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pu se rendre à l'Assemblée, et qu'il l'a chargé d'annoncer le résultat du scrutin pour la nomination d'un président : les voix ayant été recensées, il s'est trouvé qu'il y avait 887 votants, dont 490 se sont réunis en faveur de M. Démeunier, qui, en conséquence, est proclamé président de l'Assemblée.

On proclame aussi les trois nouveaux secrétaires MM. Treilhard, Duport et Massieu, curé de Cergy, ont réuni la majorité des suffrages.

M. Démeunier, président.

Mon ambition se bornait à mériter quelque estime en concourant de mes faibles efforts au succès de vos travaux, et j'étais loin de songer aux fonctions honorables que vous daignez me confier. Si pour remplir mes devoirs il suffisait d'en connaître toute l'étendue, si le zèle et l'amour du bien pouvaient ici suppléer au talent, j'aurais peut-être l'espoir de répondre à vos bontés; maís, Messieurs, d'autres moyens sont nécessaires, et plus que personne j'ai besoin de votre indulgence.

Le terme de cette noble carrière que vous parcourez avec tant de gloire, commence à se montrer à vos regards; les jours de la paix et du bonheur ne sont plus loin de nous; et, grâces à vos heureuses combinaisons, le royaume, aujourd'hui désorganisé dans toutes ses parties, ne présentera bientôt qu'un ordre parfait, et un spectacle imposant par sa régularité. Habitué maintenant à vaincre les obstacles, votre patriotisme saura rapprocher cette époque si désirée, et en cette occasion, ainsi qu'en beaucoup d'autres, surpasser les voeux de la France. Mais au moment où j'ai l'honneur de vous présenter les hommages de mon respect, de ma reconnaissance et de mon dévouement, je dois l'avouer avec franchise, vous regretterez les talents de mon prédécesseur, qui, par son activité, ajoutait à l'activité de vos délibérations, et qui, porté deux fois à cette place, nous laisse à tous le désir de l'y revoir.

M. le Président lit ensuite la lettre de M. le comte Théodore de Lameth, qui a l'honneur d'adresser à M. le président de l'Assemblée nationale l'offre patriotique du régiment Royal-Étranger, consistant en 4,844 livres, qui proviennent du sacrifice que font tous MM. les officiers, d'un mois de leurs appointements et les bas-officiers et cavaliers, de huit jours de leur solde.

M. le président est autorisé par l'Assemblée à écrire au régiment Royal-Etranger une lettre de satisfaction, semblable à celles qui ont été déjà écrites à plusieurs régiments pour la même cause.

Suit la teneur de la lettre du commandant du régiment Royal-Etranger, à M. le président de l'Assemblée nationale.

«Monsieur le Président,

« Les officiers du régiment de cavalerie RoyalEtranger ayant voté de faire à la caisse patriotique l'abandon d'un mois de leurs appointements, les bas-officiers et cavaliers ont désiré lui offrir huit jours de leur solde. D'après ces dispositions, auxquelles je me suis empressé d'applaudir, j'ai l'honneur de vous faire parvenir 4,814 livres.

Le régiment Royal-Etranger me charge, Monsieur, de vous supplier de vouloir bien faire agréer à l'Assemblée nationale ce faible témoignage de ses sentiments patriotiques, ainsi que

l'hommage de son inaltérable et respectueux attachement.

« Je suis avec respect,

« Monsieur le Président,

« Votre très-humble et très-
obéissant serviteur,

Signé Le chev. Théodore DE LAMETH. »

Il est fait ensuite lecture d'un don patriotique qu'offre M. de Mauduit, ancien professeur de l'université de Paris, consistant dans l'abandon d'un contrat du capital de 300 livres, avec deux années d'arrérages de l'intérêt de ladite somme.

On fait part ensuite à l'Assemblée d'un autre don patriotique, consistant en boucles d'argent et autres effets d'argent de même espèce, envoyés par le district de la Sorbonne; ces objets pesant, argent, 70 marcs 4 onces; or, 2 onces 1 demigros.

