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1814.

L'attaquer, le combattre, le déloger de la ville, tout cela ne fut que l'affaire d'un moment. Blücher, pris à l'improviste, ne s'en défendit pas avec moins de vigueur; mais pressé avec plus de vigueur encore, il fut obligé de céder. Il revint le lendemain avec de nouvelles troupes, et prit sa revanche sur des troupes fatiguées du combat de la veille : Napoléon fit une longue et glorieuse résistance; mais attaqué par des troupes qui se renouveloient sans cesse, et qui étoient conduites par un homme aussi ardent et aussi opiniâtre que lui-même, il céda, et fit sa retraite sur Troyes. La malheureuse ville de Brienne fut réduite en cendres.

Au lieu de poursuivre Napoléon, le maréchal Blücher se porta sur la Marne, s'empara de la Ferté-sous-Jouarre et de Château-Thierry, et envoya ses éclaireurs jusqu'à Meaux.

Pendant ce temps-là, l'armée combinée des Autrichiens et des Russes, que commandoit le prince de Swartzemberg, s'avançoit lentement sur la rive droite de la Seine et arriva devant la ville de Troyes. Napoléon, qui n'avoit ni les moyens de résister à cette masse imposante, ni l'intention de se mesurer avec les Autrichiens, évacua la ville, en annonçant qu'il alloit se rapprocher de sa capitale. Mais, par une manœuvre prompte et savante,

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il se jeta sur la gauche, tomba avec la rapidité de la foudre sur les corps prussiens cantonnés à Champeaubert, à Châ- Combats teau-Thierry et à Montmirail, les battit de Cham

successivement et complétement, leur peaubert

et de

enleva canons, bagages et fit dix mille Montiniprisonniers. C'étoit aux Prussiens qu'il rail. portoit plus de haine; c'étoit eux qu'il cherchoit par-tout, assuré qu'il étoit de trouver en eux des ennemis implacables.

Le jour même qu'il retrempoit pour ainsi dire sa gloire et son épée dans ces trois actions brillantes, l'avant-garde russe entroit dans Soissons, et le général Bulow s'emparoit de Laon. D'un autre côté, deux. corps d'armée s'avançoient l'un sur Nogent, l'autre sur Montereau: Napoléon, qui sembloit se multiplier, courut au-devant d'eux, les battit l'un après l'autre, leur tua beaucoup de monde, et, par ces cinq victoires remportées coup sur coup, frappa ses ennemis de crainte et arrêta la grande armée dans sa marche.

Le prince de Swartzemberg et l'empereur Alexandre ne se crurent point en sûreté à Troyes, où depuis quelques jours étoit leur quartier général : ils quittèrent cette ville, et délibérèrent s'ils ne rétrograderoient pas jusqu'à la frontière.

Ce fut alors que Napoléon, enivré de ses succès, et informé de l'effet qu'ils avoient produit sur l'esprit de ses enne

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Combat

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mis, s'écria dans un moment d'enthousiasme « Je suis plus près de Vienne qu'ils ne sont de Paris; j'irai me venger dans Munich de la défection des Bavarois. »

Mais, mieux instruits de sa situation, et honteux de l'alarme qu'ils venoient de prendre mal à propos, les quatre grandes puissances (1) signèrent, à Chaumont, un traité, par lequel chacune d'elles s'engageoit à ne faire avec lui aucun traité, à ne signer ni paix ni trève sans le consentement des trois autres.

Napoléon, qui, dans les premiers jours de de mars, s'étoit porté sur l'Aisne, attaqua, Craone. Je 7, les hauteurs de Craone, occupées par le maréchal Blücher, et s'en rendit maître, après un combat meurtrier. Deux jours après, il insulta vainement et à plusieurs reprises la ville de Laon, où le général prussien s'étoit retiré : il perdit, à ces assauts, beaucoup de monde. Et malheureusement pour lui, ses ressources étoient épuisées, ses pertes ne se réparoient plus.

A son exemple, les alliés publioient des bulletins de leurs opérations militaires, et des proclamations adressées tantôt à leurs soldats, et tantót aux peuples de nos campagnes. A son exemple aussi ils ne se piquoient ni de ménagement dans leurs

(1) L'Autriche, la Russie, l'Angleterre et la Prusse.

proclamations, ni de vérité dans leurs bulletins.

« Voulez-vous, disoit le maréchal Blücher dans un manifeste adressé aux François, voulez-vous connoître les événements de la guerre? Demandez aux habitants de Laon des nouvelles des mémorables journées des 9 et 10 mars, où l'armée françoise, commandée par l'empereur Napoléon en personne, a essuyé une défaite compléte sous les murs de cette ville. Les négociations de Châtillon, lorsqu'elles seront connues, prouveront que

c'est votre souverain, et votre souverain seul qui fait naître chaque jour les difficultés qui prolongent la guerre et vos

malheurs. »

Cela n'étoit pas exact. Les difficultés dont parle le maréchal Blücher ne provenoient pas uniquement de la mauvaise volonté de l'empereur Napoléon; et c'est de la déclaration du congrès de Châtillon, c'est-à-dire de l'autorité qu'il invoque, que nous tirons la preuve de l'infidélité de son récit.

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tillon.

Depuis quelques jours un congrès s'é- Congrès toit, en effet, rassemblé à Châtillon-sur- de ChaSeine. Nous ne savons pas jusqu'à quel point les puissances belligérantes s'y portèrent de bonne foi. Mais les propositions respectives qu'elles se firent étoient si incompatibles, si contradictoires, si

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éloignées de toute espèce de rapprochement, que, dès l'ouverture, il fut démontré à tout le monde qu'il n'y auroit pas de rapprochement : il n'y en eut pas. Le congrès fut rompu. Les alliés publièrent à ce sujet une déclaration que nous croyons devoir transcrire ici, parcequ'elle éclaircit beaucoup de faits, que la rapidité de notre récit nous a forcés de n'indiquer que sommairement.

Déclaration des puissances alliées sur la rupture du congrès de Châtillon-sur Seine, le 16 mars 1814.

<< Les puissances alliées se doivent à elles-mêmes, à leurs peuples et à la France, d'annoncer publiquement, dans le moment de la rupture des conférences de Châtillon, les motifs qui les ont portées à entamer une négociation avec le gouvernement françois et les causes de la rupture de cette négociation.

«Des événements militaires tels que l'histoire aura peine à en recueillir dans d'autres temps renversèrent, au mois d'octobre dernier, l'édifice monstrueux compris sous la dénomination d'empire françois, édifice politique fondé sur les ruines d'états jadis indépendants et heureux, agrandi par des provinces arrachées à d'antiques monarchies, soutenu au prix du sang, de la fortune et du bien-être d'une génération entière.

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