en argent à volonté, ne peuvent pas être assimilées en tout aux inconvénients généraux des billets de monnaie, lorsqu'une Assemblée nationale les délibère et les garantit, lorsque leur quantité n'a rien d'excessif, et pardessus tout, lorsqu'on prend des mesures certaines pour les éteindre dans un court terme. Les

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