Un des députés du district prononce le discours suivant: Messieurs, presque toute la France est venue dans ce temple de la nation présenter à votre auguste Assemblée le juste tribut de son patriotisme et de sa reconnaissance. Le district de Sorbonne, que nous avons l'honneur de représenter, animé aussi du zèle le plus pur, vous supplie, Messieurs, de n'en pas mesurer l'étendue sur les faibles marques qu'il en apporte, sur la modicité de l'offrande qu'il vient aujourd'hui, par nos mains, déposer sur l'autel de la patrie... Quel mot cher et sacré, je viens, Messieurs, de prononcer!

Il n'est donc plus pour les Français un mot vide de sens. Non, Messieurs, l'amour de la patrie a embrasé tous les cœurs, échauffé tous les esprits; il a produit enfin cette révolution glorieuse, et sans altérer nos sentiments pour un Roi tendrement chéri, a protégé la liberté de vos séances, qui nous procure le précieux avantage de voir et d'admirer les généreux et infatigables restaurateurs de l'Etat.

On passe à la lecture d'un autre don patriotique de la somme de 100 livres, remis par M. Paultre des Epinettes, député du bailliage d'Auxerre, de la part d'un habitant de cette ville qui n'a pas voulu être nommé.

M. Mougins de Roquefort, membre de l'Assemblée, fait ensuite, au nom de M. Artaud, citoyen de la ville d'Aix en Provence, l'offre du don patriotique d'un contrat de 1,200 livres sur l'Alsace, avec une année d'intérêt de ladite somme; il remet sur le bureau les titres constitutifs de cette créance.

M. le Président annonce que M. de Ruallem, député de la ville de Meaux à l'Assemblée nationale, a remis un don patriotique de 120 mares d'argent, de la part de l'abbaye de Saint-Tarole de Meaux, ordre de Saint-Benoit, congrégation de Saint-Maur.

Toutes les offres patriotiques sont reçues par l'Assemblée avec applaudissements.

Un député de la province de Touraine demande ensuite que l'Assemblée nationale confirme le règlement provisoire relatif à ses compagnies de gardes citoyennes, jusqu'au moment où elle aura décrété un règlement général pour toutes les gardes nationales du royaume. Cette demande est ajournée.

On passe ensuite à la lecture du procès-verbal de la séance de la veille.

M. Regnaud de Saint-Jean-d'Angély observe qu'il a été fait au décret relatif aux finances, quelques changements dont on n'a pas fait mention dans le procès-verbal; il est convenu que cette omission serait réparée.

M. Le Couteulx de Canteleu observe qu'il faut faire mention que ce changement ne porte pas sur le fond du décret, mais seulement sur quelques moyens d'exécution; cette observation n'est pas combattue.

M. Chasset fait ensuite lecture des différentes adresses des villes et provinces du royaume, qui toutes expriment leur confiance, leur respect et leur reconnaissance pour les décrets de l'Assemblée nationale. La teneur de ces adresses suit :

Adresse de félicitations et dévouement de la garde nationale de la ville de Moulins; elle déclare qu'elle maintiendra, au péril de sa vie, l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale.

Adresse du même genre de la ville de Moulins: dans une assemblée générale, tous les habitants ont pris l'engagement solennel d'adhérer religieusement à tous les décrets de l'Assemblée nationale.

Adresses du même genre des communautés de Palluau-la-Chapelle, de Palluau-Saint-Paul, de Montpevit et Grand-Landes en Poitou; elles demandent une justice royale.

Adresse du même genre des communautés de la Celle-Barmontoise et de la Chaussade en Auvergne; elles demandent d'être comprises dans les ressorts du siége royal qu'il conviendrait d'établir dans la ville de Bellegarde, capitale du FrancAlleu.

Délibération du conseil permanent et municipal de la ville de Lamballe en Bretagne, qui, persuadé que le bonheur qu'on prépare aux Français dépend de leur fermeté et de leur réunion, a réitéré le serment d'une parfaite adhésion aux décrets de l'Assemblée nationale, d'une inviolable fidélité au Roi, et d'une union indissoluble avec toutes les parties du royaume. Secours au premier signal.

