Page images
PDF
EPUB

1814.

dire tous les princes de la chrétienté. La guerre étoit universelle, la réconciliation l'est pareillement.

« Le rang que la France a toujours occupé parmi les nations n'a été transféré à aucune autre, et lui demeure sans partage. Tout ce que les autres états acquièrent de sécurité accroît également la sienne, et par conséquent ajoute à sa puissance véritable. Ce qu'elle ne conserve pas de ses conquêtes, ne doit donc pas être regardé comme retranché de sa force réelle.

<< La gloire des armées françoises n'a reçu aucune atteinte; les monuments de leur valeur subsistent, et les chefs-d'oeuvre des arts nous appartiennent désormais par des droits plus stables et plus sacrés que ceux de la victoire.

« Les routes de commerce, si longtemps fermées, yont être libres. Le marché de la France ne sera plus seul ouvert aux productions de son sol et de son industrie; celles dont l'habitude lui a fait un besoin ou qui sont nécessaires aux arts qu'elle exerce, lui seront fournies par les possessions qu'elle recouvre: elle ne sera plus réduite à s'en priver, ou à ne les obtenir qu'à des conditions ruineuses. Nos manufactures vont refleurir, nos villes maritimes vont renaître; et tout nous promet qu'un long calme au dehors et une

félicité durable au dedans seront les heureux fruits de la paix.

« Un souvenir douloureux vient toutefois troubler notre joie. J'étois né, je me flattois de rester toute ma vie le plus fidéle sujet du meilleur des rois, et j'occupe aujourd'hui sa place; mais du moins, il n'est pas mort tout entier, il revit dans ce testament qu'il destinoit à l'instruction de l'auguste et malheureux enfant auquel je devois succéder: c'est les yeux fixés sur cet immortel ouvrage, c'est pénétré des sentiments qui le dictèrent, c'est guidé par l'expérience et secondé par les conseils de plusieurs d'entre vous, que j'ai rédigé la charte constitutionnelle dont vous allez entendre la lecture, et qui asseoit sur des bases solides la prospérité de l'état.

« Mon chancelier va vous faire connoître avec plus de détail mes intentions paternelles. »

Des acclamations réitérées et de nouveaux cris de vive le roi éclatèrent de toutes parts à la fin de ce discours.

M. le chancelier prit ensuite la parole, et dit :

« MM. les sénateurs, MM. les députés des départements,

« Vous venez d'entendre les paroles touchantes et les intentions paternelles de sa majesté ; c'est à ses ministres à vous faire

1814.

1814.

les communications importantes qui en sont la suite.

[ocr errors]

Quel magnifique et touchant spectacle que celui d'un roi qui, pour s'assúrer de nos respects, n'a besoin que de ses vertus; qui déploie l'appareil imposant de la royauté, pour apporter à son peuple, épuisé par vingt-cinq ans de malheurs, le bienfait si desiré d'une paix honorable, et celui non moins précieux d'une ordonnance de réformation, par laquelle il éteint tous les partis, comme il maintient tous les droits!

« Il s'est écoulé bien des années, depuis

que
la Providence appela notre monarque
au trône de ses pères. A l'époque de son
avénement, la France, égarée par de
fausses théories, divisée par l'esprit d'in-
trigue, aveuglée par de vaines espérances
de liberté, étoit devenue la proie de toutes
les factions, comme le théâtre de tous les
excès. Elle a successivement essayé de
tous les gouvernements, jusqu'à ce que
le poids des maux qui l'accabloient l'ait
enfin ramenée au gouvernement paternel
qui, pendant quatorze siècles, avoit fait
sa gloire et son bonheur.

« Le souffle de Dieu a renversé ce colosse formidable de puissance, qui pesoit sur l'Europe entière. Mais sous ses débris gigantesques, la France a retrouvé du

moins les fondements inébranlables de son antique monarchie.

« C'est sur cette base sacrée qu'il faut élever aujourd'hui un édifice durable, que le temps et la main des hommes ne puissent plus détruire. C'est le roi qui en devient plus que jamais la pierre fondamentale; c'est autour de lui que tous les Fran çois doivent se rallier. Et quel roi mérita jamais mieux leur obéissance et leur fidélité! Rappelé dans ses états par les vœux unanimes de ses peuples, il les a conquis sans armée, il les a soumis par amour. Il a réuni tous les esprits en gagnant tous les

cœurs.

« En pleine possession de ses droits héréditaires, il ne veut exercer l'autorité qu'il tient de Dieu et de ses pères, qu'en posant lui-même les bornes de son pou

voir.

« Il ne veut être que le chef suprême de la grande famille dont il est le père. C'est lui-même qui vient donner aux François une charte constitutionnelle, appropriée à leurs desirs comme à leurs besoins.

« Il faut à la France une autorité royale protectrice, sans qu'elle puisse devenir oppressive. Il faut au roi des sujets aimants et fideles, toujours libres et égaux devant la loi. L'autorité doit toujours avoir assez de force pour déjouer tous les par

1814

1814.

Charte

[ocr errors]

tis, comprimer toutes les factions, en imposer à tous les ennemis qui menaceroient son repos et son bonheur.

<< La nation peut en même temps desirer une garantie contre tous les genres d'abus dont elle vient d'éprouver les excès.

« La situation momentanée du royaume, après tant d'années d'orages, exige enfin quelques précautions, peut-être même quelques sacrifices, pour apaiser toutes les haines, prévenir toutes les réactions, consolider toutes les fortunes; amener, en un mot, tous les François à un oubli généreux du passé et à une réconciliation générale.

<< Tel est, messieurs, l'esprit vraiment paternel dans lequel a été rédigée cette grande charte que le roi m'ordonne de mettre sous vos yeux.

« Je ne doute pas qu'elle n'excite parmi vous un enthousiasme de reconnoissance, qui, du sein de la capitale, se propagera bientôt jusqu'aux extrémites du royaume. »

Après ce discours, M. Ferrand, ministre d'état, fut chargé de lire la charte et la déclaration du roi qui la précède. En voici le texte.

« Louis par la grace de Dieu, roi de donnée France et de Navarre,

par le roi.

« A tous ceux qui ces présentes verront, salut:

« PreviousContinue »