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lui donna, par ce titre, le droit de présider, pendant son absence, le sénat, le conseil d'état, et celui des ministres. L'impératrice n'usa qu'une fois de sa prérogative, ce fut le 7 octobre suivant; et le résultat prouva toute la sagesse de la loi salique.

Personne ne connoissoit mieux que l'empereur l'esprit des François et la portée de celui de l'impératrice; mais, en donnant à sa femme ce témoignage éclatant de sa déférence, il avoit pensé que c'étoit un moyen de resserrer les liens de bonne amitié entre son beau-père et lui.

Tandis que ceci se passoit à Paris, les débris de la grande armée, commandés par le roi de Naples (Murat) et poursuivis par les Russes, faisoient leur retraite à travers la Grande-Pologne, se battant à chaque poste, se ralliant à chaque défaite.

Le roi de Naples, trop foible pour une situation si critique, avoit assez d'esprit pour en prévoir les suites; et, songeant dès-lors à séparer sa cause de celle de Napoléon, il remit le commandement de l'armée au vice-roi d'Italie (le prince Eugène), et, avec ce qui lui restoit de la sienne, il reprit le chemin de ses états.

Le prince Eugène se montra digne du poste périlleux qu'on lui confioit. Il y déploya des talents, du sang-froid, du courage, et une activité extraordinaire. Il étoit en position sur l'Oder quand il ap

prit la défection du roi de Prusse. Il s'y 1813. attendoit, parcequ'il n'ignoroit pas que c'étoit comme contraint que le roi de Prusse faisoit la guerre à la Russie. Il n'en fut pas troublé. Il rassembla aussitôt tous les corps de son armée, et, résolu d'aller au-devant des renforts que l'empereur lui envoyoit, il marcha à grandes journées, mais en bon ordre, sur Berlin, où il arriva le 28 février, et qu'il évacua le 3 mars pour se rapprocher de la Saxe. Le 1er avril, il s'étoit établi et retranché sur la Saale, ayant sa gauche appuyée sur Magdebourg, son centre sur Hall et sa droite sur Naümbourg. Dans cette longue marche, il perdit peu de monde, et le moral de son armée se retrempa. Dans sa position retranchée, il attendit l'empereur sans inquiétude.

Napoléon partit de Paris le 15 avril, et arriva le 16 à Mayence. Il y resta huit jours, pendant lesquels il s'occupa sans relâche des travaux relatifs à la réorganisation de son armée. Il se remit en route le 24, et le 28 il rejoignit le prince Eugène à Naümbourg. Cette activité redoubloit ses forces; il étoit dans son élément.

Le même jour, les maréchaux Ney et Bessières traversèrent la Saale, manoeuvrèrent pour franchir le défilé de Poserno, où leurs avant-postes rencontrèrent ceux du général Winzingerode, et engagèrent

Campa

en de

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Bataille

de Lutzen.

avec eux une vive escarmouche, dans laquelle le maréchal Bessières fut tué d'un boulet de canon (1).

L'armée des alliés, forte de cent quatre-vingt mille hommes, et celle des François de deux cent mille, dont plus de la moitié étoit composée de nouvelles recrues, se trouvèrent en présence dans les plaines de Lutzen, lieu déja fameux par une bataille dans laquelle le roi de Suède Gustave-Adolphe fut tué, en 1632.

Les alliés, animés par la présence de leurs souverains, l'empereur de Russie et le roi de Prusse, et encore plus par le souvenir récent de leurs succès, attaquèrent avec impétuosité le corps d'armée que commandoit le maréchal Ney, et le culbutèrent après une longue résistance. Mais Napoléon, à la tête de la garde impériale, parut devant eux, arrêta leurs progrès, rétablit le combat, et prit à son tour l'offensive. Les maréchaux Macdonald et Marmont le secondèrent en manoeuvrant par la droite; les alliés, qui croyoient marcher à une victoire assurée, furent d'abord étonnés, puis découragés; ils ne songè

(1) M. Bessières s'éleva du rang de simple soldat au grade de maréchal de l'empire. Il avoit suivi Buonaparte dans ses campagnes d'Italie, en Egypte, en Allemagne et en Russie, sans avoir jamais eu de commandement en chef. Il s'étoit toujours distingué par son courage et son sang-froid dans toutes les opérations qui lui furent confiées.

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rent bientôt plus qu'à faire leur retraite; ils la firent en bon ordre, et se retirèrent sur Pegau, en Misnie.

Les François, qui, depuis Moscou avoient perdu l'habitude et presque l'espoir de vaincre, retrouvèrent à Lutzen, avec leurs forces, leur confiance et leur discipline.

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Napoléon ne perdit pas une si belle occasion de les exalter, en les glorifiant. Le lendemain de la victoire il leur adressa cette proclamation :

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Soldats, je suis content de vous; vous avez rempli mon attente; vous avez ajouté un nouveau lustre à la gloire de vos aigles. Nous rejetterons les Tartares dans leurs affreux climats. Vous avez bien mérité de l'Europe civilisée. »

La victoire est un prestige auquel les François n'ont jamais su résister. Ĉelle de Lutzen, la plus stérile de toutes celles que Napoléon avoit remportées, lui parut bonne à relever l'esprit de la nation et le courage de ses troupes. Il la fit valoir; il voulut qu'elle fût chantée sur tous les théâtres, célébrée dans toutes les églises

par

des Te Deum, et dans toutes les villes par des feux de joie et des réjouissances publiques. Il s'agissoit d'oublier et de réparer les désastres de l'année précédente.

Du 4 au 8 mai, les alliés continuèrent leur retraite, sans être inquiétés et sans

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paroître avoir de plan fixe; ils restèrent même plusieurs jours dans l'inaction, incertains s'ils attendroient les François sur l'Elbe, ou s'ils se rapprocheroient de la Sprée. Ils prirent ce dernier parti, tant pour être plus près de la source des renforts qu'ils attendoient, que pour empêcher les François de se placer entre eux et l'Autriche.

L'Autriche avoit accepté le rôle de médiatrice, et gardoit une exacte neutralité. Il répugnoit également à François II de se battre contre son gendre, et de le soutenir dans ses ambitieux projets. Son intérêt et ses vœux tendoient à rendre la paix à l'Europe; et pour y parvenir plus tôt et plus efficacement, il annonça qu'usant des droits de la neutralité armée, il se déclareroit l'ennemi de celle des puissances belligérantes qui, dans un temps donné, ne céderoit pas au besoin des peuples et aux cris de l'humanité.

Les alliés ne prirent aucun ombrage de cette déclaration; ils se soumirent sans difficulté à la condition qu'elle leur imposoit; et, connoissant la probité de François II, ils étoient sûrs qu'il tiendroit sa parole, à moins que, par violence ou par séduction, Napoléon ne lui imposât l'obligation de la fausser. Ce fut dans l'intention d'assurer sa liberté que, pour empêcher l'armée françoise de se rapprocher

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