Page images
PDF
EPUB

1808.

Conférences de

Ceux-ci prirent enfin une attitude plus convenable: ils rassemblèrent des forces, et demandèrent à Napoléon une explication, qu'il consentit à leur donner, en as- Bayonne. signant Bayonne pour le lieu des conférences que cette explication rendoit nécessaires entre lui et la famille royale: c'étoit un nouveau piége qu'il leur tendoit.

Le roi d'Espagne, le prince des Asturies et le favori arrivèrent à Bayonne, s'accusant les uns les autres, mais s'accordant à faire de Napoléon le juge de griefs, que toutes les raisons de prudence et de politique leur conseilloient de renfermer au fond de leurs cœurs, ou dans l'enceinte du palais. Le roi porta contre son fils une accusation capitale; le jeune prince fit retomber l'accusation sur la tête du favori. Le favori se justifia, en sacrifiant toute la famille à Napoléon. Celui-ci parut les écouter tous avec le même intérêt; et, après les avoir bien entendus, après les avoir irrités de plus en plus les uns contre les autres, il termina ce scandaleux procès, en déclarant toutes les parties coupables, en les faisant arrêter comme prisonniers d'état, et en les condamnant à être renfermés, savoir, le vieux roi et son indigne favori à Compiègne, le prince Ferdinand et son jeune frère, don Carlos, à Valencey (dans le Berry).

Un si grand attentat mit le comble à

1808.

l'indignation des Espagnols: ils jurèrent de le venger, et de ne jamais se soumettre au perfide qui l'avoit commis; ils firent à toutes les nations un appel, auquel les Anglois seuls répondirent avec une générosité digne d'un peuple libre.

Les Anglois reconnurent dans l'entreprise de Napoléon un crime dont l'impunité entraîneroit le renversement de tout ordre politique, et jugèrent dans leur intérêt qu'ils ne devoient rien négliger pour la faire échouer.

Tous les hommes éclairés de l'Europe prévirent de leur côté que la guerre d'Espagne ne finiroit qu'avec l'Espagne ellemême, ou avec la puissance de Napoléon. Il n'y eut pas un François de bonne foi qui n'improuvât cette guerre impie; il n'y en a pas un qui n'ait réclamé pour la nation espagnole des droits dont nous avions patiemment souffert d'être dépouillés nous-mêmes.

Mais à quoi ces réclamations pouvoient-elles servir, et à qui s'adressoientelles, sous un prince qui n'écoutoit personne, et dont les arrêts étoient irrévocables?

Tandis que son orgueil se repaissoit de l'idée d'ajouter une nouvelle couronne à celles qu'il avoit déja usurpées, ses armées exécutoient fidélement ses ordres son beau-frère, Murat, entroit à Madrid, et

noyoit dans leur sang les malheureux habitants de cette ville qui n'avoient voulu se laisser ni intimider par ses menaces, ni séduire par ses promesses.

Son frère Joseph reçut l'ordre de quitter le trône de Naples pour aller s'asseoir sur celui d'Espagne. Il arriva sous les auspices les plus funestes, à travers un pays couvert de cendres, au milieu des cris de rage et de désespoir, et malgré le vœu et la résistance de tous ses habitants.

Nous laisserons à d'autres le soin de transmettre à la postérité les actes d'un régne qui n'eût été qu'une mauvaise et plate comédie, si les scènes sanglantes au milieu desquelles il s'écoula tout entier n'en avoient fait une tragédie non moins horrible que toutes celles de la famille des Atrides.

Les événements que nous sommes condamnés à décrire sont trop graves pour nous permettre la moindre digression sur la vie privée de Joseph et de Jérôme Buonaparte, qui ont apparu dans le monde comme des rois de théâtre, et qui ont joué dans leurs palais des rôles de sardanapales.

Il n'entre pas davantage dans notre plan de suivre les détails de ce long et malheureux épisode de l'histoire de Napo

léon.

Les alternatives fréquentes de victoires

1808.

1808.

et de défaites qui distinguent cette guerre impie de toutes les autres, les places fortes prises et reprises, les villes saccagées, les autels dépouillés, les femmes massacrées sur les corps de leurs époux, les filles outragées par des soldats ivres de sang et de débauche; les marches savantes des généraux anglois et espagnols opposées à l'impétuosité des François ; les attaques imprévues de ceux-ci déconcertant l'habile tactique du moderne Fabius (1); des sièges dont la moindre affaire étoit une action d'éclat, le siège de Saragosse sur-tout, qui fut la mémorable, la terrible répétition de celui de Sagonte......; quels tableaux! que de nobles faits d'armes confondus avec les ignobles effets de la vengeance et du fanatisme! Les malheurs furent égaux des deux côtés; des deux côtés la bravoure fut égale. L'opiniâtre courage de l'Espagnol balançoit la valeur éclairée des François ; mais la gloire fut bien différente. Y a-t-il de la gloire dans l'injustice? Battus ou vainqueurs, les Espagnols n'ont jamais désespéré de leur cause. Cette confiance étoit le prix de leur dévouement; elle fut couronnée du succès.

De tous les écrits, documents, mémoires et manifestes qui ont été publiés de part et d'autre sur cette guerre, nous (1) Le duc de Wellington.

ne rapporterons que le manifeste de la junte et de la nation espagnole à l'Europe. C'est le cri de la vérité; c'est de plus une piéce historique.

Manifeste de la junte et de la nation espagnole

[ocr errors]

à l'Europe.

Séville, 1er janvier 1808.

la

1808.

de la junte espagnole.

Nations, peuples de l'Europe, princes Manifeste qui les gouvernez, hommes de bien de toutes les classes et de tous les états, nation espagnole, et en son nom la junte suprême, à qui l'autorité a été confiée depuis l'injuste et perfide captivité de son roi, va manifester à vos yeux la série de malheurs et d'outrages qu'elle a soufferts. En vous faisant une peinture fidéle de sa situation et de ses desseins, elle réclame avec confiance et votre compassion sur son infortune, et votre intérêt sur son sort futur.

« L'univers est témoin de l'attachement constant que l'Espagne a eu pour la France. La guerre, la paix, les alliances, les relations, tout étoit commun entre elles. La révolution a rompu ces liens....... A une guerre désastreuse succéda une honteuse paix, et à cette paix une alliance inégale. Depuis ce moment l'Espagne, attachée au char de la France, a été forcée d'en suivre servilement les violents et rapides mouvements.

[ocr errors]
« PreviousContinue »