Adresse de la communauté de Saint-Joire en Dauphiné, qui adhère de tout son pouvoir, avec la plus respectueuse reconnaissance, aux décrets et lois émanés de l'Assemblée nationale, et notamment à celui concernant la contribution patriotique; elle fait en outre don et remise à la nation de la somme de 4,400 livres, qui lui est due sur les Etats de Sa Majesté, aux termes du contrat déposé au Trésor royal le 24 janvier 1752. Dans ce temps de disette et de misère, elle supplie avec instance l'Assemblée nationale de fixer au plus tôt le prix du rachat des rentes et celui des arrérages des rentes en grains, à un taux modéré.

Délibérations des communautés de Saint-James de Vrignières, de Bernadets, d'Urost, de Gendevist et de Boil en Béarn, qui adhèrent purement et simplement à tous les décrets de l'Assemblée nationale, et donnent des pouvoirs généraux et illimités à leurs députés.

Adresse de félicitations, remerciments et adhésion des citoyens de la ville de Grenade-sur-Garonne; elle supplie instamment l'Assemblée nationale de conserver le couvent des religieuses Ursulines, établi dans leur ville.

Délibération du conseil permanent de la ville de Cailla en Languedoc, contenant adhésion à la délibération du conseil permanent de la ville de Nimes, adressée à l'Assemblée nationale le 11 novembre dernier.

Adresse de la ville de Rennes en Bretagne, dans laquelle elle rend compte de tout ce qui s'est passé à Rennes depuis la réception du décret du 3 novembre, du retardement des magistrats à rentrer la première semaine, du défaut d'enregistrement dans la seconde, et du défaut de déférence aux lettres de jussion dans la troisième ; elle suplie l'Assemblée nationale de pourvoir, le plus tôt possible, à ce que le tribunal souverain rende aux citoyens la justice que l'Etat leur doit, et sans laquelle l'ordre ne peut subsister.

Adresse du comité municipal de la ville de Metz, contenant le procès-verbal de prestation de serment de la milice nationale de cette ville, une délibération de la commune de Metz, relativement à un mémoire antipatriotique publié au nom du chapitre de la cathédrale de cette ville, enfin, une lettre originale datée de Villeneuvede-Berg en Vivarais, signée Tavernot de Barrès, lieutenant criminel de la sénéchaussée, adressée à la municipalité de Metz, dans laquelle on ose la soupçonner de fomenter la discorde et l'insurrection la plus criminelle contre les représentants de la nation : les membres du comité municipal protestent qu'ils n'ont jamais rien fait qui ait pu leur attirer ce soupçon injurieux, et dénoncent cette lettre criminelle à l'Assemblée nationale.

Adresse des habitants de la ville et banlieue de Verdun-sur-Garonne, assemblés en conseil général renforcé; ils adhèrent et reconnaissent pour lois fondamentales tous les décrets émanés de l'Assemblée nationale; ils déclarent traitres envers la patrie et criminels de lèse-nation tous ceux qui s'opposeraient directement ou indirectement à l'exécution de ces mêmes lois; supplient l'Assemblée nationale d'accorder aux voeux de ses habitants l'établissement d'une assemblée de district, et d'un tribunal secondaire dans l'enceinte de la ville de Verdun.

Adresse du comité permanent et des officiers municipaux de la ville de Romorantin, qui renferme l'invitation qu'ils ont faite à tous les citoyens de concourir à l'exact payement des impôts, et de tous les droits quelconques de tous genres, et sous quelque dénomination qu'ils soient perçus, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné par l'Assemblée nationale; ils les invitent encore à l'exactitude dans la déclaration du quart de leur revenu, et à ne pas borner leurs efforts à ce qui est demandé par la loi, mais à les proportionner aux besoins de l'Etat, en ne consultant que leur zèle, leurs facultés et leur amour pour la patric.

Adresse des officiers municipaux et notables, composant les corps et communautés de la ville de Marseille, qui offrent l'hommage de leur reconnaissance pour le zèle et les succès avec lesquels l'Assemblée nationale s'est occupée de la restauration de l'Etat; ils donnent l'assurance qu'ils chercheront toujours à se distinguer par leur exactitude à concourir au maintien de la sùreté générale et particulière, et ajoutent celle que, bien qu'ils n'aient été remis à la France qu'en 1659, ils ne seront pas moins bons et fidèles sujets que les habitants des plus anciennes provinces, ainsi qu'ils en ont donné la preuve en continuant d'acquitter exactement tous les impôts; ils témoignent tous leurs regrets de ce que la

dite ville a été oubliée dans la formation du district de Verdun, ainsi que dans le remplacement du député actuel du Verdunois; ils demandent la destruction de la gabelle, la conservation de leur juridiction royale et de leur milice nationale sur le pied de son existence actuelle.

