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On apprend ces nouvelles à Paris.

Cette proclamation, qu'on a beaucoup vantée dans le temps, n'étoit qu'un vieux thème de jacobin et un appel à la révolte; il n'y avoit pas un de ses soldats qui n'en pût faire une semblable.

Le roi'apprit que le 5 mars, par une dépêche télégraphique, le débarquement de son ennemi, et convoqua aussitôt le conseil d'état. L'affaire y fut considérée sous deux points de vue différents. La démarche de Buonaparte fut regardée par les uns comme l'acte d'un insensé, que la violence de son caractère précipitoit dans un péril évident; par les autres, comme le résultat d'un vaste complot, dont le foyer devoit être à Paris. Dans les deux il fut arrêté qu'on prendroit toutes les mesures que suggéroit la prudence et qu'auroit prescrites le plus éminent danger. Des courriers partirent aussitôt, avec l'ordre de rassembler des troupes à Lyon. Monsieur, accompagné du maréchal Macdonald, partit pour cette ville; et le lendemain le duc d'Orléans prit la même

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route.

Les maréchaux de France et les lieutenants-généraux partirent en même temps pour le lieu de leurs commandements respectifs. Le maréchal Ney, qui commandoit à Besançon, et dont les opérations pouvoient seconder efficacement celles de Monsieur à Lyon, dit, en prenant congé

du roi: Sire, je jure de le ramener à vos pieds dans une cage de fer!

En ordonnant aux préfets et aux commandants de place de poursuivre vivement les rebelles, le roi leur recommanda en même temps de pardonner, sans condition, à tous ceux qui mettroient bas les armes. Voici le texte de l'ordonnance.

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LOUIS, par la grace de Dieu , etc...

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prend

Napoléon Buonaparte est déclaré traî- Mesures tre et rebelle, pour s'être introduit à main que le roi armée dans le département du Var. Il est contre les enjoint à tous les gouverneurs, comman- rebelles. dants de la force armée, gardes nationales, autorités civiles, et même aux simples citoyens, de lui courir sus, de l'arrêter, et de le traduire incontinent devant un conseil de guerre, qui, après avoir reconnu l'identité, provoquera contre lui l'application des peines prononcées par la loi.

« Seront punis des mêmes peines, et comme coupables des mêmes crimes, les militaires et les employés de tout grade qui auroient accompagné ou suivi ledit Buonaparte dans son invasion du territoire françois, à moins que dans le délai de huit jours, à compter de la publication de la présente ordonnance, ils ne viennent faire leur soumission entre les mains de nos gouverneurs, commandants de divi

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Convocation des

bres.

sions militaires, généraux, ou administrations civiles.

<< Seront pareillement poursuivis et punis comme fauteurs et complices de rebellion et d'attentats tendants à changer la forme du gouvernement et à provoquer la guerre civile, tous administrateurs civils et militaires, chefs et employés dans lesdites administrations qui prêteroient directement ou indirectement aide et assistance aux rebelles.

« Seront punis des mêmes peines ceux qui, par des discours tenus dans les lieux ou réunions publics, par des placards affichés, ou par des écrits imprimés, auroient pris part ou engagé les citoyens à prendre part à la révolte, ou à s'abstenir de la repousser.

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Signé Louis.

« Au château des Tuileries, 6 mars 1815. »

Le même jour, S. M. convoqua les deux chambres, par une ordonnance que nous allons transcrire :

« LOUIS, par la grace de Dieu, etc.

« Nous avions, le 31 décembre dernier, cham- ajourné les chambres, pour reprendre leurs séances au 1er mai. Mais pendant ce temps-là nous nous attachions à préparer les objets dont elles devoient s'occuper. La marche du congrès de Vienne nous

permettoit de croire à l'établissement général d'une paix solide et durable, et nous nous livrions sans relâche à tous les travaux qui pouvoient assurer la tranquillité et le bonheur du peuple.

« Cette tranquillité est troublée ce bonheur peut être compromis par la malveillance et la trahison. La promptitude et la sagesse des mesures que nous prenons en arrêtera les progrès. Plein de confiance dans le zèle et le dévouement dont les chambres nous ont donné des preuves, nous nous empressons de les rappeler auprès de nous. Si les ennemis de la patrie ont fondé leur espoir sur les divisions qu'ils ont toujours cherché à fomenter, ses soutiens, ses défenseurs légaux renverseront ce criminel espoir, par l'inattaquable force d'une union indestructible. A ces causes, nous avons ordonné ce qui suit:

Art. Ier « La chambre des pairs et celle des députés sont convoquées extraordinairement au lieu ordinaire de leurs séances.

II. « Les pairs et les députés absents de Paris s'y rendront aussitôt qu'ils auront connoissance de la présente proclamation. >>

En s'unissant aussi promptement aux délégués de la nation, dans une conjoncture aussi délicate, le roi donnoit un

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gage indubitable de ses intentions loyales et paternelles. C'étoit un père qui appeloit ses enfants à la défense commune : c'étoit un roi qui ne séparoit point sa cause de celle de ses sujets.

L'éminence du danger l'autorisoit à exercer une dictature momentanée. Il renonça volontairement à cette faculté; il convoqua le corps législatif. Il ne voulut rien faire sans lui: et voilà le prince que les factieux de ce temps-là osèrent accuser de tendre au pouvoir absolu!

Cependant Buonaparte s'approchoit de Lyon, et ne s'en approchoit pas sans crainte; il savoit que cette ville, la seconde du royaume, puissante par sa population, imposante par l'énergie qu'elle avoit montrée dans la révolution, protégée par la présence de Monsieur, et d'un grand capitaine fidéle à l'honneur et à son prince, pouvoit lui ouvrir ou lui fermer les portes de la capitale, selon qu'elle lui ouvriroit ou qu'elle lui fermeroit les siennes. Mais il savoit aussi que les ouvriers dont cette ville est remplie appartiennent à ceux qui les payent, que tout dépendoit d'un premier succès, et qu'il devoit tout risquer pour l'obtenir.

Le 9, le maréchal Macdonald visita les travaux de défense, fit barricader le pont Morand, et communiqua une partie de son zéle à la garde nationale.

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