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surviennent, comme aux biens présens. Pourquoi donc l'hypothèque ne pourrait-elle pas frapper sur ces biens?

Je réponds que, sans doute, un créancier peut poursuivre son paiement sur tous les biens, même sur ceux qui parviennent au débiteur; mais l'humanité, la justice et la loi veulent qu'il mette en vente d'abord les domaines hypothéqués à sa créance, et que, s'ils suffisent, il laisse le débiteur tranquille dans ses autres possessions. Les mêmes principes moraux et légaux veulent aussi que, s'il poursuit des propriétés non hypothéquées, il ne les poursuive que successivement, et seulement autant qu'il lui en faut pour être payé : il n'y a donc aucun rapport entre ce droit de poursuite limité, et un droit prétendu d'hypothèque sur tous les biens à venir, qui les frapperait tous à la fois par l'inscription, et qui paralyserait, ou du moins affaiblirait, sans aucun intérêt réel, le crédit que le débiteur aurait le juste espoir de fonder sur ces biens.

D'ailleurs, si les biens qui surviennent sont la garantie naturelle et générale des dettes, ils le sont en même temps de toutes les dettes existantes au moment de l'échoite. Les dettes sont contemporaines à l'égard de ces biens survenus, puisqu'elles n'avaient point le gage quand elles ont été contractées; lorsque le gage devient possible, elles sont toutes formées par des titres, dont le rang et la date sont indifférens par rapport à des biens qui n'existaient pas, et qui n'ont pu raisonnablement influer sur la confiance ni par conséquent sur les droits. des contractans.

HUITIÈME OBJECTION.

Il est impossible à un prêteur de fonder sa sécurité sur l'hypothèque d'un immeuble qu'il ne connaît pas, qui souvent est très-éloigné de son domicile et de ses habitudes, et sur lequel il ne peut que difficilement prendre des renseignemens capables de le satisfaire.

Je réponds que c'est à chacun à faire ses affaires comme il l'entend, et à les faire avec prudence et discrétion. Cette ignorance qu'on suppose au créancier sur la valeur d'un héritage que le débiteur lui propose pour gage de sa créance, on peut la supposer de même sur la totalité des biens-fonds qu'il s'agirait de lui hypothéquer d'une manière générale. Il est même à croire qu'il sera toujours moins éclairé sur la valeur de la fortune entière de celui qui traite avec lui, et sur la surabondance de cette valeur en masse au-delà des créances dont l'hypothèque les a frappés; il sera toujours moins trompé sur un seul domaine qui lui est offert comme libre ou suffisant, que sur l'universalité des propriétés: presque toujours il traitera en aveugle à ce dernier égard. Au contraire, par rapport au bien déterminé, il dépendra de lui de recueillir au moins quelques lumières et de motiver sa confiance. L'objection est donc une de ces considérations vagues qu'on peut toujours opposer aux meilleures lois, et qui, si on s'y arrêtait,

repousseraient toujours ce qu'il y a de plus sage et de plus avantageux pour la société.

NEUVIÈME OBJECTION.

Il en est de même de celle-ci. On dit que le conservateur, qui doit être garant de l'exactitude de ses inscriptions et des certificats qu'il en donne, a bien plutôt fait d'inscrire une créance sur la totalité des biens du débiteur compris dans son arrondissement, que de spécifier un héritage certain, sur lequel l'hypothèque est assise par le contrat: on ajoute que souvent les noms sont mal indiqués; que quelquefois le nom des domaines varie; que si on le caractérise par sa culture, cette culture change souvent; que les tenans et aboutissans éprouvent aussi des changemens; que quelquefois même les noms vulgairement connus dans le peuple ne sont pas ceux qui désignent les domaines dans les titres; et que de toutes ces causes il pourra résulter, soit que l'inscription ne sera pas clairement appliquée à son objet, soit que le conservateur se trompera sur le relevé qu'il portera dans le livre de raison, ou sur le certificat qu'il délivrera des inscriptions; d'où pourra résulter la ruine du conservateur par l'effet de la garantie, sans que sa fortune puisse suffire à l'indemnité des dommages que ses erreurs auront causés; et de là on conclut qu'il ne faut pas spécialiser les enscriptions, malgré l'utilité même évidente qui doit résulter de cette forme.

Il me semble que cette conséquence est bien légèrement tirée. Les propriétés même des domaines ne sont transmises et constatées que par de semblables énonciations; elles n'ont pas d'autre gage de leur sûreté, et ce gage suffit. On voit rarement des acquéreurs qui prétendent avoir acquis un autre héritage que celui que les vendeurs ont eu l'intention de vendre. Il ne sera pas plus difficile de bien désigner celui qu'on voudra soumettre à l'inscription: si la désignation est fausse ou obscure, le conservateur, qui l'aura inscrite dans les termes propres de l'acte, ne sera jamais en faute; il en sera de même que du cas où l'individu grevé est mal désigné (art. 16 de la loi du 11 brumaire an VII), et de celui où l'etreur provient d'une désignation insignifiante qui ne peut être imputée au conservateur (art. 52). Sa responsabilité est alors à couvert; personne ne peut être dispensé par la loi de veiller à ses affaires; et la possibilité de quelques erreurs n'est point un argument proposable contre une bonne loi.

