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honneurs qui entourent leur berceau ont pour motif de donner plus d'autorité aux exemples de soumission et de vertu, qui ́ sont leur première dette envers la patrie.

« C'est aussi par l'accomplissement de leurs grandes destinées qu'ils doivent être placés, presqu'en naissant, sous les yeux du père de l'empire, afin que sa surveillance dirige leurs penchants vers l'intérêt de l'état, et qu'une morale plus sévère épure et ennoblisse leurs affections. »

L'archi-chancelier présenta ensuite à la même sanction du sénat six décrets impor

tants.

Le premier opéroit la réunion des provinces vénitiennes (1) au royaume d'Italie. Le second conféroit le trône de Naples à S. A. I. le prince Joseph, et à sa descendance légitime et masculine.

Ici l'orateur ajouta : « Cette glorieuse récompense des services du prince Joseph, de sa constante et pieuse affection pour le chef de sa famille, sera pour vous, messieurs, le sujet d'une vive satisfac

tion. »

Les troisième et quatrième décrets conféroient en toute souveraineté, l'un au prince Murat les duchés de Cloves et de Berg; l'autre à la princesse Pauline (une

(1) Provinces qui fur›nt rétrocédées à l'empereur des François après la bataille d'Austerlitz, et par le traité de Presbourg, dont nous parlerons bientôt.

1805.

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Louis

des sœurs de l'empereur), et au prince Borghèse, son époux, la principauté de Guastalla.

Le cinquième décret transféroit également en toute souveraineté, au maréchal Berthier, la principauté de Neufchâtel.

Le sixième opéroit, en faveur de la princesse Élisa et du prince Bacciochi, son époux, la réunion des pays de Massa, Carrara et Garfaguana, à la principauté de Lucques.

Le septième décret enfin érigeoit, dans les états de Parme et de Plaisance, deux grands fiefs héréditaires, qui furent depuis conférés l'un à M. Cambacérès, sous le titre de grand-duc de Parme, et l'autre à M. Lebrun, sous celui de grand-duc de Plaisance.

L'empereur avoit encore trois frères à doter: il réservoit l'Espagne à Lucien, la Westphalie à Jérôme, et la Hollande à Louis. Le sort de Louis fut décidé avant celui des deux autres (1).

Le jeudi 5 juin 1806, des ambassadeurs Buona- extraordinaires des états - généraux de parte roi Hollande furent admis à l'audience de S. M. l'empereur et roi.

de Hol

lande.

Le vice-amiral Verhuel, président de la députation, dit:

(1) Pour ne pas interrompre cette série de largesses, nous sommes forcés d'anticiper de quelques mois sur le cours des événements.

a Sire,

« Les représentants d'un peuple connu par sa patience courageuse dans les temps difficiles, célébre par la solidité de son jugement et par sa fidélité à remplir ses engagements, nous ont donné l'honorable mission de nous présenter devant le trône de votre majesté. Ce peuple a beaucoup souffert des agitations de l'Europe et des siennes. Témoin des catastrophes qui ont renversé quelques états, victime des désordres qui les ont tous ébranlés, il a senti la nécessité de se placer sous la première des sauvegardes politiques de l'Europe., Nous sommes chargés, sire, d'exprimer à votre majesté le vœu de nos représentants; nous la supplions de nous accorder comme chef suprême de notre république, comme roi de Hollande, le prince Louis Napoléon, frère de votre majesté, auquel nous remettons, avec une entière et respectueuse confiance, la garde de nos lois, la défense de nos droits politiques, et tous les intérêts de notre patrie.

L'empereur répondit :

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« MM. les représentants du peuple
batave,

« J'ai toujours regardé comme le premier intérêt de ma couronne de protéger votre patrie..... J'adhère à vos vœux. Je

1805.

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proclame roi de Hollande le prince Louis. Vous, prince, régnez sur ces peuples; protégez ses libertés, ses lois, sa religion, mais ne cessez jamais d'être François.... » Le prince Louis prit la parole à son tour, et dit :

« Sire, j'irai régner en Hollande, puisque les Hollandois le desirent, et que votre majesté l'ordonne. Votre majesté permettra que j'éprouve des regrets en m'éloignant d'elle, mais ma vie et ma volonté lui appartiennent. »

L'empereur adressa ensuite au sénat un message par lequel il lui annonçoit cette nouvelle, en même temps que celle de la nomination de son oncle le cardinal Fech, en qualité de coadjuteur de l'électeur archichancelier de l'empire. Le message étoit terminé par ces mots :

« Ainsi le service de la patrie appelle loin de nous nos frères et nos enfants. Mais le bonheur et les prospérités de nos peuples composent aussi nos plus chères affections. "

Peu de temps avant l'invasion de Naples, et pour la justifier à sa manière, l'empereur avoit fait insérer dans le Moni

teur la note suivante :

« L'ordre du destin est irrévocable. De trois filles de Marie-Thérèse l'une a perdu la monarchie de France, l'autre la maison de Parme; la troisième vient de perdre

Naples. Une reine furieuse et insensée, une femme méchante et sans mœurs, une nouvelle Frédégonde est le présent le plus funeste que le ciel, dans sa colère, puisse faire à un souverain, à un époux, à une

nation. »

Cette note insolente, et plus digne du chef de l'école des cyniques que d'un empereur des François, ne peut avoir été dictée que dans un moment de délire.

Ce fut en effet peu de jours après la bataille d'Austerlitz, et dans l'ivresse de la victoire, que Napoléon l'écrivit.

1805.

triche.

L'Autriche et la Russie avoient conclu Causes de avec l'Angleterre un traité, dont l'objet démélés immédiat étoit l'indépendance de l'Alle- avec l'Au magne et de la Suisse. L'empereur de Russie, plein de cette loyauté que, depuis, nous avons eu occasion d'admirer, envoya M. de Novosiltzoff à Paris, avec l'ordre d'en communiquer les articles à Napoléon, et de prévenir, s'il étoit possible, la nouvelle effusion de sang dont l'Europe étoit menacée.

Il étoit trop tard: Napoléon connoissoit le traité. Il entretenoit à grands frais, dans tous les cabinets de l'Europe, des correspondants traîtres à leurs maîtres, et qui l'instruisoient exactement de tout ce qu'il avoit intérêt de savoir. Ce fut, pendant son régne, un de ses plus grands moyens de succès en diplomatie comme en guerre.

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