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dernière de cette campagne terrible et à jamais mémorable.

Le surlendemain, les habitants de Toulouse ouvrirent leurs portes à Wellington, et leurs cœurs à la joie d'être délivrés du joug impérial, et de pouvoir crier librement vive le roi, vivent les Bourbons. Ils arborèrent le drapeau blanc. Le peuple, précédé du corps municipal, n'implora pas en vain l'assistance du vainqueur. Wellington répondit avec franchise et amitié: Ce n'est pas aux François, c'est à l'ennemi du genre humain que je fais la guerre.

La ville de Bordeaux gémissoit encore sous l'oppression. Les habitants livrés à eux-mêmes, sans tribunaux, sans administration, sans garnison, ne recevoient aucune nouvelle de Paris, par suite des mesures que la régence de Blois avoit prises pour les en priver; ne savoient à quel gouvernement ils appartenoient ; mais ils craignoient le retour des lieutenants de Napoléon.

A l'approche de l'armée angloise, M. le comte de Lynch, maire de la ville, et le seul magistrat qui fût resté à son poste, alla au-devant du général, et lui dit, qu'il

alloit entrer dans une ville amie et soumise d'avance à Louis XVIII. En même temps il découvrit sa cocarde et son écharpe blanche. Les Anglois entrèrent dans la

1814.

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ville pêle-mêle avec les habitants, et criant avec eux vive le Roi! vivent les Bourbons! Toutes les inquiétudes cessèrent: l'arrivée de M. le duc d'Angoulême couronna cette belle journée. La présence de ce prince, qui depuis long-temps figuroit avec honneur dans le rang des braves, avoit déja rassuré toutes les contrées situées au-delà de la Garonne : elle devint pour les Bordelois le gage assuré des bonnes intentions de l'armée des alliés.

La France entière étoit soumise. Le lieutenant-général du royaume travailloit alors à poser les bases d'un traité de paix avec toutes les puissances de l'Europe. Cette tâche honorable n'étoit pas sans difficultés, et demandoit peut-être plus de temps qu'on n'en mit à la remplir: mais il étoit urgent de diminuer la charge énorme que la présence d'une armée étrangère de huit cent mille hommes faisoit peser sur le royaume.

Le nouvel ordre de choses s'organisoit lentement, parceque tout ne marchoit encore que d'après des garanties verbales. Le prince et la nation desiroient vivement qu'il y en eût d'écrites.

Les plénipotentiaires des puissances respectives, dont le vœu à cet égard étoit conforme à celui de la nation et du prince, se montrèrent faciles et généreux dans le

cours de la négociation : le 23 avril, ils signèrent les conventions suivantes :

1814.

tion

Art. I. « Toutes les hostilités sur terre Convenet sur mer sont et demeurent suspendues entre les puissances alliées et la France.

II. « Pour constater le rétablissement des rapports d'amitié entre les puissances alliées et la France, et pour faire jouir la France autant que possible, d'avance, des avantages de la paix, les puissances alliées feront évacuer par leurs armées le territoire françois tel qu'il se trouvoit le 1er janvier 1792, à mesure que les places occupées hors de ces limites par les troupes françoises seront évacuées et remises aux alliés (1).

III. « Le blocus des places fortes en France sera levé sur-le-champ par les armées alliées.

IV. « Les flottes et les bâtiments de la France demeureront dans leur situation respective, sauf la sortie des bâtiments chargés de missions. Mais l'effet immédiat du présent acte, à l'égard des ports françois, sera la levée de tout blocus par terre ou par mer, la liberté de la pêche, celle du cabotage, etc.

V. « De part et d'autre les prisonniers, officiers et soldats de terre et de mer, et les otages seront immédiatement renvoyés

(1) Ces places étoient Hambourg, Dantzick, Maëstricht, Mayence, Luxembourg, Flessingue, etc.

de Paris.

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dans leurs pays respectifs, sans rançon, ni échange, etc.

« Fait à Paris, le 23 avril, l'an de grace 1814. »

Ces conventions ne plurent pas à tout le monde. Les François qui avoient conservé trop de souvenirs de leur gloire passée regrettèrent vivement le Piémont et les limites du Rhin, et se trouvèrent humiliés d'être réduits à la France de 1792. Ces regrets annonçoient plus de sensibilité que de raison.

Le gouvernement qui venoit de succomber avoit armé toute l'Europe contre la France. C'est dans le sein de sa capitale. qu'elle avoit reçu la paix, et que ses ennemis avoient fixé son nouvel état, sinon sans générosité, du moins sans rigueur ; et ce défaut de rigueur, il faut en convenir, après la conduite que les François avoient tenue en Prusse, en Autriche, et sur-tout en Espagne, pouvoit encore passer pour de la générosité.

« Si les alliés, maîtres de Paris en 1814, n'ont rien fait pour la France, au moins n'ont-ils rien fait contre elle, ainsi qu'ils le pouvoient. Ils n'étoient pas venus à Paris pour la France, pour la rendre puissante, pour entrer dans tous ses desirs, ainsi que quelques folles joies se le figuroient, mais pour se défendre eux-mêmes.

de ses atteintes passées et à venir. Les alliés avoient à concilier les intérêts permanents de l'Europe avec l'état que la France doit occuper parmi les pouvoirs européens (1). "

La convention dont nous venons de parler servit de base au traité de Paris, qui fut signé le 30 mai suivant, et dont voici les principales dispositions :

I er

Art. Ier « La France conserve l'intégrité de ses limites, telles qu'elles existoient le janvier 1792. Elle recevra en outre une augmentation de territoire qui sera déterminée par un des articles suivants. (Cette augmentation se composoit, entre autres, de Chambéry et d'Annecy en Savoie, de Saarbruck et d'Arneval, dans le département de la Sarre, des cantons de Valcour, Florennes et Beauraing, dans le département de Sambre et-Meuse, etc., etc.)

II. « Les cours alliées assurent à la France la possession d'Avignon, du comtat Venaissin, du comté de Montbéliard.

III. « La Hollande, placée sous la souveraineté de la maison d'Orange, recevra un accroissement de territoire.

« Les états d'Allemagne seront indépendants et unis par un lien fédératif. « La Suisse indépendante continuera de se gouverner par elle-même.

(1) Du congrès de Vienne, par M. de Pradt.

1814.

Premier traité de Paris.

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