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serait un retour heureux vers l'objet de sa première affection.

« Vive le département de Saône-et-Loire! »

Le Président de la République arrive le 15 août à Lyon. Le soir, la ville lui offre un banquet; le Prince répond ainsi au toast porté par le maire:

<< Monsieur le Maire,

<< Que la ville de Lyon, dont vous êtes le digne interprète, reçoive l'expression sincère de ma reconnaissance pour l'accueil sympathique qu'elle m'a fait; mais, croyez-le bien, je ne suis pas venu dans ces contrées, où l'Empereur, mon oncle, a laissé de si profondes traces, afin de recueillir seulement des ovations et passer des revues le but de mon voyage est, par ma présence, d'encourager les bons, de ranimer les esprits égarés, de juger par moi-même des sentiments et des besoins du pays. La tâche que j'ai à accomplir exige votre concours, et, pour que ce concours me soit complétement acquis, je dois vous dire avec franchise ce que je suis et ce que je veux.

« Je suis, non pas le représentant d'un parti,

mais le représentant des deux grandes manifestations nationales qui, en 1804 comme en 1848, ont voulu sauver par l'ordre les grands principes de la révolution française. Fier de mon origine et de mon drapeau, je leur resterai fidèle; je serai tout entier au pays, quelque chose qu'il exige de moi, abnégation ou persévérance.

« Des bruits de coups d'État sont peut-être venus jusqu'à vous, Messieurs; mais vous n'y avez pas ajouté foi, je vous en remercie : les surprises et les usurpations peuvent être le rêve des partis sans appui dans la nation; mais l'élu de six millions de suffrages exécute les volontés du peuple, il ne les trahit pas. Le patriotisme, je le répète, peut consister dans l'abnégation comme dans la persévérance.

<< Devant un danger général, toute ambition personnelle doit disparaître; en cela, le patriotisme se reconnaît, comme on reconnut la maternité dans un jugement célèbre. Vous vous souvenez de ces deux femmes réclamant le même enfant; à quel signe reconnut-on les entrailles de la véritable mère? au renoncement à ses droits que lui arrache le péril d'une tête chérie. Que les partis qui aiment la France n'oublient pas cette sublime leçon; moimême, s'il le faut, je m'en souviendrai. Mais, d'un

autre côté, si des prétentions coupables se ranimaient et menaçaient de compromettre le repos de la France, je saurais les réduire à l'impuissance en invoquant encore la souveraineté du peuple, car je ne reconnais à personne le droit de se dire son représentant plus que moi.

« Ces sentiments, vous devez les comprendre, car tout ce qui est noble, généreux, sincère, trouve de l'écho parmi les Lyonnais; votre histoire en offre d'immortels exemples. Considérez donc mes paroles comme une preuve de ma confiance et de mon estime.

<< Permettez-moi de porter un toast à la ville de Lyon. >>

Le 16 août, le Président se rend au Jardin d'hiver, où le commerce lyonnais lui offre un banquet.

Au dessert, M. Vachon, président de la commission du banquet, adresse au Chef de l'État une allocution à laquelle Louis-Napoléon répond:

<< Messieurs,

« Vous saviez que je ne pouvais rester longtemps dans vos murs, et vous avez eu la pensée

de réunir ce matin, autour de moi, le plus de représentants possible des divers éléments qui contribuent à la prospérité lyonnaise. Je vous en remercie; car je suis heureux de toutes les occasions de me mettre en contact avec le peuple qui m'a élu.

<«< En nous rencontrant souvent, nous pourrons réciproquement connaître nos sentiments, nos idées, et apprendre ainsi à compter les uns sur les autres. Quand on se voit, en effet, bien des voiles tombent, bien des préventions se dissipent.

<< De loin, je pouvais croire la population lyonnaise animée de cet esprit de vertige, qui enfante tant de troubles, et presque en hostilité avec le Pouvoir. Ici, je l'ai trouvée calme, laborieuse, sympathique à l'autorité que je représente. De votre côté, vous vous attendiez peut-être à rencontrer en moi un homme avide d'honneurs et de puissance, et vous voyez au milieu de vous un ami, un homme uniquement dévoué à son devoir et aux grands intérêts de la patrie.

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Le même jour, s'inaugure la caisse de secours mutuels et de retraite pour les ouvriers en soie. Le Président assiste à cette solennité et prononce l'allocution sui

vante :

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<< L'institution que vous m'avez invité à inaugurer est une de celles qui doivent avoir les effets les plus salutaires sur le sort des classes laborieuses. Je ne puis croire qu'il y ait des hommes assez pervers pour prêcher le mal en connaissance de cause; mais lorsque les esprits sont exaltés par des bouleversements sociaux, on inculque au peuple des idées pernicieuses qui engendrent la misère. L'ignorance est la cause de ces utopies. En effet, les systèmes les plus séduisants en apparence sont trop souvent inapplicables; l'empire de la raison est insuffisant pour détruire les fausses doctrines. C'est par l'application des améliorations pratiques qu'on les combat le plus efficace

ment.

« Les sociétés de secours mutuels, telles que je les comprends, ont le précieux avantage de réunir les différentes classes de la société, de faire cesser les jalousies qui peuvent exister entre elles, de neutraliser en grande partie le résultat de la misère, en faisant concourir le riche, volontairement, par le superflu de sa fortune, et le travailleur, par le produit de ses économies, à une institution

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