Dans la vérité, on ne peut se dissimuler que les erreurs dont on parle arriveront très-rarement. Un bien-fonds est toujours, dans une commune, facile à nommer, avec l'arrondissement et le département auquel elle appartient: si c'est un domaine entier soumis à une seule exploitation, ce domaine porte un nom connu qui n'est pas aussi sujet aux variations qu'on le prétend, puisqu'au contraire il est très-rare qu'il varie; un fermier, un métayer, un colon l'exploite, et leur noma

fournit un autre renseignement aisé : si c'est un héritage, une pièce de terre isolée, les tenans et aboutissans le limitent et le caractérisent: si c'est un bâtiment, il n'y a rien d'embarrassant à le dire. En un mot, il me semble qu'une telle difficulté proposée contre une loi, est de la classe de celles que la critique trouvera toujours, et que le législateur ne doit considérer jamais.

DIXIÈME OBJECTION.

L'habitude de stipuler des hypothèques spéciales, dit-on, et les leçons des gens de loi qui prescriront cette règle à leurs cliens, feront que peu de créanciers ou de prêteurs consentiront à ne pas exiger, pour leur créance seule, l'intégrité d'un domaine libre de toute hypothèque, et à se contenter, pour gage de l'excédent de valeur libre, d'un domaine déjà affecté, pour un tiers ou une moitié de sa valeur totale, à une créance antérieure. Cependant, il y a un grand nombre de propriétés importantes, indivisibles, ou difficiles à diviser, dont on ne peut tirer parti par voie d'hypothèque, qu'en les engageant successivement à plusieurs. Si les hommes s'accoutument à refuser une seconde, une troisième, une sixième hypothèque sur ces vastes domaines, et s'ils resserrent leurs fonds jusqu'à ce qu'un emprunteur ait à leur offrir le gage d'une propriété isolée sur laquelle ils n'auront point de concurrens; s'ils adoptent pour principe de s'éloigner de toutes les transactions que les auteurs de l'objection appellent vivifiantes, qui savent se passer d'une sûreté mathématique, et qui sont inspirées par une honnête confiance dans l'hypothèque générale, qu'arrivera-t-il?

La défiance viendra par la loi même qui aura établi des moyens de sûreté infaillibles; la circulation se resserrera par la prudence qu'on aura enseignée aux capitalistes; une partie du crédit motivé sur les meilleures raisons, sera perdue pour les propriétaires; et tel qui, avec quatre domaines de dix mille francs chacun, aurait eu, par l'hypothèque générale, des secours de trente-cinq mille francs, peut-être n'obtiendra, par les quatre hypothèques spéciales, que des crédits de six à sept mille francs chacun, ou de vingt-cinq à vingt-six mille francs au total.

Cette objection prouve bien qu'il est des choses sur lesquelles on peut imaginer et dire tout ce qu'on veut, sans qu'il y ait un moyen précis de réfutation et de conviction, quoiqu'on sente le vide de l'argumentation.

un

On pourrait dire de même que la publicité des hypothèques n'est pas un moyen de prévenir les fraudes facilite que faux crédit d'opi nion; qu'elle ne sert pas à rassurer les prêteurs et à maintenir l'usage loyal du véritable crédit : et c'est ainsi que l'évidence deviendrait un problême, quand les préjugés, les habitudes anciennes, les intérêts de profession et d'état, le voudraient ainsi,

Extrasse de penser que l'on ne voudra pas prendre pour gage à'une ver inte créance de dix mille francs, un domaine de quarante mea est hypotheque qu'à une première créance aussi de dix mule rancs, surtout quand, par la spécialité de l'hypothèque, les con

ces des droits sont restreintes, et quand l'expropriation, le paiement et a distribution du prix doivent se faire sûrement, promptement, fa ement et sans frais? Est-ce une chose au-dessus de la pénétration des gens qui ont de l'argent à placer, de sentir qu'une telle affectation en second ordre, évidemment utile, est aussi une hypothèque spéciale? Sera-t-on long-temps à concevoir qu'un placement ainsi appuyé vaut mieux que la transaction vivifiante, signée par l'imprudence, qui vous met en concours avec une foule de prétendans et de leurs avoués, conseils et gens d'affaires; qui fait naître tant d'examens, de vérifications, de contestations sur les titres de chacun; qui ne vivifie que les agens de la justice; qui tue si souvent les contractans, et dont l'usage a été jusqu'ici signalé par tant de désordres, de ruines et de brigandages, qui sont de nature à n'ètre de long-temps oubliés?

soit

Qui peut croire qu'offrir un moyen de traiter avec certitude, un motif de ne plus traiter; que si l'on se dégoûte de ces transactions visifiantes, dont déjà on n'est pas trop content, on ne se portera pas vers une forme parfaitement sûre et pleinement tranquillisante?