Adresse des habitants de la ville de Trouhan, qui félicitent l'Assemblée nationale sur son décret concernant la division du royaume, décret quí rapprochera désormais tous les Français, et n'en fera plus qu'une même famille; ils développent les motifs sur lesquels ils fondent la demande de l'établissement d'un bailliage et celui d'être le chef-lieu d'un discrict.

Adresse de la garde nationale de la ville de Tours, qui demande que l'Assemblée nationale autorise l'exécution du règlement qu'elle a fait pour l'ordre de son service et de sa discipline.

M. Duval d'Eprémesnil fait une motion pour que l'Assemblée prononce sur le privilége exclusif de la compagnie des Indes.

(Voy, les développements de cette motion annexés à la séance.)

Un membre du comité de commerce annonce qu'on rendra incessamment compte à l'Assemblée de cette affaire.

Un membre demande ensuite que le comité féodal soumette incessamment à l'Assemblée le projet d'une loi pour le rachat des rentes; qu'il est chargé par la ville de Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs en Dauphiné, de la solliciter; qu'elle l'attend avec impatience pour se racheter des rentes considérables qu'elle paye.

M. le Président annonce que M. Lebrun a été choisi dans le comité des finances, et M. le baron de Flaschlanden dans le comité militaire, pour former une commission demandée par le Roi pour l'examen des affaires relatives aux Invalides.

La parole est donnée à un membre du comité de constitution, pour soumettre à l'Assemblée l'ordre dans lequel ce comité a classé tous les articles déjà décrétés, relatifs à l'établissement et l'organisation des municipalités, assemblées de district, et assemblées administratives.

M. Thouret, rapporteur du comité de constitution, observe que les trois bases de population, d'étendue et de contribution ayant été précédemment décrétées par l'Assemblée, il était nécessaire d'offrir quelques développements et quelques moyens d'exécution pour les décrets antérieurs, et en conséquence, il propose les trois articles suivants, qui sont décrétés ensemble.

« Art 1er. Le premier tiers du nombre total des députés formant l'Assemblée nationale, sera attaché au territoire, et chaque département nommera également trois députés de cette classe.

Art. 2. Le second tiers sera attribué à la population la somme totale de la population du royaume sera divisée en autant de parts que ce second tiers donnera de députés, et chaque département nommera autant de députés de cette seconde classe, qu'il contiendra de parts de population.

«Art. 3. Le dernier tiers sera attribué à la contribution directe. La masse entière de la contribution directe du royaume sera divisée de même en autant de parties qu'il y aura de députés dans ce dernier tiers, et chaque département nom

[22 décembre 1789.]

717 mera autant de députés de cette troisième classe qu'il payera de parts de contribution directe. »

M. Thouret reprend la lecture du travail du comité relatif à l'établissement des assemblées administratives: il observe, dans le cours de sa lecture, qu'il est indispensable que l'Assemblée décrète un nouvel article qu'il lui propose. Cet article est mis aux voix et adopté, ainsi qu'il suit: « L'Assemblée nationale décrète :

«Que les directoires de districts seront chargés de l'exécution, dans le ressort de leurs districts, sous la direction et l'autorité de l'administration de département et de son directoire; ils ne pourront faire exécuter aucuns arrêtés du conseil de district qui pourraient intéresser l'administration générale, si ces arrêtés n'ont été approuvés par Padininistration de département. >>

M. Thouret fait ensuite sentir la nécessité de décréter une addition à l'article 29 de la seconde section. Cette addition, ayant été soumise à l'Assemblée, est décrétée. Elle consiste dans ces mots :

« Et l'ouverture de cette session précédera d'un mois celle du conseil de département.

M. Thouret propose également une addition à l'article 1er de la 3o section.

L'addition est décrétée; elle est conçue en ces termes :

« D'ordonner et de faire faire, suivant les formes qui seront établies, les rôles de taille et de cotisation entre les contribuables de chaque municipalité. »

M. d'Ailly. Je demande que la surveillance relative au service des postes et des messageries fasse partie des fonctions des assemblées administratives.

