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1814.

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bonté tout-à-fait rassurante, et qui ga rantissoit d'avance la générosité qu'ils ont montrée depuis dans leur conduite. Alexandre et Frédéric ordonnèrent aussitôt de faire cesser le feu sur toute la ligne, et signèrent le même soir une capitulation honorable pour les habitants de Paris (1).

Tandis que cette négociation se traitoit aux barrières du nord, le roi Joseph, lieutenant-général de l'empereur, qui, la veille, nous avoit si solennellement promis de rester avec nous, ne songeoit qu'à nous quitter, et désertoit lâchement son poste par la barrière du midi. Il alloit rejoindre Marie-Louise à Blois, où, par ordre de l'empereur, on devoit établir le siége de la régence. Projet chimérique, qui prouvoit la fausseté du jugement de ceux qui l'avoient conçu, et que renversèrent de fond en comble les événements du lendemain.

Le lendemain 31 mars, jour à jamais des alliés mémorable dans les fastes de l'Europe, une armée de deux cent mille hommes

dans

Paris.

(1) L'histoire dira plus tard les causes secrètes de ce grand événement, et le nom des deux hommes d'état (François) qui le préparèrent par le haut ascendant qu'ils prirent sur le cœur du généreux Alexandre. Nous sommes aujourd'hui trop près des actions, et au milieu de passions trop ardentes, pour dire avec la mesure convenable et l'espoir d'être ntiles, ce qu'un parti veut taire, et ce que l'autre refuseroit de croire.

entra paisiblement dans Paris, traversa ses rues, ses boulevards, ses places publiques, au milieu de la foule de ses habitants, qui n'éprouvoient d'autre sentiment que celui de l'admiration pour la bonne tenue, la discipline et la sécurité de ces guerriers qui, la veille encore, ne respiroient que sang et pillage. Leur marche, depuis la barrière St.-Martin jusqu'aux Champs-Élysées, avoit l'air d'une magnifique parade, ou plutôt d'une entrée triomphale imaginée pour le plaisir de nos yeux, et dans laquelle les vainqueurs et les vaincus ne paroissoient qu'un seul peuple confondu dans le même sen

timent.

Il faut le déclarer hautement: malgré les murmures de quelques vanités blessées, les princes alliés déployèrent, dans le cours de cette guerre et au terme de leur prospérité, une modération, une noblesse, un caractère de grandeur dont nous étions loin de leur avoir donné l'exemple: ils vouloient la paix pour prix de la victoire, comme ils avoient obtenu la victoire sans user des droits de la guerre; ils vouloient se montrer dignes d'un siècle dont ils apprécient les lumières, et d'une nation dont ils ambitionnent l'estime.

Dans aucun temps, peut-être, on ne vit des vainqueurs plus généreux et des vaincus plus satisfaits; dans aucun temps

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une paix plus franche et plus promptement contractée ne succéda à une guerre plus longue et plus atroce. L'histoire ancienne et moderne n'offre pas une autre journée semblable à celle du 31 mars 1814.

Que faisoit alors Napoléon? nous l'avons laissé sur le chemin de la Lorraine, et marchant vers les frontières. Le 28 mars, il apprit à Vitry-sur-Marne que les alliés, au lieu de le poursuivre, comme il s'y attendoit, marchoient à grandes journées sur Paris; c'étoit ce qu'il craignoit le plus au monde. Dès-lors il perdit de vue le projet d'aller s'emparer de la capitale de l'Autriche, et ne songea plus qu'à sauver la sienne. Il fait faire volte-face à son armée, lui donne l'ordre de le suivre; prend les devants de toute la vitesse de ses chevaux, arrive à Troyes le 29, le 30 à Fontainebleau; et, sans s'arrêter, et accompagné seulement de deux aides-decamp, il poursuit sa route, il arrive à neuf heures du soir à la Cour de France (1). Tout ce qu'il vouloit, c'étoit d'arriver à Paris, à quelque prix que ce fût; c'étoit d'y entrer avant les alliés ; et l'on frémit à l'idée des malheurs que l'accomplissement de ce projet eût entraînés.

Pendant qu'il relayoit, un officier-général, qui venoit au grand galop de Paris, lui apprend que tout est fini, que la ville (1) Poste royale, à six lieues de Paris.

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est rendue, que les ennemis sont maîtres de tous les postes extérieurs, et qu'il court les plus grands dangers, s'il fait un pas de plus en avant. En finissant ce rapport, le général lui présente les articles de la capitulation.

: :

L'incrédulité, l'étonnement, la fureur, la vengeance se succédèrent rapidement dans l'ame de Napoléon. L'incrédulité fut la plus forte. Il ne voulut rien croire; il voulut au moins s'assurer de la vérité par ses yeux il donnoit l'ordre du départ, lorsque deux autres officiers arrivent et certifient le rapport du premier. Cette confirmation lui rendit tout son sang-froid: Hé bien, dit-il, ma capitale est dans mon armée. Et il reprit tranquillement le chemin de Fontainebleau.

Le lendemain, il fit mettre à l'ordre du jour le bulletin suivant:

31 mars 1814.

« L'occupation de la capitale par l'ennemi est un malheur qui afflige profondément le cœur de sa majesté, mais dont il ne faut pas concevoir d'alarmes. La présence de l'empereur avec son armée aux portes de Paris, empêchera l'ennemi de se porter aux excès accoutumés dans une ville si populeuse, et qu'il ne sauroit garder sans rendre sa position très dange

reuse. »

1814.

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Déclara

Ce ne fut nullement à la crainte de Napoléon et de son armée, mais bien à la générosité des empereurs d'Autriche et de Russie, que les Parisiens furent redevables de la modération que les alliés montrèrent dans cette première invasion. L'ivresse que leur présence avoit excitée le matin fut portée le soir à son comble, lorsque chacun lut sur tous les murs l'affiche suivante :

DÉCLARATION.

Paris, 31 mars, trois heures après midi. » Les armées des puissances alliées ont tion géné occupé la capitale de la France. Les souverains alliés accueillent le vœu de la nation françoise: ils déclarent :

reuse des

alliés.

« Que, si les conditions de la paix devoient renfermer de plus fortes garanties lorsqu'il s'agissoit d'enchaîner l'ambition de Buonaparte, elles doivent être plus favorables lorsque, par un retour vers un gouvernement sage, la France elle-même offrira l'assurance de ce repos;

« Les souverains alliés proclament en conséquence,

« Qu'ils ne traiteront plus avec Napoléon Buonaparte, ni avec personne de sa famille ;

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Qu'ils respectent l'intégrité de l'ancienne France, telle qu'elle a existé sous ses rois légitimes. Ils peuvent même faire

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