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1813.

veu Gustave IV, le duc de Sudermanie adopta un système pacifique qui favorisa le commerce et l'industrie de la Suède. Le temps de la minorité étant expiré, il quitta les affaires, et alla vivre dans une profonde retraite au château de Rosemberg, d'où il sortit le lendemain de la révolution qui renversa son neveu du trône. Il lui succéda.

Le nouveau monarque n'avoit point d'enfants, ni l'espoir d'en obtenir. Son neveu avoit un fils, mais que les auteurs, encore tout-puissants, de la dernière révolution, avoient exclu du trône et proscrit comme son père. Charles XIII fut donc obligé de se choisir un successeur dans une famille étrangère. Dans les circonstances où ils se trouvoient, les Suédois avoient besoin d'un guerrier; et dans ce temps-là on croyoit que les premiers guerriers du monde étoient en France. Ces deux motifs déterminèrent les états et le roi à offrir la couronne de Suède au maréchal Bernadotte, l'un des chefs les plus distingués de l'armée françoise (1). Il ac

(1) Jean-Baptiste Bernadotte, né à Pau, en 1764, d'une famille bourgeoise, étoit sergent dans le régiment de Royal-Marine avant la révolution. Son activité, sa valeur et ses opinions patriotiques, lui procurèrent un avancement rapide dans l'armée. Il n'a dû qu'à lui-même et à sa réputation de bravoure et de probité le choix que les états et le roi firent de sa personne pour occuper le trône de Suède.

cepta, et fut proclamé prince royal le 21 août 1811. Il ne pouvoit se maintenir à ce haut degré d'élévation qu'en oubliant son ancienne patrie, et en épousant les intérêts de celle qui venoit de l'adopter. Or, l'intérêt de la Suède exigeoit impérieusement qu'elle se rapprochât de la Russie : en vertu du traité qui fut signé en 1812 avec cette puissance, le prince royal, le 18 mai 1813, vint débarquer à Stralsund à la tête de trente mille Suédois.

Ce fut dans cette ville qu'il rencontra le général Moreau, nouvellement arrivé du nouveau monde pour servir la même cause; ces deux généraux, fort opposés de principes et de caractère, n'avoient jamais été liés; mais la conformité de leur haine pour Napoléon les rapprocha, et ils se donnèrent réciproquement des témoignages d'estime et d'affection.

Alors la coalition contre Napoléon se composoit des armées de Russie, d'Autriche, de Prusse, de Suède et d'Angleterre : voici quelles étoient la force et la position de ces armées lors de la reprise des hostilités.

La grande armée, composée de troupes autrichiennes et russes, forte de cent quarante mille hommes, commandée par le prince de Schwartzemberg, occupoit les rives de l'Elbe et de l'Eger. L'empereur Alexandre et le roi de Prusse étoient dans cette armée.

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Etat de

L'armée dite de Silésie, forte de quatrevingt mille hommes russes et prussiens, et commandée par le prince Blücher, étoit en position sur la rive gauche de la Katzbach.

Le prince royal de Suéde, à la tête d'une armée de quatre-vingt-cinq mille hommes, savoir, trente mille Suédois, trente mille Prussiens et vingt-cinq mille Russes, couvroit Berlin et avoit son quartier-général à Donnevitz.

Plusieurs corps, évalués ensemble à quarante-cinq mille hommes, servoient à lier les trois armées combinées, à éclairer leurs flancs, à maintenir leurs communications. Ainsi, les forces disponibles des alliés s'élevoient à trois cent soixante mille hommes de toute arme.

Celles de Napoléon s'élevoient à trois l'armée cent quatre-vingt-cinq mille, partagées françoise. en quinze grands corps, ainsi qu'il suit :

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Qu'eiles sont douloureuses les réflexions que font naître l'appareil de ces armées nombreuses, et ces immenses préparatifs de mort! Qui ne frémit pas à la vue de ces huit cent mille hommes qui marchent, les uns pour attaquer, les autres pour défendre un seul homme, inconnu à la plupart d'entre eux; qui, n'étant animés par aucun motif de haine personnelle, vont courir les uns sur les autres comme des furieux; qui vont se faire une guerre de bêtes féroces, avee tous les arts de la civilisation?

A cette vue, je demande quelle différence on met entre les hommes de notre temps, si fiers de leurs lumières, de leur philosophie, de leur liberté, et ceux des temps de barbarie, où Attila, Genséric, Tamerlan, alloient, avec leurs immenses peuplades, porter le fer et le feu dans les contrées les plus éloignées et les plus étrangères à leurs ressentiments? Là, – comme ici, je ne vois, sous différents noms, qu'un enchaînement de causes et d'effets semblables, et je suis toujours tenté de m'écrier avec un ancien philosophe: O homines, ad servitutem natos!

Nous n'entrerons point dans le fastidieux récit de tous les combats que se livrèrent, avec un courage égal et des succès différents, les François et les alliés, dans le cours de cette funeste campagne. La guerre n'occupe déja que trop de place

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dans notre ouvrage, et ce n'est

pas

alors

qu'il s'agit de raconter nos fautes et nos malheurs que nous pouvons nous complaire dans les détails.

Les succès et les revers se balancèrent pendant près de trois mois, avec cette différence toutefois que l'ennemi ne perdoit pas un homme sans le remplacer aussitôt; au lieu que nos pertes étoient irréparables. Nos armées s'épuisoient par leurs victoires autant que par leurs défaites. Par-tout où les François se portoient, ils trouvoient les habitants en insurrection. Toutes les villes étoient des places de guerre, toute la population des campagnes étoit armée contre eux : chaque jour ils étoient obligés de conquérir la subsistance de chaque jour. Cette situation violente ne pouvoit durer plus long-temps.

Le 25 août, la grande armée des alliés quitta ses cantonnements de Bohème et s'approcha de Dresde, où étoit le quartier-général de l'armée françoise. Napoléon venoit d'entrer dans cette ville avec une partie de sa garde. Le terrain qui le séparoit du camp des alliés devint une espèce de champ clos, où les deux partis se provoquoient avec une égale impatience, se chargeoient avec une égale fureur, et ne se retiroient que pour recommencer le lendemain.

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