M. le marquis d'Ambly. Je pense qu'il faut aussi décréter que les administrations actuelles rendront incessamment leurs comptes.

M. Thouret adopte cet avis, et propose de comprendre dans l'article à rédiger à ce sujet les receveurs et trésoriers qui ont eu le maniement des deniers publics.

M. de la Gallssonnière propose d'étendre cette disposition aux intendants et aux subdélégués.

Ces objets sont renvoyés au comité de constitution.

L'ordre des articles sur les assemblées administratives est unanimement adopté.

M. le Président fait ensuite lecture de la lettre suivante de M. Necker, qui accompagne l'envoi d'un mémoire de M. le marquis de Bouillé qui rend compte à l'Assemblée nationale des dispositions qu'il a faites pour empêcher l'exportation des grains; la lecture de ce mémoire est renvoyée à la séance du soir.

Monsieur le président,

« Je viens de recevoir une lettre de M. le mar-
quis de Bouillé, que je crois devoir vous commu-
niquer en original, avec les pièces qui y étaient
jointes, en vous priant de vouloir bien en faire
part à l'Assemblée nationale.

J'ai l'honneur d'être avec respect,
« Signé: NECKER. ›

M. le Président. M. Thouret a la parole pour
un rapport au nom du comité de constitution sur
l'organisation du pouvoir judiciaire.

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M. Thouret (1). Le rapport de M. Bergasse sur l'organisation du pouvoir judiciaire a obtenu les suffrages de l'Assemblée : le comité de constitution, ayant suivi les principes de ce rapport, est arrivé à plusieurs résultats différents, et il se flatte d'avoir trouvé des combinaisons plus favorables encore à la liberté publique.

La réforme des abus dans l'administration de la justice offre aux représentants de la nation une grande tâche à remplir. Le comité a examiné avec beaucoup de soin ce qu'on pourrait conserver des institutions anciennes, et il pense qu'en cette partie, ainsi qu'en beaucoup d'autres, la régénération doit être complète.

Il serait superflu de dire quelle a été la progression des abus dans l'ordre judiciaire; avec quelle imprudence on a corrompu la plus sainte des institutions; comment le fisc, pour on ne sait quelles misérables sommes d'argent, a dénaturé et confondu cette partie de l'ordre public, et établi, sous les plus frivoles prétextes, des tribunaux d'exception qui semblaient devoir accabler à jamais les justiciables. Ajoutons que l'indulgence est un devoir envers ces anciens administrateurs qui vécurent dans des temps peu éclairés, ou envers les corps qui ont étendu leurs priviléges aux dépens des individus un généreux oubli de tant de fautes est digne de l'Assemblée, et l'immense travail qu'elle doit entreprendre pour les réparer n'effrayera point son courage.

Le comité s'est à peu près borné aux lois constitutionnelles sur l'organisation du pouvoir judiciaire ; les détails seront déterminés par des règlements particuliers, et, malgré cette précaution, son ouvrage est d'une longue étendue. Pour faciliter son travail et celui de l'Assemblée, il s'est fait un plan d'une simplicité extrême. Il présentera d'abord des décrets généraux sur l'administration de la justice, sur les tribunaux et leur composition; il présentera ensuite la distribution et la gradation de ces mêmes tribunaux; après avoir organisé les cantons dans l'ordre de la justice distributive, par l'établissement des juges de paix, il passe à l'organisation des districts et des départements, sous le même rapport; il arrive à celle des cours supérieures; de là il s'élève à la cour suprême de révision, qui, maintenant l'exécution des lois et les formes de la procédure, doit remplacer le conseil des parties, dont la composition avait été calculée pour d'autres temps et pour un autre régime. Mais l'Assemblée ne remplirait pas, dans toute leur étendue, les fonctions dont elle est chargée, si elle n'assurait pas à la nation les moyens de punir légalement les corps administratifs et les juges qui tomberaient dans l'insubordination, et si la peine légale n'arrivait pas sans trouble jusqu'aux ministres prévaricaleurs. Il faut donc une haute cour nationale, revêtue d'un assez grand pouvoir pour venger, par des formes paisibles, les attentats contre la Constitution. Cette haute cour nationale, dont la composition exige l'attention la plus profonde, affermira tout l'édifice politique. La perfection de l'ordre judiciaire, est, en effet, que la justice se trouve, pour ainsi dire, à la portée de chaque citoyen; que le Roi, éclairé par le peuple, ne se trompe plus dans le choix des juges; que la désobéissance aux lois ne soit plus impunie; et que, du fond des campagnes jusqu'aux marches du trône, l'homme imprudent ou téméraire qui osera

(1) Le rapport de M. Thouret est incomplet au Moniteur.

manquer à ses devoirs, soit réprimé ou puni par une force constitutionnelle et inévitable.