Il n'y a donc plus de raison, pas même de calcul d'intérêt parmi les hommes. On craint de livrer son argent sans une sûreté suffisante; de là tant de malheurs sans secours, avec une solvabilité réelle. La loi offrira une sûreté entière et l'on veut nous faire accroire qu'on aura moins de confiance quand on n'aura plus rien à craindre; qu'on prétera moins que quand on risquait, de toutes les manières, de perdre ses fonds; et que lorsque tous les gens sages et raisonnablement intéressés feront couler sans inquiétude leurs fonds dans les canaux de la circulation, il faudra regretter les temps où, par une confiance insensée qu'on appelle loyale et franche, un petit nombre d'imprudens les li→ vraient au hasard d'en être dépouillés par la fraude d'un débiteur ou par les hommes de loi! Non, je ne puis concevoir une telle objection, à laquelle il est plus aisé de sourire que de répondre en règle, parce que la vérité, que l'on sent, n'a souvent d'autre arme contre le sophisme, que de se remontrer une seconde fois, et de se taire.

ONZIÈME OBJECTION.

On prétend que la règle de spécialité a d'autant moins d'applica tion, que toutes les créances, on conventionnelles, ou éventuelles, ou non déterminées quant à la somme, doivent avoir, même dans le système de specialité, une hypotheque genezie, um frat d'inscription sur tous les boens tresets et meme à reve: 538 sat, dit-on, qu'ajoutant aux ivpniteques tears as immes, des aciers et de la république, is 1 rates wants nsel tes condimtabas

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et des reconnaissances par jugement, tous les actes, même volontaires, dans lesquels on contracte des obligations éventuelles, telles que des garanties en matière de vente ou de partage, ou indéterminées, comme celles qui résultent soit d'une gestion plus ou moins fidèle, plus ou moins scrupuleuse, plus ou moins sage, soit d'une indemnité non liquidée pour dommages, les quatre cinquièmes de tous les genres d'obligations emportent cette hypothèque indéfinie, et que c'est à la fois une bigarrure importune et une législation inutile d'ordonner la spécialité pour les obligations présentes, certaines, déterminées et liquides, qui ne forment pas le cinquième des divers engagemens entre les hommes; et qu'il dépend encore des contractans, avec une formalité simple et facile, de s'acquérir, même pour ces dernières obligations, l'avantage d'une hypothèque générale.

J'ai déjà prouvé que, ni les obligations appuyées d'hypothèque légale, ni celles qui sont reconnues ou prononcées par jugement, ne forment, dans chaque discussion de bien, ni une aussi grande concurrence de droits qu'on se l'imagine, ni une difficulté sérieuse contre la règle de la désignation des héritages hypothéqués aux engagemens par actes volontaires. J'éviterar de me répéter; mais j'ajoute ici que c'est une erreur de croire que dès qu'il s'agira de créances conditionnelles et éventuelles ou indéterminées, la généralité de l'hypothèque doive être admise.

La garantie des évictions, dans les partages faits devant notaire ou dans les ventes authentiques, est l'une de ces obligations éventuelles, et non moins indéterminées pour le temps de l'action que pour l'étendue de l'indemnité mais il n'en résulte pas que les héritages qui composent les lots, et qui doivent répondre de cette garantie, ne doivent pas être désignés à l'hypothèque ; et qu'en s'inscrivant pour l'acquérir, les copartageans ne doivent pas déterminer l'évaluation qu'ils donnent à ce droit certain; sauf aux possesseurs des biens affectés à cette obligation, à faire réduire l'estimation qu'on y donne. Les lots sont bien chargés de droit de la garantie, de même que l'héritage vendu est débiteur par privilège du prix de la vente : ces deux hypothèques sont légales et même privilégiées, mais sur des biens. particuliers. Le conservateur doit inscrire d'office l'héritier créancier d'une soulte sur les biens du lot qu'il doit, comme il inscrit le vendeur pour son prix sur l'héritage qu'il a vendu mais c'est au copartageant à requérir, pour sa garantie, l'inscription sur les biens partagés, ainsi que sur ceux qui lui seraient indiqués par l'acte, si l'on en a hypothéqué d'autres; ce n'en est pas moins une hypothèque et une inscription spéciale. Il en est de même de toutes les créances soit éventuelles, soit indéterminées : la règle de la spécialité subsiste à leur égard. L'objection pèche donc par son principe; ainsi, elle ne prouve rien contre la législation qu'elle attaque.

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