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En pressant sur son sein maternel l'unique rejeton de sa famille, la jeune femme ne trembloit plus pour ses jours, et disoit avec ravissement: celui-ci ne partira pas ; nous avons un bon roi ; la guerre est finie.

En jetant un coup d'œil de satisfaction sur ses livres de compte, sur ses magasins, sur son portefeuille, le négociant se réjouissoit du mouvement inespéré que la confiance avoit imprimé tout-à-coup à la circulation de l'argent, au crédit, à l'industrie nationale.

Avec la monarchie légitime, l'architecte retrouva son compas, le peintre sa palette, le musicien sa lyre, le poëte son imagination, l'homme de lettres sa conscience et son talent...

Quel mauvais génie vint donc nous ravir tout-à-coup ces biens précieux, et replongea la France dans un autre abyme de malheurs?

La charte étoit à peine proclamée, avonsnous dit, qu'elle devint la pierre d'achoppement de tous les partis, au lieu d'être l'arche d'alliance entre tous les intérêts..

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causes

tudes.

Le roi n'avoit pas cessé d'être un objet Premières de respect et d'amour pour la nation : mais entouré de deux espèces d'hommes d'inquié qui lui étoient recommandés, les uns par leurs malheurs, les autres par leurs services, et qui le pressoient avec la même ardeur, les uns de leur rendre tout ce qu'ils

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avoient perdu, les autres de leur conserver tout ce qu'ils avoient acquis, il ne pouvoit favoriser l'un des deux partis, sans blesser l'autre ; et souvent ses graces, qu'il croyoit n'accorder qu'à la justice, lui étoient arrachées par l'intrigue, excitoient du mécontentement des deux côtés, et commençoient à diminuer la confiance illimitée qu'on avoit prise d'abord dans son gouvernement, et que méritoient ses bonnes intentions.

et

Lorsqu'il rentra dans le royaume de ses ancêtres, Louis XVIII pouvoit reprendre leur couronne par droit de succession, ou la recevoir des mains de la nation. En suivant le premier de ces deux partis, il couroit les risques de s'aliéner le cœur de tous les hommes de la révolution; le second lui étoit interdit par les principes de la monarchie héréditaire. Il prit un moyen terme. En octroyant une charte à la nation, il ne lui disputa point ses droits, reprit les siens sans obstacle et sans réclamation. Tout étoit fini par cet accord tacite, qui sembloit couvrir d'un voile religieux les droits respectifs des rois et des peuples; et nous aurions joui de l'heureuse paix qu'il nous promettoit, si la fermeté du gouvernement eût répondu à la sage politique de son chef, et si on eût voulu imposer silence aux réclamations séditieuses que ne tardèrent pas à faire

entendre ces deux espèces d'hommes dont nous avons parlé plus haut. On n'en fit rien ; au lieu de les punir, on les ménagea. Et l'on verra bientôt de quel déluge de maux cette foiblesse fut suivie.

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de

Tandis que les factions renaissantes Congrès creusoient ce nouvel abyme sous nos Vienne. pieds, les souverains alliés s'étoient rendus à Vienne, et réunis en congrès, dans l'intention de consolider la paix générale dont ils avoient posé les bases à Paris.

Ce fut un grand et beau spectacle pour le monde entier, que cette réunion de grands monarques; ce sénat de rois qui, animé d'un seul esprit, allant au même but, instruit par l'expérience, voulant prévenir le retour des désordres qu'avoit causés la révolution, ne parut occupé que des intérêts de l'humanité. Je ne sais si, dans aucuns temps, les rois ont manifesté plus de bienveillance pour les peuples, plus de sagesse dans leurs vues, plus de concert dans leurs opérations; mais certes ils n'ont jamais proclamé de plus nobles résolutions.

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Que le repos et le contentement renaissent enfin sur la terre, avoient-ils dit en quittant la France. Que chaque peuple retrouve le bonheur dans ses lois, et sous son gouvernement; que la religion, les arts, les sciences et les lettres refleurissent de nouveau pour le bonheur de la

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société et le bien-être de chaque individu (1). "

La promptitude et la facilité avec lesquelles tous les intérêts de la France avoient été réglés leur parurent d'un bon augure pour le réglement des mêmes intérêts dans les autres états de l'Europe. Si le succès ne répondit pas à leurs intentions, ce fut moins la faute de leur zéle, que celle des circonstances inouies qui survinrent au milieu de leurs opérations et qui paralysèrent leur bonne volonté. Leurs premières délibérations eurent pour objet,

1° De mettre désormais l'Allemagne à l'abri des invasions étrangères, soit par l'établissement d'une armée nationale et permanente, soit par la construction de places fortes sur les frontières;

2o De tenir en réserve les territoires vacants, comme un fonds commun dans lequel on puiseroit les indemnités dont on avoit besoin dans l'aménagement général ;

3o De stipuler, en temps utile, l'établissement de constitutions dans lesquelles les peuples et les souverains trouveroient une garantie réciproque pour un meilleur avenir;

4° De rétablir autant que possible chacun dans ses possessions, en n'exigeant que les sacrifices commandés par le bien

(1) Proclamation de l'empereur de Russie.

général, et en prenant pour base de ces restitutions LA LÉGITIMITÉ, considérée comme le principe réparateur de l'ordre si long-temps violé en Europe, et conservateur de celui que le congrès vouloit établir.

Tout porte à croire que, sans le funeste événement qui rompit soudain cette auguste assemblée, aucune des espérances qu' 'elle avoit laissé entrevoir n'eût été frustrée.

Ce qu'elle fit et arrêta dans le court espace de sa réunion est contenu dans l'acte que nous allons transcrire.

ACTE FINAL DU CONGRÈS DE VIENNE.

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du

« Au nom de la très sainte et indivisible Acte final Trinité, « Les puissances qui ont signé le traité congrès. conclu à Paris le 30 mai 1814, s'étant réunies à Vienne pour compléter les dispositions dudit traité, et pour y ajouter les arrangements nécessaires à la pacification générale, etc., ont autorisé leurs plénipotentiaires à conclure et à munir de leur signature commune les articles suivants :

Art. Ier « Le duché de Varsovie est réuni à l'empire de Russie, pour être possédé par sa majesté l'empereur de Russie, ses héritiers et successeurs à perpétuité. Sa majesté impériale prendra, avec ses autres titres, celui de czar, roi de Pologne.

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