Le comité a senti combien il importe de rendre à la justice ordinaire tout ce qu'on en a détaché en faveur des tribunaux d'exception. Il a examiné scrupuleusement les diverses parties de leur compétence voulant rétablir l'ordre et suivre les principes, il est parvenu, après des détails pénibles, à classer et mettre à sa place, tout ce qu'on avait déplacé mal à propos, tout ce qu'on avait confondu par ignorance, ou par des motifs moins excusables encore. Mais telle est la complication des affaires d'un grand royaume, telle est leur immense variété, que les juges de paix, les tribunaux de district, les tribunaux de département, et les cours supérieures, ne pourraient sans dé graves inconvénients juger certaines discussions d'une nature particulière. Il proposera donc de donner aux municipalités le jugement de diverses matières de police; de conserver les juridictions sur les objets du commerce, partout où elles seront nécessaires ou utiles; enfin, d'établir dans chaque département un tribunal d'administration qui jugera d'après des lois précises et des formes déterminées, les affaires contentieuses qui peuvent s'élever à l'occasion de l'impôt, ou relativement à l'administration.

Ces réflexions générales s'appliquent à toutes les parties du plan qui seront mises sous les yeux de l'Assemblée. Il en est d'autres, que le comité lui présentera ensuite, sur les objets de police, d'administration et de commerce, ainsi que sur l'établissement des jurés en matière criminelle. Peut-être faudra-t-il que cette dernière institution, appelée par le patriotisme, soit retardée par la sagesse, pour acquérir plus de stabilité.

Le comité supplie l'Assemblée de croire qu'il n'a pas perdu de vue ce rapport trop souvent oublié entre les institutions politiques et les moyens pécuniaires de l'exécution. Il a calculé, à diverses reprises, que le service entier de la justice dans le royaume, ne s'élèvera pas aux 9 ou 10 millions employés aujourd'hui au payement des gages des tribunaux actuels; en sorte que les droits domaniaux sur l'expédition des actes judiciaires, remplacés par des impôts moins onéreux, et la finance des offices de judicature une fois remboursée, une administration parfaite de la justice coûterait moins aux citoyens, que ne leur a coûté jusqu'à présent le régime abusif sous lequel ils ont vécu.

Le comité ne peut distribuer, en projets d'articles, qu'une partie de son travail; la suite paraitra incessamment.

L'Assemblée ordonne que le travail du comité de constitution sur l'organisation du pouvoir judiciaire sera imprimé et annexé au procèsverbal de la séance de ce jour. (Voy. les articles aux Annexes de la séance.)

M. le Président. L'Assemblée passe, maintenant à son ordre du jour de deux heures.

On annonce une députation de la commune de Paris qui vient soumettre à l'Assemblée un projet pour faire travailler les pauvres pendant l'hiver; cette affaire est renvoyée à la séance du soir.

Une députation du village de Villiers-sur-Marne apporte un don patriotique de 590 livres. Le député qui porte la parole fait l'offre particulière de ses boucles d'argent. L'Assemblée lui accorde la séance.

M. l'abbé de Montesquiou. Permettez que je vous parle un moment de moi. Parmi les libelles

qui se multiplient chaque jour, il en est un que la calomnie me faisait sourdement la grâce de m'attribuer. Il ne portait pas alors de nom d'auteur; il vient d'être réimprimé avec cette légère addition, par M. l'abbé de Montesquiou, agent général du clergé. J'ai toujours su dire tout haut mon opinion avec moins de fiel, et l'on m'a souvent vu m'exprimer avec autant de réserve que de franchise... Je supplie tous les comités de police et de recherches présents et à venir de s'occuper à découvrir les auteurs de ce délit, non pour moi, mais pour l'Assemblée, à laquelle il importe que ses membres ne soient pas ainsi couverts d'infamie.

