D'EDMOND RICHER, DOCTEUR DE SORBONNE. DIVISE'E EN QUATRE LIVRES. Par feu ADRIEN BAILLET, Bibliotécaire A LIEGE, 1714. AU LECTEUR L'H 'HISTOIRE que je vous présente, mon cher Lecteur,eft recommandable par fon auteur, &par fon fujet.Le célébre M.Baillet,dont le nom feul fait l'éloge,s'eft acquis une réputation si univerfelle & fi jufte dans la république des lettres, qu'il fuffit qu'un ouvrage porte fon nom, pour mériter notre eftime,& émouvoir notre curiofité. Il compofa celui-ci dans les heures de fes délaffemens, mais avec cette exactitude, cette précifion & cette éloquence, qui brillent dans fest autres écrits, & qui se font sentir de tous ceux qui ont quelque goût pour les ouvrages d'efprit. En travaillant à la vie d'Edmond Richer, M. Baillet eut en vue le bien de l'Eglife, les interêts de la patrie,le falut desrois,&la confervation du dépôt de la doctrine ancienne de la forbonne. Telles avoient toujours été celles de Richer,que ni le déchaînement de la nouveauté, ni la conjuration de fes confrères, ni les cenfures des évêques partiels, ni les menaces des ultramontains, n'ont pû lui faire abandonner. Ce grand homme, vangeur de la doctrine de l'églife gallicane, en foutint l'orthodoxie aux dépens de fon repos,& au rifque de fa vie. Il fut,s'il eft permis de le dire, le martyr de fa patrie, dont il étoit le défenfeur. Les persécutions obfcurcirent alors la vérité, verité,qu'il foutenoit avec zele:les temps qui ont Luivi, ont fait hommage à la pureté de fes fentimens; & fi la forbonne fa plus cruelle ennemie, entraînée par des confiderationspolitiques, eut la foibleffe de donner les mains à la confpiration, elle a depuis réparé l'injure,en confacrant par fes décrets, les dogmes qu'elle tenta d'opprimer. Ces variations de la plus illuftre faculté du monde fe remarqueront dans le cours de cette hiftoire. On y verra les rafinemens de la plus noire malignité, les détours artificieux de la politique profane,les ftratagêmes de l'erreur joints à l'autorité & à la multitude, concourir à la deftruction de la doctrine de Richer, & à la ruine de, fon auteur. M. Baillet a dévelopé tous ces mystéres avec cette liberté que l'amour de la vérité infpire, & que la vérité exige d'un hiftorien. Il n'a ni épargne ni diffimulé aucune des circonftances qui pouvoient mettre le Lecteur en poffeffion de la connoiffance exacte des faits & des personnes. Tout eft effentiel à une narration intereffante ; & l'on n'eft en droit de fe plaindre du narrateur, que quand il trahit la vérité. Le public eft redevable de cet ouvrage pofthume à un ami de cet illuftre défunt. Il doit lui fçavoir gré du préfent qu'on lui fait. Il ne pouvoit lui être offert dans un temps plus convenable; & je doute qu'on ait pu lui en faire un plus précieux. LA LA VIE D'EDMOND RICHER, DOCTEUR DE SORBONNE. LIVRE PREMIER. EPUIS que la politique feculiére, & le génie de l'intérest humain, fe font mêlez dans le gouvernement de l'Eglife, il s'eft trouvé fi peu de perfonnes capables de délivrer la vérité de leurs vexations, qu'on ne fçauroit faire paroitre trop d'empreffement pour connoitre quels ont été ceux que Dieu a fufcitez de temps en temps pour une fi fainte entreprise. L'autorité de ceux qui veulent qu'Edmond Richer, Docteur de Sorbonne, ait été du nombre de ces hommes extraordinaires, m'a fait rechercher d'abord avec tout le foin poffible, ce qu'il a fait, ce qu'il a fouffert, & ce qu'il a écrit pour la défenfe de la vérité. La même autorité m'a enfuite déterminé à |