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Par ce traité, l'Autriche perdit l'influence qu'elle avoit exercée jusqu'alors dans la confédération germanique, que Napoléon devoit bientôt soumettre à la

sienne.

Avant de quitter Vienne, Napoléon adressa aux habitants de cette ville une proclamation qui, par les paroles pleines de modération qu'elle contient, méritoit de couronner la campagne glorieuse dont elle annonçoit la fin.

<< Habitants de la ville de Vienne,

« J'ai signé la paix avec l'empereur d'Autriche. Prêt à partir pour ma capitale, je veux que vous sachiez l'estime que je vous porte, et le contentement que j'ai de votre bonne conduite, pendant le temps que vous avez été sous ma loi. Je vous ai donné un exemple inoui jusqu'à présent dans l'histoire des nations. Dix mille hommes de votre garde nationale sont restés armés, ont gardé vos portes; votre arsenal tout entier est demeuré en votre pouvoir et pendant ce temps-là je courois les chances les plus hasardeuses de la guerre. Je me suis confié en vos sentiments d'honneur, de bonne foi et de loyauté. Vous n'avez point trahi ma cònfiance.

« Habitants de Vienne, je sais que vous avez tous blâmé la guerre que des mi

1805.

1805.

nistres vendus à l'Angleterre ont suscitée sur le continent. Votre souverain est éclairé sur les menées de ces ministres corrompus (1). Il est livré tout entier aux grandes qualités qui le distinguent; et désormais J'espère pour vous et pour le continent des jours plus heureux.

« Habitants de Vienne, je me suis peu montré parmi vous, non par dédain ou par un vain orgueil; mais je n'ai pas voulu distraire en vous aucun des sentiments que vous deviez au prince avec qui j'étois dans l'intention de faire une prompte paix. En vous quittant, recevez, comme un présent qui vous prouve mon estime, votre arsenal intact, que les lois de la guerre ont rendu ma propriété. Servezvous-en toujours pour le maintien de l'ordre. Tous les maux que vous avez soufferts, attribuez-les aux malheurs inséparables de la guerre; et tous les ménagements que mon armée a apportés dans vos contrées, vous les devez à l'estime que vous avez méritée.

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(1) Il désignoit entre autres par ces imputations mal fondées M. de Thugut, qui étoit son ennemi personnel, mais qui n'étoit pas un traître.

1806.

nais.

Napoléon reprit la route de ses états: il s'arrêta quelques jours à Munich, pour Mariage la célébration d'un mariage auquel il atta- d'Eugène choit un grand prix, qui étoit nécessaire Beauharà ses vues secrétes, et qui fut le premier exemple de ces mésalliances qui ont scandalisé l'univers, le mariage d'Eugène Beauharnais avec une fille du roi de Bavière. Cette victoire sur les vieux préjugés lui parut plus douce et presque aussi glorieuse que celle d'Austerlitz.

Il arriva à Paris dans la nuit du 29 au 30 janvier 1806. Le lendemain il reçut les hommages accoutumés du sénat, du clergé, du conseil d'état. Cette fois-ci, ils étoient justes, bonorables et mérités.

La gloire et la fortune se réunissoient pour le combler de leurs dons: tout se ressentit autour de lui du bonheur dont il jouissoit.. Il distribua les récompenses avec autant de largesse que de discernement. Il s'occupa avec son activité ordinaire des soins du gouvernement, il porta dans l'administration ce coup d'œil juste, et pénétrant dont il étoit doué quand il n'étoit ni distrait par la vanité, ni animé par la colère.

Ce fut à cette époque qu'il ordonna ces travaux publics qui, s'il eût vécu, devoient renouveler en France les merveilles de l'empire romain. Ce fut alors qu'il supprima ce ridicule calendrier républicain,

1806.

Mort de

qui nous isoloit au milieu de l'Europe, et qu'il établit ces vastes dépôts de mendicité qui éloignèrent de nos yeux, au moins pour quelque temps, le spectacle de la grande plaie qui ronge insensiblement les sociétés modernes. Ce fut alors qu'il fonda des maisons d'éducation gratuite pour les enfants des deux sexes des braves morts au champ d'honneur; un prytanée militaire, vingt-cinq nouveaux lycées, les écoles de droit etc....; qu'il rendit l'église de Sainte-Geneviève au culte; qu'il ouvrit enfin de nouvelles négociations de paix avec la Russie et l'Angleterre.... Pourquoi les nobles sentiments qui inspirèrent de si utiles établissements ne furent-ils pas durables?

L'Angleterre perdit cette année deux de MM. Pitt ces hommes que le ciel, dans ses plus et Fox. grandes largesses, n'accorde que bien rarement aux nations qu'il daigne favoriser, MM. Fox et Pitt; deux rivaux de gloire, de patriotisme et d'ambition; tous les deux orateurs distingués, mais en différents genres; tous les deux profonds politiques, mais avec des vues différentes; tous les deux allant au même but, mais par des chemins divers: ils moururent à peu de mois l'un de l'autre, le premier à l'âge de cinquante-huit, et l'autre à l'âge de quarante-sept ans.

M. Pitt est regardé, dans son pays,

comme le premier homme d'état de son siècle. C'est à lui peut-être que l'Angleterre doit le rang éminent qu'elle occupe aujourd'hui parmi les nations. C'est encore lui qui a sauvé la civilisation européenne de la barbarie dans laquelle la révolution françoise menaçoit de l'en

traîner.

Comme orateur, il eut souvent des rivaux dignes de lui, et quelquefois plus éloquents. Son style étoit remarquable par sa correction, son élégance et sa facilité; mais il avoit peu de chaleur et peu d'images. Son grand mérite tenoit à la présence d'esprit avec laquelle il résumoit toutes les idées qui servoient à son but, en écartant avec autant d'adresse que de simplicité toutes celles qui l'en éloignoient. La force de sa dialectique étoit dans la clarté et dans la précision avec laquelle il ramenoit les discussions les plus compliquées à leur premier objet, et au résultat décisif. Au milieu des débats les plus animés, il étoit toujours froid, circonspect et impénétrable.

Comme homme d'état, M. Fox est placé par les Anglois beaucoup au-dessous de M. Pitt: mais comme orateur, ils le mettent au premier rang; ils n'ont qu'une voix pour faire son éloge. Lorsqu'il prenoit part à une discussion, on ne se lassoit pas d'admirer l'art avec lequel il sa

1806.

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