M. le marquis de Foucault-Lardinalic. Ce que vient de dire M. de Montesquiou démontre assez la nécessité de statuer promptement sur la licence de la presse. On a envoyé, sous le sceau de l'Assemblée, à toutes les villes, à tous les villages et hameaux un ouvrage intitulé le Tocsin, et portant le nom de l'auteur. Beaucoup de communautés ont écrit au comité des recherches, pour savoir si ce pamphlet est un décret de l'Assemblée.

M. le comte Charles de Lameth. Je m'étonne qu'on croie devoir occuper l'Assemblée d'un libelle. C'est faire un libelle contre quelqu'un que de mettre le nom de cette personne à un libelle qu'elle n'a pas fait; or, si tous ceux d'entre nous contre lesquels on a publié des libelles voulaient se plaindre, nous consumerions pour nos affaires personnelles un temps que nous devons aux affaires générales. Pour moi, j'aurais eu souvent à vous demander la parole. Je supplie l'Assemblée de se borner à plaindre les honnêtes gens qu'on déchire par des libelles; et sans doute on ne dira pas que je suis intéressé à défendre la licence de la presse; mais le public est un juge incorruptible, et ce sera toujours, en dépit des libelles, le plus honnête citoyen qui, à la fin de la session, emportera la meilleure réputation.

M. Target. Il y a au comité de constitution beaucoup de projets relatifs à la liberté de la presse. Le comité, occupé sans relâche de travaux instants, n'a pu les examiner encore... La loi qu'on demande est tellement importante, qu'elle ne peut pas être rédigée dans un moment où des intérêts particuliers pourraient influer sur un régime qui doit être établi pour les siècles. On lève la séance à trois heures.

ASSEMBLÉE NATIONALE.

PRÉSIDENCE DE M. DÉMEUNIER,

Séance du mardi 22 décembre 1789, au soir (1).

La séance commence par la lecture d'une lettre de M. le marquis de Bouillé, datée de Metz, le 16 de ce mois, par laquelle il annonce que les ordres qu'il a donnés sont si positifs qu'il est impossible que l'exportation des blés ait lieu. Les pièces justificatives qu'il envoie sont les attestations de toutes les municipalités circonvoisines, des publications et des placards portant les or dres les plus précis au cordon de troupes de saisir toutes les denrées qu'on voudrait exporter.

(1) Cette séance est fort incomplète au Moniteur.

L'Assemblée décide le renvoi de toutes ces pièces au comité des rapports.

M. le marquis d'Estourmel propose la lecture de différentes lettres et pièces venues des frontières de Champagne, Flandre, Hainault, Trois-Evêchés, qui toutes tendent à prouver l'exactitude de M. le comte d'Esterhazy pour empêcher l'exportation des blés.

L'Assemblée, après avoir entendu la lecture des deux premières lettres, décide que le tout sera renvoyé au comité des rapports.

On donne lecture d'une lettre de M. Talon, lieutenant civil au Châtelet, concernant une effraction commise au greffe de ce tribunal. Elle est ainsi conçue:

<< Monsieur le président, l'Assemblée nationale a pu concevoir quelque inquiétude sur ce qui s'est passé au greffe criminel du Châtelet, la nuit de dimanche dernier et je ne puis trop m'empresser de la rassurer sur les suites de cet événement.

Le premier soin de M. le lieutenant criminel, de M. le procureur du Roi et le mien a été de nous transporter sur-le-champ au Châtelet, d'y vérifier les pièces des procès qui peuvent intéresser la liberté nationale, et dont la connaissance nous a été attribuée par les décrets de l'Assemblée. Nous avons eu la satisfaction de reconnaître qu'aucune de ces pièces n'avait été enlevée. Quelques-uns des coupables ayant été arrêtés, on doit espérer de connaître dans peu, si l'espoir de voler quelques effets précieux a été le seul motif de cet attentat.

J'ose supplier Monsieur le président d'en informer l'Assemblée et de lui renouveler l'hommage respectueux d'une compagnie entièrement dévouée au service de la loi.

« Je suis avec respect, etc.

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