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Les divisions des deux grandes armées quittèrent leurs cantonnements dans les premiers jours de juin, marchèrent audevant l'une de l'autre, également animées du desir de se venger des pertes qu'elles avoient essuyées à Eylau, et se rencontrèrent à Friedland, petite ville de la Prusse ducale. Ce fut là que, le 14 juin, se donna la bataille qui termina la campagne et la guerre.

1807.

Bataille

land.

Au premier coup de canon, qui l'annonça à trois heures du matin, Napoléon de Friedqui, dans ces moments, avoit toujours une présence d'esprit admirable, dit aux officiers généraux qui l'entouroient: «< Bonne nouvelle, messieurs, c'est aujourd'hui l'anniversaire de Marengo! Ce mot heureux courut dans les rangs, fut répété par tous les soldats, et fit de chacun d'eux un enthousiaste.

Le maréchal Lannes, qui commandoit le centre, soutint pendant deux heures les efforts de toute l'armée russe, et ne put être entamé; et bientôt secondé par les maréchaux Ney, Victor et Mortier, il marcha en avant, écrasant tout ce qu'il rencontroit; la mêlée fut horrible. Les Russes se battirent avec leur sang-froid ordinaire, et soutinrent pendant seize heures et le feu et la baïonnette d'une armée nombreuse, aguerrie, exaltée par l'idée qu'elle étoit invincible. Ils eurent vingt

1807.

cinq officiers généraux tués, pris ou blessés, et laissèrent quatre-vingts pièces de canon et seize mille morts sur le champ de bataille. Cette fois-ci la victoire ne fut pas incertaine.

La ville de Koenigsberg en fut le premier gage. Le maréchal Soult entra le lendemain dans cette ancienne capitale de la Prusse, et y trouva des magasins immenses, quatre cent mille quintaux de blé, einq mille pièces d'eau-de-vie, cent cinquante mille fusils, et des munitions de guerre de toute espèce, que l'Angleterre envoyoit à ses alliés.

Le 17, l'empereur porta son quartiergénéral à Tilsitt, sur les bords du Ñiémen, qui sépare la Prusse ducale de la Russie. Ainsi Napoléon se trouvoit sur les frontières de ce vaste empire, et à quatre cents lieues des siennes. Il étoit à la tête d'une armée victorieuse, mais que la guerre, les fatigues et les maladies avoient diminuée de plus de moitié, et dont les recrutements devenoient lents et pénibles.

De son côté, Alexandre, qui jusqu'alors ne s'étoit battu que pour les intérêts et dans les états de son allié le roi de Prusse, ne se soucioit pas de transporter le théâtre de la guerre dans le cœur des siens. Dans les quinze jours qui venoient de s'écouler, il avoit perdu une partie de son artillerie, presque toutes ses

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munitions, ses magasins sur une ligne de plus de quarante lieues, et près de quarante mille hommes pris, blessés, tués, ou hors de combat.

Ces diverses considérations agissant en même temps sur l'esprit des deux souverains, les disposèrent également à un rapprochement, qui leur devenoit également nécessaire. Toute hostilité avoit déja cessé le 18, le fleuve séparoit les deux armées. Le 21, le prince Berthier, au nom de l'empereur des François, et le prince Labanof, au nom de l'empereur de Russie, signèrent un armistice, en attendant la conclusion du traité définitif, qui devoit mettre fin à une effusion de sang si contraire à l'humanité. (Termes de l'armistice.)

1807.

des deux

empereurs sur

men.

Le 25, les deux empereurs eurent une Entrevue entrevue. On avoit, à cet effet, élevé au milieu du Niémen un pavillon où les deux monarques se rendirent de chaque rive. le NiéCe fut un grand et magnifique spectacle. Les deux rives du fleuve étoient bordées par deux armées de cent cinquante mille 'hommes chacune, tandis que leurs chefs conféroient sur les moyens de rétablir la paix du monde, et de donner quelque repos à la génération présente. La veille, le maréchal Duroc étoit allé complimenter l'empereur Alexandre, qui, de son côté,

1807.

Traité de
Tilsitt.

envoya le maréchal comte de Kalkreuth
complimenter l'empereur Napoléon.
Le lendemain, les deux empereurs, le
roi de Prusse et le grand-duc Constantin
dinèrent sur la rive gauche, dans le palais
de Napoléon. Pendant les dix-huit jours
qui suivirent, les deux empereurs se firent
réciproquement des visites, dînèrent en-
semble, passèrent des revues, se prome-
nèrent à cheval, et ne cessèrent de se
donner tous les témoignages d'une bonne
et sincère amitié. Le 30 juin, la garde
impériale françoise donna un repas de
corps à la garde impériale russe. Le 8 juil-
let, la paix fut conclue et signée entre les
trois souverains.

Deux jours auparavant, la reine de Prusse étoit arrivée à Tilsitt; le jour même, Napoléon alla lui rendre visite.

ой

Les deux empereurs, après avoir séjourné pendant vingt jours à Tilsitt, les deux maisons impériales, situées dans la même rue, étoient à peu de distance l'une de l'autre, se séparèrent le g à trois heures après midi, en se donnant de nouvelles marques d'amitié. Ce jour-là les ratifications du traité de paix furent échangées. En voici les articles principaux :

1. L'empereur Napoléon, par égard pour l'empereur de Russie, et voulant donner une nouvelle preuve du desir sincère qu'il a d'unir les deux nations par les

liens d'une confiance et d'une amitié inaltérables, consent à restituer au roi de Prusse tous les pays, villes et territoire conquis, à l'exception toutefois des provinces qui faisoient partie de l'ancien royaume de Pologne, et qui ont passé à diverses époques sous la domination prus

sienne.....

II. Ces provinces seront possédées, en toute propriété et souveraineté, par sa majesté le roi de Saxe (1), sous le titre de duché de Varsovie.

III. La ville de Dantzick, avec un territoire de deux lieues de rayon autour de son enceinte, sera rétablie dans son indépendance, sous la protection des rois de Prusse et de Saxe.

IV. Les ducs de Saxe-Cobourg, d'Oldembourg et de Meklembourg seront remis chacun dans la pleine et paisible possession de ses états; mais les ports des duchés de Meklembourg et d'Oldembourg continueront d'être occupés par des garnisons françoises jusqu'à la paix définitive entre la France et l'Angleterre.

V. L'empereur Napoléon accepte la médiation de l'empereur de Russie, à l'effet de négocier et conclure un traité de paix entre la France et l'Angleterre.

VI. De son côté, l'empereur de Russie (1) Cet article explique les longs ressentiments du roi de Prusse contre le malheureux roi de Saxe.

1807.

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